Ergothérapie en rééducation de la main

Utilisation de l’activité en rééducation de la main

L’ergothérapeute est un professionnel de santé qui fonde sa pratique sur le lien entre l’activité humaine et la santé. Les ergothérapeutes contribuent de manière importante à l’approche pluri-professionnelle requise dans la rééducation spécialisée des personnes présentant une atteinte aux mains ou membres supérieurs. Dans certains pays notamment anglo-saxons, la majeure partie des rééducateurs spécialisés dans la main sont ergothérapeutes (73% au Royaume-Uni, 80% aux Etats-Unis et au Canada, 60% en Australie) (IFSHT, 2014). Cela atteste de la contribution indéniable de la profession au domaine de la rééducation de la main.
La priorité de l’intervention en ergothérapie est de faciliter les individus à maintenir ou à récupérer leur capacité à réaliser ou participer aux activités importantes pour eux, telles que le travail, les activités de la vie quotidiennes, l’éducation, les loisirs et la participation sociale (Amini, 2011) . Les traumatismes affectant la main ont des conséquences fonctionnelles majeures; l’attention spécifique que porte l’ergothérapeute aux activités signifiantes et à la participation l’habilite à travers les exercices et mobilisations à aborder l’interaction entre la personne, ses activités et l’environnement (Fitzpatrick & Presnell, 2004).
La rééducation de la main étant un processus long, les aspects de coûts de prise en charge des séances et la contrainte de temps constituent des défis et des limites pour les ergothérapeutes du secteur pour suivre une approche centrée sur l’activité. Le système de santé actuellement axé sur le principe efficacité-coût, tout en adressant la singularité clinique de chaque patient, rend parfois difficile l’élaboration d’un plan de traitement fondé sur l’activité (Dale et col., 2002; McColl, 1994). Ainsi, le délai nécessaire pour développer une alliance thérapeutique et permettre une prise en charge centrée sur la personne et sur l’activité est réduit.
Cela conduit souvent à une pratique réductionniste centrée sur les composantes physiologiques avec une dépendance fréquente aux protocoles et méthodes de traitement prescrites.
Néanmoins, dans des études cherchant à établir les bénéfices d’interventions centrées sur l’activité en rééducation de la main, Colaianni et Provident (2010) relèvent que ces interventions ont amélioré la motivation, la satisfaction et l’adhésion du patient, et ont conduit à une rémission fonctionnelle plus rapide, grâce à la pertinence des activités ou exercices fournis compte tenu de la vie quotidienne et des intérêts de l’individu. Le programme d’exercices fourni prend notamment en compte les facteurs psychologiques comme la crainte, la douleur et la capacité à réaliser les activités.

Approche holistique centrée sur la personne en rééducation de la main

La rééducation de la main aborde traditionnellement les préoccupations biomécaniques sous-jacentes aux pathologies du membre supérieur. Cependant, les ergothérapeutes apportent une dimension supplémentaire à cette spécialité. Ils utilisent une approche centrée sur la personne et sur l’activité permettant d’identifier les besoins de participation du patient (ce qu’il veut être capable de réaliser dans la vie quotidienne et qui est nécessaire ou signifiant) tout en se concentrant sur le rendement de ces activités comme finalité première de l’intervention. En effet, même si la spécificité de la rééducation de la main semble renforcer une pratique réductionniste centrée sur les composantes physiques et biomécaniques du traitement, l’ergothérapeute évoluant dans ce domaine se doit de prendre en compte également les composantes cognitives, affectives et sociales.
D’ailleurs, Jack et Estes (2010) ont identifié qu’une approche holistique centrée sur la personne et l’activité dans le traitement de la main traumatique donnait lieu à de meilleurs résultats chez le patient en facilitant son adaptation à l’environnement et à un meilleur rendement de celui-ci dans les activités fonctionnelles . Les études indiquent que les patients se perçoivent en fonction de leurs capacités et rôles occupationnels. Les blessures et pathologies interférant avec les rôles, les habitudes, la gestion du temps, les activités et la participation créent un sentiment de dysfonctionnement et un désir de retour à la normalité (Custer, Hueber, & Howell, 2014) . Incorporer des activités usuelles et habituelles dans le traitement et mettre l’accent sur la favorisation de la performance de ces activités produit des bénéfices pour le patient, incluant :
La préservation des rôles et habitudes, et le bien-être psychologique, à travers l’attention portée aux détails du fonctionnement quotidien précocement dans le processus de réhabilitation, L’augmentation de la motivation pour la thérapie et un rapport coût-efficacité renforcé de la rééducation puisque les patients peuvent percevoir un lien direct entre l’intervention en ergothérapie et leur retour à une participation effective dans leurs activités.
Le positionnement du patient comme acteur de sa rééducation. Tous les actes thérapeutiques ne peuvent ou doivent être effectués dans le milieu clinique. Fournir des conseils pour l’extérieur et un programme d’exercices à domicile permet d’aborder les objectifs continus au-delà du temps et budget alloués en milieu clinique.

Consignes et programme d’auto-rééducation de la main à domicile

Suite à un traumatisme ou intervention chirurgicale, la rééducation est classiquement proposée auprès d’un ergothérapeute dans un premier temps afin d’évaluer les capacités du patient et mettre en place des techniques rééducatives de la fonctionnalité de la main. La rééducation est orientée sur la récupération des amplitudes et de la force tout en conservant un niveau d’indépendance dans les activités de la vie quotidienne.
Tout au long du processus, l’ergothérapeute va mettre le patient en activité et lui fournir un accompagnement personnalisé. La rééducation se doit d’être précoce. Cette rééducation qualitative doit être pratiquée quotidiennement et de façon prolongée pour maintenir ses effets bénéfiques. C’est pour ces raisons que l’auto-rééducation a été élaborée. Le patient est de ce fait le seul acteur possible de cet entretien quotidien grâce à un programme d’auto-rééducation à domicile.
L’auto-rééducation est la rééducation pratiquée par le patient lui-même, grâce à des exercices conseillées et expliqués par l’ergothérapeute. Ils ont pour but d’aider le patient à entretenir et donc maintenir mais aussi améliorer les fonctions motrices et sensitives résiduelles. Les conseils apportés peuvent permettre le retour de la sensibilité, une réduction de phénomènes douloureux ainsi qu’une amélioration de la souplesse articulaire/cutanée et de l’aisance gestuelle et préhensive.
Certains, comme Bunnell et ce depuis longtemps la conseillait sous forme d’« intercure » à domicile afin de conserver les bénéfices et consolider les acquis des séances de rééducation, et dans le même temps d’essayer de progresser plus rapidement. Lemerle (1998) a publié un guide : L’auto-rééducation de la main traumatique, dans lequel on peut lire de l’auto-rééducation que « ce n’est pas une auto médication, mais au contraire, le prolongement puis le remplacement progressif d’une rééducation classique par des mouvements et des exercices enseignées aux patients. Ces mouvements sont périodiquement vérifiés par le thérapeute, le but étant l’autonomie rééducative du patient. » .
Les exercices et activités fournis sont expliqués par l’ergothérapeute et constituent un programme personnalisé. Suite à l’apprentissage et à l’éducation fournis, le principe pour le patient est d’être acteur de sa prise en charge et d’intégrer ces exercices dans sa vie quotidienne avec l’aide de l’ergothérapeute afin que cela ne soit pas une contrainte. Les exercices d’auto-rééducation doivent être effectués de manière régulière. La réalisation au long terme de l’auto-rééducation permet non seulement de préserver les fonctions mais aussi de les optimiser.
L’ergothérapeute au cours des séances en milieu clinique réévaluera, réajustera et graduera les exercices en fonction des progrès du patient quant à la récupération de la fonctionnalité de sa main. De ce fait, l’auto-rééducation est complémentaire des séances effectuées avec l’ergothérapeute et permet une continuité des soins et un prolongement de l’acte thérapeutique à domicile. D’ailleurs, une étude comparative (Sen, 2014) examinant la rééducation des patients suite à un fracture de type Pouteau-Colles a conclu que le programme d’exercice à domicile et les séances d’ergothérapie en clinique sont tout aussi bénéfiques, dans la réduction de la douleur et de la raideur et dans l’amélioration des amplitudes articulaires, des capacités de préhension.

Concordance ou alliance thérapeutiques

Les notions de concordance ou alliance thérapeutique (Freud, 1912) sont plus récemment utilisées et correspondent à la création d’un accord entre le patient et le thérapeute sur les décisions et les objectifs thérapeutiques du traitement. Ils vont donc majoritairement découler du patient et de la qualité de la communication et de l’interaction entre le patient et le praticien.
Rogers (1951) a défini l’engagement comme essentiel au processus thérapeutique en y incluant les notions de confiance réciproque, d’acceptation et de confidentialité avec des buts communs pour le patient et le professionnel de santé . Elle se matérialise par une collaboration active entre le patient et le soignant qui travaillent de concert, fondée sur une appréciation partagée des obstacles et un accord sur les solutions possibles (Cungi, 2009) . Le patient est donc situé au centre du processus de soins. Une bonne alliance thérapeutique ou concordance au début et au cours de la prise en soin facilite l’adhésion thérapeutique.

Avantages de l’éducation du patient

Dans le système de santé actuel, l’éducation du patient a le potentiel de limiter l’augmentation des coûts de prise en charge, en aidant les patients à gérer eux-mêmes leur maladie, afin de réduire les dépenses, notamment pour les maladies chroniques. En effet, des stratégies éducatives efficaces peuvent aider les patients à mieux cerner les complexités médicales tout en réduisant leur anxiété et en augmentant leur adhésion aux instructions fournies.
Des interventions spécifiques visant à enrichir les connaissances du patient peuvent améliorer les résultats du traitement de nombreuses pathologies aigües et chroniques. Par exemple, lorsqu’ils ont une lésion, les patients « éduqués » demeurent motivés et maintiennent leur adhésion aux plans de traitement (Drench, 2007) .
L’implication directe du patient dans la prise de décision, le rendant donc acteur de sa prise en soin, augmente sa motivation, son adhésion, sa responsabilisation (empowerment en anglais) et sa satisfaction face au traitement. Les institutions en santé reconnaissent les bénéfices de l’éducation du patient dans l’amélioration de son adhésion au processus rééducatif et de sa satisfaction. L’enseignement et l’apprentissage sont des concepts qui doivent être nécessairement inclus dans les interventions cliniques. Le rôle d’éducation des ergothérapeutes devient central à l’exercice de leur pratique. Cela implique la sélection de stratégies d’enseignement et d’apprentissage suffisamment efficaces afin d’avoir une influence sur la situation du patient aussi bien dans le contexte clinique que dans le continuum de soin au domicile.
L’ergothérapeute a donc un rôle pivot à jouer dans l’éducation du patient. L’épicentre de l’éducation du patient se trouve dans l’aide fournie aux individus et à leur famille afin de devenir des participants informés capable de gérer leurs pathologies et de faciliter leur réponse adaptative à la maladie. Tout en considérant les facteurs socio-économiques et culturels, l’ergothérapeute doit être capable d’enseigner des activités et techniques à réaliser dans le cadre clinique et à domicile, et à favoriser la promotion de la santé et des mesures de prévention (comme par exemple, la prévention des chutes des personnes atteintes d’ostéoporose).

Table des matières

I. INTRODUCTION 
1. Poignet 
1.1. Anatomie : ostéologie, arthrologie et système ligamentaire
1.2. Biomécanique : amplitudes et myologie
1.3. Fracture de l’extrémité inférieure du radius
1.3.1. Données épidémiologiques
1.3.2. Classification anatomo-pathologique
1.3.3. Traitement et évolution
2. Ergothérapie en rééducation de la main
2.1. Utilisation de l’activité en rééducation de la main
2.2. Approche holistique centrée sur la personne en rééducation de la main
2.3. Consignes et programme d’auto-rééducation de la main à domicile
3. Observance/adhésion thérapeutique 
3.1. Définitions
3.1.1. Compliance et observance thérapeutiques
3.1.2. Adhésion thérapeutique
3.1.3. Concordance ou alliance thérapeutiques
3.2. Non-observance
4. Modèle des croyances relatives à la santé : le Health Belief Model 
4.1. Origine
4.2. Dynamique
4.3. Implications
5. Education du patient 
5.1. Avantages de l’éducation du patient
5.2. Education du patient et apprentissage de l’adulte
5.2.1. Hypothèses
5.2.2. Principes
6. Motivation du patient 
6.1. Définition
6.2. Motivation en rééducation de la main
6.3. Importance de la motivation dans la modification du comportement
II. METHODE ET INSTRUMENT
1. Choix de la méthode
2. Population étudiée 
3. Choix et construction de l’outil théorisé de recueil de données 
4. Déroulement de l’enquête 
5. Choix des outils de traitement des données 
III. RESULTATS 
1. Comportement d’adhésion thérapeutique aux exercices d’auto-rééducation à domicile 
2. Adhésion thérapeutique et caractéristiques du patient 
3. Adhésion thérapeutique et caractéristiques de la lésion 
4. Adhésion thérapeutique et attitude du patient 
5. Adhésion thérapeutique et rapport à l’ergothérapeute 
IV. DISCUSSION DES DONNÉES 
1. Interprétations des résultats
1.1. Adhésion thérapeutique
1.2. Caractéristiques du patient
1.3. Caractéristiques de la lésion
1.4. Attitude du patient
1.5. Rapport patient-ergothérapeute
2. Critiques du dispositif de recherche 
3. Transférabilité pour la pratique professionnelle
4. Perspectives de recherche 
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 
ANNEXES 
Annexe I : Les os du poignet
Annexe II : Les ligaments du poignet
Annexe III : Les mouvements du poignet
Annexe IV : Classification des lésions de l’extrémité inférieure du radius de Kapandji
Annexe V : Matrice du questionnaire de recherche
Annexe VI : Questionnaire-patient
RÉSUMÉ et MOTS CLES 

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