LA CONCEPTION AVEC DES TECHNOLOGIES EMERGENTES

LA CONCEPTION AVEC DES TECHNOLOGIES EMERGENTES

Les tables interactives et les interfaces tangibles

Présentation générale

Les tables interactives sont des dispositifs informatiques qui peuvent être caractérisés par leur forme de table avec un écran large et horizontal qui détecte des interactions tactiles multiples  (Kubicki, 2011). Elles ont pour principe général de permettre des interactions collectives sur de grandes surfaces qui affichaient différents médias (Benko, Morris, Brush & Wilson, 2009). Kubicki (2011) différencie 3 types principaux de tables : celles qui sont uniquement tactiles et qui permettent à l’utilisateur d’interagir avec des objets virtuels ; celles qui lui permettent d’interagir en manipulant des objets tangibles, réels, qui sont reconnus par les tables interactives ; et les mixtes qui supportent à la fois les interactions tactiles et tangibles. Dans la suite de ce document, nous nous intéresserons à ce dernier type de table interactive. Les interfaces tangibles ont émergé dans les années 90, en particulier grâce aux travaux de : Fitzmaurice, Ishii & Buxton (1995) sur une « Graspable Interface », permettant de manipuler des objets numériques avec des cubes de bois ; et ceux Ishii et Ullmer (1997) sur les « Tangible Bits » qui ont posé les fondations pour les travaux ultérieurs sur les interactions tangibles. Il s’agissait initialement d’étudier l’utilisation d’objets réels pour donner une forme physique à des informations numériques et permettre une manipulation plus directe d’un système numérique. Le concept de manipulation directe, centrale dans les interactions tangibles, a émergé dans les années 80 et se définit par deux dimensions (Hutchins, Hollan & Norman, 1985) :  La correspondance entre une manipulation d’entrée et ce qu’affiche le dispositif numérique, par exemple l’articulation entre une souris et le pointeur à l’écran (articulatory directness) ;  la correspondance sémantique entre la représentation virtuelle (la métaphore) et son référent dans le monde réel, comme l’icône de la corbeille (semantic directness). Les interfaces tangibles favorisent une plus forte correspondance à ces deux niveaux que le couple clavier-souris habituel. Elles offrent également une plus grande diversité que les interfaces tactiles grâce aux formes des objets tangibles et à leur manipulation. Par définition, les interfaces tangibles englobent un grand nombre d’interfaces hommemachine. Shaer & Hornecker (2010) décrivent quatre types interfaces homme-machine qui peuvent être reliés au champ des interactions tangibles : les dispositifs ambiants, les interfaces « embarquées » ou « incarnées » (Embodied User Interfaces), les interfaces de type « réalité augmentée tangible » et les interfaces tangibles sur table interactive. Ullmer, Ishii & Jacob (2005) distinguent trois types d’interfaces : des surfaces interactives sur lesquels sont 59 manipulés des objets tangibles, des interfaces qui contraignent les interactions possibles avec leurs objets tangibles et des assemblages de blocs modulaires connectés (voir Figure 4). Figure 4. Exemple de taxinomie pour les interfaces tangibles (Ullmer & al., 2005, p. 83) Dans la suite de ce document, nous nous intéresserons uniquement aux interfaces qui proposent de manipuler des objets tangibles sur l’écran d’une table interactive comme les exemples de la figure 5. Fishkin (2004) donne une définition large des interfaces tangibles en les décomposant en trois parties : un événement d’entrée (1), typiquement la manipulation physique d’un objet, est détecté par le système (2), dont l’état est alors modifié, et qui renvoie un événement en sortie (3), un feedback, qui correspond à un changement des propriétés d’un objet, par exemple l’affichage d’images sur l’écran.

Les tables interactives et les interfaces tangibles, des technologies émergentes

Les tables interactives et les interfaces tangibles peuvent être qualifiées de technologies émergentes définies par (Kjeldskov, 2003, cité par Anastassova, 2006, p. 17) :  un caractère novateur, une avancée technologique importante, partiellement réalisée ou en devenir ;  des usages peu clairs et peu différenciés ; 61  plusieurs limites qui en ralentissent l’application massive ;  une promesse de transformation du contexte économique et social dans lequel elle sera introduite. D’après la description qui a été faite des technologies mobilisées, c.-à-d. des tables interactives et des objets tangibles, nous pouvons dire qu’elles répondent à ces critères. En effet, ces technologies, sans être très récentes, apparaissent novatrices dans les interactions qu’elles proposent. Les exemples d’usages que nous avons cités (p. ex. bureau augmenté, investigation d’environnements complexes, brainstorming ou divertissement) constituent des pistes d’usages peu stabilisés qu’il faut développer davantage pour que ces technologies puissent être déployées plus largement. Le prix des tables interactives actuelles (plusieurs milliers d’euros) présente la principale limite à leur déploiement massif. À cela s’ajoute le manque de maturité des techniques de détection des interactions tangibles, p. ex. les tables interactives à détection optique sont peu utilisables dans des environnements très lumineux. Enfin, s’il est difficile de discuter des éventuelles transformations du contexte économique, il est en revanche probable et souhaitable que les tables interactives aient un impact sur les modalités de travail collectif (p. ex. Price & al., 2009). Au regard de notre objet de recherche, l’effet de ce caractère émergent des tables interactives sur le processus de conception doit être étudié. Il peut en effet impacter les améliorations des activités d’enseignement et d’apprentissage, l’intégration de ces technologies dans ces activités et donc, indirectement, sur les apprentissages des concepteurs. 1.3 Cadres théoriques sur les interactions tangibles Avec le développement des interfaces tangibles, des cadres de travail et des taxinomies ont été proposées afin d’outiller les chercheurs dans la conception et dans l’étude des usages de ces interfaces (p. ex. Fitzmaurice, Ishii & Buxton, 1995 ; Ullmer & Ishii, 2000 ; Van Den Hoven & Eggen, 2004). Une caractéristique récurrente de ces travaux, propre aux interfaces tangibles, renvoie à la notion de manipulation directe (Hutchins & al., 1985), c.-à-d. le couple manipulation physique/correspondance sémantique. Parmi les travaux ayant un lien avec la manipulation directe, Koleva, Benford, Hui & al. (2003) ont défini la notion de continuum de cohérence (cf. Figure 6). Celui-ci permet de caractériser le lien entre un objet physique et un objet virtuel, c’est à dire, dans quelle mesure des objets physiques et virtuels peuvent être perçus comme la même chose. Les auteurs proposent plusieurs propriétés pour situer une interface tangible sur le continuum, en 62 particulier sur les similarités dans l’interaction (p. ex. littérale lorsque le déplacement d’un objet physique provoque le déplacement de l’objet virtuel associé) ou l’exclusivité du lien (c.- à-d. si un objet peut être associé à un seul objet virtuel ou à plusieurs)

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