Exploration du microbiote d’Anopheles gambiae s.l. et A. funestus vecteurs du paludisme

 Exploration du microbiote d’Anopheles gambiae s.l. et A. funestus vecteurs du paludisme

Introduction

Le paludisme est une affection parasitaire causée par un hématozoaire du genre Plasmodium. Cinq espèces parasitent l’homme : Plasmodium falciparum, P. malariae, P.ovale, P. knowlesi et P. vivax. P. falciparum est l’espèce la plus fréquente en Afrique. Les femmes enceintes et les enfants sont les plus touchés par la maladie. En 2012, avec 207 millions de cas enregistrés (intervalle d’incertitude : 135-287 millions) et 627 000 décès (intervalle d’incertitude : 473 000-789 000), le paludisme était la maladie parasitaire tropicale la plus importante touchant 36% de la population mondiale [55].L’augmentation des financements internationaux (de 100 millions US$ en 2000 à 1,97 milliards US$ en 2013) pour lutter contre le paludisme [56], l’introduction de nouvelles méthodes de diagnostic comme les Tests de Diagnostic Rapide (TDR), combinaisonsthérapeutiques comme les « Artemisinin-based Combination Therapy » (ACT), la lutte antivectorielle, la sensibilisation et la formation du personnel médical ont permis d’observer des avancées dans la lutte contre le paludisme. Ainsi, entre 2000 et 2012, des réductions de plus de 50% des cas de paludisme signalés ont été enregistrées dans 43 des 99 pays touchés par la transmission, alors que 8 autres pays ont affiché des tendances à la baisse de 25 à 50 % [56].La réduction de la morbidité palustre entre les années 2000 et 2012, a aussi été accompagnée d’une réduction de la mortalité due au paludisme. On a noté une chute de 42% dans toutes les tranches d’âge et de 48% chez les enfants de moins de 5 ans [56]. Cette chute de la mortalité due au paludisme, liée aux importants financements et à l’efficacité des moyens de lutte, a débuté en 2004 [34]. Avec 1 613 000 décès en 2004 (intervalle d’incertitude : 1 243 000–2145 000), la mortalité avait chuté de 30% avec 1 133 000 décès en 2010 (intervalle d’incertitude : 848 000–1 591 000) [34]. En Afrique, des études menées au Kenya, Sénégal,en Gambie ont montré que l’introduction de ces moyens de lutte a entraîné une réduction substantielle de la morbidité, mortalité et prévalence du paludisme dans ces pays [6, 36, 40].Au Sénégal et plus particulièrement à Dielmo, on a noté que 44% des épisodes fébriles étaient dues au paludisme entre 1996 et 2003 et seulement 2,6% en 2012 [52]. L’incidence du paludisme a chuté de 57 points de 2000 à 2012. Chez les enfants ont enregistré une chute de 98 points et de 12 points chez les adultes [52].Le plasmodium est transmis à l’homme par la piqûre d’une femelle moustique du genre Anopheles, elle-même infectée après avoir piqué un homme impaludé. La transmission de la maladie dépend en priorité, d’une communauté humaine sensible et d’un vecteur anthropophile et compétent. La compétence vectorielle dépend de facteurs intrinsèques et extrinsèques comme, la physiologie de l’insecte, les systèmes de défenses anti-parasitaires, les habitudes de piqûres et de repos et le microclimat de leur habitat. Les facteurs intrinsèques sont génétiques alors que ceux qui sont extrinsèques dépendent de l’environnement.L’efficacité des moyens de lutte est ralentie par l’apparition d’une résistance des plasmodies aux antipaludiques et des anophèles aux insecticides. Ces résistances commencent à menacer les progrès fragiles enregistrés entre 2004 et 2012. En effet, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande les combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (ACT) pour traiter le paludisme simple causé par P. falciparum. Les progrès remarquables réalisés dernièrement dans la lutte antipaludique à l’échelle mondiale doivent beaucoup aux ARTs et, de l’avis général, il faut absolument préserver l’efficacité de ces associations médicamenteuses. Cependant, une résistance de P. falciparum à l’artémisinine est apparue et a été repérée dans cinq pays de la sous-région du Grand Mékong : au Cambodge, au Myanmar, au Laos, en Thaïlande et au Viet Nam. Des opérations de maîtrise sont en cours dans ces pays dans le cadre d’une initiative multipartite [2]. Au Ghana, malgré une augmentation du nombre de copies du gène pfmdr1, liée à l’introduction des ACT comme traitement de première intention, aucune résistance n’a encore été notée dans le pays[16]. Au Sénégal, aucune résistance aux ACTs n’a été signalée depuis leur introduction comme traitement de première intention. Par contre, une résistance à au moins un insecticide utilisé dans la lutte contre le paludisme a été constatée dans au moins 64 pays d’endémie palustre dans le monde. Ces résistances ont été constatées chez toutes les principales espèces vectrices et pour les quatre classes d’insecticides existantes [55]. La résistance aux pyréthrinoïdes, telle que mesurée par les essais biologiques classiques, est clairement répandue dans les vecteurs du paludisme en Afrique. Des études moléculaires de suivi de la fréquence des allèles de résistance aux insecticides ont montré une augmentation spectaculaire de la fréquence de ces allèles chez A. gambiae s.l. au cours des dernières années, ce qui reflète sans doute la pression de sélection accrue sur les vecteurs du paludisme, causé au moins en partie par l’utilisation à grande échelle des Moustiquaires Imprégnées à longue Durée d’Action (MILDA) et des pyréthrinoïdes [39]. A Dielmo, on a noté aussi une augmentation de la résistance aux pyréthrinoïdes qui est passée de 7% en 2007 à 48% en 2010 [52]. Il s’avère donc important de suivre l’évolution des résistances mais également de mettre en place de nouvelles stratégies de lutte contre le paludisme. Dans ce sens, la lutte biologique par l’utilisation de bactéries appartenant au microbiote des vecteurs du paludisme dans le but d’influer négativement sur la phase sexuée du plasmodium peut représenter une alternative.Nous avons donc mis en place une étude pour explorer le microbiote d’Anopheles gambiae s.l. et A. funestus dans la zone de Dielmo et Ndiop. Par sa composition, il pourrait jouer un rôle important dans la lutte contre le paludisme, en ciblant la phase sexuée. Ainsi,l’objectif principal de cette étude est de mettre en place une stratégie de lutte biologique contre le paludisme. Pour y parvenir, nous avons comme objectifs spécifiques d’identifier les microbiotes d’Anopheles gambiae s.l. et A funestus, puis les espèces bactériennes nouvelles et enfin de disposer d’une collection de souches bactériennes pour étudier les relations entre certaines bactéries et le plasmodium.Ce mémoire est divisé en trois chapitres la synthèse bibliographique sur le paludisme et l’état de la lutte contre cette maladie, le matériel et les méthodes utilisés et enfin les résultats et la discussion de ces résultats et leurs interprétations.

L’hématozoaire du paludisme

Le parasite responsable du paludisme est un hématozoaire du genre Plasmodium Également appelé l’hématozoaire de Laveran. Il appartient à la famille des Plasmodium À, l’ordre des Haemosporidia, à la classe des Aconit Sida, au sous-embranchement des Apicomplexa, à la division des Alveolata, au règne des chromalveolata et au domaine des eucaryotes. C’est un protozoaire unicellulaire de petite taille (1 à 20 μm selon son stade de développement) qui parasite les globules rouges.Plusieurs espèces de plasmodies répertoriées (plus de 140) possèdent des cycles biologiques similaires et assez complexes. Ces cycles de vie nécessitent deux hôtes : un hôte intermédiaire vertébré et un hôte définitif insecte dont le plus commun est la femelle hématophage du moustique du genre Anopheles, seule capable de transmettre les plasmodies de mammifères. Chaque espèce de Plasmodium a des hôtes et vecteurs bien spécifiques limitant les possibilités d’interactions et d’infections transversales entre espèces. Parmi toutes ces espèces, seules 5 d’entre elles ont la capacité de parasiter l’homme : P. falciparum(Welch, 1897), P. vivax (Grassi, 1890), P. malariae (Laveran, 1881), P. ovale (Stephens,1922), et P. knowlesi connu uniquement chez le singe est récemment décrite comme pouvant infecter l’espèce humaine avec des foyers d’infection trouvés en Asie du sud-est [1].

Le cycle de transmission du plasmodium

L’anophèle femelle infecté par le plasmodium, pendant qu’il suce le sang de sa victime(Figure 1), injecte dans cet hôte humain des sporozoaires (1). Ces protozoaires s’attaquent aux cellules du foie (2), y mûrissent pour devenir des schizontes (3) et finissent par éclater pour libérer des mérozoïtes (4) dans le circuit sanguin (dans le cas de P. vivax et P. ovale se produit en outre une phase appelée « hypnozoïte » touchant le foie qui peut durer des semaines ou des années si bien qu’une personne infectée peut connaître une rechute de la maladie lorsque ces hypnozoïtes libèrent des mérozoïtes dans le sang). Après cette multiplication qui commence dans le foie (schizogonie exo-érythrocytaire [A]), se produit une multiplication asexuée dans les globules rouges (schizogonie érythrocytaire [B]) : les mérozoïtes s’attaquent aux globules rouges (5) et croissent pour atteindre le stade anneau qui mûrissent pour devenir des schizontes, qui éclatent à leur tour et libèrent à nouveau des mérozoïtes (6). Ce sont ces stades sanguins qui provoquent les manifestations cliniques symptomatiques de la malaria. Certains parasites se développent en revanche de manière sexuée, pour donner des gamétocytes. Ces Les gamétocytes constitués de mâles (microgamètocytes) et femelles (macrogamètocytes) sont absorbés par un moustique anophèle lorsqu’il suce du sang. La multiplication de parasites qui s’ensuit dans le moustique, s’effectue par sporogonie [C]. Les micro gamètes et les macro gamètes s’unissent dans l’intestin du moustique et forment des zygotes (9). Ceux-ci deviennent mobiles et prennent une forme allongée, s’appelant alors des ookinetes (10), qui pénètrent dans la paroi intestinale du moustique où ils se transforment en ovocytes (11). Ceux-ci grandissent, éclatent et libèrent des protozoaires qui se mettent alors à la recherche de la glande salivaire du moustique. L’inoculation de protozoaires à un nouvel hôte humain a bouclé le cycle de vie du plasmodium .

 Le moustique anophèles : hôte et vecteur du plasmodium

La transmission du paludisme est présente dans toute la zone intertropicale entre le 30°de latitude Nord et le 30° de latitude Sud et couvrent 97 pays du monde, principalement d’Afrique, d’Asie et d’Amériques (Figure 2).Elle est assurée par des moustiques appartenant au genre Anopheles à la sous famille des Anophelinae, à la famille des Culicidae, au sous ordre des Nématocères, à l’ordre des Diptères et à la sous classe des Ptérygotes chez les Insectes. En Afrique, les complexes Gambiae a Funestus (Figure 3) sont les vecteurs majeurs du paludisme .

Cycle biologique de l’anophèle

Le cycle biologique des moustiques (Figure 4), comporte quatre stades : l’œuf, la larve,la nymphe (pupe) et l’adulte (imago). La durée de chaque stade de développement dépend de la température de l’eau et d’autres facteurs. L’élévation de la température raccourcit le cycle.Un moustique femelle se copule une fois dans sa vie. Habituellement, après la copulation, il a besoin de repas de sang pour faire mûrir ses œufs. Lors de la ponte, le moustique dépose environ 100 à 150 œufs sur la surface de l’eau. Les sites d’oviposition sont très variables : petites quantités d’eau dans des empreintes de pas d’animaux, des flaques d’eau de pluie, des collections plus grandes comme les rivières, canaux, marécages, lacs, rizières. Chaque espèce de moustique préfère un gîte déterminé par les facteurs physicochimiques pour déposer sesœufs .

Table des matières

 Introduction
CHAPITRE I : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
I.1. L’hématozoaire du paludisme
I.1.1. Le cycle de transmission du
Plasmodium
I.2. Le moustique anophèles : hôte et vecteur du paludisme
I.2.1. Cycle biologique de l’anophèle
I.3. Lutte anti vectorielle
I.3.1. Moustiquaires imprégnées d’insecticide
I.3.2. Utilisation d’insecticides
I.3.2.1. Pulvérisations intra domiciliaires d’insecticides à effet rémanent
I.3.2.2. Lutte anti larvaire
I.3.3. Résistance aux insecticides
I.3.3.1. Résistance en modifiant la cible des insecticides
I.3.3.2. Résistance métabolique
I.3.3.3. Résistance comportementale
I.4. Lutte antiparasitaire
I.4.1. Traitement des accès palustres par les médicaments
I.4.2. Lutte biologique contre le paludisme
CHAPITRE II : MATERIEL ET METHODES
II.1. Zone d’étude
II.2. Matériel
II.2.1. Matériel biologique
II.2.2. Matériel de laboratoire
II.2.2.1. Matériel d’identification bactérienne
II.2.2.2. Matériel de biologie moléculaire
II.2.2.3. Réactifs de biologie moléculaire
II.2.2.3.1. Réactifs d’extraction
II.2.2.3.2. Amorces, sondes et polymérase
II.3. Méthodes
II.3.1. Collecte des anophèles
II.3.2. Traitement des anophèles

II.3.2.1. Traitement sur le terrain
II.3.2.2. Traitement au laboratoire
II.3.3. Culture des bactéries
II.3.4. Identification des bactéries par MALDI-TOF MS
II.3.5. Analyses moléculaires .
II.3.5.1. Principe de la Polymerase Chain Reaction quantitative (qPCR)
II.3.5.2. PCR quantitative en temps réel pour l’identification d’
Asaia sp.
GD01 et
P. falciparum
II.3.5.3. Le séquençage
II.3.6. Analyses statistiques
CHAPITRE III : RESULTATS ET DISCUSSION
III.1. Résultats
III.1.1. Le microbiote d’
A. gambiae s.l.et A.funestus 
III.1.1.1. Présentation globale du microbiote d’
A. gambiae s.l.et A.funestus
III.1.1.2. Le microbiote d’
A. funestus
III.1.1.3. Le microbiote d’
A. gambiae s.l.
III.1.2. Séquençage et phylogénie .
III.1.3. Recherche d’
Asaia sp. GD01 et de P. falciparum
III.1.4. Relation entre
Asaia sp. GD01 et de P. falciparum
III.1.5. Transmission transtadiale
III.2. Discussion
III.2.1. Exploration du microbiote d’
A. gambiae s.l.et A.funestus 
III.2.2. Antagonisme entre
Asaia sp. GD01 et P. falciparum CONCLUSION ET PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE
Annexes

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