Hétérocycles oxygénés

Hétérocycles oxygénés

Les Polymères biodégradables 

En ce début du 21ème siècle, plus de 6 milliards d’hommes vivent sur terre et les prévisions anticipent que ce chiffre s’élèvera à milliards d’ici 25. A cause de cette explosion démographique, nous sommes et nous allons être confrontés à des problèmes graves tels que des déficiences alimentaires, des pénuries de ressources naturelles et d’énergie ainsi qu’à une pollution environnementale globale. Les sciences et la technologie au 2ème siècle ont réalisé des progrès conséquents, en particulier depuis la Deuxième Guerre Mondiale, mais elles sont, au seuil de ce nouveau millénaire, confrontées aux défis les plus importants de leur histoire. Au 2ème siècle, pour répondre à nos besoins en matériaux, une grande variété de polymères synthétiques ont été développés pour être utilisés comme fibres synthétiques ou comme plastiques à la place des matériaux jusqu’à alors issus des ressources naturelles : les fibres naturelles, le bois, etc… Ces polymères synthétiques sont employés dans des domaines très divers : le transport, la construction, l’emballage, l’électronique, les applications médicales… De nos jours, plus de millions de tonnes de plastiques sont produits annuellement dans le monde entier et la production de ces derniers ainsi que leur consommation continue d’augmenter. Ces plastiques sont pour la plupart dérivés du pétrole et les anticipations concernant l’épuisement de cette matière première ne leur donnent pas beaucoup d’avenir. Les polymères dérivés du pétrole sont en particulier inappropriés pour des applications de courte durée car leur dégradabilité est insuffisante quand ils deviennent des déchets. Ce manque de dégradabilité est alors à l’origine de problêmes de pollutions. Une des stratégies qui pourrait permettre de résoudre ces difficultés consiste à concevoir des matériaux qui, une fois utilisés, seront facilement éliminés/assimilés par l’environnement. De tels polymères sont dits biodégradables. Leur production industrielle se généralise et devient conséquente depuis ans : on en produisait milles tonnes en 96, 68 milles tonnes en 21 et on en produira plus de milles tonnes en 28. La plupart de ces matériaux sont capables d’être catabolisés (dégradés in vivo) par des micro-organismes dans un environnement naturel[1] . Les premiers polymères biodégradables sont apparus dans les années 6. Ils sont aujourd’hui utilisés de façon spécifique en chirurgie (structures, pièces d’ostéosynthèse, 2 Introduction agrafes, peaux artificielles, fils multibrins) et en pharmacologie (piégeage/libération contrôlée de principes actifs) mais aussi en tant que matériaux de substitution pour remplacer les plastiques employés pour l’emballage, les produits d’hygiène, l’agriculture[2] . D’un point de vue chimique, les polymères biodégradables comportent des liaisons hydrolysables telles que les liaisons amide, ester, anhydride, urée, uréthane, acétal ou encore ortho-ester (figure 1). Ces liaisons sont à l’origine des propriétés de décomposition rapide dans l’environnement. Ces différentes fonctions sont en effet sensibles à la dégradation enzymatique des microorganismes ou bien simplement à l’hydrolyse chimique (dégradation dite spontanée). Les macromolécules sont alors converties en CO2, CH4, H2O, biomasse, humus et autres substances naturelles. O N R O O N O N R R N O O R O O R R’ O O R O R’ amide ester urée uréthane acétal ortho-ester 

 Les polyesters 

Parmi les polymères biodégradables, la famille des polyesters est devenue majeure et représentative de la révolution écologique qui a eu lieu dans le domaine de la chimie des matériaux[3] . Les polyesters sont fortement développés dans les applications biomédicales notamment comme biomatériel ou matériel biocompatible mais ils sont aussi utilisés comme thermoplastiques dans de nombreuses applications de commodité[4] . La famille des polyesters comprend tous les polymères qui possèdent un squelette carboné composé de fonctions esters. Ces fonctions délimitent et connectent des unités monomères qui peuvent être très variées. Les polyesters sont historiquement les premiers polymères qui ont pu être obtenus par voie chimique. Les travaux qui décrivent pour la première fois leurs synthèses datent des années 3[5] . Actuellement, ces macromolécules peuvent être obtenues par plusieurs moyens. La première voie de production, la fermentation connait un essor considérable car elle donne accès à un grand nombre de polyesters naturels[6] . Beaucoup de micro-organismes, des algues Figure 1 Liaisons hydrolysables des polymères biodégradables 3 Introduction et des champignons produisent ces macromolécules qui représentent en biologie la 5ème classe de biomolécules après l’ADN, les protéines, les glucides et les lipides[7] . La deuxième voie de production, la synthèse chimique, est étudiée depuis plus de 7 ans[5] . De nombreux polyesters aliphatiques tels que la polycaprolactone (PCL) ou le polylactide (PLA) sont produits de cette façon et leur commercialisation croît d’année en année. Deux voies de synthèse donnent accès aux polyesters : la condensation de diols/diacides carboxyliques ou d’hydroxyacides et la polymérisation par ouverture de cycle (ROP) d’esters cycliques (lactones ou dilactones). Cette deuxième méthode est bien plus efficace d’un point de vue thermodynamique et présente l’avantage de réduire le nombre de réactions secondaires qui peuvent se produire pendant la polymérisation[8] . La nomenclature des lactones dépend de la taille de leur cycle (figure 2) et des substitutions de ce cycle. Les molécules que l’on rencontre le plus souvent dans la littérature sont présentées ci-dessous ainsi que les propriétés des polymères auxquelles elles donnent accès.

Le Polylactide (PLA)

 L’acide lactique (l’acide 2-hydroxypropanoïque) est une des plus petites molécules optiquement actives. Cette molécule existe sous la forme L et sous la forme D. Elle peut être obtenue à partir de ressources fossiles comme le charbon ou le pétrole mais aussi, et c’est le plus intéressant, à partir de ressources renouvelables[] . Dans la nature, en effet, l’acide lactique est présent sous forme L dans le métabolisme des animaux, des plantes et des microorganismes. Le polylactide (PLA) est le polyester correspondant à la condensation d’unités acide lactique. Les propriétés du PLA peuvent varier et dépendent de la distribution en chacun des énantiomères (tacticité) le long de la chaîne carbonée du polymère. Actuellement, la majeure partie du PLA est produite industriellement par condensation d’acide lactique[1,,] . L’équilibre thermodynamique de la condensation est déplacé en éliminant l’eau au cours du procédé de fabrication. De cette manière, des polymères de haute masse molaire peuvent être produits mais avec peu de contrôle et une polymolécularité élevée. 5 Introduction HO OH O O O O O O O O H R n Acide L-lactique Poly-L-lactide L-lactide Condensation ROP Figure 3 Synthèse de PLA par voie chimique Certaines applications à forte valeur ajoutée (biomédicales, électroniques…) nécessitent un meilleur contrôle pendant la production. On utilise alors la polymérisation par ouverture de cycle (ROP) du dimère cyclique de l’acide lactique, le lactide[,] . De façon contrôlée, la ROP donne accès à du polylactide qui possède des polymolécularités beaucoup plus faibles que celles obtenues par condensation. Récemment et grâce à l’utilisation de catalyseurs organiques ou organométalliques bien choisis, cette voie de synthèse s’est améliorée de façon importante[] . En prenant en compte l’attrait particulier que représente le PLA pour la médecine et l’électronique, des progrès conséquents ont été obtenus depuis 7 ans avec les systèmes catalytiques sans métaux. Des méthodes synthétiques permettent maintenant de mettre en œuvre efficacement la polymérisation du lactide avec des catalyseurs nucléophiles[16] , cationiques[] , bifonctionnels[] et même enzymatiques[] . Le lactide est un monomère cyclique à 6 chaînons. La ROP met en jeu l’ouverture de son cycle via une attaque nucléophile sur une de ses fonctions esters (figure 4). Cette attaque peut se faire soit par l’amorceur au début de réaction, soit par l’extrémité alcool de la chaîne propageante lors de la propagation. L’énergie libérée par l’ouverture de cycle même si elle est faible apporte la force motrice au processus de polymérisation[2] . O O O O Nu O OH O O O O O O Nu O O O O O O NuH OH O Figure 4 ROP du lactide Dans le cas du lactide, l’énergie d’activation de l’ouverture de cycle est élevée. Elle rend indispensable l’utilisation de catalyseurs très réactifs qui peuvent poser des problèmes pendant la polymérisation. Quand ce sont des catalyseurs organométalliques, ils sont souvent sensibles, toxiques et difficiles à utiliser. De plus, leur utilisation provoque facilement des 6 Introduction réactions secondaires de transestérification qui augmentent la polymolécularité des polylactides que l’on synthétise. L’organocatalyse apporte une amélioration à ces points négatifs mais dans tous les cas, la ROP du lactide nécessite une énergie d’activation importante qui impose des limitations. En transférant une partie de l’activation sur le monomère, ces limitations peuvent être contournées si on utilise un analogue activé du lactide. Ainsi, malgré l’absence de tension de cycle, des esters macrocycliques permettent d’accéder à du polylactide via une ROP activée entropiquement[21] . Cette voie ingénieuse est malheureusement limitée car les esters macrocycliques sont des monomères difficiles à obtenir. En suivant cette idée d’analogue activé, l’équipe ‘Ligands Bifonctionnels et Polymères Biodégradables’ dirigée par D. Bourissou, au sein de laquelle ce travail de thèse a été effectué, s’est intéressée aux αlactones. Ces molécules sont trop réactives pour être utilisées en ROP[22] mais il existe des équivalents synthétiques potentiels à ces monomères, les 1,3-dioxolane-2,4-diones aussi appellés O-carboxyanhydrides (OCAs). 

 Le L-lacOCA un analogue activé du L-lactide

Les 1,3-dioxolane-2,4-diones sont des molécules connues depuis les années 5[23] . Elles possèdent un motif particulier, le motif O-carboxyanhydride constitué de la juxtaposition d’une fonction ester et d’une fonction carbonate. Ce motif perd facilement une molécule de CO2 quand un nucléophile l’attaque. Les OCAs sont des molécules hautement réactives qui peuvent s’utiliser pour dérivatiser les alcools[23e,24] . Elles sont proches chimiquement des Ncarboxyanhydrides (NCA) appelés aussi anhydrides de Leuch qui permettent d’obtenir par ROP des polypeptides[25] (figure 5). O O O O HN O O O OCA NCA Figure 5 : Motif O-carboxyanhydride(OCA) et N-carboxyanhydride (NCA) La ROP des NCAs donne accès en conditions douces à des polymères de haute masse molaire. Elle met en jeu un mécanisme nucléophile et la perte d’une molécule de CO2 (figure 7 Introduction 6). Divers nucléophiles (l’eau, les alcools, les amines, les alcoolates…) peuvent être utilisés pour amorcer la polymérisation qui est contrôlée si l’étape d’amorçage est très rapide devant l’étape de propagation[25b] . Le processus de polymérisation possède un caractère vivant, c’està-dire que les produits bruts d’une première polymérisation continuent à s’allonger si on rajoute du monomère, sans changer significativement la polymolécularité. HN O O O NuH CO2 Nu NH2 R O R Figure 6 ROP des NCAs Contrairement aux NCAs, seuls des oligomères ont été produits quand la ROP des OCAs a été menée avec des amines tertiaires et des alcoolates[23b,23c] . Notre équipe a décidé de réinvestiguer l’utilisation de ces monomères en ROP en étudiant la polymérisabilité du 5- méthyl-1,3-dioxolane-2,4-diones, l’OCA dérivé de l’acide lactique appelé lacOCA[26] . Sa synthèse est déjà connue : elle met en jeu une phosgénation cyclisante de l’acide lactique[27] . O O O O HO OH O Phosgénation Cyclisante Par ROP, le lacOCA donne théoriquement accès à du polylactide après élimination de CO2 (figure 8). En s’inspirant du travail effectué par Hedrick et son groupe sur la ROP du lactide organocatalysée par la DMAP[16a] , la ROP du L-lacOCA a été menée au LBPB avec ce catalyseur[26] . Avec le lacOCA, il a été possible de produire du polylactide de haute masse molaire de façon contrôlée et avec des temps de réaction courts. C’est la première fois que la ROP d’un OCA permet d’obtenir des polyesters de haute masse molaire.

Table des matières

Introduction
1. Les polymères biodégradables
2. Les polyesters
3. Le Polylactide (PLA)
4. Le L-lacOCA un analogue activé du L-lactide
5. ROP du GluOCA, l’OCA dérivé de l’acide glutamique
6. Organisation du manuscrit
Chapitre 1 : Etude théorique du mécanisme de la polymérisation du, lactide et du lacOCA catalysée par la DMAP
A. Introduction bibliographique
1. La transestérification
2. La DMAP est un catalyseur de la transestérification
3. Polymérisation par ouverture de cycle (ROP)
B. Mécanisme de polymérisation
1. ROP du lactide
2. ROP du lacOCA
3. Modélisation de la propagation
C. Comparaison avec la réactivité des alcools tertiaires
sur les anhydrides carboxyliques
D. Conclusion
Chapitre 2 : Polymérisation enzymatique du L-lacOCA
A. Introduction bibliographique
1. La catalyse enzymatique
2. Les lipases
3. ROP des lactones par les lipases : eROP
4. ROP du lactide
B. Polymérisation enzymatique du L-lacOCA
1. eROP avec la Lipase PS
2. eROP avec la Novozyme
C. Polymérisation du L-lacOCA : approfondissement du mécanisme
1. Modèle de l’alcool activé
2. Tests de désactivation et implication de la Sérine
3. Docking
D. Conclusion
Chapitre 3 : Les β-OCAs, synthèse et réactivité en ROP
A. Introduction Bibliographique
1. Les Polyhydroxyalkanoates
2. Les β-OCA : apport en ROP ?
B. Synthèse des β-OCAs 1
1. Synthèse du 6,6-diméthyl-1,3-dioxolane-2,4-dione (PivOCA)
2. Synthèse du 5-méthyl -1,3-dioxolane-2,4-dione (ButOCA)
3. Synthèse du 6-méthyl-1,3-dioxolane-2,4-dione (MepOCA)
4. Diffraction aux rayons X
C. Polymérisation des β-OCAs
1. ROP du PivOCA
2. ROP du (S)-ButOCA
3. ROP du (S)-MepOCA
D. Réactivité des β-OCAs
1. Approche théorique
2. Approche expérimentale
E. Sélectivité du carbonyle : retour sur les α-OCAs
F. Conclusion
Chapitre 4 : Polymérisation de l’OCA dérivé de l’acide mandélique : le MOCA
A. Introduction Bibliographique
1. Le polymandélide
2. Le MOCA : un analogue activé du mandélide
B. ROP du MOCA : catalyse à l’aide du systême DMAP/ROH
1. Premiers tests de ROP
2. Synthèse des adduits d’amorçage
C. ROP du MOCA : screening de catalyseurs
1. Amines tertiaires non aromatiques
2. Catalyse avec la 2,6-lutidine
3. Catalyse avec le N-MéthylImidazole (NMI)
4. Catalyse avec la pyridine
D. Conlusion
Conclusion
Partie Expérimentale
1. Amines tertiaires non aromatiques
2. Catalyse avec la 2,6-lutidine
3. Catalyse avec le N-MéthylImidazole (NMI)
4. Catalyse avec la pyridine
Publications de l’équipe LBPB
sur la ROP des O-carboxyanhydrides

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