VERS DES FREINS ET LEVIERS DE L’AMENAGEMENT TRANSFRONTALIER AUX INTERACTIONS SOCIALES ENTRE USAGERS FRONTALIERS

VERS DES FREINS ET LEVIERS DE L’AMENAGEMENT TRANSFRONTALIER AUX
INTERACTIONS SOCIALES ENTRE USAGERS FRONTALIERS

Des facteurs de coprésence des usagers de part et d’autre de la frontière, garants du caractère transfrontalier de l’aménagement Des ponts peuvent bien être jetés par-delà la frontière, créant un aménagement transfrontalier, encore faut-il que les populations frontalières utilisent cet espace mis en commun pour que celui-ci trouve une réelle signification transfrontalière. Comment favoriser une appropriation commune de l’aménagement transfrontalier par les habitants ? Nous proposons dans les paragraphes suivants de souligner les ressorts de la coprésence des usagers sur l’aménagement transfrontalier.

Un déséquilibre morphologique de l’aménagement créateur de flux

Premièrement, l’aménagement transfrontalier semble trouver dans le déséquilibre de sa morphologie un levier à la fréquentation. Lors de leur première visite, les usagers, hâtifs de vouloir comparer à l’offre proposée chez eux, se rendent incontestablement de l’autre côté, poussés par la curiosité. Cette tendance à la comparaison se vérifie au Jardin des Deux Rives. Les usagers interrogés s’attachent souvent à décrire les différences entre les deux rives pour expliquer leur itinéraire de promenade. Lors du Festival des Deux Rives en 2004, la préférence des visiteurs se portait souvent sur la rive voisine ; tandis que les Allemands appréciaient les aménagements de la rive française pour leur valeur artistique, les Français se plaisaient plutôt sur la rive allemande pour sa simplicité et sa convivialité. Aujourd’hui, sans le foisonnement d’animations du Festival, la tendance montre une préférence unanime pour la rive allemande. Une complémentarité, si elle n’est pas du même registre qu’en 2004, existe toujours dans la morphologie du jardin, comme nous l’avons montré dans les 2ème et 3ème parties. Le jardin ne propose effectivement pas les mêmes équipements sur les deux rives : le « ruban d’eau » et la brasserie avec terrasse sont par exemple spécifiques de la rive allemande, comme le mur d’eau et les jardins éphémères caractérisent la rive française. C’est cette exclusivité qui fait l’attractivité d’une rive par rapport à l’autre. Ce que les usagers n’ont pas de leur côté, ils vont le chercher sur la rive voisine, ce qui implique des flux transfrontaliers, à l’origine d’une coprésence des usagers sur la passerelle et sur les rives du jardin. Le brassage des usagers provenant de part et d’autre de la frontière constitue, comme nous l’expliquions en 1ère partie, la finalité de l’aménagement transfrontalier. 

Une offre attractive des deux côtés de la frontière

Dans un deuxième temps, outre la dissemblance des aménités, nous pouvons souligner la possibilité de créer sur l’aménagement transfrontalier des points d’attraction pérennes, destinés aux deux publics. Les lieux favorisant le lien social, par exemple, sont souvent recherchés par des usagers qui viennent se distraire, indifféremment de leur nationalité. En effet, lorsque que les valeurs culturelles ne divergent pas d’une nationalité à l’autre, l’usage de lieux de rencontres sociales semble partagé. Ces lieux sont garants d’un mélange des usagers provenant des deux côtés de la frontière et facilitent les interactions. Comme expliqué dans le paragraphe précédent, l’offre ne doit pas être dupliquée sur le périmètre de l’aménagement transfrontalier pour assurer une attractivité optimale. De tels équipements existent au Jardin des Deux Rives : c’est le cas de la brasserie de la rive kehloise et du glacier ambulant de la rive française. Ils sont des points de fréquentation mixte permanente (lorsqu’ils sont ouverts). A l’inverse, les jardins éphémères, massifs végétaux retravaillés chaque année suivant une nouvelle thématique, semblent plébiscités par les usagers français, qui apprécient découvrir une végétation renouvelée chaque année. Les usagers allemands, en général moins sensibles à l’art paysager tel qu’il est conçu en France, semblent s’y rendre en moins grand nombre. D’où l’intérêt de proposer des aménagements correspondant aux attentes des deux populations. L’aménagement transfrontalier nécessiterait également une offre ponctuelle et variée, destinée à le faire vivre, c’est-à-dire une offre qui s’adresserait à un public autre que celui des équipements permanents, à un public à conquérir. Cette offre peut être de divers registres. Des évènements culturels ou festifs se tenant sur l’aménagement transfrontalier peuvent par exemple constituer un levier au côtoiement des usagers frontaliers. De telles manifestations transfrontalières, même organisées par une seule des deux villes, semblent une occasion privilégiée de réunir les usagers des deux nationalités autour d’un objet de fête partagé. La fête du Rhin, qui est co-organisée par les villes de Strasbourg et de Kehl et qui a lieu au Jardin des Deux Rives au mois de juin, est un succès ; de même que la symphonie des Deux Rives dont le public se compose pour moitié de Strasbourgeois et pour moitié de Kehlois. Un ressort à la coprésence des usagers de l’aménagement transfrontalier résiderait alors dans l’instauration de politiques culturelles transfrontalières continues sur l’année, qui feraient de l’aménagement transfrontalier le lieu de rendez-vous par excellence des frontaliers.

L’intégration de l’aménagement transfrontalier dans un contexte urbain plus large

L’aménagement, pour réunir les habitants des deux rives et ainsi justifier de son caractère transfrontalier, semble devoir être dans un premier temps approprié par chacune des populations. L’intégration à un cadre de vie est à l’origine de pratiques relevant de l’habitude. En d’autres termes, il s’agit de sensibiliser les esprits à l’existence de l’aménagement au moyen de communication publique, mais aussi de l’ancrer dans les usages, voire de régulariser les visites. Si un enjeu de l’aménagement transfrontalier tient alors à la création d’une quotidienneté dans sa fréquentation, celle-ci doit encore être acquise par les habitants à proximité de la frontière. Ils sont en effet la 84 cible privilégiée de l’aménagement transfrontalier, ses utilisateurs premiers, les plus à même de fréquenter le jardin de manière régulière. L’habitude de fréquentation d’un lieu public, celle qui consiste à se rendre sur le lieu à la même heure et à intervalles réguliers, semble propice à la rencontre des usagers pratiquant le lieu de la même façon. Par exemple, les usagers sortant tôt le matin pour promener leur chien se croisent à plusieurs reprises, puis se reconnaissent et, réunis par une pratique commune du jardin, ont une plus grande facilité à rentrer en contact l’un avec l’autre que des usagers qui ne viennent que ponctuellement et ne s’étant encore jamais rencontrés. Le Jardin des Deux Rives, comme il a été expliqué en 3ème partie, souffre d’un déséquilibre des pratiques qui inhibe les échanges sociaux. La promenade du Rhin de la rive allemande, qui existait avant l’aménagement de la rive française du Rhin, est appropriée par les habitants du quartier résidentiel jouxtant le jardin. La rive allemande est pour eux un jardin de proximité, faisant l’objet de promenades fréquentes et habituelles. Le côté français, en revanche, n’est pas visité par un public d’« habitués ». Ce déséquilibre n’est pas propice aux échanges sociaux. Les freins à la quotidienneté des visites du jardin peuvent être de natures différentes, mais proviennent d’un contexte urbain plus large. Premièrement, la coupure imposée par le passage de la RN4 entre le quartier du Port du Rhin, le plus proche du Jardin des Deux Rives, et le jardin peut freiner les visites. Une limite pourrait résider dans la non correspondance de l’offre d’équipements ou d’évènements avec les attentes des habitants de ce quartier. En outre, le Jardin des Deux Rives ne bénéficie pas d’une desserte par les transports en commun encourageante. Ces freins remédiés, le Jardin des Deux Rives pourrait être appropriés des Strasbourgeois comme il l’est des Kehlois, impliquant une coprésence équilibrée favorable aux interactions entre usagers des deux rives.

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