SIMULATION SPATIALISEE DES BILANS DE C SUR GRANDES CULTURES

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L’agriculture d’aujourd’hui

Depuis la naissance de l’agriculture, soit environ 10 000 ans avant notre ère (Kislev et al., 2004; Pringle, 1998), nos modes de productions, méthodes de sélection des semences et capacités de production ainsi que les paysages agricoles ont profondément changé. Aujourd’hui ce n’est pas moins de 7.6 milliards de personnes qu’il faut nourrir à travers le monde (FAO-2018). La production de céréales atteignait 2963 M de tonnes en 2018, cultivées sur une surface de près de 728 M d’hectares. Pour assurer de telles productions, l’agriculture se pratique aujourd’hui sur de grandes parcelles, avec souvent des rotations ou des successions de cultures. Lorsqu’une même espèce est cultivée sur une parcelle, le terme monoculture est employé tandis qu’on parle de polyculture lorsque plusieurs espèces y sont cultivées. En polyculture, les rotations sont mises en place à l’échelle de l’année culturale (une culture différente par année) ou plusieurs fois dans l’année (rotation biennale, triennale, etc.). Enfin, si un même type de rotation est répété (e.g. maïs, blé, maïs, blé, etc.) on parle de rotation culturale, alors qu’il s’agit de succession culturale s’il n’existe pas de répétition du schéma d’enchainement des cultures.
Par le passé la pratique de la jachère était largement répandue. La jachère est une terre non cultivée temporairement pour permettre la reconstitution de la fertilité du sol1. Au 20ème siècle, les besoins alimentaires croissants ont menés à la quasi disparition de la jachère et ont favorisé le recours aux intrants (engrais, pesticides), avec une accélération de leur utilisation entre 1960 et 1990 au cours de la révolution verte2. Après cette période, les aspects négatifs de l’agriculture « conventionnelle ou intensive » (i.e. exploitations très mécanisées avec emploi d’intrants et de variétés à haut rendement) se sont fait ressentir. L’utilisation massive des intrants a ainsi engendré une pollution des sols, de l’air et de l’eau, une destruction de la biodiversité et des risques sanitaires sur la santé. Ces problématiques, ainsi que l’augmentation croissante des besoins alimentaires, forcent le monde agricole à évoluer.
Le challenge auquel fait face le secteur agricole aujourd’hui est double : réussir à nourrir une population toujours plus grande tout en limitant son impact environnemental. En effet, même si des divergences existent entre démographes, certains estimant que la population mondial cessera d’augmenter avant la fin du siècle (Lutz et al., 2001), tandis que d’autres considèrent qu’elle continuera de croître après 2100 (Gerland et al., 2014), tous s’accordent pour affirmer que nous serons plus nombreux demain qu’aujourd’hui. Par exemple, les dernières projections des Nations Unies sur le sujet3 indiquent que la population mondiale a 80% de chance de se trouver entre 9.889 et 11.998 Md d’ici à 2100. Dans le même temps, la conversion des sols (notamment des forêts) en surfaces agricoles a drastiquement diminué leur stock de matière organique. Lal, (2004) estime que la conversion d’écosystèmes naturels à agricoles engendre une diminution du carbone organique des sols de 60 à 75 % (respectivement pour des régions tempérées et tropicales). La plupart de ce carbone se retrouvant dans l’atmosphère, la conversion de terres à des fins de production agricoles contribue à l’augmentation des concentrations de CO2 atmosphérique. L’agriculture telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui n’est donc pas soutenable. Outre la diminution des impacts environnementaux liés à l’agriculture conventionnelle qui sont aujourd’hui bien connus (Gray and Trigiano, 2011; Skinner et al., 1997; van der Werf and Petit, 2002), il est nécessaire de mettre en place de nouvelles pratiques, plus durables et avec un impact climatique limité. L’ensemble des pratiques répondants à ces critères sont des pratiques dites agroécologiques. Elles visent à maintenir les équilibres des écosystèmes, et incluent donc des diminutions d’intrants, la mise en place du non-labour, le semis direct, l’agroforesterie ou encore les cultures intermédiaires.
Ces dernières années, les recherches se sont intensifiées autour des leviers agroécologiques permettant d’enrichir les sols en matière organique (et par conséquent diminuer l’effet de serre associé au CO2). Parmi elles, l’initiative 4 pour 1000 (https://www.4p1000.org/fr, Chabbi et al., 2017; Minasny et al., 2017), lancée lors de la COP21 vise à augmenter les stocks de C des sols de 4‰ par an (soit 0,4% par an) afin de compenser l’augmentation des émissions mondiales de GES et d’assurer une sécurité alimentaire. Cette initiative a fait naître un large débat au sein de la communauté scientifique concernant sa faisabilité (Baveye et al., 2018a; Poulton et al., 2018a). Il en résulte que le plus gros potentiel d’augmentation de la matière organique des sols concerne les sols agricoles (Amelung et al., 2020; Chabbi et al., 2017a; Lal, 2016a), et qu’en France, la pratique la plus efficace est l’extension des cultures intermédiaires (Pellerin et al., 2019).

Les cultures intermédiaires

Une culture (ou couvert) intermédiaire (CI) est « une culture implantée entre la récolte d’une culture principale et le semis de la culture suivante pendant une période plus ou moins longue appelée interculture. Les cultures intermédiaires sont destinées à être restituées au sol. Elles n’ont pas vocation à être exportées de la parcelle. Elles sont implantées dans le but d’éviter de laisser le sol sans couverture végétale pendant l’interculture afin de rendre de multiples services4 ». Les CI sont introduites sur les périodes d’intercultures qui peuvent varier de quelques jours à presque un an. Les CI se distinguent donc des cultures principales, car elles ne sont pas exportées de la parcelle mais sont enfouies ou laissées au sol.
Historiquement les CI ont commencé à être utilisées dans les années 70-80 (Justes and Richard, 2017) comme engrais vert, puisqu’elles apportent de la matière organique fraîche riche en azote au sol (particulièrement quand elles sont composées de légumineuses). Les CI sont aussi utilisées pour leur capacité à améliorer la structuration du sol (aération grâce aux racines et protection des hydrométéores), à lutter contre l’érosion par les hydrométéores, à limiter les pertes du sol en nitrates (on parle alors de CIPAN, pour Culture Intermédiaire Piège A Nitrates), etc. Dans les années 90, l’Europe a d’ailleurs mis en place la « Directive Nitrate5 » qui vise à réduire la lixiviation (entraînement de nutriments dissous dans l’eau du sol) des nutriments azotés et la pollution des nappes et des cours d’eau. Parmi les mesures mises en place pour réduire cette lixiviation, on trouve donc les CIPAN. Celles-ci, grâce à leur système racinaire, vont absorber les nitrates contenus dans les sols des parcelles agricoles, et les conserver dans leur biomasse. Après leur destruction (avant le semis de la culture suivante), l’azote sera progressivement minéralisé et absorbé par la culture qui suit. Plus récemment, les services (et disservices) écosystémiques des CI ont été évalués (Justes et al., 2012) et leur utilisation s’est élargie pour répondre à plusieurs enjeux agro-environnementaux. On parle dans ce cas de Cultures Intermédiaires Multi-Services (CIMS). En plus de protéger le sol, de l’enrichir en matière organique et d’apporter de l’azote, elles peuvent également être utilisées pour lutter contre certains ravageurs, améliorer les propriétés chimiques et physiques du sol ou encore pour augmenter la biodiversité (liste exhaustive des fonctions potentielles des CI disponible dans Justes et al., (2012)). Toutefois, l’utilisation de CI peut entraîner des disservices comme la consommation de l’eau contenue dans le sol qui pourrait manquer à la culture suivante (si la CI est détruite trop tardivement par exemple), l’utilisation de surfaces agricoles dédiées à la production alimentaire pour la production des semences de CI (Runck et al., 2020), le surplus de travail et de coût pour les agriculteurs, les risques phytosanitaires lorsque les CI sont détruites avec des désherbants, etc. Notons enfin que les CI peuvent être exploitées (récoltées) pour de la valorisation énergétique (CIVE servant par exemple à la production d’énergie par méthanisation) ou pour nourrir du bétail (on parle alors de méteil). Les CIVES se distinguent donc des autres CI puisque ce type de cultures est exporté de la parcelle. Les CIVEs ne sont donc pas considérées comme des CI puisque ces dernières sont restituées au sol au moment de leur destruction.
En complément de leurs nombreux intérêts agronomiques, les CI peuvent aussi avoir un effet bénéfique d’un point de vue de l’atténuation des changements climatiques. En effet, ils peuvent contribuer à cette atténuation via le stockage de C dans les sols et la réduction des émissions de GES, mais aussi via des effets albédo et la répartition de l’énergie en surface (effets détaillés dans les sections 2.1 et 2.2). Une étude à laquelle j’ai contribué via une méta-analyse de l’effet stockage de carbone des CIMS (Pellerin et al., 2019) s’est intéressée au potentiel de stockage de carbone dans les sols agricoles français. Cette étude a été réalisée dans le cadre de l’initiative 4 pour 1000 et a montré que « l’essentiel du potentiel de stockage additionnel se situe en sols de grandes cultures, où le stockage additionnel pourrait dépasser la cible des 4 pour 1000 ». Ceci s’explique notamment par la diminution drastique des stocks de C des sols agricoles depuis la révolution verte. Ainsi l’introduction de CI, par rapport à une situation de référence considérant les intercultures en sol nu, permettrait de stocker en moyenne 313 ± 313 kg C.ha-1.an-1.
Cette étude a aussi évalué le stockage additionnel qu’offrirait une extension de la pratique des CIMS (au-delà de l’obligation d’implanter des CIPANs) grâce à une expertise réalisée à l’échelle du territoire français. Elle a montré que, d’après les statistiques AGRESTE 2011, 20% des parcelles en grandes cultures sont dépourvues de végétation pendant l’hiver (la plupart étant cultivées et certaines étant concernées par des CIPANs, des repousses de la culture précédente ou des cultures dérobées). Ce scénario « insertion et allongement des CI » permettrait en moyenne un stockage additionnel de +126 ± 93 kgC.ha-1.an-1 soit 2.3‰ par an. Cette étude a aussi révélé que l’extension des CI était la pratique au plus fort pouvoir stockant avec 35% du potentiel total.
Outre leur potentiel de stockage de carbone, les CI possèdent également un fort pouvoir réfléchissant. En effet, les végétaux réfléchissants généralement plus d’énergie lumineuse que le sol (Carrer et al., 2014), la présence d’une CI à la place d’un sol nu permet de renvoyer plus d’énergie vers l’espace et donc de réduire la température de surface.
Ce sont ces 2 effets des CI, qui contribuent à ce que l’on appellera effets biogéochimiques et effets biogéophysiques, que j’ai étudié au cours de ces travaux de thèse.
✓ Ce qu’il faut retenir
Depuis son apparition, l’agriculture a connu d’importantes métamorphoses afin de s’adapter à nos modes de vie et surtout à la croissance démographique.
Le monde agricole doit aujourd’hui s’adapter pour réussir à nourrir encore plus d’êtres humains tout en limitant son impact sur l’environnement et en étant plus résiliant face aux évolutions du climat avec des solutions économiquement viables.
Une culture intermédiaire est une pratique agricole initialement imposée aux agriculteurs pour limiter le problème de pollution des nappes et cours d’eau par les nitrates. Cette pratique se développe car elle offre un grand nombre de services écosystémiques.
Mes travaux de thèse se sont intéressés à estimer l’impact climatique (bilan de C et eau et effet albédo) des surfaces agricoles en grandes cultures ainsi que celui d’un changement de pratique, i.e. la mise en place de cultures intermédiaires.

Etat de l’art – Impact climatique des surfaces agricoles

Un agroécosystème, comme tout écosystème, interagit avec l’atmosphère. En effet, les flux de gaz à l’interface sol/atmosphère, la modification de l’état de surface, ou encore la répartition des flux de chaleur en surface vont induire un RF net qu’il est possible de quantifier. Rappelons qu’un RF correspond à la modification du bilan énergétique liée à une perturbation. La résultante de toutes les perturbations est l’effet climatique, qui peut se décomposer en 2 types de processus : les processus biogéophysiques et biogéochimiques (Fig. 4). Les processus biogéochimiques vont concerner l’échange de composés chimiques entre 2 milieux (e.g. sol et atmosphère), tandis que les processus biogéophysiques englobent tous les échanges d’énergie entre 2 milieux sous forme de flux de chaleur ou de rayonnement. Afin de quantifier l’effet climatique net d’un écosystème, il est essentiel de considérer conjointement les effets biogéochimiques et biogéophysiques.
Figure 4 : Interactions des agrosystèmes avec l’atmosphère. Les effets biogéochimiques se décomposent généralement entre le bilan de C et les autres émissions de GES (cadre de gauche). Les effets biogéophysiques concernent les effets radiatifs courtes et longues longueurs d’onde et non radiatif, i.e. flux de chaleur (cadre de droite).
Pour cette raison, ces travaux de thèse se sont intéressés à quantifier certaines des composantes de ces 2 effets. Une première partie des travaux (chapitre I et II) s’intéresse essentiellement aux flux de CO2 et bilans de C (effets biogéochimiques), la seconde (chapitre III et V) étant focalisée sur les effets albédo (effets biogéophysiques). Enfin, une dernière partie (chapitre IV) s’intéresse aux effets couplés bilan C et effets albédo.
Les prochaines sections vont détailler les processus biogéochimiques et biogéophysiques concernant les agrosystèmes.

Effets biogéochimiques

Lorsque l’on s’intéresse aux effets biogéochimiques d’un système et que l’on cherche à estimer le bilan de certain composé (e.g. carbone), il est d’usage de raisonner en termes de « boîte ». On considère le système (ici la parcelle ou l’exploitation agricole) comme une boîte. Selon une approche ‘écosystème centré’, tout ce qui sort de la boîte (du système) est compté comme négatif, à l’inverse tout ce qui rentre est compté comme positif (convention de signes). Selon une approche ‘atmosphère centrée’ (comme c’est le cas dans ce manuscrit) les signes sont inversés. La somme de ces flux sur une période de temps donnée permet d’obtenir la variation de la quantité étudiée à « l’intérieur de la boîte » (i.e. variation du stock de carbone au sein d’une parcelle).
Réaliser des bilans afin de connaître le comportement d’un système requiert soit une mesure des flux soit leur modélisation. La mesure des flux, de CO2 et d’eau, par les méthodes des fluctuations turbulentes sur les agrosystèmes est bien connue (Aubinet et al., 2012a; Baldocchi, 2003a; Hollinger and Richardson, 2005; Paw U et al., 2000) mais son application est limitée à l’échelle de la parcelle. Afin d’obtenir des estimations de ces flux à de plus grandes échelles spatiales mais toujours à la même résolution (i.e. la parcelle), il est nécessaire de modéliser ces flux. Pour ce faire, il faut connaître les processus en jeu et pouvoir les représenter mathématiquement pour simuler leur évolution dans le temps et l’espace.

Les flux de CO2

À l’interface surface/atmosphère d’une parcelle agricole, le carbone s’échange sous différentes formes : dioxyde de carbone (CO2) et méthane (CH4). Même si le pouvoir réchauffant du méthane est bien supérieur à celui du CO2 (28 fois supérieur sur un horizon de 100 ans), les quantités de CO2 émises font de ce gaz à effet de serre le plus important en termes de forçage radiatif en grandes cultures (exception faite des rizières), d’autant que les émissions de méthanes sur ces systèmes sont très faibles et généralement négatives (absorption par les sols cultivés) (Robertson et al., 2000). Ces travaux s’intéressent donc uniquement aux flux de CO2 résumés sur la Figure 5.
Figure 5 : Flux de CO2 sur agroécosystème. NEE : flux net de CO2. GPP : photosynthèse. NPP :
production primaire nette. TER : respiration totale de l’écosystème. Ra : respiration autotrophe aérienne.

La photosynthèse

La photosynthèse (GPP pour ‘gross primary production’) est le processus propre à tous les organismes autotrophes qui permet de convertir la matière inorganique en matière organique (à l’inverse des organismes hétérotrophes dont nous faisons partie). Ce processus peut être vu comme un flux de CO2 dirigé vers la parcelle. Les plantes créent des glucides à partir de dioxyde de carbone, d’eau, de nutriments et d’énergie lumineuse [Eq. 1]. Les capacités photosynthétiques d’une plante, directement liées à l’état de la végétation, sont donc conditionnées par plusieurs facteurs : le rayonnement, la température de l’air, du sol, le contenu en eau et en nutriments du sol, l’humidité relative de l’air, etc. 2 + 2 + ℎ = ( 2 ) + 2 ((1)
Modéliser la GPP va donc reposer sur la prise en compte de ces différents facteurs. Dans l’approche proposée dans le cadre de cette thèse, une estimation précise de la GPP est cruciale car c’est à partir du carbone fixé pendant le processus de photosynthèse que vont être estimés le carbone réémis vers l’atmosphère (respiration autotrophe, voir ci-dessous), et le carbone converti en biomasse et par la suite en rendement. Une estimation précise des productions et des bilans de C implique par conséquent une estimation juste de la photosynthèse.

La respiration autotrophe

Chez les plantes, le flux de CO2 dirigé vers l’atmosphère représente la respiration autotrophe (Ra). Cette respiration peut être scindée en deux composantes [Eq. 2] : la respiration d’entretien (Rm, pour ‘maintenance respiration’) et la respiration de croissance (Rgr, pour ‘growth respiration’). La Rm correspond à la respiration permettant le maintien en vie des tissus végétaux tandis que la Rgr est celle permettant la création de nouveaux tissus selon Amthor, (2000). La Ra peut aussi être décomposée entre composantes aérienne et racinaire (voir Fig. 5). La différence entre la photosynthèse et la respiration de la plante correspond à la production primaire (NPP, pour ‘net primary production’), qui correspond au carbone fixé par la plante servant à produire de la biomasse.

La respiration hétérotrophe

La respiration hétérotrophe (Rh) correspond au flux de CO2 (dirigé vers l’atmosphère) lié à la décomposition de la matière organique du sol par les microorganismes et la microfaune qu’il héberge. L’intensité de ce flux, ou la vitesse de décomposition de la matière organique du sol, va dépendre en premier lieu de la température (Kätterer et al., 1998; Kirschbaum, 1995). Néanmoins, le contenu en eau du sol, ainsi que la disponibilité en substrats facilement décomposables représentent des facteurs limitants la respiration du sol (Davidson and Janssens, 2006). Le manque d’eau tout comme l’excès (milieu anaérobique) limitent donc la respiration des microorganismes du sol. Rh dépend également de la gestion des résidus de culture (Mary et al., 2020) ou d’apport d’engrais organique (Clivot et al., 2019). Cette incorporation de matière organique fraîche stimule l’activité des microorganismes et favorise ainsi la respiration du sol, phénomène connu sous le nom de ‘priming effect’ (Kuzyakov et al., 2000a). Aussi, la texture du sol et notamment sa proportion en argile peut impacter la Rh, en rendant la matière organique moins accessible aux microorganismes (Baldock and Skjemstad, 2000). Enfin l’impact du travail du sol sur la respiration hétérotrophe a souvent été questionné, mais il apparait qu’il n’a pas d’effet direct sur cette dernière (Eugster et al., 2010a).
Les informations concernant la plupart de ces facteurs sont difficilement, voire non accessibles à grande échelle. La simulation de la respiration hétérotrophe est donc complexe à réaliser à grande échelle et les estimations sont souvent associées à de fortes incertitudes (Delogu, 2013). L’estimation de la GPP, de la Ra et de la Rh permet d’estimer le flux net de CO2 entre une parcelle agricole et l’atmosphère.

Le flux net de CO2

Le flux net de CO2 (NEE pour ‘net ecosystem exchange’), correspond à la quantité nette de CO2 échangée à l’interface sol/atmosphère. La NEE est la résultante des trois flux verticaux suscités (Fig. 5, et Eq. 4). La somme de la Ra et de la Rh correspond à la respiration de l’écosystème, notée Reco (pour ‘ecosystem respiration’, Eq. 5). Ces deux termes sont souvent regroupés car ce sont les deux flux dirigés de la parcelle vers l’atmosphère.
Enfin, la NEE intégrée sur une période de temps donnée (généralement l’année culturale6) donne la NEP (pour ‘net ecosystem productivity’) qui représente la quantité totale de C échangée sous forme de CO2. Ce terme est une des composantes du bilan de carbone.

Le bilan de carbone

Le bilan de C d’une parcelle agricole (NECB, pour ‘net ecosystem carbon budget’) représente la variation du stock de C (ΔSOC) sous forme de matière organique dans le sol entre deux dates (dans notre cas, l’année culturale). Il est fonction des échanges nets de CO2 avec l’atmosphère et des flux latéraux de C. Les apports latéraux de C proviennent des amendements organiques (ex. fumier, compost, biochar, etc.). Les exports latéraux de C représentent essentiellement la biomasse exportée de la parcelle (grain, pailles, tubercules, etc.). Le NECB s’écrira donc comme : Où NEP est le flux net de CO2 échangé entre la parcelle et l’atmosphère, Cexp est le carbone exporté de la parcelle au moment de la récolte et Cinp est le carbone importé dans la parcelle sous forme d’amendements organiques. En période de sol nu, la variation du stock de C dans le sol ne dépend que de la respiration hétérotrophe (hormis les apports de C sous forme d’engrais ou les pertes de C par érosion). Compte tenu des longues périodes de sol nu observées aujourd’hui sur les sols agricoles, il est important de correctement estimer cette variable (voir section 2.1.1.3).
Comme énoncé dans la section 1.3, les stocks de C des sols agricoles ont drastiquement chuté depuis le début de la révolution verte (Lal, 2007, 2004). Le stockage de C dans les sols agricoles appauvris constitue donc aujourd’hui un levier d’atténuation du réchauffement climatique. L’expertise nationale 4p1000 a identifié les sols en grandes cultures comme présentant le plus fort potentiel de stockage additionnel, pouvant dépasser 4‰ (Pellerin et al., 2019). Parmi les pratiques les plus stockantes, l’extension des CI représenterait 35% du potentiel total, suivi par l’agroforesterie intra-parcellaire (19%), et l’insertion et l’allongement du temps de présence des prairies temporaires (13%). C’est pourquoi ces travaux de thèse se sont intéressés à l’impact des CI sur le NECB.

Les autres gaz à effet de serre

Parmi les autres gaz à effets de serre à prendre en compte pour calculer les bilans de GES sur les parcelles agricoles, il faut essentiellement considérer le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N20). Ce sont les 2 GES les plus importants en termes de réchauffement global après le CO2. Le CH4 est essentiellement lié au processus de digestion des bovins et autres ruminants, ainsi qu’à la fermentation dans les rizières. Les émissions de N2O sont liées aux processus de nitrification/dénitrification dans les sols agricoles. Notons également que la consommation de combustibles fossiles par les engins agricoles entraîne également des émissions de GES, essentiellement du CO2. Aussi, les émissions indirectes liées à la fabrication (amortie par durée d’utilisation) des engins et à leur entretien, ou à la fabrication, au transport et au stockage des engrais et des produits phytosanitaires (voir Ceschia et al., (2010) pour plus de détails) sont à prendre en compte pour calculer le bilan GES d’une parcelle agricole. Ces émissions de GES directes et indirectes liées à la gestion des parcelles ne seront pas étudiées dans cette thèse qui est principalement centrée sur les flux de CO2 et les bilans de carbone des parcelles. En effet, ces émissions sont faibles au regard des composantes du bilan de C (Ceschia et al., 2010a; Minasny et al., 2017a) et le principal levier de réduction de l’empreinte C des parcelles agricoles est porté sur l’amélioration des bilans de C (via des changements de pratiques telles les CI).

Modéliser les agrosystèmes

Deux approches de modélisation ont été développées au cours de ces travaux de thèse dans le but de simuler les processus biogéochimiques et biogéophysiques sur agrosystème. Il est toutefois compliqué de regrouper tous les processus biogéochimiques dans un modèle et tous les processus biogéophysiques dans un autre. Par exemple, le modèle agrométéorologique développé dans cette thèse (SAFYE-CO2) permet d’estimer des flux de CO2 (effet biogéochimique) mais également des flux d’évapotranspiration (effet biogéophysique). Pourtant nous considérerons ce modèle comme un modèle traitant des effets biogéochimiques car même si une sortie du modèle est un processus biogéophysique, son fonctionnement est basé sur des processus biogéochimiques.

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
1. Contexte
1.1. Changements climatiques
1.2. L’agriculture d’aujourd’hui
1.3. Les cultures intermédiaires
✓ Ce qu’il faut retenir
2. Etat de l’art – Impact climatique des surfaces agricoles
2.1. Effets biogéochimiques
2.1.1. Les flux de CO2
2.1.1.1. La photosynthèse
2.1.1.2. La respiration autotrophe
2.1.1.3. La respiration hétérotrophe
2.1.1.4. Le flux net de CO2
2.1.2. Le bilan de carbone
2.1.3. Les autres gaz à effet de serre
2.1.4. Modéliser les agrosystèmes
2.1.4.1. Historique
2.1.4.2. Vocations
2.1.4.3. Attentes actuelles
2.2. Effets biogéophysiques
2.2.1. Le bilan énergétique terrestre
2.2.2. Forçage radiatif induit par des changements d’albédo
2.2.3. Conversion en équivalent CO2
2.2.4. Modéliser l’impact d’un changement d’albédo
2.2.4.1. Effets climatiques des changements globaux d’albédo
2.2.4.2. Effets climatiques des changements d’albédo des surfaces agricoles
2.3. Effets couplés
✓ Ce qu’il faut retenir
3. Zone d’intérêt
3.1. Zone d’étude 1 : Observatoire Spatial Régional
3.1.1. Sites instrumentés
3.1.2. Campagnes spatialisées
3.2. Zone d’étude 2 : Europe
4. Données
4.1. Données des sites instrumentés
4.1.1. Données micro-météorologiques
4.1.2. Mesures de végétation
4.2. Données météorologiques spatialisées
4.2.1. SAFRAN
4.2.2. ERA-INTERIM et ERA-5
4.3. Campagnes de mesures
4.4. Données satellites
4.4.1. Partie « biogéochimique »
4.4.2. Partie « biogéophysique »
5. Objectifs de recherche et questionnements scientifiques
5.1. Estimation des composantes des bilans de C et d’eau sur grandes cultures
5.2. Estimation du forçage radiatif induit par l’introduction des cultures intermédiaires
5.3. Analyse couplée des effets biogéochimiques et biogéophysiques
✓ Ce qu’il faut retenir
CHAPITRE I : SIMULATION SPATIALISEE DES BILANS DE C SUR GRANDES CULTURES
1. Pourquoi un nouveau modèle ?
2. SAFY-CO2 : un modèle adapté à l’estimation des flux de CO2 et composantes des bilans C
3. Résumé de l’article en français
4. Estimation of daily CO2 fluxes and of the components of the carbon budget for winter wheat by the assimilation of Sentinel 2-like remote sensing data into a crop model – Published in GEODERMA
4.1. Abstract
4.2. Introduction
4.3. Materials
4.3.1. Study area
4.3.1.1. Soil characteristics
4.3.2. In situ data
4.3.2.1. GAI, biomass and yield data
4.3.2.2. Flux and meteorological measurements
4.3.3. Satellite data and products
4.3.3.1. Multi-satellite optical images
4.3.3.2. From image reflectance to GAI estimates
4.4. Methodology
4.4.1. The SAFY-CO2 model
4.4.2. Model parameterization and calibration
4.4.3. From daily net ecosystem CO2 fluxes, NEE to the annual net ecosystem carbon budget, NECB
4.4.4. Model implementation and validation strategy
4.5. Results
4.5.1. Evaluation of the overall model performances
4.5.1.1. GAI, DAM and yield estimates
4.5.1.2. Components of the net CO2 fluxes: daily GPP, Reco and NEE
4.5.1.2.1. GPP estimates
4.5.1.2.2. Reco estimates
4.5.1.2.3. NEE estimates
4.5.1.2.4. Temporal evolution
4.5.2. From the cumulated NEE to yearly carbon budget
4.5.2.1. Analysis of the cumulated NEE dynamics
4.5.2.1.1. Carbon budget over 8 agricultural seasons of winter wheat
4.6. Discussion
4.6.1. Performances and benefits of our approach
4.6.2. Potential limitations of this approach and drawbacks for large scale application
4.7. Conclusion
4.8. Supplementary material
4.8.1. Effect of diffuse radiation on the ELUE
4.8.2. Temporal evolutions of the in-situ and simulated net CO2 flux components
4.8.3. Comparison of the performance of several cropland ecosystem models
 Ma contribution
✓ Ce qu’il faut retenir
5. Conclusion de l’article en français
6. Extension à d’autres cultures : cas du maïs
6.1. Calibration du paramètre ELUEb
6.2. Définition du ratio ‘root-to-shoot’
6.3. Indentification d’un problème concernant les données de flux sur maïs
6.4. Validation de la culture de maïs
✓ Ce qu’il faut retenir
7. Extension à d’autres cultures : cas du tournesol
7.1. Calibration du paramètre ELUEb
7.2. Définition du ratio ‘root-to-shoot’
7.3. Validation de la culture de tournesol
7.3.1. Estimations du GAI et de la biomasse
7.3.2. Validation des flux de CO2
7.3.3. Paramétrisation du tournesol
✓ Ce qu’il faut retenir
8. Conclusion
CHAPITRE II : INTEGRATION D’UN MODULE DE BILAN HYDRIQUE A SAFY-CO2 
1. Pourquoi simuler les composantes du bilan d’eau
2. La simulation des flux d’eau
2.1. Généralités concernant la méthode FAO-56
2.2. Description du module de bilan hydrique
2.3. Nouvelle formulation de l’évaporation
3. Résumé de l’article en Français
4. Combining high-resolution remote sensing products with a crop model to estimate carbon and
water budget components: Application to sunflower (published in Remote Sensing)
4.1. Abstract
4.2. Introduction
4.3. Materials
4.3.1. Study area
4.3.2. Flux site and experimantal instrumentation
4.3.2.1. Meteorological data
4.3.2.2. Biomass and yield data
4.3.2.3. Flux data
4.3.2.4. Soil data
4.3.3. Satellite data and products
4.3.3.1. Multisatellite optical images
4.3.3.2. From image reflectance to GAI estimates
4.4. Methods
4.4.1. The SAFYE-CO2 model
4.4.2. Model parameters
4.4.3. Model parametrization and calibration
4.4.4. Model validation and sensitivity analysis
4.5. Results
4.5.1. Local assessment of the model’s performances
4.5.2. Large scale application
4.5.2.1. Impact of soil data and of coupling with the water module on model performance
4.5.2.2. Biomass and yield estimates
4.5.3. C budget assessment at the landscape scale
4.6. Discussion
4.6.1. SAFYE-CO2 overall performances
4.6.2. Prerequisite to compute water fluxes over wide area
4.6.3. Limitations and potential improvements
4.7. Conclusion
 Ma contribution
✓ Ce qu’il faut retenir
5. Conclusion de l’article en français
6. Analyse supplémentaire : cas du blé
6.1. Validation des simulations de flux d’eau
6.2. Comparaison entre SAFY-CO2 et SAFYE-CO2
✓ Ce qu’il faut retenir
7. Conclusion
CHAPITRE III : ESTIMATION DE L’EFFET ALBEDO DES CULTURES INTERMEDIAIRES
1. Le pouvoir réfléchissant des cultures intermédiaires
2. RFCC, un modèle de simulation des effets albédo induits par l’introduction de cultures intermédiaires dans les rotations de cultures
2.1. Chaîne de traitement
2.2. Estimation de l’albédo des rotations de cultures
2.3. Assolement
2.3.1. Adaptation de la classification ECOCLIMAP
2.4. Estimation des surfaces de cultures en rotation
2.5. Dynamiques et périodes de végétation
2.5.1. Estimation des cates de semis et de récolte
2.5.2. Reconstruction des dynamiques de végétation de d’albédo
✓ Ce qu’il faut retenir
3. Résumé de l’article en français
4. What is the potential of cropland albedo management in the fight against global warming? A case study based on the use of cover crop (Published in Environmental Research Letters)
4.1. Abstract
4.2. Introduction
4.3. Methods and materials
4.3.1. Approach to cover crop inclusion
4.3.1.1. Location of potential areas for the inclusion of cover crops
4.3.1.2. Period in which a cover crop can be grown
4.3.2. Radiative forcing
4.3.2.1. Relationship between surface albedo and TOA radiative forcing
4.3.2.2. The bs, veg and veg data
4.3.2.3. The vegCI, vegCI data
4.3.2.4. The SWin and Ta data
4.3.2.5. Conversion of radiative forcing into equivalent CO2
Method 1 (based on a constant CO2 airborne fraction, AF)
Method 2 (Global Warming Potential)
4.3.2.6. Scenarios for introducing the cover crops
4.4. Results
4.4.1. Albedo changes
4.4.2. The fallow period
4.4.3. Albedo increase and radiative forcing
4.5. Discussion and conclusion
 Ma contribution
✓ Ce qu’il faut retenir
5. Conclusions de l’article en français
6. Conclusion
CHAPITRE IV : IMPACTS DE L’OCCUPATION DU SOL PENDANT L’INTERCULTURE SUR LES FLUX DE CO2, D’EAU ET SUR L’ALBEDO
1. Introduction
2. Impact des évènements végétatifs d’interculture estivale sur les flux de CO2
2.1. Zone d’étude et méthodologie
2.2. Analyse des résultats
2.2.1. Flux de CO2 sur la rotation blé/tournesol
2.2.2. Spatialisation de l’approche
2.3. Perspectives
✓ Ce qu’il faut retenir
3. Analyse des effets couplés
3.1. Zone d’étude
3.2. Caractéristiques d’application des modèles
3.2.1. Détermination des scenarii d’introduction des CI et des dynamiques de végétation
3.2.2. Variables d’intérêts simulées par les modèles
3.2.3. Protocoles de simulation
3.3. Analyse des résultats
3.3.1. Impacts biogéochimiques des CI
3.3.1.1. Composantes des bilans de C des cultures principales
3.3.1.2. Impact des CI sur les flux de CO2
3.3.1.3. Impact des CI sur les bilans de C
3.3.2. Impacts biogéophysiques des CI
3.3.2.1. Impact des CI sur l’évapotranspiration
3.3.2.2. Impact radiatif de la durée d’introduction des CI
3.3.3. Effets couplés
✓ Ce qu’il faut retenir
4. Discussion et conclusion
CHAPITRE V : ANALYSE DES EFFETS ALBEDO A COURT ET LONG TERMES DES CULTURES INTERMEDIAIRES
1. Vers une meilleure compréhension de l’impact climatique des cultures intermédiaires
2. Résumé de l’article en français
3. Analysis of direct and undirect effects of cover crop on the albedo induced radiative forcing
3.1. Abstract
3.2. Introduction
3.3. Materials and methods
3.3.1. Data
3.3.1.1. Climatic data
3.3.1.2. ECOCLIMAP classification
3.3.1.3. Vegetation indices and albedo products
3.3.2. Calculation of the CC albedo effect
3.3.2.1. Regions and periods of cover crop introduction
3.3.2.2. Radiative forcing calculation
3.3.2.3. Conversion into equivalent CO2
3.3.3. Simulation scenarios
3.4. Results
3.4.1. Analysis of the results for each scenario
3.4.1.1. Impact of the extension of the duration of CC introduction
3.4.1.2. Impact of snow cover
3.4.1.3. Impact of the soil albedo decrease
3.4.2. Sensitivity analysis to the changes in soil albedo
2.5. Discussion
2.6 Conclusion
 Ma contribution
✓ Ce qu’il faut retenir
4. Conclusion de l’article en français
5. Conclusion
CHAPITRE VI : DISCUSSION
1. Préambule
2. Analyse spatialisée des composantes des bilans de C et d’eau
2.1. Intérêts et avantages de l’approche
2.2. Inconvénients de l’approche proposée et voies d’améliorations possibles
2.2.1. Estimation des bilans de C
2.2.2. Introduction de nouvelles espèces
2.2.3. Apport de la télédétection
2.2.4. Transposabilité
3. Analyse de l’effet albédo des cultures intermédiaires
3.1. Intérêts et avantages d’une telle approche
3.2. Inconvénients et améliorations possibles
3.2.1. Spécificités et évolution des produits satellites
3.2.2. Prise en compte de la couverture neigeuse
3.2.3. Perspectives de simulation
4. Vers des analyses couplées des effets biogéochimiques et biogéophysiques
5. Perspectives
CONCLUSION GENERALE
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
LISTE DES ILLUSTRATIONS
Liste des figures
Liste des tableaux
ANNEXES
A. Analyse à l’échelle de la France
A.1. Modification du scénario d’introduction des CI
A.2. Adaptation des produits par région
A.3. Validation des instants de semis et de récolte
A.4. Analyse par région
✓ Ce qu’il faut retenir
VALORISATIONS SCIENTIFIQUES
Participations à des colloques
Publications scientifiques

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