Construction d’une architecture de marché : market design

Construction d’une architecture de marché : market design

Pendant plusieurs décennies (des débuts de la télémédecine « moderne » fin 1960-début 1970 jusqu‟en 2009), les pratiques de télémédecine se sont développées sans cadre officiel. Ainsi la pratique de télémédecine n‟était pas reconnue légalement comme un acte médical, les échanges entre professionnels de santé et patients n‟étaient pas encadrés par la loi (alors que les actes médicaux le sont par le code de la santé publique). La télémédecine, interdépendante du marché de la santé, ne respecte pas les postulats conventionnels des marchés régis par le libre jeu de l‟offre et de la demande38 . Ce mauvais « arrangement institutionnel » de départ n‟a pas rendu les acteurs de la télémédecine réceptifs aux effets des marchés. La défaillance du marché apparaît endogène. « Faute d‟une définition initiale, d‟une allocation et d‟une protection appropriées des droits économiques des agents, ceux-ci ne peuvent pas s‟engager dans des relations de marché par manque de « marchandisation » » (Glachant, 2008, p. 497). Il faut alors créer les bases institutionnelles d‟un marché en refondant la constitution de ces droits. La création de « droits de propriété » appropriés (définition, allocation, protection), relève de ce que Coase (1988) appelait les « structures institutionnelles de la production ». À partir de notre étude de la télémédecine, il nous semble que plusieurs éléments nécessitent d‟être définis pour contribuer à l‟architecture du marché de la télémédecine tels que son cadre d‟application, son cadre tarifaire et ses référentiels technologiques. 

Réglementation de la pratique de télémédecine

 L‟enjeu de la réglementation est d‟assurer la possibilité de l‟exercice de la télémédecine. Un cadre légal et une définition inscrite dans la loi permettent de cadrer les pratiques de télémédecine et de définir les responsabilités des différents acteurs. Le but est de définir le type de pratiques, d‟échanges effectués, d‟acteurs autorisés à pratiquer ces échanges, de responsabilités engagées, etc. Ce cadre doit garantir le respect des droits de la personne, la confidentialité et la protection de ses données médicales et personnelles, ainsi que la garantie du libre choix du patient et de son consentement éclairé. La première définition légale de la télémédecine date de la loi 2004-810 du 13 août 2004. Malgré cette reconnaissance de la télémédecine dans la loi de 2004, certains textes réglementaires antérieurs à la loi n‟étaient plus adaptés et constituaient de réels freins au développement de cette activité dans certains champs où son application est justifiée pour les malades. Une seconde définition a été formulée dans la loi HPST n° 2009-879 du 21 juillet 2009 et précisée dans le décret d‟application 2010-1229 du 19 octobre 2010. Cette définition réglementaire était très attendue par les différents acteurs de la télémédecine (professionnels de santé, offreurs de technologies et de services, gestionnaires d‟établissements, etc.). L‟article de loi et le décret ont contribué à introduire dans la législation les pratiques de télémédecine. Ainsi, l‟article L.6316-1 de la loi HPST a proposé de donner aux actes de télémédecine un statut juridique plus précis et de les inscrire dans le code de la santé publique. La télémédecine étant reconnue comme un acte médical, sa pratique doit donc respecter certaines règles déontologiques. Celles-ci peuvent alors être vues comme un second niveau de réglementation que devront respecter les professionnels de santé.

Réglementation tarifaire

 Un cadre de remboursement ou fixant les prix pour les échanges de télémédecine et l‟achat des dispositifs est nécessaire. La prise en charge financière des soins apportés aux patients, la décentralisation des décisions, et la gestion centralisée de certains prix et de certaines quantités (carte sanitaire, numerus clausus, rationnement budgétaire pour les hôpitaux publics et privés participant au service public hospitalier sous forme d’un budget global) fait partie des objectifs du système de santé français. « Ce dernier s’est caractérisé pendant longtemps par l’absence de signification des prix : prix administrés ; double déconnexion des prix (le prix reçu par le producteur étant supérieur au prix versé par le patient et le prix reçu étant différent du coût marginal de production), ainsi que par des subventions croisées à tous les niveaux, entre pathologies, entre services, entre établissements » (Bloch et Ricordeau, 1996, p. 117). La fixation des prix dépend d‟ajustements et de négociations entre les différentes parties prenantes en fonction de leurs différents objectifs (administrateurs d‟établissements de santé, professionnels de santé, instances étatiques type CNAM, etc.). On comprend alors Chapitre 6. Les enjeux des mécanismes de marché et de régulation 255 pourquoi la formalisation des prix pour les échanges de télémédecine est difficile à mettre en place. L‟acte médical – qu‟il s‟agisse de téléconsultation, de téléexpertise, de télésurveillance ou de téléassistance médicale – correspond à un temps médical et une compétence dont la reconnaissance implique une rémunération spécifique prévue et encadrée par la « protocolisation », qui détaille et planifie le protocole à suivre pour le diagnostic d‟une pathologie ou pour un régime thérapeutique. Sa réalisation requiert un investissement en matériels, logiciels et services qui doit être pris en considération, de même que les moyens relatifs à la coordination et à l‟organisation de ces nouvelles pratiques assurées en coopération. En effet, selon Simon et Acker (2008, p. 85) les besoins de financement doivent être analysés en distinguant ce qui relève : – de l‟infrastructure : la mise à disposition d‟un réseau sécurisé permettant d‟acheminer des images (compressées ou non) et le dossier (ou des éléments du dossier) du patient, ainsi que le dispositif de stockage de ces informations ; – de l‟équipement proprement dit : stations de vidéoconférence, salle dédiée aux réunions pour l‟expertise ; – du fonctionnement qui concerne plus particulièrement la réalisation de l‟acte médical lui-même et qui comprend, outre l‟acte intellectuel, les dépenses de maintenance et éventuellement de coordination. Lasbordes (2009, p. 109), opère aussi une classification de ce que doit prendre en compte la tarification : – l‟investissement en matériels, logiciels, leur maintenance et leur évolution ; – la rétribution de l‟acte médical ou paramédical ; – la coordination et l‟organisation de ces nouvelles pratiques en définissant les rapports qui vont se développer entre hôpitaux/hôpitaux, hôpitaux/secteur libéral, secteur libéral/secteur libéral, entre patient/paramédicaux/médicaux, ce qui introduit les notions de partage d‟honoraires et de responsabilités. Le caractère hybride de la télémédecine implique que tous les échanges ne peuvent être régis de la même manière. C‟est à partir de cette distinction que les principes de la tarification de la télémédecine peuvent être posés Cette définition est nécessaire à la conception et à la stabilisation de business model et au calcul du retour sur investissement. On comprend alors l‟enjeu d‟une segmentation par fonction pour l‟évaluation du coût des échanges commerciaux (CIF : cost insurance freight ; CAF : coût assurance fret). Si cette détermination du prix est essentielle à l‟architecture du marché de la télémédecine, elle n‟est pas la seule dimension critique qui doit être définie. En effet, « la détermination d‟un prix ex ante ne supprime pas la nécessité d‟une contractualisation complexe ex ante et d‟un contrôle approprié ex post » (Glachant et Perez, 2007, p. 9)

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