La déficience visuelle

La déficience visuelle

Définition et classification

Selon la définition de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), « est handicapée toute personne dont l’intégrité physique ou mentale est passagèrement ou définitivement diminuée, soit congénitalement, soit sous l’effet de l’âge ou d’un accident, en sorte que son autonomie, son aptitude à fréquenter l’école ou à occuper un emploi s’en trouvent compromises ». Selon la nouvelle définition donnée par la loi française du 11 février 2005 portant sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, constitue un handicap « toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. » Les personnes en situation de handicap visuel ont une déficience visuelle. La déficience visuelle, sa définition et sa prise en charge éducative sont apparues en France dans les années 1990 (Robert et al., 2017). Les personnes avec une déficience visuelle peuvent être atteintes de malvoyance ou de cécité (du latin caecitas, « perte de la vue »). Depuis le Xe siècle, les personnes atteintes de cécité sont appelées aveugles (du latin ab oculis ou « sans œil »). Cependant, à partir des années 1970-1980, sous l’impulsion des personnes aveugles le terme « non-voyant » est de plus en plus employé. L’appellation aveugle peut avoir, au sens figuré ou dans certaines expressions françaises, une connotation péjorative, par exemple « la passion rend La déficience visuelle 20 aveugle » (Hatwell, 2003a). Nous privilégierons donc dans cette thèse le terme non-voyant pour parler des personnes atteintes de cécité. La plupart des définitions fondées sur des mesures objectives de la déficience visuelle prennent en compte la taille du champ visuel et l’acuité visuelle avec la correction portée. Le champ visuel correspond à la portion d’espace que l’œil peut percevoir autour d’un point qu’il fixe. L’acuité visuelle correspond à la capacité de l’œil à faire la distinction entre deux points distincts, soit la capacité à percevoir les détails. Elle s’exprime en dixième, vingtième ou cinquantième. On utilise le vingtième ou le cinquantième lorsque l’acuité visuelle est très réduite. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) définit cinq stades de la déficience visuelle allant de la cécité totale à la malvoyance : – La cécité absolue : absence totale de perception de la lumière. – La déficience presque totale, ou cécité sévère : acuité visuelle inférieure à 1/50 avec perception de la lumière, ou un champ visuel inférieur à 5 degrés. – La déficience profonde : acuité visuelle inférieure à 1/20 et supérieure à 1/50 ou un champ visuel inférieur à 10 degrés et supérieur à 5 degrés. – La déficience sévère : acuité visuelle inférieure à 1/10 et supérieure ou égale à 1/20. – La déficience moyenne : acuité visuelle inférieure à 3/10 et supérieure ou égale à 1/10 avec un champ visuel d’au moins 20 degrés. En France, la cécité légale est définie par une acuité visuelle inférieure à 1/20 pour le meilleur œil après correction. On parle de malvoyance lorsque l’acuité visuelle après correction est comprise entre 4/10 et 1/20 ou si le champ visuel est compris entre 10 et 20 degrés. 

Prévalence de la déficience visuelle

D’après une étude de l’OMS (OMS, 2012), au moins 7 millions de personnes perdent la vue chaque année. Le nombre estimé de personnes avec une déficience visuelle est de 285 millions : 39 millions de personnes non-voyantes et 246 millions de personnes malvoyantes. La prévalence de la cécité est de 0.08% chez les enfants et on compte près de 1,4 million d’enfants non-voyants. La déficience visuelle fait partie des déficiences les plus rares chez les enfants (Lewi-Dumont, 2016). En France, la loi interdit le recensement de personnes en situation de handicap. Il est donc difficile d’avoir des données précises. L’observatoire régional de la santé (2005) exploite les résultats de l’enquête Handicap-Incapacité-Dépendance (HID) menée par l’INSERM de 1998 à 2000 pour proposer un état des lieux de la déficience visuelle en France. Selon cette enquête, la France métropolitaine compte environ 1 700 000 personnes avec une déficience visuelle soit 2,9% de la population. Parmi ces personnes, 207 000 seraient malvoyantes sévères ou non-voyantes. Un rapport de l’INSERM (2002) estime que la prévalence de la cécité chez l’enfant dans les pays européens est de l’ordre de 0,1 ‰ à 0,5 ‰. Les chiffres sur la malvoyance chez les enfants sont plus difficiles à récolter car le seuil pour être diagnostiqué malvoyant varie selon les pays. La vue joue un rôle dominant chez les êtres humains, si bien que l’OMS considère la cécité comme un « handicap majeur ». Selon Hatwell (2003a) aucune autre modalité perceptive n’égale la vision dans la quantité et la qualité des données fournies. Les personnes avec une déficience visuelle doivent donc compenser le manque ou l’altération de la vision. Le toucher reste la modalité perceptive la plus capable de supplanter la vision défaillante (Hatwell, 2003a). Elle peut informer sur de nombreuses propriétés de l’objet auxquelles la vision donne également accès. 

La perception haptique

Le toucher tout comme le goût est un sens de contact, à distinguer d’autres sens tels que la vision, l’audition ou l’odorat. Cependant, contrairement au goût dont les récepteurs sont localisés, le toucher est une modalité dont les récepteurs sont répartis sur tout le corps. Les recherches en psychologie cognitive ont permis d’identifier deux types de perception tactile : la perception cutanée et la perception haptique (Hatwell, Streri, & Gentaz, 2000).

La perception cutanée

La perception cutanée est associée à un toucher dit « passif » qui résulte de la stimulation d’une partie du corps immobile. Les informations accessibles par la perception cutanée sont assez pauvres et partielles : elles sont uniquement extraites de la déformation mécanique de la peau disponible dans un champ perceptif réduit (Gibson, 1966; Hatwell, 2003a; Katz, 1989; Révész, 1950). Ces informations sont captées par des récepteurs que l’on retrouve dans les différentes couches de la peau. Les recherches ont permis d’en identifier quatre types qui se distinguent du point de vue de leurs propriétés d’adaptation (rapide : récepteurs actifs au début du contact avec le stimulus, lente : récepteurs actifs durant tout le temps de contact avec le stimulus) et de leur champ perceptif (Johnson & Hsiao, 1992). Sur le plan de la capacité d’adaptation les corpuscules de Meissner et de Pacini sont à adaptation rapide tandis que les récepteurs de Merkel et les corpuscules de Ruffini nécessitent un temps d’adaptation plus lent. Les récepteurs à adaptation rapide codent les dimensions temporelles de la stimulation (début et fin) tandis que les récepteurs à adaptation lente permettent d’extraire des informations de type spatial.  En ce qui concerne le champ récepteur, il est réduit et délimité pour les corpuscules de Meissner et les récepteurs de Merkel et plus large et flou pour les corpuscules de Pacini et Ruffini. Parmi ces quatre types de récepteurs, trois auraient un rôle spécifique dansla perception tactile (Johnson & Hsiao, 1992). Les récepteurs de Merkel seraient spécialisés dans le traitement des informations spatiales et de la texture (e.g. pour la lecture du braille) tandis que les corpuscules de Meissner traiteraient principalement le mouvement d’un objet détecté sur la surface de la peau (Blake, Hsiao, & Johnson, 1997). Pour finir, les corpuscules de Pacini traiteraient des propriétés temporelles du stimulus comme les vibrations (Brisben, Hsiao, & Johnson, 1999). Le traitement de la température se fait par des thermorécepteurs qui mesurent les variations de température cutanée (Hensel, 1974). Il en existe deux types : les récepteurs au froid (entre 10 et 35°c) et les récepteurs au chaud (entre 35 et 46°c). En dessous de 10 °C, le froid anesthésie les récepteurs. Au-delà de 46 °C, les neurones nociceptifs (récepteurs à la douleur) prennent le relais. Dans la perception cutanée, le champ perceptif est limité à la zone en contact avec l’objet. Bien que certaines discriminations soient possible avec ce toucher dit « passif », la capacité de perception tactile reste limitée (Gibson, 1966; Katz, 1989; Révész, 1950). 

La perception haptique

Pour récolter plus d’informations, des mouvements d’exploration sont nécessaires. En effet, en plus de la déformation mécanique de la peau, ces mouvements permettent de récupérer des informations proprioceptives. La proprioception désigne la perception de la position des différentes parties du corps. Ces informations viennent des muscles, des articulations et des tendons. On parle alors de toucher « actif » ou de perception haptique. Le terme haptique (du terme anglais haptic, lui-même emprunté au grec) a été introduit pour la première fois en psychologie par Révész (1950) qui met en association des sensations cutanées et proprioceptives. Les régions les plus mobiles et les plus riches en récepteurs sensoriels sont mobilisées pour l’exploration. On observe l’utilisation de la région buccale chez les nourrissons dont le développement moteur est encore fragile mais, peu à peu, l’utilisation du système main-épaule devient dominant (Ruff, Saltarelli, Capozzoli, & Dubiner, 1992) En plus des récepteurs cutanés décrits précédemment, des récepteurs proprioceptifs issus des mouvements d’exploration du système main-épaule sont alors mobilisés. Ces récepteurs sont localisés au niveau des muscles et des tendons (Hatwell et al., 2000). Les récepteurs musculaires sont issus des fuseaux neuromusculaires et récupèrent principalement de l’information sur l’état du muscle (en particulier sa longueur et la vitesse de changement de cette longueur). Les récepteurs situés au niveau des tendons sont appelés les organes tendineux de Golgi. Ils permettent de traiter les informations concernant la tension du muscle et ses variations dans le temps. Les informations extraites par les récepteurs cutanés et proprioceptifs sont transmises au système nerveux central. La contribution respective des informations cutanées et proprioceptives dansla perception haptique n’est pas encore claire. Ilsemble que la contribution de chaque système dépende de la nature de la tâche. Une tâche dans laquelle le stimulus est principalement exploré par la main sur un petit espace (e.g. une forme) impliquerait une contribution équivalente d’informations à la fois cutanées et proprioceptives (Voisin, Lamarre, & Chapman, 2002). Une tâche dans laquelle le stimulus nécessite des mouvements d’explorations plus importants (e.g. une tige) impliquerait une plus grande contribution des informations proprioceptives (Wydoodt, Gentaz, Gaunet, Chêne, & Streri, 2004) . Une tâche qui impliquerait la détection de vibrations nécessiterait une plus grande contribution des informations cutanées.

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