L’efficacité des exercices aérobies sur la dépression chez les adultes atteints de fibromyalgie

La fibromyalgie (FM) ou syndrome fibromyalgique (FMS) se caractérise par des douleurs musculaires chroniques diffuses associées à des symptômes divers tels que des troubles du sommeil, des troubles psychologiques, des maux de tête, des migraines, etc. Ce syndrome touche environ 1 à 5% de la population mondiale, dont la majorité sont des femmes, principalement dans les pays industrialisés (Bellato et al., 2012 ; Häuser et al., 2009).

Il n’existe pas à ce jour de traitement standardisé pour la prise en charge (PEC) de la FM. Plusieurs guidelines sont apparues ces dernières années faisant état des résultats de la littérature sur les thérapies ayant un impact positif sur les symptômes des personnes atteintes par cette pathologie (Brosseau et al., 2008 ; Häuser et al., 2010). Les exercices physiques sont reconnus pour leur efficacité et apportent bon nombre de bénéfices aux patients atteints de FM (Giannotti et al., 2014).

La FM est une pathologie dont la légitimité n’est pas reconnue. Certains considèrent ces douleurs comme des douleurs « imaginaires » et il y a donc un problème de reconnaissance de la maladie et de la souffrance des personnes fibromyalgiques. Ceci peut engendrer des impacts important d’ordre psychologique (dépression, dévalorisation, perte de l’estime de soi, honte) et social (perte du statut social, changement de rôle dans la dynamique familiale, isolement social, etc.) (Pfister, 2004). La dépression est un symptôme psychologique courant du FMS. L’humeur dépressive permanente et la diminution marquée de l’intérêt ou du plaisir pour presque toutes les activités ainsi que la fatigue sont des signes majeurs de la dépression (Soumaille, Bondolfi, & Bertschy, 2012).

En tant que physiothérapeute, il nous a semblé que notre rôle auprès de cette population de patients n’est pas uniquement de diminuer les douleurs et d’améliorer la fonction, mais également d’améliorer la qualité de vie (QoL). De ce fait, il est probable que nous devions prendre en compte l’état dépressif des patients : les symptômes de la dépression (humeur dépressive, perte d’intérêt et fatigue) peuvent potentiellement avoir un impact sur notre PEC. En fonction de la sévérité de ces derniers, il semble nécessaire d’adapter le plan de traitement : est-ce qu’un traitement comportant des exercices d’intensité modérée, voire même élevée est envisageable si la personne présente un état dépressif majeur ? Existe-t-il un type d’exercices qui permette d’agir sur la dépression de manière efficace en plus du bénéfice sur la douleur ? Si oui, quel protocole semble être le plus adapté ?

La fibromyalgie

La FM ou FMS est un trouble de la douleur généralisé associé à d’autres symptômes co-morbides tels qu’une fatigue chronique, un sommeil non réparateur, une détresse psychologique, des troubles viscéraux, des troubles cognitifs, etc. (Wolfe et al., 2010). L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) reconnaît la FM en 1992 comme maladie rhumatismale. Elle a cependant beaucoup de difficulté à la définir. Aujourd’hui, elle classe la FM dans « autres affections des tissus mous, non classées ailleurs » (code M79.0). Étymologiquement, le terme vient de « fibro » racine qui suggère tendons et ligaments, « myo » les muscles et « algie » la douleur. C’est donc une maladie rhumatismale chronique qui touche les tissus mous et qui se traduit par des douleurs musculosquelettiques diffuses.

Epidémiologie
La FM touche entre 1 et 5 % de la population (Häuser et al., 2009). Près de 15 millions d’Européens seraient atteints de FM sans compter tous les cas non diagnostiqués. Ce syndrome touche dans le 90% des cas les femmes, âgées entre 30 et 60 ans. Selon les données épidémiologiques existantes, la fibromyalgie est présente dans plusieurs pays, mais dans des proportions différentes. En France, la prévalence est de 1.4 à 2.2 %. En Espagne et en Italie, elle est de 2.4% et 2.2% respectivement. Elle chute à 0.75% en Finlande et 0.66% au Danemark (Belgrand & So, 2011). Selon cet article de Berlgrand et al. (2011), publié dans la Revue médicale suisse, ces différences de prévalence sont dues aux critères diagnostiques utilisés ainsi qu’à la méthode de dépistage propre à chaque pays. Il apparaît également que tous les milieux sociaux semblent être concernés (Cohen, 2012). En Suisse nous ne disposons pas de données épidémiologiques précises, mais on estime que les proportions sont identiques à d’autres pays européens, soit une prévalence d’environ 150’000 à 300’000 personnes (Genta, & Gabay, 2004).

Etiologie
Il n’existe pas à ce jour de consensus quant à la cause de la FM, mais il semblerait que celle-ci soit multifactorielle (Masquelier, Scaillet, Luminet, Desmet, & Grisart, 2011). Plusieurs hypothèses sont actuellement émises et à l’étude. Les principales sont décrites ci-après.

Le facteur génétique est l’une des causes probables à l’apparition de la FM. Il n’est pas rare qu’une personne fibromyalgique ait dans son entourage familial d’autres personnes touchées par ce syndrome. Le gène concerné serait celui du transporteur de la sérotonine (Bodin, 2014).

Un trouble du contrôle et de la perception de la douleur pourrait également être à l’origine de la FM. Il semble y avoir une hyperexcitabilité du système nerveux central (SNC) qui se caractériserait par des sensations anormalement douloureuses en réponse aux différents stimulis nociceptifs, une augmentation de la durée de la sensation douloureuse après un stimulus bref ainsi que la présence d’une allodynie (sensation douloureuse déclenchée par un stimuli normalement indolore) (Pfister, 2004). Cette anomalie de la perception de la douleur pourrait découler d’une activité excessive des terminaisons nerveuses se trouvant dans la musculature en réponse à une hypoxie (manque d’oxygène dans les tissus), phénomène régulièrement observé chez les personnes atteintes de FM. Si l’organisme n’a pas suffisamment d’oxygène pour travailler correctement, il va faire appel à la filière anaérobie qui permet de produire de l’énergie mais qui produit également une grande quantité d’acide lactique en contrepartie. Ceci va avoir pour conséquence une augmentation de l’acidose musculaire se traduisant par l’apparition de douleurs (Bodin, 2014). Selon le Dr. Luc Bodin (2014), l’état douloureux généralisé serait la conséquence des deux phénomènes suivants : la perturbation des centres de gestion de la douleur, ainsi que la diminution de la capacité du patient à tolérer cette douleur.

La sérotonine et la noradrénaline (ou norépinéphrine) sont des neurotransmetteurs qui interviennent dans la gestion des stimuli nociceptifs. Il a été constaté une diminution de la sécrétion de ces deux substances chez les personnes fibromyalgiques, ce qui peut également expliquer cette intolérance à la douleur. Une altération de la qualité du sommeil ainsi que des troubles dépressifs, qui sont deux symptômes associés et récurrents de la FM, peuvent également être des conséquences du déficit en sérotonine chez les patients FM (Bellato et al., 2012 ; Bodin, 2014).

Il est difficile de déterminer l’origine des symptômes de la FM, mais une possibilité serait que le stress ainsi que l’insomnie puissent en être la cause. En effet, un sommeil perturbé empêche la bonne récupération du corps, ce qui à long terme induit une fatigue chronique diurne. Ces dérangements provoquent une perturbation de l’activité des neurotransmetteurs de la sérotonine ainsi que ceux de la noradrénaline (Bodin, 2014). Dans leur étude, Bellato et al. (2012) admettent que les troubles psychologiques pourraient fortement contribuer à l’apparition et au maintien du FMS. En comparaison des autres maladies rhumatismales, la prévalence de personnes touchées par des troubles psychologiques est plus élevée chez les sujets atteints de FM. La dépression est le trouble le plus fréquent, mais on retrouve également des problèmes d’anxiété, de somatisation, de panique, de stress post-traumatique ainsi que des troubles de l’humeur.

Enfin, dans une étude de Masquelier et al. (2011), les auteurs émettent l’hypothèse que le style de vie de type « hyperactif », qui caractérise notre société actuelle, pourrait être un facteur contribuant à l’apparition ou au maintien de la FM et du syndrome de fatigue chronique (SFC). Les patients qui se surinvestissent dans leurs activités s’accordent moins de moments de repos, ce qui constituerait un facteur les prédisposant à un état de fatigue chronique. Cet aspect nous semble important à prendre en compte dans l’anamnèse : comment les patients atteints de FM gèrent-ils leurs besoins de repos et comment vivent-ils leurs conditions de travail ou activités domestiques ?

Table des matières

1 Introduction
2 Problématique
2.1 Cadre théorique
2.1.1 La fibromyalgie
Epidémiologie
Etiologie
Diagnostic
Symptômes
Traitement
Expérience de la maladie
2.1.2 La dépression
Critères diagnostics
Traitement
Fibromyalgie et dépression
2.1.3 Les exercices aérobies
Filière aérobie
Effets physiologiques des exercices aérobies
Exercices et dépression
3 Méthode
3.1 Stratégies de recherches
3.2 Critères d’inclusion et d’exclusion
3.3 Sélection des articles
3.4 Extraction des données
3.5 Evaluation de la qualité des articles
4 Résultats
4.1 Résultats de la recherche documentaire
4.1.1 Descriptions des études
Interventions
Outils de mesure
4.2 Résultats de l’évaluations de la qualité des articles
4.3 Résultats de l’intervention
5 Discussion
5.1 Limites concernant la qualité des articles
5.1.1 Méthode : validité interne
Population
Intervention et mesure
Méthode d’analyse
5.1.2 Méthode : Validité externe
Biais de sélection
Critères d’inclusion et exclusion
Représentativité d l’échantillon
5.1.3 Interprétation et conclusion
5.2 Interprétation des résultats
5.3 Mise en lien et confrontation des études entre elles
5.3.1 Mise en lien avec d’autres outcomes
5.3.2 Mise en lien avec le cadre théorique
5.3.3 Synthèse des résultats
5.3.4 Mise en regard avec la littérature
5.4 Implications pour la pratique
5.5 Pistes de recherches futures
5.6 Limites de notre revue
6 Conclusion

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