LE PARTICIPE PASSE

LE PARTICIPE PASSE

Parmi les différentes formes participiales du persan, seul le participe passé présente un intérêt dans une perspective diachronique. Le participe présent en -ān, les dérivés en -a, -anda et -anī n’ont pas connu d’évolution majeure438 ; ces formes ont en outre des emplois plus nominaux que verbaux et, par conséquent, elles n’entrent pas dans le cadre de notre étude. Dans ses emplois verbaux, le participe passé est la plupart du temps accompagné de l’auxiliaire būdan, « être », pour former un parfait ou un plus-que-parfait, ou des auxiliaires du passif āmadan, « venir », šudan, « aller », « devenir » et gaštan, « se tourner ». La diathèse ayant déjà été abordée (chapitre 6), nous étudierons ici la morphologie du participe passé dans ces périphrases et réserverons l’emploi de ces temps pour le chapitre 11.

Du moyen perse au persan

En moyen perse, les temps composés sont construits avec une forme de type kard, qui est l’ancien participe passé du vieux perse (mp. bast < vp. basta). Le moyen perse possède également une forme de participe passé en -ag, mais dans des emplois adjectivaux . En persan, on rencontre des formes du type kard-ast et d’autres du type karda ast. Au vu de la situation moyen-perse, les premières ne sont donc pas à interpréter comme une perte de la voyelle finale -a du participe passé afin d’éviter le hiatus avec la voyelle initiale de l’auxiliaire « être ». Même si l’étape du moyen perse nous avait manqué, nous en aurions eu la confirmation dans les occurrences du type krd bwd en judéo-persan, dont nous reparlerons. Nous pouvons d’ailleurs constater que les occurrences du type kard-ast ne sont pas des formes moyen-perses qui se seraient maintenues : il n’y a pas de formes  composées avec ast443 dans cet état de la langue. C’est donc bien le participe lui-même qui s’est conservé dans les débuts du persan.

Les deux formes kard et karda

Deux formes de participe passé apparaissent en concurrence : une forme courte du type kard, et une forme suffixée du type karda.

Prononciation et écriture

kard Dans nos textes en écriture arabe, avec le participe passé kard, l’auxiliaire ast, « il est », n’est jamais noté avec un alef. C’est d’ailleurs pourquoi nous transcrivons les formes avec un tiret444 : le participe et l’auxiliaire forment une unité dans la graphie. Il existe néanmoins des graphies krd ’st dans certaines occurrences relevées par Lazard445 . L’auteur souligne que ces exemples renforcent l’idée que ces formes n’étaient pas comprises comme la résolution d’un hiatus mais bien comme un participe kard auquel s’ajoute l’auxiliaire ast. Cependant, que ce participe puisse éviter le hiatus a pu faire qu’il se maintienne à la troisième personne du singulier du parfait alors qu’il disparaissait aux autres temps, excepté en judéo-persan. En revanche, cela n’explique pas sa disparition aux autres personnes du parfait qui, elles aussi, présentent une situation de hiatus.

 karda Le suffixe moyen-perse -ag a évolué en -a en persan446. Dans nos plus anciens textes, le timbre de la voyelle est attesté par certaines vocalisations comme xwrda , خورده h, « avalé » (HM 184, 14 et 185, 7), où le hâ est vocalisé avec un fathe447. Nous n’avons malheureusement aucune notation dans nos ouvrages plus récents. Il est cependant permis 443 Au prétérit, « parfait » pour Henning (1933, pp. 243-244), la troisième personne du singulier est šud, tandis qu’aux autres personnes on trouve l’auxiliaire « être » (šud hēm, šud hē, etc.). Sur la prononciation de ce hâ final, voir Pisowicz 1985, pp. 67-68 et p. 73. La finale du participe est encore ainsi prononcée dans le persan d’Afghanistan (pour le kâboli, Farhādi 1955, p. 83, § 147) et en tadjik (Lazard 1956, p. 147 ; Rzehak 1999, p. 59 ; Perry 2005, p. 267). 125 de penser que ce /a/ est devenu /e/ après le XIIIe siècle dans certains dialectes, comme c’est le cas pour les autres /a/ finaux448 . Dans les textes judéo-persans, le hei ou le alef qui termine les formes de participe passé note également un /a/ final449 . Ces lettres s’accompagnent parfois de notations vocaliques, le plus souvent un pataḥ : – avec hei : phrz’nsta h, « averti » (TE1 9, 40) ; š’hystah, « été convenable » 450 (TE1 16, 13) ; gndysta h, « pourri » (TE1 16, 36 ; 17, 17). – avec alef : čyda ’, « taillé » (TE1 17, 29) ; ’mykta ’, « mélangé » (TE1 144, 22) ; dyda ’, « vu » (TE2 171, 30) ; gyrd kwnhsta ’, « rassemblé » (TE2 215, 27). Dans cette dernière occurrence, le scribe a vocalisé par un qamaṣ : dans TE2 , il arrive que les copistes emploient un qamaṣ pour noter aussi un /a/ bref451 . On peut s’interroger sur la raison de ces deux graphies. Sont-elles aléatoires, parce qu’elles sont équivalentes aux yeux du copiste, ou bien renvoient-elles chacune à des emplois spécifiques ? Nous constatons que les deux peuvent apparaître dans la même phrase, parfois avec le même verbe : gwpt’ ’mdh hst, « il a été dit » (TE1 4, 3-4) ; nybyšth bwd […] w-nybyšt’ bwd, « il avait écrit […] et avait écrit » (TE1 5, 20) ; w-bst’ by’h y’ ’b’z d’šth by’h, « et sois enfermé ou sois retenu » (TE1 10, 16). Le contexte et le type de verbes ne semblent pas significatifs. Ces exemples montrent aussi qu’on trouve ces deux graphies indifféremment avec l’auxiliaire « être » et avec l’auxiliaire āmadan du passif. On ne peut pas non plus dire que ce choix est dû à la place dont disposait le scribe car le alef et le hei sont deux lettres à la taille sensiblement identique : א et ה . En outre, seule la forme gwpt’ (TE1 4, 3) est en fin de ligne. .

Coexistence et évolution 

Seul le participe passé en -a a été conservé en persan contemporain. Mais à quel moment l’autre forme, du type kard, a-t-elle disparu de la prose ? Lorsque les deux formes apparaissent dans un même texte, nous nous demanderons s’il existe ou non une différence entre elles. L’ancien participe passé du type kard apparaît surtout à la troisième personne du singulier du parfait (kard-ast à côté de karda ast). Il a disparu aux autres personnes et aux autres temps dans les textes en écriture arabe. En revanche, il s’est maintenu avec le passé būd- et avec la forme bāš- de l’auxiliaire « être » dans les textes judéo-persans, quel qu’en soit le dialecte. Nous n’avons pas trouvé ce participe passé avec un auxiliaire du passif, même avec une voyelle initiale occasionnant un hiatus comme āmadan.

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