Spectro-imagerie solaire et non solaire

Spectro-imagerie solaire et non solaire

Introduction 

Nous avons vu l’évolution des spectromètres et des imageurs du Soleil dans l’ultraviolet et en particulier ceux opérant autour de la raie H-Lyman α. Les imageurs ont des résolutions spatiales de plus en plus grandes, et les spectromètres des résolutions spectrales également de plus en plus grandes. Cependant, les spectromètres actuels ne peuvent observer correctement les évènements solaires explosifs ou très dynamiques malgré la progression des vitesses de balayage de la région d’intérêt par la fente. D’autre part, il est souvent difficile d’identifier précisément les structures, ou les limites des structures, observées par un spectromètre à fente. Il est nécessaire de recourir alors à des images de contexte qui généralement ne sont pas simultanées aux mesures de spectre, n’ont pas la même résolution spatiale, et ne sont pas obtenues dans la même longueur d’onde. D’autre part, nous avons vu dans le chapitre précédent que l’analyse des données issues d’imagerie seule est rapidement limitée notamment par l’impossibilité de calculer des vitesses Doppler et donc de connaître les mouvements de matière. L’idéal pour obtenir des mesures spectrales simultanément à différentes positions sur le disque solaire est d’utiliser un seul instrument pour réaliser imagerie et spectroscopie sans avoir à balayer spatialement (spectromètres à fente) la zone d’intérêt et sans perdre d’information spectrale (“ overlappograph ” : instrument produisant des images spectralement décalées ; dans le cas d’un spectre riche ou d’un grand champ de vue, les images monochromatiques sont partiellement superposées). L’instrument permettant d’obtenir une information spectrale de haute résolution sur une image de haute résolution spatiale est un spectromètre imageur à transformée de Fourier. De tels instruments ont déjà été réalisés avec succès dans d’autres domaines de longueurs d’onde ; j’en décrirai plusieurs dans les paragraphes suivants. Les résultats qu’ils ont fournis motivent la réalisation d’un IFTS (Imaging Fourier Transform Spectrometer) dans les longueurs d’onde plus courtes. Plusieurs concepts de spectromètres imageurs dans l’ultraviolet ont vu le jour depuis les années 1970, sans pour autant aboutir jusqu’à présent.

Spectro-imagerie intégrale du champ 

Il existe deux grandes catégories d’instruments permettant de réaliser la spectro-imagerie intégrale de champ : les méthodes utilisant l’addition d’un spectrographe à un système optique de découpage du champ d’imagerie et les méthodes interférentielles. Les principales techniques de découpage du champ sont illustrées dans la figure 5.1. Le champ peut être partagé en utilisant une matrice de micro lentilles ; chaque sous-champ défini par l’ouverture de la micro lentille devient un élement de résolution spatiale (équivalent à un “ pixel ”) et cet élement de résolution est réimagé par un système optique en entrée d’un spectrographe qui fournit en sortie un spectre pour chaque “ pixel ”. Dans une version simplifiée de ce type d’instrument, le système optique servant à réimager peut être remplacé par des fibres optiques qui transportent et réorganisent les pixels le long de la fente d’entrée du spectrographe. Enfin, une autre technique consiste à découper le champ image en “ tranches ” étroites sur toute sa longueur, ce qui peut être réalisé à l’aide de miroirs. Dans ce dernier cas, le fait d’avoir découpé le champ suivant une seule direction et non deux comme dans les cas précédents permet de conserver l’information spatiale le long de la fente comme dans un spectromètre à fente classique. Les méthodes interférentielles utilisent l’interféromètre de Fabry-Pérot imageur et le spectromètre imageur à transformée de Fourier. Tout deux peuvent observer sur des grands champs de vue sans nécessiter le découpage ou le balayage du champ. Le premier utilise le principe d’interférences à ondes multiples et est évidemment basé sur une cavité Fabry-Pérot. Le schéma de principe est illustré sur les figures 5.2 et 5.3. Ce type de spectromètre permet d’obtenir de très hautes résolutions sur des bandes passantes étroites. Cela les rend particulièrement adaptés à l’étude d’objets émettant dans des raies isolées. Les spectromètres imageurs à transformée de Fourier utilisent le principe d’interférences à deux ondes, et l’interféromètre dont ils sont constitués est le plus souvent un interféromètre de Michelson. Contrairement aux instruments utilisant des étalons Fabry-Pérot, les spectromètres à transformée de Fourier permettent de travailler sur de larges bandes spectrales autorisant ainsi l’étude des objets ayant un riche spectre d’émission. Parmi les différents types d’instrument que je viens de présenter, seuls les spectromètres imageurs à transformée de Fourier sont adaptés à l’étude du Soleil dans l’ultraviolet en général et dans la raie H-Lyman α en particulier. En effet, les systèmes à découpage du champ de vue utilisent pour la plupart des optiques en transmission ce qui est rédhibitoire dans l’ultraviolet lointain, et aucun ne permet de travailler sur de grands champs de vue avec une bonne résolution spatiale. Les spectromètres imageurs utilisant un étalon Fabry-Pérot ne permettent pas de travailler sur de larges bandes passantes (supérieures à 10 nm) et actuellement les meilleures surfaces optiques ne sont pas suffisamment réfléchissantes dans l’ultraviolet lointain afin d’obtenir une résolution spectrale intéressante. Le FTS est donc le choix le plus approprié pour la réalisation d’un spectromètre imageur dans l’ultraviolet lointain.

Principe de la spectrométrie à transformée de Fourier 

La spectrométrie est la détection et la mesure de la radiation lumineuse et l’analyse de sa distribution en énergie suivant les différentes fréquences qui la composent. Cette distribution constitue le spectre de la lumière analysée. Le spectre peut être obtenu directement par dispersion de la lumière par un prisme ou un réseau de diffraction dans un système optique. La spectrométrie à transformée de Fourier est une méthode indirecte, le spectre est obtenu par application de la transformée de Fourier au signal de sortie d’un instrument optique, en général un intérféromètre à deux ondes. Les spectromètres à transformée de Fourier présentent par rapport aux autres spectromètres deux principaux avantages connus sous le nom d’avantages Felgett et Jacquinot. Le premier, aussi appelé avantage multiplexe, met en avant le fait que les interféromètres reçoivent l’information de la totalité du domaine spectral pendant l’intervalle de temps de pose élémentaire d’un balayage alors que pendant ce même intervalle de temps les autres spectromètres ne reçoivent que l’information provenant d’une petite bande de ce domaine spectral. Le second avantage, aussi appelé avantage de l’étendue, rappelle que pour un même pouvoir de résolution un interféromètre peut avoir une plus large ouverture, puisqu’il n’utilise pas de fente, et peut donc capter plus de flux lumineux. 3.1 Un peu d’histoire L’invention de la spectrométrie à transformée de Fourier coïncide avec celle en 1880 de l’interféromètre de Michelson par Albert Michelson. Cet instrument a été imaginé et utilisé pour tenter de mettre en évidence le mouvement de la Terre dans l’éther. En effet à cette époque, la théorie ondulatoire de la lumière impose l’existence d’un matériau mystérieux entourant et pénétrant toutes choses, permettant la propagation de la lumière dans le milieu interplanétaire. Le principe de cette mise en évidence est la suivante : s’il existe un mouvement relatif entre la Terre et l’éther, alors la vitesse de la lumière n’est pas la même dans deux directions orthogonales. Ainsi les chemins optiques parcourus par la lumière dans les deux bras d’un interféromètre sont différents, et suivant l’orientation de l’instrument (placé sur une table en rotation, voir figure 5.4), une variation de l’intensité devrait être observée à la recombinaison des faisceaux. Or rien ne fut observé quels que soient l’orientation et le moment des mesures, ceci marqua la fin de la théorie de l’éther à la fin du 19ème siècle. 

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