ÉTUDE DES INTERPHASES CARBONÉES CARACTÉRISATION DES COMPOSITES SiC/SiC ET C/SiC

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INTRODUCTION

Selon le dernier bilan du Réseau de Transport d’Electricité (RTE), le nucléaire représente 72,3 % de la production totale d’électricité en France en 2016 [1]. Au cours des années 70, l’énergie nucléaire a connu un essor important permettant de fournir une énergie compétitive et de conserver une certaine indépendance énergétique au vu du contexte économique (première crise pétrolière). A l’heure où la lutte contre le réchauffement climatique est une préoccupation d’une extrême importance, l’utilisation de l’atome, en parallèle à un programme d’économie d’énergie et au développement des énergies renouvelables, a permis à la France de réduire le recours aux énergies fossiles. En effet, le nucléaire, source d’énergie à faible émission de CO2, apparait être une solution permettant de limiter et de diminuer la production de gaz à effet de serre. Cependant, son utilisation peut générer d’autres risques et contraintes comme l’approvisionnement de combustible sur le long terme, la production de déchets hautement radioactifs et la sûreté des réacteurs.
En vue d’améliorer la sûreté, les performances et la viabilité économique des centrales nucléaires, le développement de matériaux innovants capables de résister aux environnements et aux températures extrêmes régnant au cœur des réacteurs est essentiel [2]. Les événements survenus dans la centrale japonaise de Fukushima en 2011 ont mis en évidence la déficience des gainages (première barrière de confinement du combustible et des produits de fission) actuels en alliage de zirconium et conduisent la communauté scientifique à s’intéresser à d’autres matériaux pour améliorer la sûreté des réacteurs du parc d’aujourd’hui et de demain.
Les matériaux composites thermostructuraux à matrice céramique et renforts fibreux de type SiC/SiC assureraient une alternative intéressante aux alliages métalliques en tant que gaine combustible pour plusieurs générations de réacteurs (REP, GFR) [3][4][5][6]. Leur caractère réfractaire, leur transparence neutronique et leur bon comportement thermomécanique sous flux neutronique en font des candidats prometteurs. Le CEA a donc développé un concept de gaine, dite « sandwich », constituée d’un liner métallique pris entre deux couches de composite SiC/SiC (figure 1) [7][8][9]. L’adjonction de la couche métallique permet de satisfaire la fonction d’étanchéité de la gaine, même après fissuration matricielle du composite au-delà d’un certain seuil de chargement, afin de confiner les produits de fission radioactifs [10].
Stroppa ation envisagée dans le domaine du nucléaire concernerait les tubes hexagonaux enveloppant les faisceaux d’aiguilles de combustible des réacteurs à caloporteur sodium (figure 2). Les tubes hexagonaux actuellement utilisés et envisagés sont constitués d’aciers soit austénitiques, soit ferrito-martensitiques, qui ont chacun leurs avantages et leurs défauts. Ils exhibent respectivement un gonflement trop élevé sous irradiation et un fluage pouvant être important à haute température [11][12]. Afin de pallier ces inconvénients, le CEA a breveté un concept de tube hexagonal hybride métal – SiC/SiC [13], qui apporterait un gain de sûreté.
Figure 2 – Tube hexagonal avec tronçons en composite SiC/SiC pour application nucléaire [13]
Originellement, les composites SiC/SiC ont été développés pour d’autres applications, notamment dans les secteurs de l’aéronautique et de l’aérospatial (exemples : tuyères, aubes de turbine, volets et pièces chaudes de réacteurs, échangeurs thermiques, pièces de turbine à gaz), de par leur tenue thermomécanique et leur résistance à l’oxydation à haute température [14][15]. De ce fait, les composites SiC/SiC et C/SiC remplacent, de plus en plus, les composites C/C pour les applications à hautes températures. Ces composites sont utilisés dans des domaines pour lesquels les alliages métalliques sont en limite d’usage. Pour l’aérospatial [16], les composites à matrice céramique sont, par exemple, introduits dans la fabrication des bords d’attaque des navettes spatiales. Lors de leur entrée dans l’atmosphère, ces pièces doivent résister à des températures extrêmes sous air. L’utilisation des CMC pour les moteurs d’avion et d’hélicoptère permet aussi de réduire le poids des engins et d’augmenter leurs températures de fonctionnement, conduisant à une diminution de la consommation en carburant et une amélioration des performances des moteurs (rendement).
Néanmoins, l’optimisation de leur comportement mécanique reste l’un des objectifs principaux à atteindre pour envisager leur utilisation. Ce comportement est intimement lié à la nature des fibres qui les renforcent. Parmi les fibres SiC commercialisées, les fibres dites de troisième génération, Hi-Nicalon S (HNS) et Tyranno SA3 (TSA3) (respectivement produites par NGS et Ube Industries) possèdent les meilleures propriétés mécaniques à haute température et sous irradiation, permettant leur utilisation en tant que renforts des composites SiC/SiC de l’étude [17] [18]. Les fibres TSA3 confèrent aux composites des propriétés thermiques intéressantes de par leur conductivité thermique, étant donné leur taille de grains plus important que ceux des fibres HNS. Cependant, les composites TSA3/SiC présentent une tolérance à l’endommagement plus faible que celle des composites HNS/SiC. La capacité remarquable des composites SiC/SiC à supporter
l’endommagement est contrôlée par le couplage entre les fibres et la matrice. Ce dernier est réalisé par l’intermédiaire d’une interphase en carbone pyrolytique (PyC), assurant un rôle de fusible mécanique et devant conférer au composite un allongement à la rupture optimal.
Une précédente étude dans le laboratoire LTMEx du CEA Saclay [18] a mis en évidence le rôle primordial des caractéristiques de surface des fibres SiC sur le couplage fibre/matrice, soulignant que la différence de rugosité des fibres ne pouvait expliquer seule les variations de comportement observées. La caractérisation des liaisons interfaciales entre le pyrocarbone et la fibre constitue également une composante importante à prendre en compte pour prévoir l’intensité du couplage fibre/matrice. Cependant, les mécanismes locaux d’interaction restent encore mal connus ; ils pourraient être influencés par la structure des premiers nanomètres de surface des fibres, riches en carbone [19]. Il convient alors de s’intéresser plus précisément à la composition et à la microstructure de la surface des fibres afin d’appréhender l’adhésion chimique à l’interface PyC/fibre SiC ainsi que leur impact sur le couplage F/M du composite. Une compréhension des mécanismes de sa formation est nécessaire afin de trouver un éventuel traitement pour améliorer le comportement fragile des composites SiC/SiC renforcés par les fibres TSA3.
Au cours de cette étude, les composites C/SiC renforcés par les fibres T300 (Toray Carbon) sont comparés aux composites SiC/SiC afin de mieux comprendre les mécanismes d’interactions entre le pyrocarbone et les fibres SiC. Ces composites C/SiC présentent des problèmes similaires en termes de fragilité que les SiC/SiC fabriqués à partir de renfort TSA3. Cependant, lorsque les composites C/SiC sont élaborés à partir de fibres T300 traitées thermiquement, une nette amélioration de leurs propriétés mécaniques est observée. Les phénomènes macroscopiques pilotant les mécanismes d’adhésion de l’interface des composites C/SiC seront identifiés et mis en lien avec ceux observés pour les composites SiC/SiC.
Le premier chapitre de ce manuscrit constituera la synthèse bibliographique de l’étude centrée sur les constituants et la méthode de fabrication des composites SiC/SiC et C/SiC de cette étude ainsi que sur la définition et le rôle du couplage fibre/matrice régissant leurs propriétés mécaniques. L’influence de la rugosité et de la physico-chimie de surface des fibres sur les propriétés des composites y sera aussi discutée. Le deuxième chapitre sera dédié aux matériaux et aux techniques expérimentales utilisées au cours du projet. La chimie et la microstructure de l’extrême surface des fibres étudiées seront caractérisées au cours du troisième chapitre. Ensuite, les quatrième et cinquième chapitres présenteront les résultats obtenus sur la structure des interphases carbonées à l’interface fibre/matrice et leur influence sur le comportement mécanique des composites SiC/SiC et C/SiC. Enfin, le dernier chapitre sera consacré à une voie d’amélioration du couplage fibre/matrice des composites SiC/SiC renforcés par les fibres TSA3.

Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
CHAPITRE 1 : SYNTHÈSE BIBLIOGRAPHIQUE
1. INTRODUCTION
2. LES COMPOSITES SiCf/SiCm
2.1 Généralités
2.2 Les fibres SiC.
2.2.1 Les fibres Hi Nicalon S (HNS)
2.2.2 Les fibres Tyranno SA3 (TSA3)
2.2.3 Mise en forme du renfort fibreux
2.3 L’interphase pyrocarbone (PyC)
2.4 L’infiltration chimique en phase vapeur (CVI)
3. PROBLÉMATIQUE DU COUPLAGE FIBRE/MATRICE.
3.1 Définition du couplage fibre/matrice (F/M)
3.2 Couplage fibre/matrice au sein des composites SiC/SiC
3.3 Influence de la rugosité de surface des fibres sur le couplage F/M
3.4 Influence de la physico-chimie de surface des fibres sur le couplage F/M
3.4.1 Étude de la chimie de surface des fibres SiC
3.4.2 Origine de la chimie de surface des fibres SiC
3.4.3 Réactivité de la surface carbonée des fibres SiC
4. MATÉRIAU MODÈLE DE L’ÉTUDE
4.1 Les composites Cf/SiCm
4.2 Les fibres T300
4.3 Traitement thermique des fibres T300
5. CONCLUSION
RÉFÉRENCES
CHAPITRE 2 : MATÉRIAUX ET TECHNIQUES
EXPÉRIMENTALES
1. INTRODUCTION
2. MATÉRIAUX ÉTUDIÉS
2.1 Fibres
2.2 Composites
3. CARACTÉRISATIONS PHYSICOCHIMIQUES
3.1 L’analyse thermogravimétrique couplée à la spectrométrie de masse (ATG-MS)
3.2 La chromatographie gazeuse inverse (CGI)
3.3 La spectroscopie de photoélectrons X
4. CARACTÉRISATION MICROSTRUCTURALE PAR MICROSCOPIE ÉLECTRONIQUE
EN TRANSMISSION
4.1 Préparation des échantillons
4.2 Observations microstructurales des fibres et des composites
4.3 Analyse et traitement d’images METHR
5. CARACTÉRISATION MÉCANIQUE
5.1 Comportement mécanique des composites en traction
5.2 Contraintes résiduelles d’origine thermique
5.3 Comportement mécanique des composites en cisaillement
5.4 Observations des mécanismes locaux d’endommagement
6. CONCLUSION
RÉFÉRENCES
CHAPITRE 3 : CARACTÉRISATION DE SURFACE DES FIBRES
1. INTRODUCTION
2. PROPRIÉTÉS DU CARBONE DE SURFACE DES FIBRES HNS
2.1 Désensimage des fibres HNS
2.2 Composition chimique de la surface des fibres HNS désensimées
2.3 Étude du carbone de surface des fibres HNS
2.3.1 Chimie de carbone de surface
2.3.2 Structure de carbone de surface
3. PROPRIÉTÉS DU CARBONE DE SURFACE DES FIBRES TSA3
3.1 Désensimage des fibres TSA3
3.2 Composition de surface des fibres TSA3 désensimées
3.3. Étude du carbone de surface des fibres TSA3 désensimées
3.3.1 Chimie de carbone de surface
3.3.2 Structure de carbone de surface
4. PROPRIÉTÉS DU CARBONE DE SURFACE DES FIBRES T300
4.1 Étude de l’étape de désensimage des fibres T300
4.2 Composition de surface des fibres T300
4.3 Étude du carbone de surface des fibres T300
4.3.1 Chimie de carbone de surface
4.3.2 Structure de carbone de surface
5. RÉACTIVITÉ DE SURFACE DES FIBRES
6. DISCUSSION GÉNÉRALE
7. CONCLUSION
RÉFÉRENCES
CHAPITRE 4 : ÉTUDE DES INTERPHASES CARBONÉES CARACTÉRISATION DES COMPOSITES SiC/SiC ET C/SiC
1. INTRODUCTION
2. CARACTÉRISATION MICROSTRUCTURALE DES INTERPHASES CARBONÉES
SEIN DES COMPOSITES RENFORCÉS PAR LES FIBRES HNS
2.1 Fibres HNS revêtues de PyC
2.2 Composite HNS/SiC
2.3 Composite HNS/PyC/SiC
3. CARACTÉRISATION MICROSTRUCTURALE DES INTERPHASES CARBONÉES
SEIN DES COMPOSITES RENFORCÉES PAR LES FIBRES TSA3
3.1 Fibres TSA3 revêtues de pyrocarbone
3.2 Composites TSA3/SiC et TSA3/PyC/SiC
4. CARACTÉRISATION MICROSTRUCTURALE DES INTERPHASES CARBONÉES
SEIN DES COMPOSITES RENFORCÉES PAR LES FIBRES T300 ET T300THT
4.1 Fibres T300 et T300THT revêtues de pyrocarbone
4.2 Composites T300/SiC et T300THT/SiC
4.3 Composites T300/PyC/SiC et T300THT/PyC/SiC
5. DISCUSSION GÉNÉRALE
6. CONCLUSION
RÉFÉRENCES
CHAPITRE 5 : INFLUENCE DE L’INTERFACE F/M SUR COMPORTEMENT MECANIQUE DES COMPOSITES SIC/SIC ET C/SIC
1. INTRODUCTION
2. COMPORTEMENT MÉCANIQUE DES COMPOSITES EN TRACTION
2.1 Comportement des composites renforcés par les fibres HNS
2.1.1 Traction monotone
2.1.2 Traction cyclée
2.1.3 Mécanismes d’endommagement à l’interface fibre/matrice
2.2 Comportement des composites renforcés par les fibres TSA3
2.2.1 Traction monotone
2.2.2 Traction cyclée
2.2.3 Mécanismes d’endommagement à l’interface fibre/matrice
2.3 Comportement des composites renforcés par les fibres de carbone
2.3.1 Traction monotone
2.3.2 Traction cyclée
2.3.3 Mécanismes d’endommagement à l’interface fibre/matrice
3. COMPORTEMENT MÉCANIQUE DES COMPOSITES SOUS SOLLICITATION
CISAILLEMENT
3.1 Intensité du couplage fibre/matrice des minicomposites SiC/SiC
3.2 Mesure du couplage fibre/matrice des composites SiC/SiC
3.3 Mesure du couplage fibre/matrice des composites C/SiC..
4. DISCUSSION GÉNÉRALE
5. CONCLUSION
RÉFÉRENCES
CHAPITRE 6 : VERS L’AMÉLIORATION DU COUPLAGE F/M DES COMPOSITES TSA3/PYC/SIC
1. INTRODUCTION
2. TRAITEMENT DE SURFACE DES FIBRES TSA3
2.1 Procédure expérimentale
2.2 Analyse microstructurale des fibres TSA3 traitées
2.2.1 Fibres ensimées
2.2.2 Fibres désensimées
2.3 Analyse chimique des fibres TSA3-2% et TSA3-6%
2.3.1 Étude du désensimage des fibres TSA3-2% et TSA3-6%
2.3.2 Composition chimique de l’extrême surface des fibres TSA3 traitées
3. COUPLAGE F/M DU COMPOSITE TSA3/PYC/SIC APRÈS TRAITEMENT DE SURFACE DES FIBRES TSA3
3.1 Elaboration des composites TSA32%/PyC/SiC et TSA36%/PyC/SiC
3.2 Caractérisation mécanique des composites TSA32%/PyC/SiC et TSA36%/PyC/SiC
3.3 Caractérisation microstructurale des composites après essai mécanique
4. DISCUSSION GÉNÉRALE
5. CONCLUSION
RÉFÉRENCES
CONCLUSION GÉNÉRALE

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