Apports énergétiques et calorimétrie indirecte chez des patients de réanimation ventilés

Apports énergétiques et calorimétrie indirecte chez des patients de réanimation ventilés

INTRODUCTION

La dénutrition est un problème fréquemment retrouvé chez les patients de réanimation. (1)(2) Elle augmente la mortalité (3)(4)(5)(6)(7) ainsi que la morbidité et principalement les complications infectieuses (8), les durées de ventilation mécanique et de séjour en réanimation et à l’hôpital. (3)(9) Les patients de réanimation présentent des défaillances d’organes multiples associées à un hypermétabolisme et un catabolisme accru qui contribuent à un fort accroissement des besoins nutritionnels. Le déficit énergétique se creuse très précocément au cours du séjour en réanimation et il a été retrouvé qu’un déficit calorique cumulé supérieur à 10 000 kcal ou journalier > 1200 kcal était un facteur de risque indépendant de mortalité.La prévention, l’évaluation et le traitement de cette dénutrition sont donc indispensables à la prise en charge des patients en réanimation. A l’inverse, un excès d’apports caloriques s’avère être également délétère en augmentant les durées de ventilation mécanique et les complications métaboliques.Bien que la quantité de calories à administrer aux patients de réanimation demeure un sujet de controverse , l’évaluation des besoins nutritionnels doit être l’un des objectifs majeurs de tout réanimateur afin de limiter les complications dues à une insuffisance ou un excès d’apports caloriques. Elle doit passer par une estimation la plus précise possible de la dépense énergétique (DE) afin d’adapter les apports caloriques en fonction des dépenses réelles.Les déterminants de cette dépense énergétique sont bien identifiés. Si chez le sujet sain, la dépense énergétique totale journalière est la somme du métabolisme de base, de la dépense énergétique postprandiale, de la thermorégulation et de l’activité musculaire, chez le sujet malade de réanimation la dépense énergétique de repos (DER) correspond au métabolisme basal et à l’effet des maladies ou agressions en dehors de toute activité physique et en condition de neutralité thermique. Les soins prodigués au patient et les thérapeutiques de réanimation constituent également un facteur important de variation de cette DE. La DER peut être mesurée par calorimétrie indirecte (CI) ou calculée par différentes équations. La littérature est riche sur la fiabilité de ces équations et dans la plupart des études elles apparaissent inexactes dans leur estimation de la DER. La seule méthode fiable de mesure de la DER applicable en réanimation semble donc être la calorimétrie indirecte (CI). Son principe repose sur la mesure du taux d’oxydation des glucides, lipides et des protides à partir de la consommation d’oxygène (VO2), la production de gaz carbonique (VCO2), et de l’excrétion urinaire d’azote. On en déduit, comme il existe un couplage entre l’oxydation des nutriments et la synthèse d’ATP, l’énergie libérée lors de l’hydrolyse de l’ATP. Chez un individu au repos et dans les conditions de neutralité thermique, la DE mesurée par calorimétrie indirecte correspond à la DE totale de l’organisme à un moment donné. Quand seule la consommation d’oxygène d’un individu est mesurée, la DE au repos peut être calculée : DE (kcal/min) = VO2 × 4,85 (L/min). (Avec la constante 4,85 (en kcal/L O2) qui représente l’énergie moyenne délivrée lorsqu’un litre d’oxygène est consumé). Cette équation permet de relier DE et consommation d’oxygène en termes d’équivalent calorique de l’oxygène (EqO2). 6 Cependant, la DE dépend certes de VO2 mais aussi de VCO2 et de l’excrétion urinaire d’azote. Le Quotient respiratoire (QR) d’un nutriment donné est le rapport entre la production de CO2 que donnent son oxydation et la consommation d’oxygène nécessaire à cette oxydation : QR = VCO2/VO2 (avec VO2 et VCO2 calculés selon les équations de Haldane qui lient la consommation d’oxygène au débit de gaz expirés et aux fractions inspirées et expirées d’O2 et de CO2 : VO2 = Vi × FiO2 í Ve × FeO2 et VCO2 = Ve × FeCO2) (Vi/e : débit inspiratoire/expiratoire de gaz ; Fi/e : concentration fractionnelle de gaz inspiré/expiré). Si la CI s’avère être un outil très précis avec une précision pouvant atteindre 96% dans la mesure de la VO2 et VCO2 (28)(29), cette précision implique certaines conditions de mesure afin d’obtenir une mesure fiable de la DER (30). Ces conditions peuvent représenter en pratique quotidienne des limites à l’utilisation de la CI. Concernant la précision de la mesure de DER, un point fait débat, il s’agit de la durée de mesure minimale acceptable pour obtenir une évaluation fiable de la DER. Il existe en effet, une large variation journalière de la DE (31), variabilité susceptible donc d’induire une erreur significative des lors que la durée de mesure de la DER est réduite (inferieure à 24h). C’est afin d’éviter de telles erreurs que la notion d’« état stable » a été décrite et définie comme 5 minutes consécutives pendant lesquelles les variations de VO2 et VCO2 sont inférieures à un pourcentage donné (5 à 10%). Cela étant d’après de nombreuses études, la condition à atteindre afin d’assurer une précision suffisante de la DER et donc une bonne extrapolation de la DER des 24 heures.

MATERIELS ET METHODES 

OBJECTIFS DE L’ETUDE 

OBJECTIF PRINCIPAL

 L’objectif principal de notre étude est d’évaluer la faisabilité de la CI en routine en réanimation chez les patients ayant bénéficié d’un support de ventilation mécanique pendant au moins 6 jours. 

OBJECTIFS SECONDAIRES 

Les objectifs secondaires sont : – Évaluer l’adéquation entre les besoins énergétiques mesurés par CI et l’énergie prescrite et réellement délivrée. – Comparer la DER mesurée par CI et la DER calculée par les équations prédictives. – Déterminer la durée minimale de mesure acceptable de la DER. – Déterminer le déficit calorique journalier moyen et les principales causes à l’origine de ce déficit. – Réaliser une analyse en sous-groupes afin de comparer : • La DER mesurée • La DER mesurée par rapport à la DER calculée • L’adéquation entre besoins énergétiques et énergie prescrite et délivrée • Le déficit calorique journalier moyen Dans les sous-groupes suivants : Choc septique, Détresse respiratoire, Détresse neurologique, Défaillance cardio-circulatoire (CC), Patients dénutris (IMC <18), Patients en surpoids (2530). 9 2.2. POPULATION DE L’ETUDE 

TYPE D’ETUDE ET CRITERES D’INCLUSION

 Il s’agit d’une étude de cohorte rétrospective, monocentrique incluant tous les patients âgés de plus de 18 ans hospitalisés dans le service de réanimation polyvalente de l’Hôpital Saint-Joseph à Marseille entre Décembre 2017 et Novembre 2018, placés sous ventilation mécanique pendant au moins 6 jours et qui ont bénéficié d’au moins une mesure de CI après la phase aiguë.

CRITERES D’EXCLUSION

Patients dont les résultats de CI n’étaient pas interprétables avec un QR < 0.65 ou > 1.20 ou une durée de mesure inferieure à 60 minutes.

PROTOCOLE DE L’ETUDE

Les patients inclus dans l’étude avaient été placés sous ventilation mécanique, un seul type de respirateur étant utilisé dans le service, le Hamilton S1. La mesure de la DER par CI était envisagée dès lors que le patient était sorti de la phase aiguë et présentait une stabilité hémodynamique et respiratoire. Le type de calorimètre utilisé était le moniteur Quark RMR, déplaçable au lit du patient, qui permet la mesure du volume par un débitmètre PNT à faible débit jetable (Flow-REE) inséré sur le circuit patient et un échantillonnage de gaz « cycle par cycle » par la ligne d’échantillonnage fixée à l’extrémité en Y du tube endotrachéal (filtre). 10 Les conditions requises au préalable de la mesure de calorimétrie étaient : – L’absence de modification des paramètres respiratoires dans l’heure précédent la mesure – Une FiO2 <60% et stable – Une PEEP < 15 – Une stabilité hémodynamique – L’absence de fuite d’air (au niveau des tuyaux, drainage thoracique) – L’absence de variations importantes de température – L’absence d’administration de NO Si tous ces critères étaient présents, la mesure était donc réalisable après calibration du calorimètre. Cette dernière étant un pré requis indispensable afin d’obtenir des mesures précises, elle comprend une calibration à partir du gaz étalon puis une calibration du débitmètre à usage unique (« flow ree »). La mesure était réalisée par le réanimateur. Elle devait durer au minimum 60 minutes pendant lesquelles aucun soin ne devait être prodigué au patient. Si un soin de nursing était indispensable ou une manœuvre de réanimation nécessaire, ils étaient réalisés et la mesure de CI devait être réitérée plus tard. Le poids utilisé pour la mesure de la DER par CI était le poids réel. La gestion des données se faisait par le logiciel OMNIA Metabolic connecté au moniteur Quark. La prise en charge nutritionnelle était réalisée conjointement par le réanimateur et la diététicienne rattachée au service. La question du soutien nutritionnel se posait dès l’admission en réanimation pour tout patient susceptible de rester hospitalisé plus de 3 jours et le démarrage de l’alimentation se faisait selon le protocole du service jusqu’à la première mesure de DER par calorimétrie. Le protocole prévoyait un début de l’alimentation dès J2 par NE (si absence de contre-indications) à 10 kcal/kg/j pour commencer puis progressivement augmentée jusqu’à atteindre la cible des 20 kcal/kg/j. Une NPE exclusive était mise en place à J3 si le patient présentait une contre-indication à la NE et une NPE de complément était débutée après 3 jours de NE si la cible calorique n’était pas atteinte. La cible protéique n’était pas déterminée au préalable, les apports protéiques étaient ceux prévus par les différents types de NE ou NPE.

Table des matières

RESUME
1. INTRODUCTION
2. MATERIELS ET METHODES
2.1. Objectifs de l’étude
2.1.1. Objectif principal
2.1.2. Objectifs secondaires
2.2. Population de l’étude
2.2.1. Type d’étude et critères d’inclusion
2.2.2. Critères d’exclusion
2.3. Protocole de l’étude
2.4. Recueil des données
2.4.1. Recueil des données Cliniques
2.4.2. Recueil des données nutritionnelles
2.4.3. Recueil des données de calorimétrie indirecte
2.4.4. Recueil des données infectieuses
2.5. Équations prédictives
2.6. Statistiques
3. RESULTATS
3.1. Flow chart
3.2. Caractéristiques des patients
3.3. Caractéristiques nutritionnelles et mesures calorimétriques
3.4. Résultat principal
3.5. Résultats secondaires
3.5.1. Adéquation besoins énergétiques / énergie prescrite
3.5.2. Adéquation besoins énergétiques / énergie délivrée
3.5.3. Comparaison entre DER mesurée par CI et DER calculée
3.5.4. Détermination de la durée minimale de mesure acceptable
3.5.5. Détermination du déficit calorique journalier moyen et causes à l’origine du déficit calorique
3.5.6. Analyse en sous-groupe
4. DISCUSSION
4.1. Faisabilité de la CI
4.2. Déficit calorique et Adéquation besoins énergétiques / énergie prescrite et délivrée
4.3. Équations prédictives
4.4. Analyse en sous-groupe
4.5. Durée minimale de mesure acceptable
4.6. Type de calorimètre
4.7. Type de population
4.8. Limites et forces de notre étude
5. CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
LISTE DES ABREVIATIONS

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