LA VALEUR EXEMPLAIRE DES PRINCIPES

LA VALEUR EXEMPLAIRE DES PRINCIPES

Si les origines et le contenu des travaux de la Commission Lando semblent en faire le droit commun du contrat au plan communautaire, ils ne peuvent, en aucun cas, être considérés comme du droit positif. Illustration de l’émergence d’un droit savant en matière contractuelle, les principes du droit européen des contrats sont dépourvus de toute valeur obligatoire (§1) et ne s’appliqueront effectivement qu’en tant que choix des contractants, et encore sous réserve d’ordre public. Pour autant ils revêtent un intérêt doctrinal important et pourront utilement constituer un laboratoire valable pour le développement d’un futur droit communautaire du contrat. Ils n’en revêtent donc pas moins un rôle effectif (§2). §

L’ABSENCE DE VALEUR OBLIGATOIRE

A l’instar des principes Unidroit ou des Restatements américains, les principes du droit européen du contrat sont dépourvus de toute force obligatoire. En effet, ils sont l’œuvre de juristes de différents Etats et ne constituent qu’un modèle privé pour les contractants ou pour le législateur communautaire. Le texte n’a pas été incorporé dans un instrument juridique obligatoire, règlement, directive ou convention internationale. Il n’est, à l’heure actuelle, que le résultat d’un travail purement privé, celui de la Commission Lando, appellation dont la consonance institutionnelle ne doit pas induire en erreur. La Commission constitue une réunion d’experts très qualifiés et représentatifs des droits privés des différents Etats membres 150 qui ont commencé à se réunir au début des années quatre-vingt. Pour autant, elle ne constitue en aucun cas une institution produisant des règles de droit. Le fait que la Commission ait été officiellement parrainée par la Commission des Communautés européennes et subventionnée par elle 151, ne modifie en rien son caractère purement privé. Même mandaté par une institution publique, le groupe d’experts a œuvré « en toute indépendance, certes, mais sans la moindre parcelle de pouvoir normatif » 152. Cette absence de valeur obligatoire est reconnue par les rédacteurs eux-mêmes. Ainsi dans les commentaires qui suivent l’article 1.101 du texte, on peut lire : « Les principes en tant que tels n’ont pas l’autorité d’un droit national ou international. En conséquence, il est impossible de définir leur domaine d’application de la même façon qu’il est devenu habituel de le faire pour des instruments formels créant un droit uniforme ». Lorsqu’il est appelé à présenter les travaux de la Commission Lando, le professeur Denis Tallon qui y a participé en tant qu’expert français, affirme que les principes européens, à l’instar des principes Unidroit, « n’ont aucune valeur normative » 153. Ce caractère non obligatoire, loin d’être dissimulé par la doctrine constitue la première caractéristique des principes Lando. Tous les observateurs commencent leur présentation par leur caractère purement incitatif. Et à l’heure où l’adoption d’instruments juridiquement contraignants est critiquée de toutes parts, certains voient dans le caractère purement incitatif du texte, un gage d’efficacité. C’est l’idée que développe F.M. Bannes à propos des Principes Unidroit : « Les efforts en vue de l’unification du droit sur le plan international ont essentiellement pris à ce jour la forme d’instruments juridiques contraignants […] instruments qui risquent d’être fragmentaires et de rester lettre morte dans la mesure où leur adoption et ratification demeurent sujettes aux réserves émises par les Etats contractants. En conséquence, le recours à des moyens non législatifs d’unification ou d’harmonisation du droit est de plus en plus préconisé. » 154 Cette idée est légitime mais de nombreux auteurs, le plus souvent il faut le reconnaître, des civilistes français, n’y adhèrent pas et affichent au contraire un certain pessimisme envers les instruments non obligatoires d’unification en général et envers les principes de droit européen du contrat en particulier. Ainsi le professeur Raynard évoque « la mode toute contemporaine de principes plus incitatifs que normatifs » qualifiant les Principes Lando de sorte « d’espéranto du droit des contrats mais dont l’autorité reste limitée au magistère de leurs auteurs » 155. D’autres évoquent le caractère « virtuel » des règles rédigées par la Commission Lando, constatant que leur avenir repose essentiellement sur l’autorité scientifique et la connaissance contractuelle de ceux qui les ont rédigés .

LE RÔLE EFFECTIF DES PRINCIPES 

Les principes Lando, malgré leur caractère incitatif, n’en ont pas moins plusieurs rôles à jouer. Ils sont d’abord destinés à régir des relations contractuelles, rôle primaire (I) qu’ils peuvent remplir grâce à la seule volonté des parties contractantes. Mais ils doivent aussi servir de relais doctrinal à l’élaboration du droit communautaire des contrats. Ce rôle dérivé (II) assigné au texte se révèlera être le plus significatif en pratique. I – Le rôle primaire 67. Les mécanismes visant à « faire entrer les règles qu’ils contiennent dans la juridicité des contrats » 160, sont contenus dans l’article 1.101. Il convient, avant d’entrer dans le détail de cette disposition, de constater sa similarité avec le préambule des principes Unidroit. Le texte relatif à leurs modes d’application est quasiment identique dans les deux corps de règles. 68. Le premier paragraphe évoque un rôle pour l’instant hypothétique des principes puisqu’il prévoit leur application en tant que « règle générale du droit des contrats dans l’Union européenne ». A ce jour, le texte n’a pas acquis l’autorité nécessaire pour pouvoir prétendre à une telle appellation.  69. Le deuxième paragraphe prescrit que les principes trouveront à s’appliquer en cas de volonté expresse des parties. C’est l’objectif immédiat de la Commission Lando. L’introduction du texte affirme que l’utilité des principes pour « les parties établies ou faisant le commerce dans des Etats différents et qui souhaitent que leurs relations soient régies par un ensemble de règles neutres, indépendantes de tout système national et s’appuyant sur les meilleures solutions offertes par les droits des pays d’Europe – et parfois d’ailleurs » 161. Dans cet objectif, les principes ont vocation à s’appliquer lorsque, dans un contrat donné, les parties auront inclus une clause du type : « Le présent contrat est soumis aux principes du droit européen du contrat ». Dans ce cas, et sous réserve du respect de l’ordre public, il n’y a aucune raison pour que le juge du contrat, judiciaire ou arbitral, n’applique pas les principes. Mais cette application peut aussi résulter de la volonté implicite des parties. On pourra la deviner si les parties sont convenues que leur contrat est soumis à la lex mercatoria, aux principes généraux du droit ou si elles ont utilisé une expression similaire 162. Il ne s’agit ici que d’une application spécifique du principe de la liberté contractuelle. 70. Enfin, l’objectif est plus ambitieux, les principes sont susceptibles de s’appliquer lorsque les parties n’ont pas désigné la loi applicable à leur contrat même de façon implicite 163 ou bien lorsque le système applicable est lacunaire 164. C’est ce que le professeur Tallon appelle le rôle de « bouche-trou » 165 : le juge ou l’arbitre chargé de faire appliquer le contrat est invité à se servir du texte des principes afin de combler les lacunes de la loi applicable au contrat. Comme le précise le commentaire qui suit l’article 1.101 cette pratique est conforme à la réalité de nombreuses juridictions qui vont chercher dans des décisions ou des écrits étrangers une solution que le droit applicable ne saurait résoudre. Le préambule du texte des principes Unidroit prévoit précisément le même rôle de complément. 

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