Génétique des populations appliqués à l’écologie des communautés de rongeurs des agro-écosystèmes sahéliens

Génétique des populations appliqués à l’écologie des communautés de rongeurs des agro-écosystèmes sahéliens

Plan d’échantillonnage et sites de piégeage

Le programme s’intéresse à deux pays à savoir ; le Sénégal à travers la vallée du fleuve Sénégal et le Mali par le biais de la zone de l’Office du Niger. Un minimum de trois sites sont initialement retenus dans chacun de ces pays : le site de Mbarigo/Savoigne (delta du fleuve Sénégal), le site de Dagana et le site du périmètre irrigué « MO6Bis » dans la vallée du fleuve Sénégal en ce qui concerne le Sénégal et les sites de Dianbé/Dabakan, de Molodo et de Mbéwani dans la zone de l’Office du Niger pour le Mali. La distance séparant les différents sites à l’échelle d’un pays varie approximativement de 50 à 200 kilomètres. Ces sites d’étude peuvent donc être considérés comme des replicats indépendants. Ce document traitera uniquement des sites de Molodo au Mali et du périmètre MO6Bis au Sénégal pour l’échantillonnage réalisé en 2008. L’échantillonnage est spatialement hiérarchisé car les sites sont subdivisés en trois grandes domaines physiques : une zone inondable ou irriguée (zone humide), une zone non-inondable (zone sèche) et enfin une zone médiane des deux précédentes appelée écotone. Au Sénégal, la zone humide est encore appelée « walo » et celle sèche « diéry ». L’écotone se singularise par le fait qu’on y distingue à la fois une partie sèche rencontrant la zone humide et une partie humide rencontrant la zone sèche. Les zones ainsi définies sont à leur tour subdivisées en habitats cultivés, non cultivés et en village (figure 2). Au niveau de chacun des sites, 11 habitats ont été échantillonnés. Chacun de ces habitats qui constituent les parcelles de piégeage appartient à l’un des trois domaines physiques (humide, sec et écotone), socle de l’échantillonnage. Zone humide Ecotone Zone sèche c nc v c = habitat cultivé nc = habitat non cultivé v = village Figure 2 : Plan d’échantillonnage

Piégeage et capture des rongeurs

Le piégeage s’est fait suivant un protocole standardisé (Dalecky et al., 2009). Les pièges grillagés (de type BTS) (photo 1) sont posés dans les habitats extérieurs (habitats cultivés et non cultivés) suivant deux lignes A et B ou transects de 20 pièges chacune. Au sein de chaque ligne, les pièges sont espacés les uns des autres de 10m. La ligne A se trouve généralement en bordure de l’habitat et la ligne B à l’intérieur. Les deux lignes sont espacées d’environ 18 à 200m. Les coordonnées GPS de chaque début de transect sont notées. Dans un rayon de 5m autour de chacun des pièges des lignes extérieures sont notées les caractéristiques des variables écologiques suivantes : – présence ou absence d’eau libre ; – humidité du sol : sec ou humide ; – type de sol : argileux, sableux, sablo-argileux et argilo-sableux ; – le taux de recouvrement par la végétation (de zéro à 100%) ; – présence ou absence d’herbacées, – présence ou absence de buissons, – présence ou absence d’arbres. Un indice global de chaque paramètre est déterminé par ligne de piégeage en calculant la moyenne des 20 relevés correspondant aux 20 pièges posés par ligne. Dans les villages, sont posés dans 20 pièces prises au hasard mais assurant une certaine dispersion à l’échelle du village un couple de piège : un piège BTS et un piège Sherman (Photo 2) ; soit un total de 40 pièges posés dans le village. Les caractéristiques des habitations (type de pièce, nature du sol, des murs et du toit, présence ou non de stocks) sont également relevées. Aussi bien dans le village qu’à l’extérieur les pièges sont posés durant trois jours et nuits. Ils sont relevés tôt le matin et ré-appâtés aussitôt avec de la pâte d’arachide pour les pièges du village. En ce qui concerne les pièges de l’extérieur ils sont généralement ré-appâtés avec de la pâte d’arachide l’après midi, ce qui permet de récupérer les captures de la journée pour les espèces diurnes. Lors du relevé des pièges les espèces capturées sont identifiées pour celles identifiables à ce stade, par leur nom d’espèce et un numéro de capture unique et individuel est attribué à chaque capture. En l’absence de capture, les mentions : « 0 » pour non capture et piège resté ouvert et « FV » (fermé vide) pour non capture et piège fermé sont notées. Le piégeage s’est déroulé en fin de saison sèche 2008 soit mars à juin qui correspond au maximum attendu d’abondance des rongeurs au cours de leur cycle annuel (ORSTOMSénégal, 1976). J’ai participé au piégeage de 2009 dans la vallée du fleuve sénégal. 12 III.3-Dissection Les rongeurs capturés sont euthanasiés par dislocation des vertèbres puis autopsiés après des mensurations standards (poids, longueurs tête-corps, queue, oreille et patte postérieure) et constatation du sexe et des paramètres physiologiques de reproduction. En effet, l’état reproductif des animaux renseigne sur le risque d’une éventuelle pullulation (ORSTOMSénégal 1976). Lors de l’autopsie des prélèvements sont effectués. Un prélèvement de tissu (patte, foie, etc.) est conservé dans de l’alcool 95° pour les analyses de biologie moléculaire. La plupart des individus sont formellement déterminés spécifiquement à ce stade sur la base de données morphométriques, sauf incertitude pour les espèces jumelles (Mastomys spp. et Taterillus spp.). III.4-Diagnose moléculaire En ce qui concerne les espèces jumelles du genre Mastomys, une diagnose moléculaire est nécessaire afin d’identifier avec certitude les espèces en question (Granjon et al., 1997 ; Lecompte et al., 2005). Elle se fait en trois étapes selon un protocole adapté de Lecompte et al. (2005) : l’extraction de l’ADN, l’amplification de l’ADN extrait à travers la PCR (Polymerase Chain Reaction), la digestion par un enzyme de restriction et enfin la migration sur gel d’agarose. 

Extraction de l’ADN

L’ADN d’un prélèvement de tissu est extrait suivant les protocoles « Qiagen » ou « Puregene ». L’extraction est contrôlée par électrophorèse sur gel d’agarose 1,5% incorporé de BET (bromure d’éthidium). La révélation se fait sous UV. L’ADN apparaît fluorescent, révélant ainsi le succès de l’extraction. L’ADN ainsi obtenu représente l’ADN total qui renferme de l’ADN mitochondrial. Le cytochrome B qui est une portion de l’ADN mitochondrial est amplifié par PCR (Polymerase Chain Reaction ou réaction de polymérisation en chaîne). Photo 1: Piège BTS Photo 2: Piège Sherman 

PCR (Polymerase Chain Reaction)

Les conditions de réalisation de la PCR sont indiquées sur la figure 3. Il s’agit d’une amplification d’un fragment (le cytochrome B, 1140 pb) de l’ADN mitochondrial ; à travers la succession de 40 cycles comprenant chacun trois grandes phases : la dénaturation, l’hybridation et l’élongation. A-Dénaturation Elle consiste en une élévation de température à 95°C ; ce qui a pour but d’entraîner une dissociation des deux brins de l’ADN. B-Hybridation Elle consiste à rabaisser la température de 95°C à 50°C ; ce qui a pour but de permettre la fixation (Hybridation) des amorces spécifiques contenus dans le mix qui sont complémentaires des régions flanquantes de la portion d’ADN (cytochrome B) à amplifier. La fixation de ces amorces, l’une complémentaire au brin 5’-3’ et l’autre au brin 3’-5’ est la condition initiale de l’élongation. C-Elongation Elle consiste à la synthèse des deux brins complémentaires par l’enzyme Taq polymerase contenu dans le mix à partir des dNTP (Guanosine triphosphate : GTP, Cytidine triphosphate : CTP, Adénosine triphosphate : ATP et Thymidine triphosphate : TTP) qui sont des nucléotides contenus dans le mix. Elle se fait à 72°C. L’ensemble dénaturation, hybridation et élongation constitue un cycle (figure 3) et c’est donc une succession de plusieurs cycles (40) qui permet d’avoir une quantité suffisante du fragment d’ADN voulu du cytochrome B en vue d’en faire la digestion. Dans la pratique, la réalisation d’une PCR passe d’abord par la préparation du mix qui est un mélange de divers constituants : amorces, dNTP, MgCl2 (qui se trouve généralement dans le Figure 3: cycle de PCR 95°C 95°C 50°C 5’ 1’ 72°C 72°C 45’’ 90’’ 10’ 40 cycles Dénaturation initiale Elongation finale 14 tampon), la taq polymerase et l’eau ultrapure ; en des quantités qui dépendent du nombre d’échantillons afin d’obtenir une concentration finale donnée pour chacun des constituants (tableau II). Tableau II: préparation du Mix PCR pour un échantillon. Produit Concentration initiale Volume à prélever Concentration finale Tampon 10X 2,5µl 1X dNTP 2,5 mM 1,0µl 0,1mM Amorce F 10µM 2,5µl 1µM Amorce R 10µM 2,5µl 1µM Taq polymerase 5U/µl 0,2µl 1U Eau – 14,3µl – Volume du mix – 23µl – ADN dilué au 1/10 – 2µl – Volume final – 25µl – Le mix ainsi préparé est distribué dans les différents puits d’une plaque PCR à raison de 23µl par puit. Chaque extrait d’ADN total est ensuite distribué individuellement dans chacun des différents puits suivant un plan de plaque à raison de 2µl par échantillon et par puit ; tout en ayant soin de prévoir un témoin négatif (qui ne contient pas d’ADN remplacé par de l’eau ultrapure) ; de même que des témoins positifs (extraits d’ADN de M. erythroleucus et M. huberti). La plaque PCR est ensuite soigneusement fermée par un film thermo-soudable à l’aide d’une plaque chauffante puis mis au thermocycleur (photo 3). Ce dernier est refermé et mis en marche tout en prenant soin de sélectionner le programme correspondant. Un certain temps (fonction des conditions PCR) est nécessaire pour la réalisation de la PCR (ici environ 2h30mn). Photo 3: Thermocycleur Au terme de ce temps l’ADN amplifié est vérifié par migration électrophorétique sur gel d’agarose 1,5% pendant 30mn. Le gel est visualisé aux rayons UV après immersion dans le BET durant 30mn. L’ADN apparaît fluorescent, révélant ainsi le succès de l’amplification. Le cytochrome B ainsi amplifié est ensuite soumis à la digestion enzymatique (test BsmAI).

Digestion

Le principe de la digestion enzymatique repose sur l’existence de différences interspécifiques dans les sites de coupure par une enzyme de restriction de séquence d’ADN suite à l’existence d’un polymorphisme de site de restriction dans la séquence. La séquence du cytochrome B présente des variations spécifiques dans la position des sites de restriction relatifs à l’enzyme BsmAI, aboutissant à des profils de restriction spécifiques à chaque espèce de Mastomys. Il s’agit de la technique RFLP (Restriction Fragment Length Polymorphism) basée sur le polymorphisme de longueur des fragments de restriction. Le protocole de réalisation de la digestion avec l’enzyme BsmAI est le suivant : – préparer le mix ; pour un individu il faut : o tampon : 2µl o enzyme (BsmAI) : 1µl o eau ultrapure : 7µl Pour plusieurs individus il faudrait donc multiplier ces quantités respectives par le nombre d’échantillons. – donner un pulse à ce mix pour l’homogénéiser ; – distribuer 10µl de ce mix dans environ 10µl de chaque échantillon c’est-à-dire le produit PCR issu de l’amplification précédente ; – fermer la plaque à l’aide d’un film thermo-soudable et laisser incuber durant 2 à 3h à 55°C ou durant 16h à 37°C Après digestion, les fragments de restriction sont soumis à une électrophorèse sur gel d’agarose 2,5% durant 40 à 45mn permettant alors leur séparation en fonction de leur taille. Les profils attendus sont : pour Mastomys erythroleucus trois fragments de 540pb, 386pb et 214pb ; pour Mastomys huberti deux fragments de 926pb et 214pb ; pour Mastomys natalensis quatre fragments de 540Pb, de 214pb, 196pb et 190pb (Lecompte et al., 2005). La révélation se fait à la lumière UV après passage au BET. Au total 175 individus du genre Mastomys ont fait l’objet d’analyses de diagnose moléculaire. III.5-Analyses des données Des points de vue statistique et biologique, l’unité d’échantillonnage retenue par la suite pour caractériser une communauté locale est la ligne de pièges. Les rendements bruts de capture ont été calculés avec le logiciel Excel. L’estimation de la structuration des communautés de rongeurs a été effectuée grâce au logiciel SPADE (Chao et Shen, 2009) qui en se basant sur la fréquence des différentes espèces capturées permet d’estimer la dissimilarité des 16 communautés comme par analogie à la génétique des populations où la différenciation génétique des populations est estimée à partir des fréquences alléliques. L’estimateur utilisé ici : D ; est une mesure proposée comme estimant la différenciation entre paire de communauté de façon moins biaisée que le FST dans certaines circonstances (Jost, 2008). En écologie des communautés D est basé sur l’indice de similarité de Morisita-Horn (Chao et al., 2008) qui estime donc la diversité bêta (ß). La dissimilarité entre deux paires de localités est une valeur comprise entre 0 (les localités ont la même composition spécifique) et 1 (les localités diffèrent totalement dans leur composition spécifique). Les distances spatiales (distances orthodromiques, i.e. « à vol d’oiseau ») ont été estimées à partir des coordonnées GPS des localités de piégeage sur l’aide d’une base de données orthodromiques que Sylvain Piry a mis au point au CBGP (Centre de Biologie et de Gestion des Populations). Le logiciel Google Earth a été utilisé pour projeter les coordonnés des sites de piégeage sur une carte de la zone d’étude. Les différentes variables écologiques retenues lors des relevés écologiques des localités de piégeage ont fait l’objet d’une analyse en composante principale (ACP) avec le logiciel SYSTAT version 9 (SPSS, 1998) après l’estimation au niveau de chaque localité de piégeage des moyennes écologiques des 20 pièges et ce pour chaque variable écologique considérée. Nous avons projeté les coordonnées des différentes localités de piégeage sur les deux premiers axes de l’ACP. Ces projections permettent d’estimer à partir du logiciel CalcDist.exe les distances euclidiennes (distances écologiques) entre paire de localité de piégeage. L’effet de deux variables explicatives –les conditions environnementales locales et la distribution spatiale– sur une variable à expliquer –la structuration des communautés de rongeurs– a été testé par les tests de Mantel et les tests de Mantel partiels avec le logiciel Fstat (Goudet, 1995, http://www2.unil.ch/popgen/softwares/fstat.htm) qui est un logiciel d’analyse de génétique des populations.

Table des matières

I-Introduction
II-CHAPITRE I : REVUE BLIOGRAPHIQUE
II.1-Le site d’étude
II.1.1-La vallée du fleuve Sénégal et le périmètre MO6Bis
II.1.2-L’Office du Niger et la zone de Molodo
II.2-Les espèces de rongeurs de l’aire d’étude
II.3-De la génétique des populations à l’écologie des communautés
III-CHAPITRE II : MATERIELS ET METHODES
III.1-Plan d’échantillonnage et sites de piégeage
III.2-Piégeage et capture des rongeurs
III.3-Dissection
III.4-Diagnose moléculaire
III.4.1-Extraction de l’ADN
III.4.2-PCR (Polymerase Chain Reaction)
A-Dénaturation
B-Hybridation
C-Elongation
III.4.3-Digestion
III.5-Analyses des données
IV-CHAPITRE III : RESULTATS ET DISCUSSION
IV.1-Capture
IV.2-Diagnose moléculaire
IV.3-Diversité des communautés
IV.4-Distribution spatiale et diversité des communautés
IV.5-Habitat et diversité des communautés
IV.6-Distribution spatiale, habitat et diversité des communautés
V-Conclusion
BIBLIOGRAPHIE

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