André Durand présente Jules VERNE

André Durand présente Jules VERNE

Il est né le 8 février 1828, à Nantes, dans une confortable demeure de la rue Olivier-de-Clisson, dans l’ancien quartier des armateurs, sur l’île Feydeau, entre deux bras de la Loire, non loin de l’Atlantique. Nantes était alors véritablement un grand port où arrivaient des bateaux du monde entier, ce qui a pu lui donner le goût des voyages et de la navigation : «À voir passer tant de navires le besoin de naviguer me dévorait.» (‘’Souvenirs d’enfance et de jeunesse’’). Il était le fils de bourgeois à l’esprit rigide : Pierre Verne, un riche avoué né dans la Brie mais élevé à Paris, qui lui légua le goût de la poésie et de la musique, et Sophie Allote de la Fuÿe, qui était issue d’une famille nantaise de navigateurs et d’armateurs appartenant à la petite noblesse. Il était l’aîné d’une famille, «très heureuse» allait-il dire, de cinq enfants, comprenant son frère, Paul, né un an après lui, son «jumeau», son «plus cher ami», et qui allait devenir marin, et trois sœurs, Anna, née en 1836, Mathilde, née en 1839, et Marie, née en 1842. Il eut une grande complicité avec son frère, courant avec lui les quais où accostaient sans cesse des trois-mâts océaniques, où retentissaient les appels des sirènes et les cris des équipages embarquant pour de lointaines expéditions, où s’élevaient Ies fumées des «steamers», où frissonnaient les grandes voiles des trois-mâts, tout cela concourant à leur donner le goût de l’aventure, la passion des voyages. Malgré son jeune âge, en cachette de ses parents, il fréquentait l’estaminet de ‘’L’homme-qui-porte-trois malices’’, dont le patron était un vieux loup de mer retiré des voyages, Jean-Marie Cabidoulin ; il y passait de longues heures à entendre les récits de navigations et de naufrages colportés par des marins venus du monde entier.

Il nourrissait aussi son imagination à l’écoute des nombreuses légendes, croyances et superstitions qui depuis toujours avaient cours au sein de la marine, qu’il s’agisse du bateau fantôme, hanté par les âmes en peine, des îles désertes et des bouteilles à la mer, de l’oiseau maudit, des pieuvres, calmars et krakens géants, de la baleine blanche ou du grand serpent de mer : «J’ai vécu dans le mouvement maritime d’une grande ville de commerce, point de départ et d’arrivée de nombreux voyages au long cours […] Que d’excursions on faisait ensemble sur la Loire dans des bateaux qui prenaient l’eau. À quinze ans, nous avions exploré tous les coins et recoins jusqu’à la mer. Qu’ils étaient redoutables ces bateaux et quels risques nous courions ! Quelquefois, j’étais capitaine ; quelquefois, c’était Paul. Mais Paul était le meilleur de nous deux.» (‘’Souvenirs d’enfance et de jeunesse’’). Ils avaient un vieil oncle, ex-armateur qui les berçait de ses récits de voyages au Vénézuéla : «Nous l’appelions l’oncle Prudent […] Caracas, c’était en Amérique, cette Amérique qui me fascinait déjà.» ll goûta les joies paisibles de la navigation fluviale de Tours à Paimboeuf, sur la Loire à l’embouchure de laquelle la famille passait les vacances, dans une maison de campagne de Chantenay. À côté, se trouvait une usine où il aimait «regarder les machines fonctionner, debout pendant des heures.

Ce goût m’est resté toute ma vie et j’ai autant de plaisir à regarder une machine à vapeur ou une belle locomotive qu’à contempler un tableau de Raphaël ou du Corrège. Mon intérêt pour les industries a toujours été un trait marquant de mon caractère.» À partir de 1837, lui et Paul furent élèves à l’école Saint-Stanislas. Il s’y distingua en géographie et en musique. Il fit alors un premier exploit qu’il conta dans ses ‘’Souvenirs d’enfance et de jeunesse’’ : «Un jour […] je me hasardai et j’escaladai les bastingages d’un trois-mâts, dont le gardien faisait son quart dans une buvette du voisinage. Me voilà sur le pont. Ma main saisit une drisse et la fait glisser dans sa poulie ! Quelle joie ! […] Je me penche sur cet abîme. Les odeurs fortes qui s’en dégagent me montent à la tête, ces odeurs où l’âcre émanation du goudron se mélange au parfum des épices […] Je sors […] Et là, j’ai l’audace d’imprimer un quart de tour à la roue du gouvernail ! Il me semble que le navire va s’éloigner du quai […] et c’est moi, marin de huit ans, qui vais le conduire en mer !» Un jour, il avait loué une mauvaise chaloupe à voile qui coula à pic à deux lieues de la maison familiale, se retrouva naufragé sur un banc de sable au milieu de la Loire, et se crut devenu un nouveau Robinson Crusoé ! Au cours de l’été 1839, alors qu’il était âgé de onze ans, il aurait manifesté son caractère téméraire quand, pour plaire à sa cousine, Caroline Tronson, dont il était amoureux fou et qui, pour l’éprouver, lui avait réclamé un collier de corail, il se serait embarqué comme mousse à bord d’un trois-mâts, la “Coralie”, long courrier qui appareillait pour les Indes.

Son père, averti par des témoins, serait parti à sa poursuite en «pyroscaphe» (nom d’un des premiers bateaux à vapeur), l’aurait rattrapé in extremis à la première escale, à Paimboeuf, aurait payé un jeune homme pour le remplacer et l’aurait ramené à Nantes pour lui infliger une sévère correction, une fessée déshonorante mais féconde car, si, le visage couvert de larmes et rougi par les taloches patemelles, il aurait dit à ses parents : «Je vous promets de ne plus voyager qu’en rêve», elle aurait fait de lui le plus formidable des auteurs de voyages imaginaires. Pourtant, dans ses ‘’Souvenirs d’enfance et de jeunesse’’, il allait rester muet sur cette fugue romanesque que rapporta la tradition.

 

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