Comparaison du retentissement des risques psychosociaux sur l’état de santé du personnel hospitalier

Les risques psychosociaux

Il n’est pas aisé de trouver une définition aux risques psychosociaux. En effet le vocabulaire des risques psychosociaux reste flou car il renvoie à différentes notions complexes.
Une définition intéressante a été donnée dans La CONVENTION COLLECTIVE NATIONALE DES SOCIETES FINANCIERES (Accord du 21 janvier 2019 relatif aux risques psychosociaux), signée par les principaux syndicats: « Les risques psychosociaux au travail recouvrent des risques professionnels d’origine et de nature variées, qui mettent en jeu l’intégrité physique et la santé mentale des salariés et qui peuvent avoir de ce fait des effets négatifs sur le bon fonctionnement des entreprises et sur la vie des salariés. Il s’agit notamment du stress, du harcèlement moral et sexuel, de la violence et de la souffrance au travail, de l’épuisement professionnel, des incivilités et des agressions physiques et verbales ».

Modélisation des RPS

Afin d’essayer de comprendre et expliquer les problématiques liées aux RPS, plusieurs modèles du stress professionnel ont été élaborés.
Le modèle de CANNON : Cannon a été le premier à tenter de créer un modèle permettant de comprendre le fonctionnement du stress. Dès 1914, celui-ci va essayer de comprendre les mécanismes de réaction face aux menaces extérieures. Il élabora une théorie sur la mise en place des réactions émotionnelles et physiologiques. Le terme de stress sera donc utilisé dans le sens physiologique du terme. Afin de comprendre l’effet du système sympathique, il réalisa une sympathectomie totale chez un chat. Ce chat continua de vivre mais éprouva des difficultés à résister aux agressions externes tel que la chaleur, le froid, le manque d’oxygène. De plus il ne montra plus d’agressivité et une forme d’apathie totale.
Il nota l’importance de la libération d’adrénaline pour résister aux menaces et lui permit d’émettre l’hypothèse que la réaction de stress permet de se préparer au combat ou bien de fuir. De ce fait «le stress est vu comme une réponse adaptative à un stresseur permettant à l’individu de surmonter cette épreuve» .
Le modèle de SELYE : En 1956, Selye, endocrinologue canadien, a élaboré un modèle théorique appelé le « syndrome général d’adaptation ». Cela correspond à une réponse de l’organismes aux agressions auxquelles il est exposé. Cette réaction générale d’alarme est appelée complexe agression-réaction et englobe l’aspect physiologique, humoral et endocrinien de cette réaction à un agent stressant.
Hans Selye va diviser le syndrome général d’adaptation en 3 phases : La première phase est la phase d’alarme. Elle correspond à la réaction immédiate de l’organisme lorsqu’il est exposé soudainement à un stresseur auquel il n’est pas préparé. Par exemple, lorsqu’un travailleur doit réaliser dans un délai très bref une charge de travail trop importante à laquelle il n’était pas préparé. Cette phase est formée de symptômes traduisant un état général de souffrance de l’organisme (tachycardie, dilatation pupillaire, hypotension, hypothermie…). Cette phase dure de quelques minutes à plusieurs heures.
La seconde phase est la phase de résistance. Lorsque la situation stressante se prolonge, l’organisme s’habitue à l’environnement stressant et les manifestations physiologiques diminuent. Cependant l’organisme continuer de lutter contre le stresseur. Si les stimuli se prolongent davantage, l’organisme peut atteindre la phase d’épuisement.
La troisième phase est la phase d’épuisement. Cette phase correspond à l’ensemble des réactions qui caractérisent le moment où l’organisme n’est plus en capacité de s’adapter au stimulus stressant auquel il est exposé. En effet l’organisme s’épuise au fil du temps et lorsque ses capacités adaptatives physico-psychiques sont dépassées, alors on peut voir apparaitre des manifestations pathologiques.

Les signes cliniques

Comme nous avons pu le voir dans l’introduction, il existe de nombreuses pathologies en lien avec les risques psycho-sociaux :
Le stress : La première définition du stress a été conceptualisée par Hans Selye : « ensemble des moyens physiologiques et psychologiques mis en œuvre par une personne pour s’adapter à un événement donné ». Le stress est donc une réaction de l’organisme a des stimuli externes qui peuvent être multiples, tels des stimuli physiques (douleur, brulures, effort physiques…) mais aussi psychologiques (surcharge de travail, difficultés relationnelles, problèmes familiaux ou financiers…).
L’organisme est capable de s’adapter à des périodes courtes de stress, qui peuvent d’ailleurs être considérées comme positives : motivation dans le travail, améliorations des performances physique et psychiques…etc.
Cependant un état de stress prolongé, ou stress chronique, empêchera un retour à l’équilibre physiologique. Cela entrainera de nombreux symptômes, tels qu’une altération de l’attention et de la mémoire, une augmentation des sensations de peur, une anxiété généralisée pouvant aller jusqu’aux attaques de panique, une plus grande agressivité, des troubles du sommeil associés à une asthénie, des états dépressifs et suicidaires…
Lorsque l’association de ces symptômes est en lien avec des facteurs professionnels, nous parlerons de Burn-out.
Le burn-out ou syndrome d’épuisement professionnel. Le terme a été conceptualisé pour la première fois par le psychiatre américain Freudenberger et défini comme « un état de fatigue chronique, de dépression et de frustration apporté par la dévotion à une cause, un mode de vie, ou une relation, qui échoue à produire les récompenses attendues et conduit en fin de compte à diminuer l’implication et l’accomplissement au travail » . Selon Maslach et Leiter, « le burnout est un syndrome psychologique d’épuisement, de cynisme et d’inefficacité au travail. Il est considéré comme une expérience individuelle de stress intégré dans un contexte de relations sociales complexes et implique la conception que la personne a d’elle-même et des autres au travail » . On peut diviser la symptomatologie du burn-out, qui est donc un syndrome, en 6 symptômes : hyperactivité initiale, désengagement, détresse psychologique, pétrification cognitive, appauvrissement, retentissement psychosomatique .
L’hyperactivité initiale se manifeste par une sorte de frénésie où le salarié aura tendance à faire des heures supplémentaires sans réussir à s’arrêter et aura l’impression de n’avoir pas le temps ni la possibilité de terminer ses missions. Cette hyperactivité sera couplée à une sensation d’épuisement, d’asthénie, couplés à un sommeil non réparateur.
Le désengagement se manifestera envers les clients/patients/collègues avec une diminution de l’empathie voir de la maltraitance ainsi qu’une déshumanisation de l’autre qui pourra être traité comme un objet. Cela pourra aussi toucher la sphère personnelle. Le salarié aura un regard négatif sur son travail, avec une diminution de son implication allant jusqu’à l’absentéisme.

Les risques psychosociaux à l’hôpital

Comme dans toute entreprise, la présence de RPS est inévitable à l’hôpital. Mais depuis le début des années 2000, la modification structurelle et organisationnelle de l’hôpital public a fortement transformé les conditions de travail.
Plusieurs lois ont amené ces changements : La loi de Financement de la Sécurité Sociale du 18 décembre 2003. Elle a amené la mise en place de la tarification à l’activité (T2A). Les budgets alloués aux établissements de santé public et privés deviennent dépendant de leur activité. La loi du 13 août 2004 relative à l’Assurance maladie qui a permis la création de la Haute autorité de santé (HAS).
La loi Hôpital, Patients, Santé et Territoires (HPST, dite Loi Bachelot) du 21 juillet 2009 – création des Agences Régionales de Santé (ARS). Elle a pour objectifs de réformer la gouvernance des hôpitaux en les regroupant dans des communautés hospitalières de territoire (CHT) et en étendant le pouvoir des directeurs d’hôpitaux.
La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé portée par Marisol Touraine. Cette loi avait pour but de faciliter l’accès aux soins et consolider le système de santé en permettant entre autres la création des groupements hospitaliers de territoire (GHT). Selon les critères de Gollac, ces changements continus dans l’organisation sont donc à même d’augmenter les risques de RPS chez les soignants.
De plus, la conséquence majeure de ces restructurations des hôpitaux est la réduction du personnel. Selon les estimations de la Fédération hospitalière de France en 2009, la réalisation de 300 millions d’économie induite par une diminution du taux de progression de l’ONDAM (Objectif National de Dépenses d’Assurance Maladie) de 3 à 2,5 % se traduit par la suppression de 10 000 emplois par an.
Une des autres problématiques est que la vision médicale de l’hôpital s’oppose actuellement à une vision managériale à dominances économique et budgétaire. Dans un but de rentabilité, le qualitatif a laissé place au quantitatif, au grand désarroi des professionnels de santé . Enfin le métier de soignant est en lui-même un métier comportant intrinsèquement des risques psycho-sociaux importants selon les critères Gollac : L’intensité et la complexité du travail sont fortes du fait des responsabilités importantes, de la polyvalence du travail, de l’attention et de la vigilance nécessaire à la réalisation des tâches.
Des horaires de travails difficiles. En effet, les plages horaires peuvent être très importantes (jusqu’à 24h d’affilée), décalées, de nuit ou bien demander une disponibilité en dehors des horaires de travail. Cela peut rendre difficile la conciliation vie personnelle et vie professionnelle.
Des conflits de valeur. En effet, les décisions médicales peuvent entrainer des conflits éthiques. Des exigences émotionnelles fortes. La confrontation avec le public et la souffrance d’autrui mais aussi la mort sont des facteurs fragilisant la santé mentale des soignants.

La prévention des RPS

Afin de prévenir des RPS, il existe de nombreux leviers. Patrick Légeron les définit en 7 items: Les médias : le rôle des médias n’est pas négligeable. En effet la souffrance au travail est présente dans de nombreuses entreprises mais peu osent en parler. Les médias ont donc la capacité de faire prendre conscience à la société de l’importance de ces problématiques, de leur donner une visibilité et de changer le regard négatif qu’a une partie de la population sur ces risques et cette souffrance. En effet, comprendre la souffrance psychologique n’est pas chose aisée quand on ne l’a pas connue soit même. De plus, ils peuvent faire la promotion d’entreprises ayant une culture du bien-être au travail et diffuser au plus grand nombre les possibilités d’amélioration de la qualité de vie au travail (QVT).
L’image et la responsabilisation de l’entreprise : de nombreux partenaires et fonds d’investissements demandent aux entreprises de s’impliquer dans la santé de leurs salariés. En effet leur image au niveau sociétal influera leurs consommateurs, ce qui influera de facto sur leur rentabilité.
La participation des partenaires sociaux. Ceux-ci ont un pouvoir dans l’entreprises et doivent aider au maintien de la santé des salariés. La mises en place de commissions spécifiques sur la prévention des RPS est un pas de plus dans la prévention des RPS.
La judiciarisation des RPS : le fait de soutenir par des lois la prévention des RPS en donnant des obligations aux entreprises apportera en toute logique une aide dans le maintien de la santé des salariés. En effet, lorsque les salariés sont en arrêt de travail, qu’ils subissent un AT ou MP, lors des inaptitudes, cela coûte aux employeurs. Limiter les risques et donc par là même les accidents diminuera les cotisations sociales des employeurs.
L’élaboration de standards et de référentiels simples : des organismes tels que la Direction Générale du Travail (DGT), l’Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions du Travail (ANACT) ou bien l’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) fournissent des schémas facilement compréhensibles permettant la mise en place d’actions de préventions.
L’implication des pouvoirs publics : continuer les campagnes d’informations sur la prévention des RPS et le maintien de la santé mentale dans les entreprises ou bien la mise en place d’une labélisation des entreprises promouvant le bien-être des salariés sont autant de pistes déjà mises en place qui ne demandent qu’à se développer.

Table des matières

1. Introduction générale 
2. Les risques psychosociaux 
2.1 Définition
2.1.1 Le risque
2.1.2 Psychosocial
2.2 Modélisation des RPS
2.3 Les causes de l’apparition des RPS et de leur augmentation
2.4 Les signes cliniques
2.5 Au niveau légal
2.6 Les risques psychosociaux à l’hôpital
2.7 La prévention des RPS
3. Méthode 
3.1 Sélection du matériel de travail
3.2 Type d’étude
3.3 Recueil de données
3.3.1 Convocation des salariés
3.3.2 L’entretien
3.3.3 Aides à la réalisation de l’étude
3.3.4 Le questionnaire EVREST
3.4 Méthodes statistiques, considérations éthiques, autres informations
4. Résultats 
4.1 Description de la population de l’étude
4.2 Conditions de travail
4.3 Expositions professionnelles
4.4 Formation
4.5 Mode de vie
4.6 Etat de santé
4.7 Tableau récapitulatif
5. Discussion 
5.1 Résultat principal et son implication majeure
5.1.1 Les contraintes
5.1.2 Au niveau santé
5.2 Les forces et faiblesses de cette étude
5.2.1 Force de cette étude
5.2.1.1 Utilité de la démarche
5.2.1.2 Intérêt pour les salariés
5.2.1.3 Connaissance de l’évolution des conditions de travail au CHU Rouen
5.2.2 Faiblesse de cette étude
5.3 Evaluation de l’intervention
6. Conclusion 
7. Pistes d’évolution 
Bibliographie
Annexes

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *