Représentation des transformations

Le territoire ne reste pas inchangé au fil du temps. Le patrimoine historique est dominé par des infinités de transformations. Les édifices ont des cycles de vie plus ou moins complexes et riches d’interdépendances : chaque édifice peut en effet s’amplifier, être démoli, reconstruit ou divisé et, plus rarement mais de même possible, sa position spatiale peut changer. Donc décrire le cycle de vie d’un bâtiment implique souvent la prise en compte des états et des transitions qui marquent les changements spatiaux le long d’un arc temporel. Si l’édifice est constitué d’éléments morphologiques qui peuvent varier, disparaître ou encore être modifiés, alors la maquette tridimensionnelle pourrait permettre d’afficher, décrire et sauvegarder les transformations. Toutefois, la maquette tridimensionnelle n’est pas actuellement adaptée à gérer les évolutions spatio-temporelles : en effet elle n’est pas encore considérée comme un outil de représentation dynamique. De ce fait, utiliser un modèle conceptuel qui décompose le système analysé en sous-systèmes selon les critères fonctionnels ou physiques (Ducounau et al. 1998), n’est pas suffisant. La complexité de l’édifice demande des systèmes de gestion des données plus judicieux, capables de gérer une description exhaustive du patrimoine architectural. Le modèle conceptuel devrait prendre en compte d’une part les transformations et les interdépendances complexes entre événements et phénomènes, d’autre part les divers niveaux de représentation. Par conséquent, une exigence de base est d’intégrer la modélisation temporelle et spatiale. Cette problématique est à la base d’un axe de recherche du réseau thématique pluridisciplinaire MoDys6 (GdR Modélisation des Dynamiques spatiales) dont la vocation est de favoriser la diffusion et le partage de concepts, des modéles et des outils de l’analyse spatiale.Ce chapitre présente la thématique de la représentation des transformations de la façon suivante. D’abord, dans le paragraphe 3.1, nous expliquons la problématique de la représentation des informations historiques à la fois d’un point de vue technique et d’un point de vue cognitif. Ces aspects nous permettent de fixer la finalité d’une modélisation spatio-temporelle d’édifices patrimoniaux. Ensuite, dans le paragraphe 3.2, nous faisons un état de l’art de modèles de données spatio-temporelles. Les modèles de conception exposés seront discutés afin de comprendre lesquels sont les mieux adaptés à représenter les transformations du patrimoine historique.Aujourd’hui la représentation des états historiques en patrimoine architectural est une question encore ouverte. En effet deux aspects contribuent à rendre cette tâche compliquée : d’une part l’homme a tendance à percevoir un seul état à la fois, et il a donc des difficultés à se figurer les évolutions d’un lieu, d’autre part les transformations du patrimoine bâti sont très variées. Ces aspects sont détaillés dans les paragraphes suivants.

La perception d’un seul état

L’homme est immergé dans un environnement changeant en permanence. Malgré qu’il soit capable de s’adapter à la dynamique de l’environnement et de construire des structures temporelles (Michon 1993), il a besoin de fixer des repères dans l’environnement. Il a donc des difficultés à figurer les évolutions d’un lieu. Dans les années 60, l’urbaniste Kevin Lynch mène une étude durant cinq ans sur la perception et l’organisation de l’information spatiale des citoyens lorsqu’ils se déplacent dans la ville (Lynch 1960). Le résultat a indiqué que les citoyens connaissaient leur environnement de manière cohérente et prévisible, formant des cartes mentales avec cinq éléments: les parcours, les limites physiques, les quartiers, les nœuds et les repères. L’homme a donc tendance à créer des modèles mentaux basés sur des repères statiques. Quand une évolution dénature un lieu, le modèle mental est modifié selon les nouveaux repères. Si les évolutions d’un lieu se succèdent dans un arc temporel ni trop court, ni trop long, l’homme peut distinguer les événements comme présent et passé, et peut s’apercevoir de leur durée.