Identification par BioID de nouveaux partenaires de la protéine Tax d’HTLV-1

Identification par BioID de nouveaux partenaires de la protéine Tax d’HTLV-1

INTRODUCTION A L’ONCOGENESE MEDIEE PAR VIRUS ONCOGENES EBV et HPV I

Le virus oncogène EBV 1. Epidémiologie et pathologies associées Le virus EBV a été découvert en 1964 dans des cellules dérivées d’un lymphome de Burkitt (Burkitt, 1962; Epstein et al., 1964). Il appartient à la famille des Herpesviridae. Le réservoir du virus EBV est strictement humain. 90% des adultes présentent des anticorps dirigés contre EBV et hébergent le virus à l’état latent (Dowd et al., 2013). L’âge de la primo-infection varie selon des facteurs économiques et socio-culturels tels que la surpopulation et le manque d’hygiène sanitaire mais se déroule le plus souvent durant l’enfance entre 2 et 4 ans (Bouvard et al., 2009; Trottier et al., 2012). EBV est transmis au cours de l’enfance principalement par voie orale, généralement par la salive contenant des cellules épithéliales infectées, et dans une moindre mesure par transfusion sanguine, transplantation d’organes ou bien par transmission sexuelle (Papesch, 2001). Généralement, l’infection à EBV reste asymptomatique chez les sujets immunocompétents mais peut mener au développement de la mononucléose infectieuse si la primo-infection se fait à l’âge adulte, ou à la leucoplasie orale chevelue et à la maladie de Duncan chez les personnes immunodéprimées. Paradoxalement au fait qu’EBV infecte la majorité de la population, EBV est associé à plusieurs manifestations malignes. Historiquement, le pouvoir oncogène d’EBV a été associé au lymphome de Burkitt. Depuis, d’autres cancers associés à EBV ont été mis en évidence : carcinome indifférencié du nasopharynx, carcinome de l’estomac, lymphome classique de Hodgkin, lymphome T centrofacial, lymphome diffus à grandes cellules B, lymphome primaire du système nerveux central, lymphome primaire d’effusion, lymphome plasmablastique et désordres lymphoprolifératifs post-transplantation associés à EBV. Cependant, le lien de cause à effet entre EBV et ces cancers n’a pas été démontré. 

 La particule et le cycle viral d’EBV

La particule virale d’EBV présente une structure semblable à celle des autres herpèsvirus comportant une enveloppe dérivée de l’appareil de Golgi (Nanbo et al., 2018) et de glycoprotéines virales, un tégument constitué de phosphoprotéines entourant la nucléocapside et le nucléoïde constitué d’une structure appelée « core » entourant le génome d’EBV. Dans la particule virale, le génome d’EBV est composé d’un ADN double brin linéaire d’environ 172 kb (Figure 15). Figure 15. Particule virale d’EBV. Image tirée de ViralZone, Expasy. Le cycle viral d’EBV présente deux grandes phases : la phase de latence et la phase lytique (dite aussi productive). Durant la phase de latence, il n’y a pas de production de virions. Le génome viral persiste sous forme de multiples épisomes dans le noyau de la cellule hôte. Peu de gènes viraux sont exprimés durant la phase de latence : six protéines nucléaires virales (EBNA-1 et 2, EBNA-3A, B et C et EBNA-LP) et trois protéines membranaires latentes (LMP-1, LMP-2A et LMP-2B), environ 40 microARNs et 2 longs ARNs non-codants (Rowe, 1999; Santpere et al., 2014). Durant la phase productive, les gèneslytiques sont divisés en trois catégories dont l’expression est séquentielle : gènes immédiats précoces, gènes précoces et gènes tardifs. Tout d’abord les gènes immédiats précoces codent pour deux facteurs de transcription qui permettent l’expression des gènes précoces. Ensuite, les gènes précoces permettent entre autres la Introduction Les virus oncogènes EBV et HPV 60 réplication de l’ADN viral. Après réplication, les gènes tardifs sont exprimés et codent pour des protéines de structure nécessaires à la formation des virions.

Oncogenèse liée à EBV

A ce jour, les mécanismes moléculaires sous-jacents de l’oncogenèse médiée par EBV restent encore assez mal compris. Il est généralement admis qu’EBV serait probablement un cofacteur associé à des facteurs environnementaux ou génétiques menant au développement d’un cancer. A titre d’exemple, il existe un rapport entre la distribution géographique du paludisme et du lymphome de Burkitt (Kafuko and Burkitt, 1970). De manière intéressante, une étude a établi un lien moléculaire entre le développement du paludisme et la réactivation du virus EBV. Chêne et al. (2007) ont montré que l’antigène CIDR1-α (cystein-rich inter-domain region 1 α) de Plasmodium falciparum, agent causal du paludisme,stimulait la production d’EBV dans des PBMCs de donneurs sains ou dérivés de patients atteints d’un lymphome de Burkitt, ce qui va en faveur de causes multifactorielles lors du développement d’un cancer associé à EBV. Cependant, la production de particules virales d’EBV n’est pas clairement associée au développement d’un cancer. La transformation des lymphocytes B médiée par EBV in vitro est associée à l’expression des gènes de latence de la famille EBNA et des LMPs et à l’expression d’ARN non-codants (ncARNs) (Saha and Robertson, 2019). La combinaison des fonctions des protéines EBNAs et LMPs et des ncARNs mène à la modulation de différentes voies cellulairesfavorisant ainsi l’oncogenèse médiée par EBV (Figure 16). Introduction Chapitre 2 61 Figure 16. Les protéines virales des familles EBNA et LMP ainsi que les ARN non-codants coopèrent au cours de l’oncogenèse médiée par EBV. Les protéines de la famille EBNA et les ncARNs favorisent la réplication de l’ADN et la transcription virale pour la persistance du virus dans les cellules infectées et les protéines LMPs et les ncARNs inhibent l’apoptose pour favoriser la survie cellulaire. A titre d’exemple, de manière similaire à Tax qui induit l’expression de protéines anti-apoptotiques telles que Bcl-XL ou Bcl-3, LMP-1 induit l’expression de la protéine anti-apoptotique Bcl-2 pour inhiber l’apoptose (Henderson et al., 1991). La survie cellulaire est également promue par les protéines LMPs qui, tout comme Tax, activent les voies NF-κB et Akt. A titre d’exemple, LMP-1 n’active pas la voie NF-κB en se liant et en activant le complexe IKK comme Tax peut le faire, mais en induisant une hyperphosphorylation de l’inhibiteur IκBα. Cette hyperphosphorylation corrèle avec sa dégradation et l’activation de la voie NF-κB en présence de LMP-1 (Herrero et al., 1995). De plus, les protéines EBNAs favorisent la progression du cycle cellulaire. De manière similaire à Tax qui réprime l’expression des inhibiteurs de CDK p18Ink4c, p19Ink4d et p27Kip1 , EBNA-3A réprime l’expression de l’inhibiteur de CDK p21Waf1/Cip1 pour favoriser la transition G2/M (Tursiella et al., 2014). De même, EBNA-3C augmente l’activité kinase du complexe Cycline D1/CDK6 menant ainsi à la dégradation protéasomale de pRb pour faciliter la transition G1/S (Saha et al., 2011). Enfin, comme cela sera détaillé dans le chapitre suivant, les protéines de la famille EBNA favorisent l’instabilité génomique caractéristique de l’oncogenèse virale. Introduction Les virus oncogènes EBV et HPV 62 Ainsi, en modulant l’expression de facteurs cellulaires différents de ceux ciblés par Tax mais impliqués dans les mêmes voies de signalisation, les protéines virales EBNAs et LMPs agissent de manière similaire à Tax pour médier l’oncogenèse. II. Le virus oncogène HPV 1. Epidémiologie et pathologies associées Les papillomavirus humains (HPV) ont été caractérisés pour leur aptitude à induire des cancers cervicaux. L’infection à HPV est très commune mais la plupart des personnes infectées l’élimine avant de développer des symptômes cliniques. Environ 40 HPV ont été décrits pour infecter le tractus génital et ont été classifiés selon leur degré d’association au développement d’un cancer cervical lors d’une infection. A ce jour, on dénombre 15 HPV à haut-risque, 3 HPV à haut-risque probable, 12 HPV à faible-risque et 3 HPV au risque indéterminé. La prévalence des HPV à haut-risque est d’environ 28% chez les femmes de 25 ans (Kulasingam et al., 2002). Parmi les HPV à haut-risque, les HPV-16 et HPV-18 ont été caractérisés comme les papillomavirus les plus oncogéniques détectés respectivement dans approximativement 50% et 20% dans cancers cervicaux dans le monde (De Martel et al., 2012, 2012). En menant une étude sur une cohorte de femmes sexuellement actives, Woodman et al. (2001) ont montré qu’HPV-16 est le papillomavirus le plus fréquemment retrouvé dans les cancers cervicaux. 2. La particule et le cycle viral d’HPV HPV est un virus non enveloppé composé d’une capside icosaédrique constituée des protéines virales L1 et L2 entourant le génome (Figure 17). Le génome d’HPV se présente sous forme d’un ADN double brin circulaire d’environ 8kb enroulé autour d’histones cellulaires.  Figure 17. Particule et génome viral de HPV-16. Images tirées de ViralZone Expasy. Le génome s’articule en huit ORF réparties en trois catégories : la « région précoce » codant pour les protéines régulatrices E1 à E7 impliquées dans la réplication et la maintenance du génome viral, la « région tardive » codant pour les protéines structurales L1 et L2 de la capside et une région non-codante appelée LCR (Long Control Region) contenant les éléments nécessaires à la réplication et la transcription de l’ADN viral. De manière similaire à HTLV-1 et à EBV, HPV-16 code pour deux protéines oncogènes ciblant des mécanismes cellulaires communs à Tax permettant une transformation efficace des cellules infectées : E6 et E7 (Figure 18). Figure 18. Les protéines virales E6 et E7 coopèrent au cours de l’oncogenèse médiée par HPV-16. De la même manière que Tax, E7 promeut la prolifération cellulaire en formant notamment un complexe avec le facteur cellulaire pRb. En interagissant avec pRb, E7 induit la dégradation protéasomale de pRb et lève ainsi l’inhibition d’E2F qui peut alors activer la transcription de Introduction Les virus oncogènes EBV et HPV 64 gènes tels que celui de la cycline A pour la transition G1/S (Boyer et al., 1996). De même que pour Tax, E7 maintient l’activité de CDK2 en se liant et en inhibant l’activité de l’inhibiteur de CDK p27. De plus, de la même manière que Tax interagit avec des CDK pour favoriser la progression du cycle cellulaire, E7 s’associe directement aux complexes Cycline A/CDK2 et Cycline E/CDK2 favorisant ainsi l’entrée en phases G1 et S, respectivement (Zerfass-Thome et al. 1996; Nguyen et Münger 2008). E6 et E7 agissent de concert pour inhiber l’apoptose. A titre d’exemple, E6 interagit avec et inhibe les protéines pro-apoptotiques Bax et Bak (Vogt et al. 2006; Thomas et Banks 1998; Thomas et Banks 1999). De plus, comme Tax peut le faire, E6 et E7 agissent en synergie et induisent l’expression de la protéine anti-apoptotique cIAP2 (Yuan et al., 2005). Enfin, comme cela sera détaillé dans le chapitre suivant, E6 et E7 coopèrent pour induire l’instabilité génomique lors de l’oncogenèse virale médiée par HPV-16. De la même manière que pour EBV, les protéines E6 et E7 modulent l’expression ou interagissent avec des facteurs cellulaires identiques ou différents de ceux ciblés par Tax ou par les protéines oncogènes d’EBV pour modifier leurs fonctions aboutissant à l’induction ou à l’inhibition d’un processus cellulaire pour médier l’oncogenèse. Ainsi, les virus oncogènes HTLV-1, EBV et HPV-16 agissent de la même manière sur l’altération de voies de signalisation cellulaire en ciblant différents facteurs impliqués dans ces voies. Comme nous avons pu le mentionner, ces trois virus induisent de l’instabilité génétique favorisant la transformation cellulaire. La mise en place de l’instabilité génétique est notamment gouvernée par le centrosome, dont la structure et les fonctions liées au maintien de l’intégrité génétique sont ciblées et dérégulées par les virus oncogènes.  

Table des matières

LISTE DES ABREVIATIONS
INTRODUCTION
PREAMBULE : HISTORIQUE DE LA DECOUVERTE DE L’ONCOGENESE VIRALE
I. Le virus du Sarcome de Rous : la découverte du premier virus oncogène animal
II. Les virus oncogènes humains
CHAPITRE 1 : LE VIRUS ONCOGENE HTLV
I. HTLV-1, un rétrovirus oncogène
1. Épidémiologie et pathologies associées
2. Le virus HTLV-1 à l’échelle cellulaire et moléculaire
3. Modèle du développement de l’ATL
II. Rôles de la protéine Tax dans la transformation cellulaire induite par HTLV-1
1. Structure protéique et localisation cellulaire de Tax en lien avec ses modifications post- traductionnelles
2. Tax dérégule la transcription de certains gènes cellulaires
3. Tax promeut la survie et la prolifération cellulaire
CHAPITRE 2 : INTRODUCTION A L’ONCOGENESE MEDIEE PAR VIRUS ONCOGENES EBV et HPV
I. Le virus oncogène EBV
1. Epidémiologie et pathologies associées
2. La particule et le cycle viral d’EBV
II. Le virus oncogène HPV
1. Epidémiologie et pathologies associées
2. La particule et le cycle viral d’HPV
CHAPITRE 3 : ONCOGENESE VIRALE ET INSTABILITE GENOMIQUE : LA CONNEXION
CENTR(OSOM)ALE
PROBLEMATIQUE DU TRAVAIL DE THESE
MATERIELS & METHODES
I. Plasmides et clonages
II. Culture cellulaire et transfections
III. Anticorps
IV. Immunofluorescence
V. Immunoprécipitation et purification d’affinité (Ni-NTA)
VI. Essais d’ubiquitination
VII. Fractionnement cellulaire
VIII. Principe de la technique de BioID
IX. Purification des protéines biotinylées : protocole initial
X. Purification des protéines biotinylées : protocole final optimisé
XI. Analyse qualitative en spectrométrie de masse
XII. Analyse quantitative en spectrométrie de masse
RESULTATS
CHAPITRE 1 : IDENTIFICATION PAR BioID DE P62 COMME PARTENAIRE DE TAX DANS L’ACTIVATION
DE LA VOIE NF-κB
Résultats principaux de l’étude
CHAPITRE 2 : IDENTIFICATION PAR BioID DES PARTENAIRES CENTROSOMAUX DE L’ONCOPROTEINE VIRALE TAX D’HTLV-1
I. Caractérisation phénotypique des altérations centrosomales induites par Tax
1. Tax est une protéine associée au centrosome
2. Tax altère l’aspect de la centrine1 au centrosome
II. Validation de la construction BirA*-Tax pour l’identification de partenaires centrosomaux
de Tax
1. BirA*-Tax présente une distribution de sa localisation cellulaire similaire à Tax
2. BirA*-Tax induit des altérations centrosomales numériques de manière similaire à Tax
III. L’analyse des données de BioID permet l’identification de potentiels partenaires
centrosomaux de Tax
1. Purification des protéines biotinylées
2. Tri initial des données brutes
3. Voies cellulaires représentatives des protéines identifiées par le BioID
4. Protéines centrosomales identifiées par BioID
CHAPITRE 3 : IDENTIFICATION PAR BioID DE CEP63 : INTERACTION ENTRE TAX ET CEP63
I. Confirmation de l’interaction physique de Tax avec Cep
1. Tax interagit avec la protéine centrosomale Cep63 5
2. L’interaction entre Tax et Cep63 requiert la partie N-terminale de Cep63 et l’ubiquitination de Tax
II. Tax colocalise avec Cep63 au centrosome et altère son organisation spatiale
III. Données préliminaires – Aspect fonctionnel de l’interaction entre Tax et Cep63 : Cep63 ne semble pas être directement impliquée dans les altérations centrosomales induites par Tax
CHAPITRE 4 : APPLICATION DE LA TECHNIQUE DE BioID AUX PROTEINES BNRF1 D’EBV ET E7 D’HPV – DONNEES PRELIMINAIRES
I. BirA*-BNRF1 et BirA*-E7 s’expriment en cellules 293T
II. BirA*-BNRF1 et BirA*-E7 biotinylent des protéines cellulaires
III. BirA*-BNRF1 et BirA*-E7 sont localisés dans une fraction cellulaire contenant le centrosome
DISCUSSION
I. Caractérisation phénotypique des altérations du centrosome induites par Tax
1. Quelles sont les altérations du centrosome induites par Tax ?
2. Apport de la microscopie super-résolutive pour la caractérisation des altérations centrosomales
II. Quelles informations les données obtenues par la technique de BioID nous apportent-elles sur l’interactome de Tax ?
1. Tax interagit avec des clusters d’interactions de protéines centrosomales
2. Tax interagit avec des protéines cellulaires non-centrosomales.
III. Tax interagit avec la protéine centrosomale Cep63 : Quelle signification biologique ?
1. Modalités de l’interaction physique entre Tax et Cep63 : quelle signification ?
2. Tax induit des points surnuméraires de Cep63 : quelles sont ces structures ?
3. Quelles sont les fonctions de Cep63 manipulées par Tax ?
IV. Validation des constructions BirA*-BNRF1 et BirA*-E7 : Vers la mise en place du BioID pour
l’étude des interactions centrosomales de ces protéines
V. Repousser les limites du BioID ?
CONCLUSION GENERALE
REFERENCES
ANNEXES
Annexe 1 : Optimisation du BioID – Purification des protéines biotinylées
Annexe 2 : Liste des partenaires connus de Tax
Annexe 3 : Données issues de la spectrométrie de masse
Annexe 4 : Alignement des séquences protéiques des quatre isoformes de Cep

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