Caractérisation expérimentale de l’instabilité macroscopique et modélisation

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Pelage de ruban adhésif

Généralités

La plupart des rubans adhésifs sont constitués d’un film mince élastique, appelé le dos, sur lequel est déposé une couche d’adhésif viscoélastique sensible à la pression (Pressure-Sensitive Adhesive). Il suffit donc d’exercer une pression, en appuyant avec le doigt par exemple, pour les faire adhérer à un substrat.
L’adhésion d’un ruban sur un substrat est caractérisée en réalisant son pelage dans différentes conditions et géométries [14]. Au cours de cette thèse, nous nous sommes principalement intéressés à des pelages depuis un substrat plan, réalisés à vitesse imposée en fixant l’extrémité du ruban à un moteur. On note V la vitesse du moteur et θ l’angle de pelage, comme schématisé en figure 1.3.
Selon les paramètres du pelage, différents modes de rupture peuvent se produire ; ils sont représentés en figure 1.4. La rupture est cohésive si elle a lieu à l’intérieur de la couche de colle ; on retrouve alors une partie de l’adhésif sur le substrat et l’autre partie sur le dos après le pelage [15–19]. La rupture est adhésive si la couche de colle reste entièrement attachée à l’une des deux surfaces, soit au substrat [17,20], soit au dos du ruban [18,19,21,22]. Dans les conditions habituelles d’utilisation d’un ruban adhésif, on souhaite que la séparation soit adhésive et que la colle reste attachée au dos, pour pouvoir le réutiliser par la suite.
Figure 1.4: Différentes séparations lors d’un pelage : rupture cohésive (à gauche), rupture adhésive avec l’adhésif qui reste attaché au substrat (au centre), et rupture adhésive avec l’adhésif qui reste attaché au dos (à droite).
La séparation, qu’elle soit cohésive ou adhésive, peut s’accompagner de cavita-tion. L’air qui pénètre dans l’adhésif forme alors des bulles, et la colle s’étire jusqu’à produire des filaments [17, 23–26]. À température ambiante, ce comportement vis-queux de la colle s’observe généralement pour des basses vitesses de pelage. Lors de pelage à hautes vitesses, la colle tend à se comporter comme un solide vitreux, et ne produit alors pas de fibrillation [17–21].

Taux de restitution de l’énergie mécanique

Nous allons rappeler le modèle développé par Kendall [27] permettant d’exprimer le taux de restitution de l’énergie mécanique G en fonction de la force F exercée par le moteur. On considère un ruban dont le dos est constitué d’un film élastique de largeur b, d’épaisseur e et de module de Young E. Le module de Young de l’adhésif étant bien plus faible que celui du dos, on négligera sa contribution à l’énergie élas-tique. Le pelage stationnaire est effectué depuis un substrat plan, comme représenté en figure 1.3.
Après le pelage d’une distance Δc, le ruban subit une variation d’énergie élastique liée à l’extension du ruban : ΔEé = F 2 Δc, (1.1) en considérant une déformation élastique linéaire et homogène. Il subit également une variation d’énergie potentielle due au déplacement du point d’application de la force : ΔEp = F (1 − cos θ) Δc, (1.2) en négligeant ici l’extension du film [28]. On peut alors définir un taux de restitution de l’énergie mécanique G, correspondant à l’énergie libérée par unité de surface fracturée : G = F (1 − cos θ) + F 2 (1.3)
Dans la plupart des cas, la variation d’énergie élastique est négligeable devant la va-riation d’énergie potentielle. On retrouve alors l’expression proposée par Rivlin [28] : G = F (1 − cos θ) . (1.4)
En mécanique de la rupture, l’énergie de fracture est définie comme le cout énergétique nécessaire à la croissance d’une fissure. La propagation d’une fracture n’est alors possible que si G > , c’est le critère de Griffith [29]. Lors d’une expérience de pelage, il n’est généralement pas possible de mesurer directement l’énergie de fracture. La force de pelage est en revanche facilement mesurable, et permet de remonter au taux de restitution de l’énergie mécanique. Dans le cas d’un pelage stable, où la vitesse du front et la force de pelage sont constantes, on peut alors considérer que l’équilibre de Griffith G = est vérifié, et ainsi en déduire l’énergie de fracture.

Pelage de ruban adhésif

Effet des paramètres du pelage sur l’énergie de frac-ture

L’énergie de fracture dépend de nombreux paramètres, tels que l’élasticité [30] ou la viscoélasticité [31] du substrat, la présence d’hétérogénéités sur le substrat [32,33] ou dans l’adhésif [34], le glissement entre l’adhésif et le substrat [35], l’angle de pelage [27], ou la rhéologie de l’adhésif [15,36].
Au cours de cette thèse, nous nous sommes limités à des pelages réalisés dans des conditions homogènes, avec un seul type de ruban adhésif : le Scotch® 600. L’énergie de fracture dépend alors principalement de la vitesse de pelage (ou de la température) à travers la rhéologie de l’adhésif, et de l’angle de pelage.
Pour des basses vitesses de pelage, les études expérimentales montrent que l’éner-gie de fracture augmente avec la vitesse [15–22, 37]. Cette évolution s’explique par le comportement viscoélastique de l’adhésif. Dans des conditions usuelles de pe-lage, la température étant supérieure à la température de transition vitreuse de l’adhésif, il a été montré que sa diminution est équivalente à une augmentation de la vitesse, et donc à une augmentation de l’énergie de fracture [15, 36]. Pour des pelages à hautes vitesses, l’énergie de fracture tend à devenir indépendante de la vi-tesse [15,16,18,20,21], l’adhésif se comporte alors comme un solide vitreux. L’énergie de fracture peut également se mettre à décroître avec la vitesse, engendrant une in-stabilité de stick-slip, comme nous le verrons par la suite.
La dépendance de l’énergie de fracture avec l’angle de pelage est complexe. Les premières études expérimentales [27, 38] semblaient montrer qu’elle est indépen-dante de l’angle en utilisant l’expression du modèle de Kendall [27]. D’autres études montrent que l’énergie de fracture évolue aux grands angles de pelage en utilisant la formule de Rivlin [28]. Ce résultat pourrait s’expliquer par la non-linéarité de l’élas-ticité du dos et de l’adhésif [39], ou la mixité des modes de fracture [40]. Enfin, des mesures récentes ont été réalisées lors du pelage de Scotch® 600 depuis un substrat plan [41,42], elles montrent une légère croissance de l’énergie de fracture avec l’angle de pelage sur une large gamme de vitesses imposées.

Origine de l’instabilité de stick-slip

Lors d’un pelage stable, où la vitesse du front vf est constante, la mesure de la force exercée par le moteur permet de remonter à l’énergie de fracture avec l’équilibre de Griffith G = (vf ). Lorsque le pelage est instable, en présence de stick-slip notamment, la vitesse du front et la force fluctuent fortement. L’équilibre précédent n’est alors pas forcément vérifié à chaque instant, et il n’est pas possible de remonter à l’énergie de fracture.
La mesure de la force de pelage a fait l’objet de nombreuses études expérimentales dans différentes géométries et avec différents adhésifs [15–22,37,41–43]. Les mesures réalisées pour différentes vitesses où le pelage est stable montrent que l’évolution de l’énergie de fracture (vf ) présente deux branches croissantes, l’une à basses vitesses et l’autre à hautes vitesses, comme représenté schématiquement en figure 1.5.
Dans la gamme de vitesses intermédiaires, la dynamique est instable et ne permet pas de mesurer directement l’énergie de fracture. On suppose cependant que les deux branches croissantes sont reliées par une branche décroissante. En effet, si (vf ) décroît dans cette gamme, alors la vitesse de la fracture tend à accélérer car avancer plus vite nécessite moins d’énergie, ce qui provoque une instabilité de stick-slip.
Pour certains systèmes, les pelages réalisés sur la branche croissante à basses vi-tesses présentent uniquement une rupture cohésive de l’adhésif [15–19]. Pour d’autres, la séparation est cohésive à très basses vitesses puis devient adhésive à l’approche de la branche décroissante [18–22]. Sur la branche croissante à hautes vitesses, la sépa-ration est adhésive, soit à l’interface avec le substrat [17,20] soit à l’interface avec le dos [18,19,21]. Par ailleurs, cette branche croît fortement avec la vitesse pour certains systèmes [17,22,37,43], tandis qu’elle est presque constante pour d’autres [15,18–21].

Caractérisation de l’instabilité de stick-slip

Différentes techniques ont été utilisées afin de caractériser l’instabilité de stick-slip, telles que la mesure de la force de pelage [16,20,22,43–46], l’analyse des échan-tillons après pelage [22, 32, 43, 45], l’étude des émissions acoustiques [37, 46–48], l’étude des émissions lumineuses [12,37], ou encore la visualisation directe du profil du ruban au niveau du front de détachement [42, 44, 49–52]. Nous allons résumer dans cette partie les principaux résultats expérimentaux obtenus lors de pelages à vitesse imposée, et les modélisations théoriques proposées.

Caractérisation de l’instabilité de stick-slip

Mesure de force lors d’un pelage depuis un substrat plan

En 1969, Aubrey et al. [20] ont mesuré la force F lors d’un pelage à vitesse constante V et à angle fixé depuis un substrat plan. La courbe F (V ) obtenue est présentée en figure 1.6, elle est constituée d’une branche croissante à basses vitesses et d’une branche stable quasi-constante à hautes vitesses. La présence d’une in-stabilité de stick-slip dans la gamme de vitesses intermédiaires est caractérisée par des fluctuations importantes de la force qui varie entre le maximum de la branche croissante et la branche constante.
Figure 1.6: Force de pelage F en fonction de la vitesse imposée V [20].
L’influence de l’angle de pelage a également été étudiée par Aubrey et al. [20]. Ils ont remarqué que les vitesses d’apparition et de disparition du stick-slip augmentent lorsque l’angle diminue.

Mesure de force lors d’un pelage depuis un rouleau

Barquins et al. [22, 43] ont réalisé des pelages à vitesse imposée V depuis un rouleau de Scotch® 602, comme représenté en figure 1.7.
La mesure de la force de pelage a permis de remonter à l’évolution du taux de restitution de l’énergie mécanique G(V ), qui est présentée en figure 1.8. Elle est similaire à celle de l’énergie de fracture présentée en figure 1.5.
Figure 1.8: Taux de restitution de l’énergie mécanique G en fonction de la vitesse imposée V [22,43].
Pour des vitesses de pelage V < 0,65 m/s, la fréquence fss des oscillations de la force a pu être mesurée lors des évènements de stick-slip, permettant ainsi de remonter à la période Tss = 1/fss. La période croît linéairement avec la longueur de ruban L, tandis que la fréquence croît linéairement avec la vitesse V , comme le montrent les mesures présentées en figure 1.9.

Caractérisation de l’instabilité de stick-slip

Figure 1.9: Période du stick-slip Tss en fonction de la longueur de ruban L (à gauche), et fréquence fss = 1/Tss en fonction de la vitesse imposée V (à droite). Les droites correspondent aux prévisions du modèle quasi-statique [22,43].
Pour comprendre ces évolutions, un modèle quasi-statique a été proposé. La dy-namique du front de détachement, de vitesse vf , est basée sur le parcours de la courbe présentée en figure 1.8, en considérant que l’équilibre de Griffith G(V ) = (vf ) est vérifié à chaque instant sur les branches croissantes. Au cours d’une phase de stick, la vitesse du front augmente progressivement en suivant la première branche crois-sante jusqu’au point A. La dynamique saute ensuite instantanément jusqu’au point B. Au cours de la phase de slip, la vitesse parcourt rapidement la seconde branche jusqu’au point C, puis saute instantanément jusqu’au point D, et un nouveau cycle de stick-slip recommence.
En supposant que le ruban reste uniformément tendu pendant tout le cycle, la force s’exprime pour une déformation homogène avec la loi de Hooke : F = E e b u , (1.5)
avec u l’élongation du ruban. La formule de Rivlin (1.4) donne alors en géométrie rouleau : G = F = E e u . (1.6)
En considérant que le ruban collé est non-déformé, on obtient en dérivant cette expression : dG E e du E e = = (V − vf ) . (1.7) dt L dt L
En supposant que G(V ) = (vf ) à chaque instant, on définit la fonction inverse −1
telle que vf = −1(G), d’où : dG = E e V − −1(G) . (1.8)
On considère dans ce modèle que la période de slip Tslip, correspondant au temps de parcours de la seconde branche stable, est négligeable devant la période de stick Tstick, correspondant au temps de parcours de la première branche stable. En intégrant l’équation (1.8) sur une phase de stick, on obtient alors la période de stick-slip :
L GA dG
Tss ≈ Tstick = ZGD , (1.9)
E e V − lent−1(G)
avec lent(vf ) l’énergie de fracture correspondant à la première branche croissante, parcourue entre GD et GA. Cette prédiction est représentée par des droites sur la figure 1.9. Elle est en bon accord avec les mesures expérimentales pour la gamme de vitesses étudiées, ce qui valide le modèle quasi-statique proposé.
Pour des vitesses V > 0,65 m/s, les oscillations de force au cours du stick-slip deviennent sinusoïdales et leurs amplitudes diminuent. Le modèle quasi-statique pré-cédent ne permettant pas d’expliquer ce comportement, Maugis et al. [43] propose alors une description dynamique de l’instabilité qui prend en compte l’inertie du rouleau. En considérant que le rouleau suive le mouvement du front de détache-ment, son inertie empêche les sauts instantanés de vitesse. La dynamique du front forme alors des cycles limites, tels que celui illustré en figure 1.10. Ce modèle permet d’expliquer les oscillations sinusoïdales de la force à hautes vitesses, mais pas l’évo-lution quasi-statique observée à basses vitesses. Il prédit également une bifurcation de Hopf supercritique au maximum de la première branche croissante. L’amplitude des oscillations devraient alors croître progressivement avec la vitesse, mais aucune mesure quantitative n’a été réalisée.
Figure 1.10: Exemple de cycle limite obtenu dans l’espace des phases (V ,G) en prenant en compte l’inertie du rouleau [43].

Caractérisation de l’instabilité de stick-slip

Visualisation du profil du ruban lors d’un pelage de-puis un rouleau

Le développement de l’imagerie rapide ces dernières années a rendu possible le suivi du front de détachement en observant directement le profil du ruban au cours d’une expérience. Jusqu’alors, les caractérisations de l’instabilité avaient été réalisées par des méthodes indirectes : mesure de forces, analyses acoustiques… L’étude des dynamiques à vitesse imposée du Scotch® 600 depuis son rouleau a été réalisée à l’aide du dispositif présenté en figure 1.11 [50,51].
En plus de la visualisation, la mesure de la force de pelage pour différentes vitesses V a été réalisée. L’évolution du taux de restitution de l’énergie méca-nique G(V ) obtenue est présentée en figure 1.12. Son allure est semblable aux précé-dentes études, et les mesures se superposent à celles réalisées par Barquins et al. [37] à force imposée avec le même ruban adhésif depuis son rouleau.
En plus de la visualisation, la mesure de la force de pelage pour différentes vitesses V a été réalisée. L’évolution du taux de restitution de l’énergie méca-nique G(V ) obtenue est présentée en figure 1.12. Son allure est semblable aux précé-dentes études, et les mesures se superposent à celles réalisées par Barquins et al. [37] à force imposée avec le même ruban adhésif depuis son rouleau.
Pour la gamme de vitesses où du stick-slip est observé, la force mesurée fluctue fortement au cours d’un pelage, et il n’est alors pas possible de remonter à l’énergie de fracture. Cependant, un taux de restitution de l’énergie mécanique G a été estimé à partir de la moyenne de la force sur un cycle de stick-slip. On observe alors une décroissance de G(V ) dans cette zone, probablement liée à la décroissance de (vf ). On peut également remarquer que G(V ) semble indépendant de la longueur de ruban L.
L’utilisation d’une caméra rapide permet de visualiser sur le côté le profil du ruban à proximité du front de détachement au cours d’une expérience. La détection du ruban juste au-dessus du coude permet alors de remonter à la position du front. On peut ainsi mesurer la période des cycles de stick-slip, mais également celle des phases de stick et de slip séparément.
La période de stick-slip Tss présente une légère décroissance aux faibles vitesses, puis devient constante pour des vitesses V > 0,6 m/s, comme on peut le voir sur la figure 1.13. Le modèle quasi-statique présenté précédemment ne permet pas d’expli-quer ce comportement à hautes vitesses, car il prévoit une décroissance sur toute la gamme d’existence de l’instabilité.
Figure 1.13: Période de stick-slip Tss en fonction de la vitesse imposée V pour différentes longueurs de ruban L [51].
Pour mieux comprendre ce comportement, il faut analyser séparément la période de stick Tstick et de slip Tslip. Ces deux périodes sont représentées en figure 1.14. La décroissance de Tstick est bien conforme à la prédiction du modèle quasi-statique, représentée par les lignes noires. En revanche, Tslip n’est pas négligeable devant Tstick, en particulier aux hautes vitesses. Cette hypothèse du modèle quasi-statique à confirmer l’existence d’effets dynamiques importants au cours de la phase de slip, probablement dus à l’inertie du rouleau et/ou du ruban.n’étant pas vérifiée,cela explique que T
L’étude du stick-slip lors du pelage depuis un rouleau présente un inconvénient majeur : l’angle de pelage peut présenter des fluctuations importantes au cours d’une expérience. Ses variations sont négligeables à basses vitesses, mais deviennent im-portantes à hautes vitesses, comme on peut le voir en figure 1.15 [50]. Il apparait alors une oscillation basse fréquence de la position du front correspondant à un mou-vement pendulaire, qui provoque du stick-slip par intermittence lors du pelage. Le contrôle de l’angle de pelage est donc une condition nécessaire pour bien caractériser l’instabilité, ce qui implique le développement d’un nouveau dispositif expérimental.

Visualisation du profil du ruban lors d’un pelage de-puis un substrat plan

Dispositif expérimental

Dalbe et al. [42, 52] ont récemment caractérisé l’instabilité de pelage depuis un substrat plan à l’aide du dispositif présenté en figure 1.16. Le pelage du Scotch® 600 est réalisé depuis une barre horizontale se translatant à la même vitesse V que le moteur d’enroulement. L’angle de pelage θ et la longueur de ruban L ont donc leurs moyennes fixées au cours d’une expérience. Contrairement au pelage depuis un rouleau, l’inertie du substrat est ici infinie, elle n’interfère donc pas avec la dynamique du front de détachement. Une couche de ruban adhésif est préalablement déposée sur la barre afin de peler l’adhésif depuis son propre dos.
Figure 1.16: Dispositif expérimental permettant de réaliser un pelage sur substrat plan à angle θ, vitesse V et longueur de ruban L contrôlés [42,52].

Seuils de l’instabilité

La visualisation sur le côté du profil du ruban à l’aide d’une caméra rapide permet de remonter aux variations de vitesse du front de détachement Δvf au cours d’une expérience. Pour des pelages réalisés à θ = 90◦, l’évolution de Δvf /V en fonction de la vitesse imposée V est présentée en figure 1.17.
On considère qu’un pelage est stable si Δvf /V < 1, c’est le cas à très faibles ou hautes vitesses. Pour une large gamme de vitesses intermédiaires, la dynamique présente du stick-slip, qui est caractérisé par Δvf /V > 1. On remarque également la présence de deux zones de bistabilité, pour lesquelles la dynamique alterne entre du pelage stable et du stick-slip d’une expérience à l’autre, voire au cours d’une même expérience. Cette bistabilité n’avait jamais été observée lors des précédentes études à vitesse imposée. Son existence serait liée à une bifurcation sous-critique aux seuils de l’instabilité, mais cela n’a pas clairement été démontré. Le déclenchement des évènements de stick-slip lors d’un pelage bistable est probablement dû à des hétérogénéités d’adhésion, ou à des fluctuations de vitesse de la barre ou du moteur. Une caractérisation plus approfondie de ces transitions semble toutefois nécessaire.
Les seuils de l’instabilité ne semblent pas dépendre de la longueur de ruban. Ils évoluent en revanche fortement avec l’angle de pelage θ, comme on peut le voir sur la figure 1.18. La gamme de vitesses où du stick-slip est observé s’élargit lorsque l’angle diminue.
Cette évolution est cohérente avec les mesures du taux de restitution de l’énergie mécanique G(V ) réalisées à basses vitesses, et présentées en figure 1.19. La décrois-sance de G(V ), caractérisant l’apparition du stick-slip, est observée à partir d’une vitesse plus basse lorsque l’angle diminue. On remarque également que G(V ) aug-mente avec l’angle de pelage θ.

Aspect multi-échelle de l’instabilité

Premières observations des fractures transverses

Des expériences de visualisation du front de détachement à l’aide d’une caméra ultra-rapide, prenant jusqu’à un million d’images par seconde, ont été réalisées par Thoroddsen et al. en 2010 [6]. Le ruban adhésif est pelé à la main depuis une plaque plane transparente, sous un angle θ ≈ 45◦, avec le dispositif expérimental présenté en figure 1.23.
Durant les phases de slip, la vitesse du front est mesurée entre 9 et 27 m/s. Des bandes de fractures transverses à la direction de pelage sont alors observées au niveau du front à travers la plaque transparente, elles sont indiquées par les flèches noires sur la figure 1.23. Ces fractures se propagent à environ 300 m/s, et sont espacées de 220 µm. Leur largeur ne semble pas dépendre de la vitesse de pelage. La plupart des fractures sont initiées depuis un bord de l’adhésif puis se propagent jusqu’à l’autre extrémité, mais certaines naissent au milieu de l’adhésif et se propagent alors dans les deux sens.
Une analyse des émissions acoustiques a été réalisée en parallèle de la visuali-sation [7]. Au cours de cette étude, les fractures transverses ont été observées non seulement durant les phases de slip, mais également à plus hautes vitesses de pelage où le front avance macroscopiquement de façon continue sans instabilité de stick-slip. Leurs largeurs varient de 120 à 200 µm pour les différents rubans adhésifs étudiés.
Pour chaque expérience, le spectre des émissions acoustiques présente un maxi-mum entre 10 et 80 kHz, comme on peut le voir sur l’exemple présenté en figure 1.24, qui correspond à la périodicité des fractures observées. Le pelage induit donc une émission dans le domaine audible et dans le domaine ultrasonore.

Table des matières

Introduction 
1 État de l’art 
1.1 Histoire du ruban adhésif
1.2 Pelage de ruban adhésif
1.2.1 Généralités
1.2.2 Taux de restitution de l’énergie mécanique
1.2.3 Effet des paramètres du pelage sur l’énergie de fracture
1.2.4 Origine de l’instabilité de stick-slip
1.3 Caractérisation de l’instabilité de stick-slip
1.3.1 Mesure de force lors d’un pelage depuis un substrat plan
1.3.2 Mesure de force lors d’un pelage depuis un rouleau
1.3.3 Visualisation du profil du ruban lors d’un pelage depuis un rouleau
1.3.4 Visualisation du profil du ruban lors d’un pelage depuis un substrat plan
1.4 Aspect multi-échelle de l’instabilité
1.4.1 Premières observations des fractures transverses
1.4.2 Caractérisation des micro-stick-slip
1.5 Objectifs de la thèse
2 Caractérisation expérimentale de l’instabilité macroscopique et modélisation
2.1 Dispositif expérimental
2.2 Description des dynamiques
2.3 Évolution du taux de restitution de l’énergie mécanique
2.4 Caractérisation expérimentale de la macro-instabilité
2.4.1 Période de la macro-instabilité
2.4.2 Amplitude en vitesse des oscillations
2.4.3 Amplitude du macro-stick-slip
2.5 Évolution de l’instabilité avec les paramètres de pelage
2.5.1 Évolution avec l’angle de pelage
2.5.2 Évolution avec la longueur de ruban
2.5.3 Évolution avec la superposition de couches
2.6 Modélisation théorique du pelage oscillant
2.6.1 Équations générales
2.6.2 Aspect énergétique
2.6.3 Simplification des équations
2.6.4 Application au pelage régulier
2.6.5 Application au pelage oscillant
2.7 Résolution numérique
2.7.1 Paramètres de la résolution
2.7.2 Dynamiques observées
2.7.3 Caractérisation des oscillations pour différents angles
2.8 Conclusion
3 Étude numérique de l’instabilité macroscopique en pelage stationnaire
3.1 Description du pelage
3.2 Modélisation théorique
3.2.1 Équations générales
3.2.2 Aspect énergétique
3.2.3 Expression de la période de l’instabilité
3.3 Résolution numérique
3.3.1 Paramètres de la résolution
3.3.2 Énergie de fracture
3.4 Évolution des dynamiques avec la vitesse de pelage
3.4.1 Description des dynamiques observées
3.4.2 Cycles déformation-vitesse
3.5 Évolution de l’instabilité avec les paramètres du pelage
3.5.1 Effet de l’angle de pelage
3.5.2 Effet de la longueur de ruban
3.6 Évolution de l’instabilité avec les propriétés du ruban
3.6.1 Effet de la rigidité
3.6.2 Effet de la masse surfacique
3.7 Conclusion
4 Instabilité de micro-stick-slip
4.1 Dispositif expérimental
4.2 Description de la micro-instabilité
4.2.1 Propagation de fractures transverses
4.2.2 Dynamique multi-échelle du front
4.3 Effet des paramètres du pelage
4.3.1 Évolution avec la vitesse
4.3.2 Évolution avec la longueur de ruban
4.3.3 Évolution avec l’angle de pelage
4.3.4 Loi de puissance
4.4 Effet des propriétés du ruban
4.4.1 Superposition de couches de ruban adhésif
4.4.2 Superposition de dos collés
4.5 Interprétation théorique
4.5.1 Modélisation de la micro-instabilité
4.5.2 Comparaison aux résultats expérimentaux
4.6 Conclusion
Conclusion et perspectives 
Bibliographie 

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