Dynamique de Reeb sur le bord de l’anse

Cadre de l’étude et structure du manuscrit

D’après Giroux [Gir02], toute variété de contact est portée par un livre ouvert dont la page est un domaine de Weinstein, voir la section 1.3 pour la définition. On fera dans ce document une hypothèse sur la forme de cette page, que l’on explicite à présent.
Le bord Y 2n−1 d’un domaine de Weinstein W 2n 0 est muni naturellement d’une forme de contact. Lorsque Λ ⊂ Y est une (n − 1)-sphère legendrienne, c’est-à-dire partout tangente aux hyperplans de contact, on peut attacher à W0 une anse critique au niveau de Λ. Topologiquement, cela correspond à choisir un certain voisinage tubulaire Λ × D n de Λ dans Y , et à recoller L × D n à W0 le long de Λ × D n , où L est un n-disque recollé de telle sorte que ∂L = Λ.
En choisissant le voisinage Λ × D n de façon approprié, la variété W ainsi obtenue admet une structure de domaine de Weinstein, et l’on dit que son bord Y Λ est obtenu à partir de Y par chirurgie de contact le long de Λ. La figure 3 tente de représenter la situation lorsque n = 2, même si l’on n’a pas pu faire figurer l’une des dimension de Y , et qu’il faudrait « lisser les coins » pour obtenir une variété.
Le principal résultat de cette thèse est le théorème suivant. Comme pour les autres résultats énoncés dans cette introduction, la numérotation fait référence à la section à laquelle ce théorème est prouvé.
Théorème 3.5.1. Soit (M 2n+1 , ξ ) une variété de contact close portée par un livre ouvert de page W . On suppose que W est un domaine de Weinstein obtenu à partir d’un autre domaine de Weinstein W0 par attachement d’une anse le long d’une sphère legendrienne lâche 4 Λ ⊂ ∂W 0 homologiquement triviale dans W0 . Alors pour toute forme de contact définissant ξ , le champ de Reeb associé possède une trajectoire fermée contractile.
Remarque 0.0.3. L’hypothèse importante ici est celle portant sur la classe d’homologie de Λ.
En effet, étant donné un domaine de Weinstein, on peut toujours introduire artificiellement une anse critique en faisant apparaître une paire de points critiques d’indice n et n − 1, à l’aide de [CE12, Proposition 12.22]. La proposition 12.12 du même livre permet de plus de s’assurer que la sphère stable du point critique d’indice n est bien lâche. Cependant, avec une telle construction, la sphère stable n’est pas homologiquement triviale.

Livres ouverts et feuilletages holomorphes

Afin de démontrer le résultat principal de ce document, la dernière étape consiste à établir un énoncé similaire à celui du théorème 2.4.6, mais en remplaçant W par R × M où M est une variété de contact supportée par un livre ouvert de page W . Le bord ∂W de la page est alors identifié à la reliure du livre ouvert, ce qui permet de voir l’orbite de Reeb ˜ c comme incluse dans M , et de s’intéresser aux plans holomorphes dans R × M qui lui sont asymptotes.
L’étude de ce passage de la page à la symplectisation du livre ouvert fait l’objet de la troisième partie, et nécessite de comprendre les liens qui unissent les pages du livre ouvert et les courbes holomorphes dans R × M . Une telle analyse a déjà été menée en dimension 3 par Wendl dans le cas des livres ouverts planaires, c’est-à-dire dont la page est de genre 0.
Théorème 0.0.4 ([Wen10b]). Soit (M, ξ) une variété de contact supportée par un livre ouvert planaire, dont on note π la fibration sur le cercle associée. Alors après une isotopie de π, il existe une forme de contact définissant ξ et compatible avec le livre ouvert, ainsi qu’une structure presque complexe J compatible sur R × M vérifiant la propriété suivante : il existe une famille lisse de dimension 2 et R-invariante de plans holomorphes d’énergie finie, d’indice 2, et plongés dans R × M , dont les projections sur M constituent une famille de dimension 1 de plongements paramétrisant les pages du livre ouvert.
Soulignons que ce résultat a été utilisé (entre autre) par Abbas, Cieliebak et Hofer afin de prouver le théorème 0.0.2 cité plus haut. L’hypothèse restrictive ici est celle portant sur le genre de la page. La construction de [Wen10b] emploie en effet une structure presque complexe compatible, non avec une forme de contact, mais avec une structure hamiltonienne stable (voir la section 3.1.2) que l’on déforme dans un second temps pour obtenir une structure de contact. Il s’agit alors de justifier que les propriétés intéressantes du feuilletage holomorphe obtenu dans un premier temps perdurent lors de cette déformation, ce qui pour des raisons d’indice n’est le cas que si les pages sont de genre 0.
En dimension supérieure, il est bien entendu illusoire d’espérer obtenir un énoncé strictement semblable au théorème 0.0.4, puisque par raison de dimension les pages ne peuvent être les projetés de courbes holomorphes. On contourne cette difficulté en montrant que pour la bonne structure presque complexe, les pages du livre ouvert se relèvent en des hypersurfaces holomorphes, et que chaque plan holomorphe asymptote à une orbite contenue dans la reliureest nécessairement contenu dans une des pages.
Proposition 3.2.1. Soit M une variété portée par un livre ouvert. Considérons, hors d’un voisinage de la reliure, la distribution verticale λ 0 (i.e. le champ d’hyperplans tangents aux pages du livre ouvert). Alors on peut étendre λ 0 en un confeuilletage λ 0 sur M , qui est de contact au voisinage de la reliure, et vérifie les propriétés suivantes.

Champ de Reeb

Soit (M, ξ) une variété de contact. Une 1-forme α définissant ξ = ker α est appelée forme de contact. On lui associe un champ de vecteurs R défini uniquement par ι Rdα = 0 et α(R) = 1, appelé champ de Reeb.
On appelle orbite de Reeb une trajectoire périodique du flot de Reeb, et corde de Reeb une trajectoire de R commençant et se terminant sur une sous-variété legendrienne Λ ⊂ M . Dans toute la suite de ce document, étant donné une corde c, on notera c − son point de départ et c + son point d’arrivée. Pour c une corde ou une orbite de Reeb, on définit son action (ou période pour une orbite) :

Nœuds legendriens lâches

Le but de cette section est de définir le concept de legendrien lâche, originellement introduit par Murphy dans [Mur]. Il s’agit d’une sous-variété legendrienne présentant, dans une certaine carte de Darboux dite carte lâche, une forme particulière.
Soit λ 0 l’arc legendrien dans (R 3 , ξ st ) dont la projection frontale est décrite par la figure 1.1 pour un certain a > 0. Ici on suppose que les pentes au niveau du point d’auto-intersection valent +1 et −1, et que la pente n’excède jamais 1 en valeur absolue. Ainsi λ 0 est inclus dans la boîte.

Espaces de modules considérés

On passe ici en revue les différents espaces de modules intervenant dans la suite. Il s’agit d’ensembles de courbes holomorphes définies sur un même domaine, représentant la même classe d’homologie, possédant les mêmes asymptotes et le même nombre de points marqués, et considérées à reparamétrisation près. Plus précisément, on identifiera deux courbes u.3Pour les courbes holomorphes à image dans une symplectisation, on quotiente en plus par l’action des translations selon la direction de la symplectisation.
On considère une variété de contact (V, α) contenant un nœud legendrien Γ, ainsi qu’un cobordisme de Weinstein.On suppose que φ admet un unique point critique, d’indice n, et l’on note L (resp. C ) sa variété stable (resp. instable).
Remarquons que L et C sont d’après 1.3.10 des sous-variétés lagrangiennes de X d’extrémités cylindriques. Enfin, on note Λ− = L ∩ V − la sphère stable et Λ+ = C ∩ V + la sphère instable, qui sont des sous-variétés legendriennes par la même proposition . Enfin, on note D le disque unité (fermé) de C, muni de la structure complexe standard.

COURBES PSEUDO-HOLOMORPHES ET ESPACES DE MODULES 

Suppposons dorénavant que toutes les courbes considérées envoient un point injectif dans un certain domaine compact fixe (ce qui sera bien le cas dans ce qui suit). Alors [Dra03, Wen15] montrent qu’une perturbation générique de J dans un voisinage compact des (images des) points injectifs suffit à assurer la transversalité. Lorsque l’espace de modules considéré comprend des points marqués, il est également possible par le même genre de perturbation de rendre l’application d’évaluation transverse à n’importe quelle sous-variété préalablement fixée [Wen15, Théorème 4.6.1]. Enfin, il sera très utile par la suite de disposer de versions « paramétriques » de ces résultats, dans le cas où l’on autorise la structure presque complexe sur W à varier. Les théorèmes 4.5.1 et 4.5.3 de [Wen15] impliquent alors que si l’on a une famille lisse (J t ) t∈[0,1] telle que les courbes J 0 et J 1 -holomorphes sont régulières (dans un sens à préciser suivant le type de transversalité souhaité), une perturbation générique de (J t ) t∈[0,1] sur un voisinage compact des points injectifs suffit à garantir la transversalité recherchée.

Attachement d’une anse critique

On étudie dans cette partie certaines familles de courbes holomorphes contenues dans un domaine de Weinstein W 2n , n ≥ 2, de la forme décrite sur la figure 4 donnée dans l’introduction: W est obtenu en attachant à un domaine de Weinstein W0 une anse X le long d’une sphère legendrienne lâche . Rappelons que sur cette figure L désigne l’âme de l’anse, et que le bord Y Λ de W est une variété de contact obtenue à partir de Y par chirurgie de contact le long de Λ.
La section 2.1 présente quelques considérations dans la carte lâche de Λ : on y observe une petite corde de Reeb et un petit disque holomorphe asymptote à cette corde, dont on étudie les propriétés. La section 2.2 détaille ensuite la construction de Y Λ et du cobordisme X , à l’aide d’un modèle explicite. Enfin, les sections 2.3 et 2.4 s’intéressent à différentes familles de courbes holomorphes vivant dans X ou W . Le résultat principal est le théorème 2.4.6, qui sera d’une grande utilité dans la partie suivante.

Un disque holomorphe dans la carte lâche

On rappelle ici pourquoi il existe au sein d’une carte lâche générique une unique corde de Reeb c. On définit ensuite un disque holomorphe rigide asymptote positivement à cette corde, dont l’on justifie l’unicité et le caractère Fredholm-régulier.
Afin d’alléger un peu certaines notations, on suppose, pour le temps de cette section uniquement, que Y est de dimension 2n +1 (et non 2n − 1 comme dans le reste du document).

UNE COURBE HOLOMORPHE PARTICULIÈRE 

Classes d’homologie

On s’intéressera dans la suite à la famille des anneaux holomorphes obtenus en rattachant v 1 à lui-même au niveau des deux perçures d’intersection lagrangienne, comme sur la figure 2.11 plus bas. Notons A la classe d’homologie relative représentée par un tel anneau.
Rappelons en outre que l’orbite ˜ c et la corde c 0 coïncident. En recollant v 1 à lui-même, non juste au point L ∩ C , mais tout le long du demi-axe x 1 , on obtient donc un anneau holomorphe asymptote à ˜ c en +∞, à c en −∞, et à bord uniquement sur L (voir la courbe en bas à droite de la figure 2.11). Notons A ∈ H2 (X, ˜ c ∪ c ∪ L) la classe d’homologie relative correspondante.

Transversalité

Toutes les courbes holomorphes qui interviennent dans la suite de cette partie présentent une unique asymptote positive, vers c, c 0 , ou ˜ c. D’après la majoration (1.1) établie en 1.7.3, l’énergie de ces courbes est donc bornée par une quantité ne dépendant que des actions de c, c 0 et ˜ c ; tous les espaces de modules concernés admettent donc une compactification naturelle comme décrit en 1.7.5. Dans le reste de ce document, on supposera systématiquement que les espaces de modules ont été préalablement compactifiés.
D’autre part, l’orbite ˜ c étant simple, toutes ces courbes sont simples. En vertu des résultats classiques de transversalité (voir la remarque de la section 1.7.6), une perturbation générique de J parmi les structures presque complexes adaptées à X garantit que tous les espaces de modules considérés sont donc des variétés de dimension égale à leur dimension virtuelle.
En réalisant une telle perturbation de J , on peut également garantir que les applications d’évaluation ev 1 et (ev 1 , ev 2 ) associées à certains espaces de courbes avec des points marqués sont transverses à L et L × L ; en effet, une intersection dénombrable de sous-espaces de Baireest encore un sous-espaces de Baire, et en particulier est encore dense.
On fait à partir de maintenant un choix d’une telle perturbation générique, que l’on note encore J . Puisque la courbe v 1 est Fredholm-régulière, elle survit à la perturbation de J , et garde bien son caractère unique (pourvu que la perturbation de J ait été choisie suffisamment petite). On note encore v 1 la courbe obtenue après perturbation.

Démonstration du résultat principal

Cette section est consacrée à la preuve du résultat principal de ce document, dont on rappelle l’énoncé : Théorème 3.5.1. Soit (M 2n+1  , ξ ) une variété de contact close portée par un livre ouvert (W, Ψ). On suppose que W est un domaine de Weinstein obtenu à partir d’un autre domaine de Weinstein W0 par attachement d’une anse le long d’une sphère legendrienne lâche Λ ⊂ ∂W 0 homologiquement triviale dans W0 . Alors pour toute forme de contact définissant ξ , le champde Reeb associé possède une trajectoire fermée contractile.
On poursuit les considérations menées à la section 3.4. Dans la section 3.2.3, on a construit sur M une famille de structures hamiltoniennes stables Hε est suffisamment petit. Pour ε > 0, λ ε est une forme de contact sur M portée par un livre ouvert de page W et de monodromie Ψ. Au vu de la proposition 3.1.1 et du théorème de stabilité de Gray [Gei, Théorème 2.2.2], on peut donc supposer que ξ = ker λ ν . Soit alors µ une autre forme telle que ξ = ker µ ; démontrer le théorème 3.5.1 revient à établir que le champ de Reeb associé à µ possède une trajectoire fermée contractile.

Table des matières

Remerciements 
Introduction
Partie 1 – Notions de base 
1.1 Géométrie symplectique
1.2 Géométrie de contact
1.2.1 Généralités
1.2.2 Champ de Reeb
1.2.3 Projections frontales et lagrangiennes
1.2.4 Nœuds legendriens lâches
1.3 Variétés de Liouville et de Weinstein
1.3.1 Structures de Liouville
1.3.2 Structures de Weinstein
1.4 Chirurgie de contact
1.5 Structures presque complexes
1.6 Indice de Conley-Zehnder d’une orbite de Reeb
1.7 Courbes pseudo-holomorphes et espaces de modules
1.7.1 Généralités
1.7.2 Énergie
1.7.3 Asymptotes
1.7.4 Espaces de modules considérés
1.7.5 Compacité
1.7.6 Transversalité
Partie 2 – Attachement d’une anse critique 
2.1 Un disque holomorphe dans la carte lâche
2.1.1 Une petite corde de Reeb
2.1.2 Un petit disque holomorphe
2.2 Chirurgie critique et dynamique de Reeb
2.2.1 Notations
2.2.2 Dynamique de Reeb sur le bord de l’anse
2.2.3 Description du modèle local
2.2.4 Construction du cobordisme
2.2.5 Dynamique du flot de Reeb après chirurgie
2.3 Une courbe holomorphe particulière
2.4 Étude d’une famille de plans holomorphes dans W
2.4.1 Résultats préliminaires dans X
2.4.2 Ajout d’un remplissage W0
Partie 3 – De la page au livre ouvert 
3.1 Quelques définitions supplémentaires
3.1.1 Livres ouverts
3.1.2 Structures hamiltoniennes stables
3.1.3 Compléments sur les courbes holomorphes
3.2 Une famille de structures hamiltoniennes stables
3.2.1 Énoncé du résultat
3.2.2 Construction d’une structure hamiltonienne stable
3.2.3 Perturbation de la structure hamiltonienne stable
3.3 Construction d’un feuilletage holomorphe
3.4 Étude d’une famille de plans holomorphes dans R × M
3.4.1 Cadre d’étude et énoncé du résultat
3.4.2 Calcul de l’indice
3.4.3 Transversalité
3.4.4 Un résultat de localisation
3.5 Démonstration du résultat principal
Perspectives 
Table des figures 
Références 

projet fin d'etude

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