Techniques de culture de macroalgues en pleine eau (offshore)

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Matériels et Méthodes

Les espèces sélectionnées

Notre étude a porté sur cinq espèces qui ont été sélectionnées par les industriels; deux espèces de Rhodophyta: Calliblepharis jubata (Goodenough & Woodward) Kützing (Cystocloniacées) et Polysiphonia elongata (Hudson) Sprengel (Rhodomélacées); deux espèces de Phaeophyceae: Pylaiella littoralis (Linnaeus) Kjellman (Acinetosporacées) et Bifurcaria bifurcata R.Ross (Sargassacées) et une espèce de Chlorophyceae : Cladophora rupestris (Linnaeus) Kützing (Cladophoracées).

Calliblepharis jubata (Goodenough & Woodward) Kützing

Dans ce genre, les frondes sont plus ou moins aplaties et peuvent atteindre 30 cm de long. La plupart des espèces présentent une base ramifiée caractéristique. La systématique du genre Calliblepharis a conduit à une classification simple et stable qui ne comprend que cinq espèces mondialement (Guiry et Guiry 2012). Les deux espèces présentes en Bretagne Calliblepharis ciliata (Hudson) Kützing et Calliblepharis jubata sont facilement identifiables morphologiquement. Calliblepharis jubata est une espèce commune qui se présente sous la forme de frondes aplatis, épais et cartilagineux. Les lames de couleur rouge brun sont plus ou moins cassantes et étroites. Des proliférations épineuses sont observées sur le thalle et/ou sur la marge de celui-ci. Ces proliférations sont plus ou moins abondantes selon la saison et peuvent se détacher pour former de nouveaux thalles par bouturage (Feldmann 1954). Les individus sont pérennants par leur base formée de nombreux crampons (Loiseaux-de Goër et Noailles 2008). Son cycle de reproduction est haplo-diplontique isomorphe (alternance d’individus haploïdes et diploïdes). Le gamétophyte est dioïque. Les tétrasporophytes apparaissent d’avril à juin. Cette espèce se trouve sur les rochers (epilithe) ou encore épiphyte sur diverses algues (Corallines en particulier, Lithothamnium calcareum, Feldmann 1954) dans l’infralittoral depuis la ceinture de Fucus serratus Linnaeus jusqu’au plus profondes ceintures de Laminaires (-25 m). Cette algue atteint sa taille maximale au printemps (avril) période à laquelle peut s’observer de nombreuses formes de thalle, avec des axes plats plus ou moins cylindriques, (Annexe 1). Sa distribution s’étend de l’Europe à l’Amérique du Sud et dans le Sud-Ouest Asiatique (Guiry et Guiry 2012).

Polysiphonia elongata (Hudson) Sprengel

Le genre Polysiphonia est un groupe très divers comprenant plus de 900 taxons répertoriés dont près de 200 sont actuellement reconnus comme valides (Guiry et Guiry 2012). La systématique des Rhodomelaceae est un champ de recherche dans lequel il reste encore beaucoup à faire pour obtenir une classification stable. Par exemple, Kim et Lee (2006) ont mis en évidence un nouveau genre, Neosiphonia, morphologiquement proche des Polysiphonia, caractérisé par leurs structures végétatives et reproductives (Encadré 1). Trente et une espèces de Polysiphonia ont été renommées sous le genre Neosiphonia comptant maintenant 33 espèces (Guiry and Guiry 2012). Le nombre précis d’espèces de Polysiphonia et de Neosiphonia reste cependant difficile à estimer sur la base de caractères anato-morphologiques en raison de la forte plasticité phénotypique rencontrée dans ces groupes (Kim et al. 2000) et d’un manque de caractères diagnostiques rendant l’identification difficile voire impossible (Kim et Yang 2006). Le long des côtes Bretonnes, Feldmann (1954), dans l’inventaire de la Flore marine de Roscoff, répertoriait 21 espèces de Polysiphonia ainsi que 3 variétés (Tableau 1). Depuis, les nombreuses études de taxonomie moléculaire ont remis en cause la systématique de ce groupe (e.g. Choi et al. 2001, McIvor et al. 2001, Kim et Yang 2005). Ainsi lorsque l’on compare cette liste à la base de références AlgaeBase (Guiry et Guiry 2012), le nombre d’espèces reconnues taxonomiquement n’est plus que de 19 (Tableau 1), un nombre identique au nombre d’espèces de Polysiphonia (et Neosiphonia) proposées par Maggs et Hommersand (1993). Parmi celles-ci, 14 espèces appartiennent au genre Polysiphonia et 5 espèces ont changé récemment de genre (2 Boergeseniella, 2 Neosiphonia et 1 Vertebrata).

La détermination morphologique chez les Polysiphonia (Neosiphonia)

Le genre Polysiphonia est cosmopolite et très divers (près de 200 noms taxonomiquement reconnus). On rencontre des formes variées et la classification est principalement basée sur des caractères morphologiques. En comparant les caractères morphologiques et moléculaires, Stuercke et Freshwater (2008) ont montré que seulement quelques caractères pouvaient être discriminants. Les principaux caractères utilisés sont :
– Le nombre de cellules péricentrales et la présence ou non de cortication
Exemple de coupe transversale d’axe principal, de différentes espèces de Polysiphonia, nécessaire pour dénombrer les cellules péricentrales et détecter la présence ou non de cortication (cellules entourant des cellules péricentrales).
– La forme des apex, la présence ou non de trichoblastes
Exemple de formes d’apex plus ou moins pointus avec ou non des trichoblastes (cellules stériles en forme de poil, pouvant supporter les spermatocystes).
– Les tétraspores
Elles peuvent être en série droite, en zigzag, sur de nouveaux rameaux.
– La taille des cellules et le type de rhizoïdes
Les rhizoïdes peuvent être en connexion ouverte avec la cellule péricentrale ou bien séparés par une paroi.
– Les organes reproducteurs mâles
Les spermatocystes sont difficilement observables car éphémères et de petites tailles. Les critères de distinctions sont basés sur leur distribution, leur place par rapport aux trichoblastes ou s’ils les remplacent.
– Les organes reproducteurs femelles
On observe souvent les cystocarpes déjà formés car il est très difficile de voir le trichogyne. La distinction entre les différentes espèces se fait suivant la forme du cystocarpes et son emplacement. Les Polysiphonia auraient des cystocarpes plutôt en urnes alors que ceux des Neosiphonia seraient plutôt rond. La différence entre les deux genres se situe également au niveau du branchement du carpogone qui serait composé de 4 cellules chez Polysiphonia et seulement 3 chez Neosiphonia. premières, les axes matures sont cortiqués. On peut trouver de grands individus fertiles toute l’année. Son cycle de reproduction est de type « haplo-diplontique » isomorphe (Figure 2) avec alternance d’individus haploïdes (les gamétophytes) et diploïdes (les tétrasporophytes) de même taille et de même forme. Les gamétophytes sont dioïques (pieds mâles et pieds femelles séparés) et sont reconnaissables à maturité par la présence d’organes de reproduction. Les tétrasporophytes matures présentent de longues séries de tétraspores en spirale (Figure 2). Cette espèce est fréquente dans la région Bretonne (Feldmann 1954), elle est trouvée dans des stations abritées, sur les rochers, les fonds sableux (parfois profondément enfoncées dans le sable (Feldmann 1954) et sur les coquilles vides. C’est une espèce pérenne, bien développée au printemps et qui perd la plupart de ces ramules en été (Loiseaux-de Goër et Noailles 2008). Sa distribution géographique est vaste, Atlantique Nord, Bassin méditerranéen, Atlantique sud et Sud-Ouest asiatique (Guiry et Guiry 2012).

Algues brunes

Bifurcaria bifurcata R.Ross

Le genre Bifurcaria comprend deux espèces reconnues au niveau mondial dont une, est présente en Bretagne. L’origine du nom de genre vient de « bifurqué » qui souligne la ramification dichotome des rameaux (ou cordons) cylindriques (Loiseaux- de Goër et Noailles 2008). L’espèce présente le long des côtes Bretonnes, Bifurcaria bifurcata, est une espèce pérenne, fertile au printemps.
Les cordons sont larges de 3 à 4 mm pour une longueur d’environ 40 cm. Le cycle de reproduction ne met en jeu qu’une seule génération, son cycle est diplontique. Cette génération est diploïde et monoïque (bisexuée) et à maturité les cordons sont terminés par des réceptacles cylindriques hermaphrodites qui contiennent des conceptacles piriformes avec les oosphères dans le fond du conceptacle et les mâles (anthérozoïdes) vers l’ouverture de ce conceptacle. Après libération des gamètes par l’ostiole, le zygote donne un nouveau thalle diploïde. L’algue est présente sur les rochers émergeants aux basses mers de vive-eau et dans les cuvettes à différentes hauteurs. Elle forme un réseau d’axes prostrés formant comme un enchevêtrement de « rhizomes » sur les rochers ce qui rend difficile l’identification des individus. Sa distribution se limite à l’Ouest de l’Europe et l’Afrique de l’Ouest (Guiry et Guiry 2012).

Pylaiella littoralis (Linnaeus) Kjellman

Ectocarpales de la famille des Acinetosporaceae, cosmopolite (Müller et Stache 1989), Pylaiella littoralis est une espèce très répandue dans les hauts niveaux intertidaux et souvent épiphyte sur les Fucus (e.g. Råberg et al 2005, Longtin et al. 2009) ou épilithes. Elle a l’aspect d’un écheveau de filaments très fins formant parfois des torsades (Kylin 1937).
Sa taille peut atteindre une quarantaine de centimètres Elle est à l’origine de marées brunes (Wilce et al. 1982, Lotze et al. 1999). Sa morphologie qui peut varier considérablement en fonction des variations écologiques du milieu (ex : ramification, taille, Knight 1923). En raison de cette plasticité morphologique, la systématique des Pylaiella a fait l’objet de nombreux débats (pour revue voir Siemer et Pedersen 1995). Les plastes discoïdes bruns dorés et les zoïdocystes uniloculaires en chapelet sont caractéristiques de cette espèce (Figure 3). Cardinal (1964) observe des organes pluriloculaires de mars à décembre et les sporocystes uniloculaires toute l’année.
Figure 3 : Plastes discoïdes bruns dorés caractéristiques de Pylaiella.

Algue verte

Cladophora rupestris (Linnaeus) Kützing
Cladophora est un genre d’algue verte diversifié qui croît aussi bien dans des habitats marins qu’en eau douce. Les thalles ont une architecture simple et sont composés de filaments unisériés de cellules multinuclées. La taxonomie du genre est problématique et résulte en partie de la variabilité morphologique intra-spécifique.
Cladophora rupestris est une espèce considérée comme une commune et cosmopolite (Guiry et Guiry 2012). Elle est reconnaissable à sa couleur vert foncé et elle forme des touffes de 5 à 10 cm de longueur, très ramifiées (3 à 5 ramifications par nœud, formant un angle étroit avec l’axe, d’où l’aspect en faisceaux). Les parois peuvent devenir épaisses, ce qui confère au thalle une certaine rigidité. Elle est abondante par endroits dans les stations calmes, sur les rochers ensablés (mi- marée). Elle est généralement recouverte de diatomées épiphytes qui lui donnent une couleur brune (Feldmann 1954).
Figure 4 : Carte d’échantillonnage des deux espèces de Rhodophyta Calliblepharis jubata et Polysiphonia elongata le long des côtes Bretonnes.

L’échantillonnage

Les spécimens utilisés dans ce projet proviennent d’échantillonnages différents. D’une part, nous avons travaillé à partir d’échantillons fournis par les industriels et correspondants à des récoltes de spécimens provenant de Saint Malo et de Roscoff. En effet, afin de sélectionner les espèces cultivables d’intérêt économique en cosmétique, les industriels ont récolté les différentes espèces cibles dans les populations naturelles à proximité des futurs sites potentiels de culture (Encadré 2). D’autre part, nous avons complété cet échantillonnage par des collectes d’individus réalisées le long des côtes Bretonnes afin de maximiser la diversité génétique intra-spécifique (Figure 4 et 5). Enfin, pour Bifurcaria bifurcata et Calliblepharis jubata, la collection a été enrichie par des spécimens venant du Portugal et d’Espagne étant la limite d’aire sud de Bifurcaria bifurcata.
Pour chaque échantillonnage, un fragment de thalle de chaque individu a été préservé dans du silicagel pour analyse moléculaire ultérieure et 3 planches d’alguiers ont été réalisées pour chaque population échantillonnée pour analyses morphologique et anatomique éventuelle.
Afin de préciser la position systématique de Polysiphonia elongata, et de faire l’inventaire des espèces de Polysiphonia potentiellement cultivables en Bretagne, un échantillonnage des espèces de Polysiphonia les plus communes, a été réalisé en Bretagne (Figure 4).

Techniques de culture de macroalgues en pleine eau (offshore)

La culture en pleine eau – ou technique de « longue-ligne » permet une immersion permanente des algues. Cette technique est utilisée pour la culture des grandes algues brunes appartenant aux Laminaires, mais aussi pour l’algue rouge Asparagopsis armata ou encore pour l’algue verte Codium sp. (Barrington et al. 2009). Avant d’être déployées en mer, les lignes doivent être ensemencées. Deux techniques d’ensemencement sont utilisées:
Le bouturage (ex. Asparagopsis armata) : des algues issues de la récolte précédente ou récoltées dans le milieu sont fractionnées. Les fragments sont insérés dans les torons de la corde qui sera mise en mer.
La production de plantules en écloserie (ex. Undaria pinnatifida) : cette technique a permis l’essor de l’algoculture. Elle est plus ou moins longue et complexe selon l’espèce d’algue considérée. Il s’agit in fine de maîtriser la libération des éléments reproducteurs des algues mâtures par le contrôle des paramètres de température, lumière et photopériode.
Les éléments reproducteurs viennent alors se fixer sur une cordelette (collecteurs) qui sera par la suite posée sur la corde. Quand les plantules ont atteint une taille suffisamment grande, la phase de grossissement en mer peut démarrer. Le type d’installation dépend des caractéristiques de chaque site (courant, vent, houle). On distingue deux grands types de structure : les dispositifs horizontaux et les dispositifs verticaux.

L’approche moléculaire

Entre 5 et 10 mg de tissu lyophilisé de l’algue ont servis pour l’extraction d’ADN, réalisée selon le protocole du kit d’extraction NucleoSpin® 96 Plant II (Macherey-Nagel). L’ADN ainsi obtenu (ADN Stock) a été dilué au 1/25ème dans de l’eau ultra pure (ADN servant pour les PCR). L’analyse génétique par une approche barcode multilocus a été menée sur les différents compartiments ADN (mitochondrial, chloroplastique et nucléaire). Les marqueurs utilisés ont été choisis en fonction d’études antérieures (listés en tableau 2). Parmi les différents marqueurs mis au point pour délimiter et identifier les espèces le choix s’est porté sur le gène mitochondrial codant pour la sous unité 1 du cytochrome c oxydase (cox1), le marqueur emblématique du barcode (Hebert et Gregory 2005, Robba et al. 2006). Pour l’ADN chloroplastique, nous avons choisi le gène codant pour la grande sous unité ribulose-1,5-bisphosphate carboxylase/oxygénase (rbcL), souvent utilisé dans les études de phylogénie et de délimitation d’espèces (e.g. Saunders 2005, Evans et al. 2007, Verbruggen et al. 2009, Le Gall et Saunders 2010, Macaya and Zuccarello 2010). Enfin pour le compartiment nucléaire, nous avons choisi d’utiliser les ITS (espaces inter géniques, Tai et al. 2001) ainsi que pour certaines espèces des parties variables de la grande sous-unité ribosomique du cistron (LSU; Saunders et Lehmkuhl 2005).

Table des matières

Introduction générale
I. Contexte général de la thèse
A. Un projet entre recherche appliquée et recherche fondamentale …
B. Les attentes des acteurs de la filière
II. Le concept d’espèce chez les algues
A. Les concepts d’espèce
B. La notion d’espèce chez les algues
III. La délimitation d’espèces par une approche de type « ADN barcoding »…
A. Le barcoding
B. Le barcode chez les algues
IV. Structure du document
Chapitre 1. Obtention de signatures ADN pour la traçabilité des algues nouvellement exploitées
I. Introduction
II. Matériels et Méthodes
A. Les espèces sélectionnées
1. Les algues rouges
1. a. Calliblepharis jubata (Goodenough & Woodward) Kützing …..
1. b. Polysiphonia elongata (Hudson) Sprengel
2. Les algues brunes
2. a. Bifurcaria bifurcata R.Ross
2. b. Pylaiella littoralis (Linnaeus) Kjellman
3. L’algue verte
2. a. Cladophora rupestris (Linnaeus) Kützing
B. L’échantillonnage
C. L’approche moléculaire
D. RFLP
III. Résultats
IV. Discussion
Chapitre 2. Mise en évidence d’espèces cryptiques chez Pylaiella littoralis
I. Contexte de l’étude et principaux résultats.
II. Article 1: « Unraveling sibling species within Pylaiella littoralis (Ectocarpales, Pheophyceae) using phylogenetic, ecological and biological evidences»
Chapitre 3. Mise en évidence d’une introduction cryptique, le cas de Polysiphonia morrowii
I. Contexte de l’étude et principaux résultats.
II. Article 2: « Cryptic introduction of the red alga Polysiphonia morrowii Harvey (Rhodomelaceae, Rhodophyta) in the North Atlantic Ocean highlighted by a DNA barcoding approach »
Chapitre 4 : Utilisation de marqueurs moléculaires pour inférer un scénario d’introduction
I. Contexte de l’étude et principaux résultats.
II. Article 3: « Genetic diversity of the cryptic introduced species Polysiphonia morrowii (Ceramiales, Rhodophyta): evidence for multiple introductions»
Conclusion générale
Bibliographie

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