Régulation de l’activité antirétrovirale de TRIM5a humain

Cycle viral du VIH-l

Les rétrovirus se répliquent selon le même cycle viral dans l’ensemble, malgré certaines différences. Nous allons décrire le cycle viral du VIH-l (Figure 1.3). Lors de l’infection, les protéines gp120 de l’enveloppe du virus se lient avec une affinité élevée aux récepteurs CD4 des cellules humaines, présents chez les monocytes, les lymphocytes T et les cellules dendritiques [24, 25]. L’association gp120-CD4 induit un changement de conformation de la gp120, permettant ainsi le recrutement de corécepteur cellulaire. Les corécepteurs principaux impliqués dans l’entrée du VIH-l sont CCR5 et CXCR4 [26-30], et définissent le tropisme viral. Le recrutement du corécepteur cellulaire entraîne d’autres changements conformationnels importants de la gp41 qui permettent l’exposition du peptide de fusion ce qui mène à la fusion des membranes virales et cellulaires, permettant ainsi le relargage du noyau viral dans le cytoplasme. Une fois dans le cytoplasme le virus procède à une décapsidation suivie d’une rétro-transcription par la RT, en utilisant les desoxyribonucleotides (dNTPs) présents dans la cellule. Par la suite, le complexe de préintégration s’établit, protégeant ainsi l’ADN viral de la dégradation par des facteurs cellulaires comme APOBEC3G et facilitant son intégration dans le génome de la cellule hôte [31].

La RT n’ayant pas d’activité correctrice, elle est peu fidèle et les erreurs de copie sont à l’origine de la variabilité génétique du VIH [32]. L’ADN viral intégré tire profit de la machinerie de transcription et de synthèse protéique de la cellule infectée afin de débuter la deuxième phase du cycle viral qui consiste à produire de nouveaux virions. La transcription de l’ADN proviral en ARN se fait grâce au LTR 5′ jouant le rôle de promoteur et du signal de polyadénylation provenant du LTR 3′. Les ARNs messager (ARNm) codant pour les précurseurs des polyprotéines Gag et de Gag-pol, pour les glycoprotéines de l’enveloppe (gp120 et gp41) ainsi que les protéines accessoires et régulatrices, sont alors épissés ou non, puis exportés vers le cytoplasme où ils seront traduits en protéines structurales ou enzymatiques. Ces nouvelles protéines virales seront assemblées à deux brins d’ARN viral non épissé près de la membrane plasmique pour ainsi former de nouveaux virions et procéder au bourgeonnement. Finalement les virions subissent une étape de maturation grâce à la PR exprimée à partir du précurseur Gag-pol. Cette enzyme permet le clivage des deux précurseurs en leurs différentes protéines distinctes, ce qui mène à une maturation complète des virions. Cette dernière étape est cruciale, car seuls les virions matures ont la capacité d’ infecter de nouvelles cellules [33].

Groupes de VIH-l

Le Vlli-l comprend quatre groupes distincts : M (majeur), 0 (outlier), N (nouveau ou non-M, non-O), et P (putatif), chacun résultant d’un événement de transmission interespèces indépendant. Ils sont entre autres distingués par leur lieu d’origine et par l’action de leur protéine régulatrice Vpu. La plupart des infections à Vlli-l dans le monde sont causées par des virus du groupe M. Le groupe M provient du ViruS de l’immunodéficience des chimpanzés (VIScpz) [11]. Premier groupe découvert, en 1983, sa transmission à l’humain daterait du début du XXe siècle. C’est à Kinshasa en République démocratique du Congo où presque toutes les différentes sous-famille du Vlli-l ont été générées à partir de cet unique évènement de transmission chimpanzé-humain [11]. Plus de 70 millions de personnes sont infectées par le VIH -1 groupe M; pour plus de 30 millions de personnes, cette maladie a déjà conduit à une issue fatale. Le groupe 0 a été découvert en 1990 et est beaucoup moins répandu que le groupe M [35,36]. Les analyses phylogénétiques tendent à démontrer que le groupe 0 tiendrait sa source d’un VIS retrouvé chez les gorilles (VISgor), lui-même étant une adaptation du VIScpz. Le groupe 0 est endémique au Cameroun et dans les pays voisins de l’ouest de l’Afrique centrale. Cependant, même dans ces pays, le virus représente une minorité des souches de Vlli-1 avec une prévalence de moins de 10 % des infections à Vlli-l au Cameroun [37], et moins de 1 % des infections mondiales par le Vlli-1 [38, 39].

Le groupe N a été identifié en 1998 [40] et est encore moins répandu que le groupe 0; à ce jour, seuls 13 cas d’infection du groupe N ont été documentés tous chez des individus du Cameroun [41]. Il s’agirait d’un variant ayant émergé dans une région du centre sud du Cameroun. Enfin, le groupe P a été découvert en 2009 chez une Camerounaise [42]. Malgré un dépistage approfondi, le groupe P n’a jusqu’à présent été identifié que chez une autre personne, également du Cameroun qui est indépendante de la première [43]. Contrairement aux virus des groupes M, N et 0 qui sont proches du VIS infectant le chimpanzé (VIScpz), ce groupe est proche du VIS infectant le gorille (VISgor) [42]. Parmi les facteurs qui pourraient expliquer la prévalence du groupe M par rapport aux autres groupes, on peut noter la présence d’une protéine Vpu efficace tant dans son action anti-CD4 qu’anti-tétherine [11]. Le groupe 0 produit une protéine Vpu avec seulement l’action anti-CD4, mais bloque très peu la tétherine. Enfin pour le groupe Nia protéine Vpu n’a qu’une très faible action [11]

Traitement antirétroviral

Les progrès des stratégies thérapeutiques antirétrovirales ont considérablement amélioré la survie et réduit la mortalité associée à l’infection. Actuellement, plus de 25 médicaments ont été développés pour cibler divers aspects du cycle de vie du Vlli-l , et surtout, ces médicaments sont utilisés en combinaison pour limiter le développement potentiel de la résistance aux médicaments [15]. Toutefois, à ce jour, aucun des traitements disponibles ne permet d’éradiquer l’infection. Les traitements antirétroviraux hautement actifs (HAART) ont pour objectifs de réduire la charge virale, de limiter la production de nouvelles particules virales et l’ infection de nouvelles cellules ainsi que de restaurer l’immunité des individus infectés [54]. Chaque classe de médicament antirétroviral est dirigée contre une étape du cycle viral. Ils incluent des inhibiteurs d’attachement et d’ entrée, de la réverse-transcription, des inhibiteurs de protéase et des inhibiteurs d’intégrase [15]. À l’heure actuelle, la norme pour toute personne sous HAART est l’utilisation de médicaments avec au moins deux mécanismes d’action différents (par exemple, deux inhibiteurs de réverse-transcription et un inhibiteur de protéase) [15]. En effet, au cours du temps, le vrn peut subir des mutations qui le rendent résistant aux médicaments. En ciblant plusieurs étapes du cycle viral en même temps, l’émergence de la résistance peut être ralentie ou empêchée.

On considère que le traitement est efficace lorsque la charge virale plasmatique est sous le niveau de détection, soit moins de 50 copies d’ADN viral par millilitre [51]. Par contre, l’ arrêt du traitement mène à un rebond de la virémie, généralement dans les 2 à 3 semaines suivant l’interruption du traitement [55]. Cette virémie résiduelle est présente chez tous les patients infectés par le Vlli-l , peu importe depuis combien d’années ils sont sous traitement [51]. Elle est due à l’ existence de réservoirs cellulaires où le Vlli-l échappe aux antirétroviraux, sans pour autant acquérir des mutations de résistance à ces drogues, et tout en gardant leur potentiel réplicatif menant à ce rebond viral [56]. Ce sont majoritairement les cellules T CD4+ qui sont infectées de façon latente [5 1].

Réponse immunitaire innée de l’hôte

La réponse antivirale innée intracellulaire dans les cellules humaines est une composante essentielle de l’immunité contre l’infection virale. Les éléments de l’immunité innée comprennent les barrières anatomiques (mécaniques: surfaces épithéliales, et chimiques: lysozyme et phospholipase de la salive, des larmes et des sécrétions nasales) [57], les molécules sécrétées (telles que l’interféron et l’interleukine) [58] et des composantes cellulaires (macrophages, cellules NK, neutrophiles et éosinophiles) [59]. Elle est conçue pour reconnaître des structures fortement conservées présentes dans de nombreux micro-organismes appelées pathogen-associated mo/ecu/ar patterns (P AMP) dont le LPS (Iipopolysaccharide) de la paroi cellulaire des bactéries gram négatif, les peptidoglycanes, les acides lipotéchoïques de la paroi cellulaire des bactéries gram positif, le mannose, l’ADN bactérien, les ARN et ADN viraux, et les glycanes de la paroi des cellules fongiques [60]. La plupart des cellules immunitaires possèdent des pattern-recognition receptor (PRR) qui reconnaissent ces PAMP et induisent une réponse immune immédiate contre les micro-organismes. La distribution des PRR varie: par exemple, les récepteurs de type TLR sont distribués dans divers types de cellules et sont exprimés à la surface cellulaire ou dans les endosomes [61, 62].

D’autre part, les récepteurs de type RIG-I (RLR) sont des PRR cytosoliques largement exprimés dans la plupart des types de cellules [63,64]. Une caractéristique commune de la signalisation PRR est l’induction de la production de l’IFN de type l (a et B). La réponse immunitaire est induite lorsque les PRR de la cellule hôte détectent les P AMP. Ce processus induit une signalisation en aval via des protéines adaptatrices pour activer des facteurs de transcription latents qui conduisent à l’expression de gènes codant pour des protéines effectrices antivirales et immunomodulatrices qui restreignent la réplication du virus et régulent l’immunité adaptative. Les facteurs de régulation de l’interféron (IRF) sont des facteurs de transcription qui jouent un rôle majeur dans l’immunité innée. En particulier, IRF3 est activé en réponse à une infection par certains virus comprenant des virus à ARN, des virus à ADN et des rétrovirus tels que le Vlli-1 (Figure lA) [65]. Une fois activé, IRF3 transloque au noyau et active la transcription du gène IFN-I [64]. L’IFN-I produit se lie à son récepteur pour signaler l’induction de centaines de gènes stimulés par l’interféron (ISO) dans le tissu local non infecté et les cellules infectées, créant ainsi un état antiviral qui supprime l’infection virale et favorise l’induction de l’immunité adaptative (Figure lA) [66, 67]. Cet état antiviral est caractérisé par l’action des ISO entre autres les facteurs de restrictions qui peuvent interagir directement avec les virus. En même temps, les ISO exprimés peuvent conférer une maturation des cellules dendritiques pour accélérer la présentation de l’antigène aux cellules immunitaires adaptatives [68] , y compris les cellules T CD8 + et CD4 + [69, 70].

Table des matières

REMERCIEMENTS
RÉSUMÉ
LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX
LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES
CHAPITRE 1 INTRODUCTION
1.1 Historique
1.1 .1 Découverte du SIDA
1.1.2 Identification de l’agent causal
1.2 Rétrovirus
1.2.1 Structure
1.2.2 Génome
1.2.3 Cycl e viral du VIH-l
1.2.4 Groupes de VIH-1
l.2.5 Voies de transmission du VIH
l.2.6 Progression de l’ infection du VIH-l au SIDA
1.2.7 Traitement antirétroviral
l.3 Réponse immunitaire innée de l’hôte
1.3.1 Facteurs de restriction
CHAPITRE II FONCTIONS CELLULAIRES ET ANTIVIRALES DE TRIM5A
Résumé
Abstract
La famille des TRIM
TRIM5a et la restriction des rétrovirus
Restriction du VIH-1 et du VIH-2 par huTRIM5a
Activité pro-inflammato ire de TRIM5a
Promotion de l ‘état antiviral
Régulation de l’activité antirétrovirale de TRIM5a humain
TRIM5a et les flavivirus
TRIM5a et l’autophagie
Applications thérapeutiques potentielles
Conclusion
Références
CHAPITRE III CONTEXTE ET PROBLÉMATIQUE
CHAPITRE IV MATÉRIELS ET MÉTHODES
4.1 Culture cellulaire
4.2 Plasmides
4.3 Construction des plasmides et production des virus
4.4 Approches pour inhiber l’autophagie
4.5 Génération des cellules double knockout
4.6 Cytométrie en flux
4.7 Western blotting
4.8 Microscopie par immunofluorescence
4.9 QRT-PCR
CHAPITRE V RÉSULTATS
5.1 Knockout des protéines de l’autophagie (Atg5 et p62) et TRIM5a par CRISPR dans les monocytes humains
5.2 Effet sur la fonction de l’autophagie
5.3 La suppression des protéines de l’autophagie Atg5 et p62 n’affecte pas la restriction du VIH-l induite par TRIM5a
5.4 La suppression de la protéine Atg5 inhibe l’activation de la voie de l’ immunité innée NFKB induite par TRIM5a
5.5 Le double knockout de TRIM5a et Atg5 réduit significativement l’activation de AP-I
5.6 Le double knockout de TRIM5a et Atg5 réduit la transcription de l’IFN-B
CHAPITRE VI DISCUSSION ET CONCLUSION
6.1 Perspectives
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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