Évaluation socio-économique des ressources ! végétales

Évaluation socioéconomique des ressources !
végétales

 Vers un nouveau paradigme

L’économie optimise l’utilisation des ressources par la maximisation de la production et celle du bien-être des agents économiques sous contrainte de coOts et de budgets. Cette double maximisation peut avoir des répercussions sur l’environnement matériel non économique. La maximisation de l’emploi des ressources économiques, à savoir la production, augmente la destruction des ressources hors marché. Si ces répercutions dépassent un certain seuil d’exploitation ou de renouvellement, elles mettent en péril les bases naturelles de la vie en général. Le marché fait apparaître ainsi des ressources qu’il ne gère pas et qui lui échappent tout en lui étant essentielles. A partir de ce moment, une entité propre à ce qui est en dehors du marché est reconnue. Jusque là, le monde naturel n’avait en effet pas d’existence propre. Paradoxalement, c’est en détruisant ce dernier qu’on a pris connaissance de la vie qui le caractérise. Les ressources ne sont plus définies par rapport à leur emploi sur le marché mais par un principe qui est extérieur à celui-ci et qui est la quantité et la qualité des ressources disponibles dans le monde nature~ tant en matières naturelles (biens de l’environnement) qu’en capacité d’assimilation, de régénération (services d’environnement). La raréfaction des ressources a donc pour effet premier de désigner les ressources naturelles, celles dont l’économie a besoin au-delà des mécanismes du marché. Certaines de ces ressources ne sont pas connotées par la gestion économique mais par la viabilité, au sens biologique du terme, des personnes et des choses. L’économie va alors réagir pour étendre sa gestion aux ressources naturelles. eest ainsi que le concept de «développement durable » a vu le jour. Il implique une utilisation des éléments constitutifs de la diversité biologique d’wte manière et à un rythme qui n’entraînent pas leur appauvrissement à long terme et sauvegardent ainsi leur potentialité pour satisfaire les besoins et les aspirations des générations présentes et futures (Pearce, 1998). Dans le monde entier, les pays s’efforcent de traduire en termes opérationnels ce concept de dévelop~ment durable. Ils essaient de comprendre quelles modifications il faudrait apporter aux pratiques et procédures actueUes pour passer d’un mode opératoire traditionnel à un mode opératoire conforme au principe du développement durable. D’après Action 21 , programme 6 d’importance majeure adopté par le «Sommet de la planète Terre>> tenu à Rio de Janeiro en juin 1992, la société a besoin de nouveaux instruments pour intégrer l’environnement et le développement aux niveaux de l’élaboration des politiques, de la planification et de la gestion. Les systèmes actuels de prise de décisions ont en effet tendance à négliger les services de l’environnement et les ressources naturelles dans la vie socio-économique. C’est ainsi que la «comptabilité environnementale» a été initiée et expérimentée dans plusieurs pays. EUe consiste à incorporer l’utilisation et la raréfaction des ressources naturelles dans le caJcul des agrégats économiques. Mais, pour que ces ressources puissent être intégrées dans les calculs et les stratégies des agents économiques, il faut qu’elles cessent d’être gratuites et en accès libre. En effet, les économistes opèrent une distinction entre deux types de biens : les biens économiques et les biens gratuits. Les premiers sont des biens rares et appropriables, pour lesquels J’attribution de droits de propriété donne lieu à des échanges marchands. Les seconds sont des biens libres et abondants, disponibles pour tous. Par définition, seuls les premiers font l’objet de l’attention de la science économique. Selon la logique de la théorie néoclassique, à partir du moment où les actifs environnementaux seront devenus des biens économiques à part entière, ce qui revient à dire que l’environnement en tant tel à disparu, leur gestion ne posera plus de problèmes particuliers (Aubertin el al., 1998 ; Guèye, 1991 ; Vivien, 2000). Les écologues et les environnementalistes ont été les premiers à invoquer des arguments d’ordre économique en faveur de la protection de la biodiversité. Randall (1988) écrit que ce qu’un économiste orthodoxe a à dire au sujet de la biodiversité, c’est de souligner que, la plupart du temps, elle n’est pas dotée de prix, ce qui fait que les individus agissent vis-à-vis d’elle comme si elle était sans valeur. La biodiversité n’étant pas prise en compte dans leurs calculs, certaines décisions des agents économiques ont un impact négatif imprévu sur le bien-être collectif et une mauvaise allocation (des destructions ou des préservations inutiles de biodiversité) en résuJte. Pour les économistes héritiers de la tradition pigouvienne, les extemalités qui apparaissent ainsi sont des « défaillances du marché ». Celles-ci peuvent être corrigées grâce à la définition de prix, lesquels peuvent être vus comme des indicateurs monétaires de rareté qui orientent les décisions des agents économiques et assurent leur parfaite coordination. Dans le cas de la tradition coasienne, l’extemalité renvoie à un déficit d’appropriation (Aubertin el al., 1998). D’après ces deux courants de pensé, pour que la biodiversité puisse être gérée normalement, c’est à dire pour qu’elle puisse être intégrée dans le calcul et stratégies des agents économiques, il faut qu’elle cesse d’être gratuite et en accès libre ; que ce soit par le biais d’attribution de droits de propriété ou d’estimation d’un prix. Cependant, si la biodiversité peut faire l’objet d’appropriation voire de rémunération, c’est qu’elle a un prix. Mais lequel ? C’est ce qui a conduit un nombre important d’économistes à se pencher sur la question de l’évaluation de la biodiversité. Ains~ depuis le milieu des années 80, nous avons vu fleurir un nombre croissant de travaux constitutifs de ce qu’il est maintenant convenu d’appeler l’économie de la biodiversité. Mais, à l’exception notable de l’étude coordonnée par Costanza (1997) concernant les produits de l’extractivisme (exploitation commerciale des produits forestiers non ligneux), les plantes pharmaceutiques et l’écotoutrisme. Peters, Gentry et Mendelsohn (1989)2 , in Aubertin et al (1998), ont réalisé une étude sur la valeur économique d’un hectare de forêt à Mishan~ Rio Nanay, dans J’Amazonie péruvienne, fondée sur le rendement de douze produits forestiers divers (fruits, caoutchouc, … ) qui sont commercialisés ou susceptibles de l’être. Cette valeur, calculée d’après les prix du marché et après déduction des frais de transport jusqu’au marché local et des coûts liés à la récolte des produits, a été estimée à 422 dollars par an. Sur une quinzaine d’années, les auteurs ont estimé que la valeur nette actualisée d’une récolte soutenable des douze produits non ligneux sélectionnées était de 6 330 dollars par hectare. Si la zone avait été complètement exploitée pour son bois, on aurait tiré une valeur de 1 000 dollars avant première transformation et l’essentiel des autres produits aurait été détruit. fJ aurait fallu attendre 10 ans pour que le stock de bois se reconstitue. 

 Les types de valeur de la biodiversité

Selon la théorie néoclassique, la valeur économique des biens dépend de l’utilité, du bien-être, qu’ils procurent aux individus. Randall (1988) définit la valeur de la biodiversité par le consentement à payer (ou à recevoir, autrement dit à accepter) des individus que l’on observe ou que l’on interroge, lequel correspond à un certain nombre de valeurs utilitaires de la diversité biologique dont ces individus bénéficient. On parle alors de valeurs d’usage qui supposent une interaction entre l’homme et la ressource. Une autre définition ouvre sur des perspectives éthiques puisqu’ elle reconnaît de la valeur à la diversité biologique en dehors de toute utilité qu’ elle peut avoir pour les êtres humains (mise à part peut-être la satisfaction morale pour certains de savoir que telle espèce existe). Même si ce sont les humains qui la déterrninen4 ils reconnaissent une valeur à la biodiversité, en quelque sorte, pour elle-même. On parle alors de « valeur d’existence » ou de « valeur intrinsèque » de la diversité biologique (Barbier et al. 1997 ; Aubertin et al 1998 ; Vivien, 2000). . Soucieux de faire entrer dans la procédure du calcul des coOts et des avantages tout ce qui a priori lui échappe, les économistes vont s’efforcer de saisir ces deux grands types de valeur en les traduisant sous fonne monétaire. Les usages peuvent être directs ou indirects. Les premiers regroupent les bénéfices procurés aux individus par la consommation (chasse, pêche, cueillette, inputs dans le processus industriel) et la non consommation (observation de la faune, de la flore, des paysages) de la biodiversité. Les seconds relèvent de la valeur écologique de la diversité biologique, c’est à dire de don rôle fonctionne~ tant dans l’évolution des espèces que dans la dynamique des écosystèmes, lequel assure indirectement la fourniture d’un certain nombre de « services » aux sociétés humaines que l’on peut regrouper sous le terme générique de fonctions de support de vie (stabilité climatique, absorption des déchets, recyclage de l’eau, etc.). Les valeurs d’ usage sont des valeurs présentes ; mais les individus peuvent se réserver des usages de la biodiversité pour plus tard. On parlera alors de valeur d’option, puisque l’on se réserve une option pour demain. On parle en outre de valeur de quasi-option si J’on prend en compte le fait que, la consommation d’un élément étant différée, le temps apportera des connaissances et des infonnations nouvelles en ce qui concerne la biodiversité (de nouvelles utilisations d’espèces connues ou la découverte de nouvelles espèces par exemple). Cette valeur de quasi-option sous-entend donc des phénomènes d’apprentissage et des possibilités 9 de modification des stratégies initiales, ce qui pose implicitement la question de la valeur du temps: il y aura alors une tension entre, d’une part, la dépréciation du futur du fait de l’éloignement de l’horizon temporel que mesure l’actualisation e4 d’autre part, le surplus d’information que le temps apporte au fur et à mesure de son déroulement. Les valeurs de non-usage ou valeurs intrinsèques sont liées à des considérations extraéconomiques telles que la justice, l’équité à l’égard des générations futures ou le respect de la nature. On parle de valeur altruiste ou de valeur de legs si les individus veulent transmettre des valeurs à leurs descendants ou, plus largement, aux générations futures en vue ou non d’une utilisation. La valeur d’existence est l’utilité pour un individu de la conservation en vue ou non d’une utilisation à l’avenir. Une fois les valeurs caractérisées, il reste à leur attribuer un prix pour les parer de tous les attributs d’une marchandise mesurer. Les méthodes pour le faire reposent sur l’idée qu’ il est possible de construire une fonction de bien-être collectif à partir d’un classement des fonctions d’utilités individuelles. Ces dernières sont déduites des choix (observés ou supposés) des consommateurs. Ceux-ci déterminent leur demande et leur consentement à payer, ou à recevoir, correspondant en fonction de l’utilité que leur procure la dernière unité d’actif environnemental consommée ou en fonction des désagréments causés par une altération marginale dans un écosystème. L’objectif de l’évaluation économique est donc de mesurer la contrepartie monétaire à ces variations de bien-être induites par la biodiversité.

Les méthodes d’évaluation

En l’absence de possibilité d’évaluation directe de la biodiversité sur un marché réel, les économistes s’efforcent de se rapprocher le plus possible de situations figurant un échange marchand. Deux voies sont suivies: la première consiste à rechercher des marchés de substitution, autrement dit des dépenses observables qui témoignent de fuçon indirecte des préférences des individus pour une qualité ou une quantité particulière de la biodiversité. On mesurera alors une valeur et un prix implicites pour la biodiversité. Une des méthodes souvent employée, tout particulièrement quand il s’agit d’estimer la valeur de certains parcs naturels, est celle dite des coûts de transport : il s’agit d’évaluer l’ensemble des dépenses occasionnées par la visite d’un site à l’ensemble des individus qui le fréquentent. La seconde piste de recherche envisagée, baptisée méthode de l’évaluation contingente, vise à simuler une sorte de marché expérimental à l’aide d’enquêtes et d’interviews. Pour l’essentiel, l’économiste enquêteur propose une variation de la qualité ou de la quantité de biodiversité aux individus interrogés pour laquelle il leur demande d’indiquer la valeur qu’ils y accordent, généralement sous forme d’un montant maximal à payer pour obtenir ou conserver celle-ci en l’état. La valeur totale de la hiodiversité sera estimée en multipliant le consentement à payer moyen par la taille de la population pertinente. L’avantage de la première méthode est qu’elle repose sur des paiements véritables. Son inconvénient est qu’elle ne peut être utilisée que pour l’évaluation ex post de valeurs d’usage. Ces estùnations ne peuvent révéler que les effets de changements qui sont déjà survenus et ont eu un impact perceptible. L’avantage de la seconde méthode est qu’elle pennet de mesurer les valeurs de non-usage ex ante ou des valeurs pour des changements environnementaux qui ne sont pas encore survenus. Son inconvénient majeur est qu’elle repose sur des comportements hypothétiques, non 10 observés et sur la révélation de préférences dont rien n’assure qu’elles seraient ce que les individus annoncent. Selon Je type de problème que l’analyste se propose de résoudre, il devra choisir entre une analyse d’impact, une évaluation partielle et une évaluation totale (Barbier, 1997 ; Ly el al., 1998). L’analyse d’impact convient quand il s’agit d’évaluer les impacts causés par l’activité d’autres agents économiques sur les ressources naturelles. Ces impacts peuvent être bénéfiques ou non mais compte tenu de caractère de biens non exclusifs, ces ressources sont particulièrement exposées à des impacts négatifs. L’objet de l’analyse d’impact est d’évaluer les pertes (ou gains) environnementales de bénéfices nets pour la société. La linùte fondamentale de méthode est la difficuhé d’intégrer dans l’analyse coûts/avantages tous les effets intangibles ou dommages causés sur une ressource ou, à l’inverse, tous les effets bénéfiques. L’évaluation partielle est utilisée pour évaluer des utilisations alternatives des ressources en question. C’est une approche qui repose sur l’analyse coûts/avantages d’options alternatives d’utilisation. Le fait de ne pas prendre en compte tous les avantages et inconvénients d’utilisation d’une ressource peut entraîner une sous évaluation ou une surévaluation de sa valeur. C’est la raison pour laquelle cette méthode est appelée « évaluation partielle » et cela constitue sa limite intrinsèque. Il suffit d’estimer la valeur à laquelle une importance particulière est attachée. L’évaluation totale correspond à l’exercice de comptabilisation de tous les coûts et avantages d’une ressource contribuant au bien-être de la société dans son ensemble. Cette approche repose aussi sur l’analyse coûts/avantages. Cependant, la méthode de l’évaluation totale, comme toutes les méthodes d’évaluation et les techniques de collecte de données et d’infonnations utilisables pour la détermination de la valeur d’une ressource, connaît des limites en soi. On peut noter entre autres (Ly et ai, 1998) : l’indisponibilité de données systématiques sur toutes les utilisations possibles de la ressource dans un espace géographique et dans un horizon de temps donnés : le subjectivisme dans la détermination des valeurs des utilisations non conunerciales et des non-utilisations des ressources qui constitue aussi l’une des limites de la méthode d’évaluation totale qui aspire à déterminer tous les coûts et avantages nets liés à l’usage ou non (actuel ou futur) de la ressource; le recours aux comportements non observables, aux marchés hypothétiques et aux concepts de base de la demande révélée tels que la « séparabilité » faible ou forte des attributs dans les prix résiduels, la complémentarité des dépenses dans les prix implicites, etc. Quelle que soit la méthode choisie, une démarche pluridisciplinaire s’impose à presque toutes les étapes de l’évaluation et devrait tout particulièrement faire appel à la collaboration entre économistes et écologues. Tout en gardant à l’esprit les limites intrinsèques des méthodes et techniques d’évaluation, il est nécessaire de faire un choix judicieux de procédés qui tiennent en compte l’indisponibilité relative de données et la nature du problème à résoudre. C’est ainsi que dans la présente étude, nous avons opté pour la méthode de l’évaluation totale.

Table des matières

INTRODUCTION
1«e PARTIE : CADRE DE L’ETUDE
CHAP 11 : Cadre conceptuel
111 Vers un nouveau paradigme
112 Types de valeur de la biodiversité
1l3 Les méthodes d’évaluation
CHAP 12 : Démarche méthodologique
121 Choix des espèces et des villages
122 Type d’étude
123 Choix de la méthode d’évaluation
124 Méthode de collecte et d’analyse des données
CHAP 13 : Présentation de la zone d’étude
131 Présentation du village de Karang Poste
132 Présentation du village de Bettenty
2ème PARTIE : SOCIOECONOMIEDES RESSOURCES ETUDŒES
CHAP 2l : Connaissance et gestion des ressources biologiques étudiées
211 Identification des espèces
212 Noms vernaculaires des espèces
213 Règles de gestion des ressources
CHAP 22 : Biens et services offerts par les ressources
221 Parties utilisées
222 Modes d’acquisition
223 Types d’usages
CHAP 23 : Valorisation des ressources étudiées
231 Classification des valeurs
232 Estimation des prix
233 Valeur totale du dimb et du dilakh
Conclusion

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