Caractéristiques du peuplement ligneux de deux systèmes d’utilisation des terres

Domaine de l’élevage

Les politiques d’élevage de la période post-indépendance ont essentiellement tourné autour de la protection sanitaire du cheptel, à travers des campagnes de vaccination de masse, la promotion de l’hydraulique pastorale et le classement des forêts, dans le but de favoriser les populations pastorales dans le Ferlo. Un important réseau de pare-feux sera également mis en place en vue d’affirmer la vocation pastorale de la zone (Faye, 2004). La longue période de sècheresse du début des années 70 a entrainé un changement de politique, avec la mise en œuvre de programmes de transformation des systèmes de production traditionnels. C’est dans ce cadre qu’a été inscrite la politique de stratification zonale de la production (élevage dans les zones pastorales, ré-élevage dans les zones agropastorales et finition dans les zones périurbaines). On note également à cette époque une tentative de sédentarisation des pasteurs autour des grands forages de la zone sylvopastorale (Faye, 2004). La période 1985-1994 est marquée par les programmes d’ajustement structurel et le désengagement de l’Etat des fonctions de crédit, de distribution des intrants et de commercialisation au profit du secteur privé. Sur le plan de l’élevage, la politique s’est réorientée vers la libéralisation des prix et la privatisation des sociétés parapubliques et de l’exercice de la médecine vétérinaire, ainsi que l’allègement du dispositif d’encadrement par des programmes de déflation. C’est également à cette période, en 1988, qu’a été amorcée l’organisation des éleveurs dans le cadre du Plan d’Action pour l’Elevage. Ces initiatives ont permis d’obtenir des résultats appréciables, malgré le rythme trop lent de ces réalisations pour résorber le gap que le sous-secteur doit rattraper. En effet, l’Elevage n’a jamais bénéficié d’investissements à la hauteur de son poids dans l’économie nationale (6,5% du PIB national en 2000). Ces investissements se situent autour de 2% des investissements du secteur agricole en moyenne annuelle (Faye, 2004).

Ligneux fourragers : définition, catégorisation, quelques modalités d’exploitation ou de mise à disposition

Dans la définition du ligneux fourrager, il existe des indications diverses et contradictoires entre les auteurs et parfois entre les diverses publications d’un même auteur. Selon Le Houerou (1980a), la définition du ligneux fourrager est délicate pour de nombreuses raisons liées au stade phénologique de la plante, à la saison, aux habitudes alimentaires des animaux, à leur état physiologique, à la composition du troupeau, à la composition du pâturage offert, à la pression pastorale, à l’abondance ou à la rareté du ligneux considéré.
Néanmoins, le ligneux fourrager peut être défini comme une essence dont les feuilles, ou les fruits, les rameaux ou les fleurs constituent une ressource dans l’alimentation du troupeau aussi bien sauvage que domestique. Il est d’une utilité importante car pendant la saison sèche (Walker, 1980) il offre un supplément utile aux herbivores domestiques et sauvages. Suivant le niveau d’appétibilité, les ligneux fourragers sont repartis en plusieurs catégories.
Catégorisation : Sur le pâturage plusieurs facteurs conditionnent la sélection des plantes par le bétail pour son alimentation. Selon Adam (1966) cité par Zoungrana (1991) «l’appétibilité ou palatabilité, est le choix, par l’animal, des plantes qui lui sont agréables et profitables pour les consommer avant d’autres. Placé dans un environnement à flore variée et abondante, il fera son prélèvement sur certaines espèces plutôt que sur d’autres sans que ce soit forcément les plus communes ou les plus apparentes qui soient absorbées». L’appétibilité varie d’une espèce à une autre mais également d’un animal à un autre au sein d’une même espèce. C’est une appréciation qualitative du degré d’attraction et de consommation d’une plante par rapport à d’autres. Ainsi, une espèce peut être très appétée (TA), appétée (A), peu appétée (PA) ou non appétée (NA). La palatabilité peut aussi être appréhendée à travers l’indice spécifique de qualité (Is) qui traduit l’intérêt zootechnique de l’espèce. Par conséquent, les ligneux peuvent être classés en trois catégories, Le Houerou (1980a), qui classe les espèces ligneuses en fonction du nombre d’herbivores domestiques qui les consomment et selon les circonstances:
Celles qui sont consommées par la plupart des espèces d’herbivores domestiques ; Celles qui ne sont jamais consommées ; Et celles qui sont plus ou moins consommées selon les circonstances. D’après le même auteur, en zone sahélienne et soudanienne, les espèces des deux premiers groupes sont les moins nombreuses (une cinquantaine dans chaque groupe). Celles du troisième groupe sont de loin les plus nombreuses et on peut y compter une centaine d’espèces communes. Les espèces ligneuses des premier et troisième groupes seront celles choisies dans la présente étude car appétibles et dans une certaine mesure par tous nos types de bétail. Les modes d’exploitation de ces espèces sont divers.

Quelques modalités d’exploitation ou de mise à disposition

Sur le pâturage naturel, les ligneux consommés par le bétail sont à divers niveaux de structuration. Certains, par leur hauteur, peuvent échapper au broutage des animaux. Sanon et al (2007) ont estimé la limite maximale d’accessibilité à l.50 m dans la zone sahélienne tandis que Kabore-Zoungrana (1995) l’évalue à 2 m pour les espèces de la zone soudanienne. Cependant, le fourrage ligneux qui est hors de la portée du bétail peut être mis à sa disposition grâce au berger qui intervient suivants diverses modalités que sont l’émondage, l’abattage et la taille.
Emondage : Il consiste à couper des branches de dimension moyenne ou petite pour les distribuer au bétail directement sur le pâturage ou par apport à la maison. Cette technique contraint l’éleveur à grimper sur l’arbre. A cet effet, l’émondage de rameaux ligneux feuillés procure un fourrage riche qui peut être séché et conservé sous forme de foin (Boudet, 1984) pour des utilisations ultérieures. La production de feuillage ne diminue guère les années suivantes, lorsque l’émondage est partiel et ne concerne qu’une partie de la couronne (Petit, 2000a). Les arbres ne meurent pas mais il est prudent de laisser des feuilles sur les rameaux du sommet pour faciliter la reprise.
Abattage : Cette pratique consiste à couper l’arbre à sa base ou, le plus souvent, à 1 m de haut environ. Selon Wood et Burley (1993), elle est destructive car la plupart du temps l’arbre ne repousse pas ou repousse lentement, et la perte de production fourragère se fait sentir de longues années.
Taille en parasol : Elle consiste à abaisser les branches maîtresses de l’arbre par des entailles, sans les séparer du tronc. Les feuillages sont broutés sur place. La branche ne meurt pas et de nouvelles feuilles se forment jusqu’à épuisement total.

Importance des arbres dans le système de production

L’arbre joue un rôle vital en pays sahélien, ses multiples usages correspondent aux divers besoins des populations (Bergeret, 1986).
Sur le plan de l’alimentation animale, les arbres constituent les garants de la productivité animale dans la plupart des régions où l’élevage extensif est la règle. Sans végétation ligneuse, l’élevage en zone sahélienne serait impossible par suite des carences en protéines, phosphore et carotène qu’entraînerait à la saison sèche une alimentation uniquement de graminées (Le Houérou, 1979). Sur le plan socio-économique, les produits forestiers contribuent beaucoup dans l’alimentation humaine. Sur le plan nutritionnel, il s’agit d’un apport de haute valeur tant par la qualité que par la quantité. Par exemple, 40 kg de néré (Parkia biglobosa) fermenté ont une valeur alimentaire comparable à celle d’une cinquantaine de poulets et 100 gr de feuilles séchées de Moringa oleifera contiennent 22 gr de protéines (De Leener, 1988). Les nombreux arbres fruitiers forestiers permettent aux enfants de garder un état de santé satisfaisant.
Par ailleurs, la vente des produits de l’arbre constitue dans de nombreuses régions une importante source de revenu. Sutter cité par Sall (1993) indique que les revenus issus de la vente de la gomme arabique représentent 1 à 8% des revenus totaux du ménage dans la zone sylvopastorale. Diédhiou (1992) rapporte que la vente de l’huile de palme en Basse Casamance procure: en moyenne aux exploitants un revenu annuel de 34 à 40.000 FCFA. Les arbres assurent aussi l’approvisionnement en combustibles, bois de service et divers produits à usage pharmaceutique. Au niveau agro-écologique, les arbres jouent un rôle primordial dans le milieu agraire en protégeant les sols contre l’érosion éolienne et hydrique. Ils enrichissent le sol en matière organique par l’humus produit par les feuilles, branches et gousses. Certaines espèces comme (Acacia albida) de par la fixation de l’azote atmosphérique, contribuent à améliorer la fertilité des sols et augmenter les rendements des cultures associées. Les cultures sous Acacia albida sans fumure peuvent donner des rendements identiques à ceux obtenus dans des parcelles fortement fumées (Charreau et Vidal, 1965).
Dans le bassin arachidier, l’arbre intervient dans la survie du bétail. En effet l’arbre joue plusieurs rôles, la végétation ligneuse fournit non seulement du fourrage aérien, qui constitue parfois l’essentiel de l’aliment du bétail en «période de soudure» c’est-à-dire les 2 ou 3 derniers mois de la longue saison sèche, mais aussi de l’ombrage. L’arbre sert aussi d’aire de repos pour différentes espèces animales et de perchoirs pour les oiseaux ( Akpo et al., 2003).
Il permet le développement de la strate herbacée, améliore la fertilité du sol (Akpo et Grouzis, 1996; Akpo, 1997). En milieu pastoral, l’arbre fournit en saison sèche au bétail les compléments en protéines et en vitamines indispensables à sa survie (Le Houerou, 1980 ; Breman et al., 1991). En outre à travers la production de bois de chauffe et de service, de fruits, de charbon, de pailles et de fourrages pour les éleveurs transhumants (Charpin, 2004 ; Seegers, 2005 ; Sanogo, 2011). Elles contribuent aussi à l’atténuation des effets des changements climatiques par la réduction de la variabilité et de l’insuffisance des pluies, ainsi qu’à l’amélioration de la fertilité des sols, à la diversité biologique, etc. (Sanogo, 2011). En Afrique de l’Ouest et particulièrement au Sénégal, ces écosystèmes constituent l’essentiel des terres de parcours ou des champs classiques (Sarr et al., 2013).
Malheureusement, les effets cumulés des sècheresses récurrentes, de certaines pratiques liées à l’agriculture rendent vulnérables des espèces (Betti, 2007) si bien que certaines en arrivent même à disparaître (Sarr, 2009).

Système d’élevage extensif

Il s’agit d’un élevage extensif qui utilise des parcours très vastes et dans lequel plus de 50 % du revenu brut provient de l’élevage. L’alimentation du cheptel est fournie pour l’essentiel par le pâturage naturel. Ce dernier dépend des précipitations tant sur le plan qualitatif que quantitatif. La longue saison sèche (de novembre à juin) constitue une période alimentaire difficile pour les troupeaux, qui pâturent alors les résidus des récoltes de mil, d’arachide et de sorgho et les superficies laissées en vaine jachère. Ces dernières, de moins en moins fréquentes, ne produisent plus que de 1 000 à 2 000 kg de MS par hectare et par an (Compère, Buldgen et Lemal, 1990). Le bétail prélève de faibles ressources fourragères naturelles sans complémentation et maintien en plein air sans aucun soin particulier, à cela vienne s’ajouter l’accroissement des superficies cultivées ce qui rend de plus en plus difficiles les conditions d’élevage (Wilson, 1986). Aussi, la baisse des précipitations influe négativement sur la valeur nutritive des espèces herbacées. La strate ligneuse contribue également à l’alimentation des animaux dans la période de soudure en saison sèche (CSE, 2000). Présent dans deux zones au Nord et au Centre-Nord du pays (le Ferlo et la Vallée du Fleuve), ce système participerait à hauteur de 38% à la production nationale de lait (Ba, 2003) mais a surtout une vocation charnière. Il correspond aux régions administratives de Saint-Louis, Matam et Louga. La zone écologique du Ferlo, ou zone Sylvopastorale, est une vaste aire de plateaux située dans la moitié nord du pays qui occupe près du tiers du territoire national. Elle est une zone d’élevage par excellence, car elle concentre 2/3 des ruminants du Sénégal et près de 15% du cheptel bovin. Les ressources en eau sont limitées, la nappe phréatique profonde, la saison des pluies brève avec une pluviométrie faible et irrégulière, une couverture végétale vulnérable et dominée par des épineux et graminées annuelles. Des troupeaux de zébus (Gobra), souvent associés à des ovins et des caprins, sont entretenus par des éleveurs peuhls qui vivent en
campements dispersés et dont une partie pratique la transhumance. L’équipement du Ferlo en forages profonds, la progression des cultivateurs à la recherche de nouvelles terres, les périodes de sècheresse et la politique de l’État à travers notamment les activités de la SODESP (Société de développement de l’élevage dans la zone sylvopastorale) ont induit des transformations importantes des systèmes avec une tendance à la sédentarisation autour des forages, à la diversification des activités des éleveurs (agriculture) et le développement des cultures par les wolof qui amènent à qualifier le système actuel d’agro-sylvo-pastoralisme (Broutin et al, 2000). La production nationale de viande rouge, principalement assurée par les bovins (49 % en moyenne) et les petits ruminants (27 % en moyenne), est d’environ 101 000 tonnes.

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
I. L’élevage au Sénégal
I.1 Système pastoraux sous pression et politiques d’élevage
I.2 Domaine de l’élevage
I.3 L’élevage comme source de revenus supplémentaires
I.4 Systèmes d’élevage
I.4.1 Système d’élevage extensif
I.4.2 L’élevage semi intensif
I.4.3 L’élevage intensif
II. L’élevage dans la région de Kaffrine
II.1 Présentation et analyse de la situation du secteur
II.2 Opportunités/Potentialités du secteur de l’élevage
II.3 Contraintes
III. Ressources fourragères disponibles dans le bassin arachidier
IV. Importance des arbres dans le système de production
V. Ligneux fourragers : définition, catégorisation, quelques modalités d’exploitation ou de mise en disposition
V.1 Définition
V.2 Catégorisation
V.3 Quelques modalités d’exploitation de mise à disposition
V.3.1 Emondage
V.3.2 Abattage
V.3.3 Taille en parasol
CHAPITRE II : MATERIELS ET METHODES
II.1 Matériel
II.1.1 Présentation de la zone d’étude
A. Situation administrative
A.1 Caractéristiques physiques
A.1.1 Le climat
A.1.2 Reliefs et sols
A.1.3 Hydrographie
A.2 Caractéristiques biotiques
A.2.1 La végétation
A.2.2 La population et ses activités
II.1.2 Matériel de terrain
II.2 Méthodes utilisées
II.2.1 Inventaire floristique
II.2.2 Perception des populations sur les ressources ligneuses
II.2.3 Traitement des données
II.2.3.1 La fréquence de présence
II.2.3.2 La densité
II.2.3.3 Le recouvrement
II.2.3.4 La régénération
CHAPITRE III : RESULTATS
III.1 Etude de la végétation
III.1.1 Le cortège floristique
III.1.2 Fréquence de présence de chaque espèce rencontrée
III.1.3 Le recouvrement
III.1.4 Paramètres de diversité
III.1.5 Structure du peuplement
III.1.5.1 Distributeur selon la circonférence
III.1.5.2 Distribution selon la hauteur
III.1.6 Capacité de régénération
III.2 Perceptions pastorales 
III.2.1 Etat de connaissance des ligneux fourragers par les agropasteurs
III.2.2 Inventaire des ligneux fourragers et degré d’appétibilité
III.2.3 Modalités d’accès
III.2.4 Parties exploitées
III.2.5 Période d’exploitation des ligneux fourragers
III.2.6 Autres utilisation des ligneux fourragers
CHAPITRE IV : DISCUSSION
CONCLUSION
PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *