Transformation des situations de travail dans un contexte agroécologique

Transformation des situations de travail dans un contexte agroécologique

Méthodologie : analyse du mouvement entre le pôle idéel et le pôle expérientiel

L’analyse du processus d’enquête se déploie ici à travers l’analyse des mouvements de raisonnement de l’agriculteur lors de l’enquête. Nous nous appuyons sur des éléments théoriques développés dans le chapitre 1.2 (page 56) pour construire le cadre d’analyse de l’enquête du sujet. Ce volet s’appuie sur les verbatim utilisés dans le récit d’expérience de 232 Michel (Partie 2, page 76) qui a permis de suivre l’enquête de Michel pendant deux campagnes agricoles. Notre cadre d’analyse s’appuie sur l’idée de reconstruction de la continuité dans la transaction du sujet et de son environnement lorsque ce dernier est face à une situation indéterminée. Le cadre propose de penser cette reconstruction en suivant les relations que construit l’agriculteur entre sa situation (le pôle expérientiel) et les suggestions pour lever son indétermination (le pôle idéel), et la manière dont il procède à la valuation de cette relation à travers l’induction des significations et des conséquences des objets explorés dans l’enquête. Lorsqu’un objet acquiert une signification particulière dans le cadre de l’enquête de l’agriculteur, nous parlons d’objet-symbole pour souligner la nature « relationnelle » de cet objet avec d’autres éléments de la situation de l’agriculteur. Pour ce faire, nous avons isolé dans les verbatim de Michel, les éléments qui relèvent du mouvement entre ces deux pôles, décrits dans le Tableau 24, en repérant le raisonnement que construit Michel à partir des idées suggérées par le groupe. Nous synthétisons ensuite ces mouvements entre le pôle idéel et le pôle expérientiel dans un schéma comme présentés dans la Figure 19. Nous décrivons ainsi dans la section suivante l’examen des idées suggérées par le groupe que l’évaluation des résultats de la mise en œuvre de certaines de ces idées. 

Analyse et résultats: entre l’examen des idées initiées par le collectif et leur mise en œuvre

Cette section vise à décrire la manière dont s’est concrétisé le soutien apporté par les pairs à Michel pour lever son indétermination. Il s’agit de suivre l’enquête de Michel et la manière dont il se saisit des propositions de ses collègues à travers les mouvements qu’il entretient entre le pôle expérientiel et le pôle idéel. Ces mouvements se nourrissent de l’appréciation des conséquences des solutions suggérées pour délibérer quant aux moyens envisagés et reconfigurer les fins-en-vue au fur et à mesure. Cette section se structure ainsi en deux points : 1) l’examen des idées suggérées par le collectif à la lumière de leurs significations et conséquences, et 2) l’évaluation des résultats de l’expérimentation et émergence de nouvelles idées. Pour accompagner la lecture, nous indiquons en gras dans les verbatim ce qui relève des significations et des conséquences. Figure 19. Cadre décrivant le mouvement entre le pôle idéel et le pôle expérientiel. Ce mouvement est mis en tension à travers l’induction de significations et de conséquences de l’objet-symbole suggéré, et leur appréciation pour résoudre la situation problématique. La mise en mouvement se produit par la suggestion d’un objet-symbole, néanmoins cet objet peut également être déjà présent dans le pôle expérientiel, il acquiert seulement une nouvelle propriété dans le cadre de la problématisation. 234 Examen desidées suggérées par le collectif à la lumière de leur signification et conséquences Dans cette partie, l’analyse montre la manière dont l’induction des significations et des conséquences ainsi que leur valuation mettent en mouvement le raisonnement de l’agriculteur entre le pôle idéel et le pôle expérientiel. Nous décrivons ce mouvement à partir de la prise en main de Michel d’une suggestion qui devient un objet-symbole dans la détermination de sa situation problématique : les cultures d’été. L’idée émise par un pair de mettre en place des cultures d’été pour bénéficier de couverts de printemps est appréciée positivement par Michel. Elle s’inscrit dans les contours de sa situation : surface agricole limitée à 100 ha, volonté d’autonomie sur le fourrage, volonté de ne pas agrandir les surfaces de prairie au détriment des cultures de rente, etc. Ainsi, les cultures d’été lui permettent de rallonger le cycle des couverts d’une destruction initialement le 15 février à une prolongation jusqu’au 20 avril environ. Elle s’appuie sur un élément « stable » de la situation, c’est-à-dire la partie culturale de la ferme. Cette suggestion agit comme un stimulus positif pour diriger l’enquête, néanmoins ce n’est pas suffisant pour Michel : il s’agit également d’apprécier la portée fonctionnelle de cette suggestion. « La vision que Paul m’a exposée me parle mieux. En faisant une culture de tournesol, que tu ne sèmes pas avant le 20 avril, si tu fais des couverts avant cette culture-là, depuis l’été d’avant pour aller jusqu’au 20 avril, tu dois allonger trois cycles de couverts. Avant dans mon système, les couverts il fallait qu’ils soient détruits au 15 février, parce que je revenais avec des cultures. Avec le tournesol tu peux gagner deux mois ». De l’objet-symbole « culture d’été » découlent des significations qui rendent compte des relations qu’entretient Michel avec son environnement. Lorsqu’il s’agit de se projeter dans des cultures d’été de type « soja », l’appréciation est mitigée, voire négative : la relation entre les besoins de l’implantation de cette culture (ex. bonnes terres, eau) et les conditions environnementales des parcelles telles que Michel les conçoit ne lui semblent pas compatibles. De plus, il anticipe les conséquences de l’implantation de cette culture sur l’organisation spatio-temporelle habituelle de ses cultures.

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