Transfert radiatif dans les gaz

Transfert radiatif dans les gaz

Introduction 

Ce premier chapitre a pour but de présenter les éléments de physique nécessaires à l’étude du transfert radiatif en milieu gazeux. Il n’a pas pour prétention d’être exhaustif, mais a été pensé de sorte à introduire l’ensemble des concepts et modèles utilisés dans la suite de ce manuscrit. Le lecteur à l’aise avec ces concepts pourra passer directement au Chap. 3. Au contraire, le lecteur désireux d’approfondir ses connaissances relatives à la physique du rayonnement pourra s’orienter vers les ouvrages de référence. Après un bref rappel de la nature et des représentations du rayonnement thermique, ce dernier sera introduit dans sa description mécroscopique. La luminance, grandeur de base et descripteur mécroscopique du transfert radiatif pourra ainsi être abordée. Enfin, les principales grandeurs intégrées de la luminance seront introduites. La seconde section, quant à elle, traitera des interactions entre rayonnement et milieu participant ou semi-transparents. Cela permettra de formuler l’Équation différentielle du Transfert Radiatif (ETR), cas particulier des équations de transport (plus connues sous le terme d’équations de Boltzmann). La solution intégrale de l’équation du transfert radiatif sera enfin abordée, permettant ainsi de présenter les conditions et phénomènes se produisant aux limites du système d’intérêt. Enfin, l’ultime section de ce chapitre concernera la dépendance spectrale du coefficient d’absorption, constituant probablement la principale difficulté de l’étude du rayonnement dans les gaz. Ce sera l’occasion d’aborder les mécanismes sous-jacents d’absorption et d’émission, les notions de transitions énergétiques, de raies et de spectres d’absorption. Outre les quelques ouvrages cités ci-dessus, la rédaction de ce chapitre est en partie inspirée des cours dispensés en Master 2 Recherche « Dynamique des Fluides, Énergétique et Transferts » [Fournier et El Hafi, 2010] et à l’École thématique « Rayonnement thermique en milieu semi-transparent – 2014 » [Blanco et al., 2014, André et al., 2014, Boulet et al., 2014]. 

Nature du rayonnement thermique 

Deux représentations coexistent lorsqu’il s’agit de décrire le transfert radiatif : les approches dites ondulatoire et corpusculaire 1 . L’approche ondulatoire repose sur la théorie électromagnétique développée à la fin du XIXème siècle par J.K. Maxwell. Le rayonnement est alors considéré comme une variation des champs électromagnétiques et est représenté comme un ensemble d’ondes monochromatiques définies pour une fréquence ν, une longueur d’onde λ ou un nombre d’onde η donné. Ces différentes grandeurs sont liées par les relations Les représentations corpusculaires et ondulatoires sont complémentaires. Aucune d’entre elles ne permet de décrire l’ensemble des phénomènes liés à la physique du rayonnement. Aussi, selon les objets d’étude et les hypothèses posées, l’une ou l’autre sera privilégiée (par exemple, l’approche ondulatoire sera la plus appropriée pour l’étude des phénomènes de diffusion, alors que l’approche corpusculaire permettra d’expliquer l’effet photoélectrique). Nous nous concentrerons ici presque essentiellement sur l’approche corpusculaire du rayonnement qui, nous allons le voir, permettra une description mécroscopique et statistique du rayonnement, le plaçant dans des considérations propres à la physique du transport. Comme illustré dans la Fig. 2.1, le rayonnement électromagnétique s’étend des rayons cosmiques aux ondes radios. Tout au long de ce manuscrit nous ne nous concentrerons que sur le rayonnement thermique couvrant le domaine des nombres d’onde allant approximativement de 102 à 105 cm−1 (une partie des ultraviolets, l’ensemble du visible et le proche et moyen infrarouge). Le rayonnement thermique est, au même titre que la conduction/diffusion, un mode de transfert de chaleur. Il présente cependant deux principales spécificités vis-à-vis de ses homologues : • de par sa nature électromagnétique, le transfert d’énergie ne nécessite pas de milieu physique pour avoir lieu : deux surfaces placées dans le vide peuvent ainsi échanger de l’énergie. • alors que les échanges thermiques conductifs/diffusifs sont fonction d’un gradient de température, les échanges par transfert radiatif dépendent d’une différence de températures élevées à la puissance 4, devenant ainsi prépondérants pour de fortes températures. Cela souligne en particulier l’importance de la modélisation du rayonnement dans des applications liées à la combustion.

Descriptions microscopique, mécroscopique et macroscopique

Considérer le rayonnement selon une approche corpusculaire consiste à percevoir ce transfert d’énergie comme ayant pour vecteur un très grand nombre de quanta : les photons. Lorsqu’il s’agit d’étudier un si grand nombre de particules, plusieurs descriptions (ou modélisations) sont susceptibles d’être employées : les descriptions microscopique, macroscopique et mécroscopique [Piaud, 2007, Lachowicz, 2011, Dauchet, 2012]. Ces trois descriptions se différencient essentiellement par le choix des grandeurs descriptives du modèle. Il s’agit ici bien de descriptions et non d’échelles : passer d’une description microscopique à une description macroscopique ne signifie pas nécessairement considérer le système à une échelle plus globale. Ces trois types de descriptions tirent leur origine de la physique du transport corpusculaire. Aussi, elles seront ici présentées dans leur acceptation originelle. Leur extension au transfert radiatif sera ensuite discutée. Description microscopique La description microscopique consiste à associer à chaque corpuscule, de façon déterministe, une position et une vitesse, pour un instant t donné. En considérant un champ de N particules dans une configuration tridimensionnelle, cela impliquerait donc, au moins 6 × N descripteurs (N jeux de deux vecteurs de dimension 3 : un pour la position et un pour la direction ayant tous pour seule variable le temps t). Même si cette description semble idéale, la quantité d’information qu’elle requiert est très difficilement manipulable 3 et surtout difficilement conceptualisable, d’autant plus si le transport est non-linéaire (si les particules interagissent entre-elles, ex : cinétique des gaz).

Description mécroscopique

Alors que la description microscopique repose sur une approche discrète du modèle (chaque molécule est considérée en tant que telle), la description mécroscopique s’appuie sur des concepts de continuité. Le descripteur du système est désormais une fonction de distribution f(x, v, t) définie sur l’espace des phases (constitué de l’espace géométrique Dx et de l’espace des vitesses Dv). Les positions x et les vitesses v deviennent alors, au même titre que le temps t des variables indépendantes. Cette approche est propre à la physique du transport corpusculaire et pose les concepts nécessaires à une approche de type statistique grâce la notion de distribution qui s’interprète comme la somme des densités de probabilité de présence de chaque particule dans l’espace des phases {Dx, Dv}. Elle est pertinente dans les cas où un grand nombre d’événements se répète, soit parce que le nombre de particules considérées est très grand soit parce que les particules subissent de très nombreuses interactions. 

Description macroscopique

Enfin, la description macroscopique repose également sur l’idée de distribution. Le descripteur F(x, t) est toujours une fonction de distribution, mais est désormais défini uniquement sur l’espace géométrique Dx. Ce passage se traduit par une intégration sur le domaine des vitesses du descripteur mécroscopique et est souvent associé à une hypothèse d’isotropie. Une telle description se traduit donc par une perte conséquente de l’information relative aux vitesses des particules et devient ainsi plus difficilement applicable à des problèmes hors-équilibre. Toutefois, du fait de l’allègement du nombre de variables indépendantes (seulement x et t), cette description est peut-être la plus aisée à approcher. De surcroît, les approximations ou hypothèses associées à cette description (ex : l’approximation de diffusion) font le plus souvent appel à des images physiques courantes et intuitives (les température, masse volumique ou encore vitesse moyenne d’un fluide sont autant de grandeurs macroscopiques couramment manipulées). Cela explique notamment le fait que cette description et ses grandeurs associées sont souvent privilégiées dans les sciences pour l’ingénieur, du fait de la complexité des phénomènes en présence (en particulier lorsqu’il s’agit de phénomènes couplés). Plusieurs descripteurs macroscopiques du transfert radiatif seront présentés à la Sec. 2.1.4. 

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