Les dysfonctions du tissu adipeux à l’obésité

Les dysfonctions du tissu adipeux à l’obésité

Au cours du développement de l’obésité, de multiples dysfonctions au sein du tissu adipeux vont survenir de façon quasi-simultanée. L’ensemble de ces dysfonctions sont étroitement imbriquées les unes aux autres et constituent un cercle vicieux aboutissant rapidement aux troubles métaboliques associés à l’obésité. Dans cette chronologie pathologique, l’hypertrophie adipocytaire et l’hypoxie tissulaire qui en découlent semblent jouer un rôle de premier plan. 1) L’hypoxie tissulaire : Lors d’un bilan énergétique positif, l’expansion du tissu adipeux est le résultat des phénomènes d’hypertrophie/hyperplasie adipocytaire. Dans le cadre de l’obésité, cette expansion du tissu adipeux s’accompagne de l’apparition de zones hypoxiques. Ce phénomène a été démontré chez les souris soumises à un régime riche en graisses ou rendues génétiquement obèses, où l’on constate une réduction de 70% de la pression partielle en oxygène dans le tissu adipeux viscéral (Ye et al. 2007). Il a été montré chez ces mêmes animaux que l’hypoxie était aussi bien retrouvée dans les petits adipocytes que dans les larges adipocytes de souris obèses (Hosogai et al. 2007). Chez l’humain, ce concept d’hypoxie tissulaire est plus sujet à débat. Plusieurs études ont mis en évidence la présence de zones hypoxiques dans le tissu adipeux de patients obèses, accompagnées d’une diminution de 15% de la pression partielle en oxygène dans le tissu adipeux sous-cutané comparativement aux individus normo-pondérés. (Pasarica et al. 2009a). Mais d’autres études mettent à mal cette hypothèse en montrant que le tissu adipeux des sujets obèses été soumis à une hyperoxie tissulaire, malgré une diminution du flux sanguins dans ce tissu (Goossens et al. 2011). Cette dualité pourrait être expliquée par une consommation en oxygène fortement réduite dans ce tissu adipeux hypertrophié (Hodson et al. 2013). Plusieurs modifications au sein du tissu adipeux peuvent expliquer le développement de ces zones hypoxiques. Il a été démontré chez les sujets obèses une raréfaction capillaire intense, accompagnée d’une augmentation du diamètre de ces capillaires, suggérant une vascularisation moins efficace et une incapacité du réseau vasculaire à suivre le développement du tissu adipeux (Pasarica et al. 2009a; Gealekman et al. 2011; Goossens et al. 2011). Cette hypothèse semble cohérente d’autant plus qu’il a été démontré que l’hypoxie pouvait être responsable du Revue de la littérature 38 développement d’un phénotype sénescent prématuré des cellules endothéliales du tissu adipeux viscéral (Villaret et al. 2010). Ainsi il semblerait qu’au sein du tissu adipeux de l’obèse, les capacités de développement du réseau sanguin soient supplantées par les capacités d’expansion du tissu et des adipocytes, ne permettant pas une vascularisation tissulaire appropriée. Cela conduirait à une baisse de son oxygénation créant des défauts de différenciation des cellules précurseurs des adipocytes : les préadipocytes. Ces troubles favoriseraient la formation d’adipocytes hypertrophiques, de 150-200 µm de diamètre, une taille incompatible avec la distance de diffusion de l’oxygène dans ces cellules (Trayhurn 2014). De plus, le flux sanguin vers le tissu adipeux retrouvé après une prise alimentaire est amoindri chez les individus ou souris obèses (Trayhurn 2013), pouvant aussi contribuer au développement de ces zones hypoxiques adipeuses. Dans l’ensemble de l’organisme, la réponse cellulaire à l’hypoxie est majoritairement régulée par le facteur de transcription HIF (Hypoxia Inductible Factor). Cette famille de protéine contient trois isoformes: HIF-1 qui est une forme ubiquitaire, HIF-2 et HIF-3. HIF-1, qui a été découvert en 1992 (Semenza & Wang 1992), est de loin la forme la plus étudiée et s’accumule uniquement lors d’une hypoxie cellulaire sévère (Wiesener et al. 1998). HIF-1 est un hétérodimère composé d’une sous-unité α et d’une sous-unité β. Alors que HIF-1β est constitutivement présente, la sous-unité HIF-1α est faiblement présente au niveau cellulaire en condition normoxique car rapidement hydrolysée par des prolyl-hydroxylase en vue d’être ubiquitinylée et ensuite dégradée par le protéasome (Moroz et al. 2009). Inversement, en condition hypoxique, l’expression du messager de HIF-1α est augmentée et sa forme protéique stabilisée, évitant sa protéolyse et permettant ainsi son association avec la HIF-1β. De façon intéressante, il a été montré que le manque d’oxygène n’était pas le seul régulateur de HIF-1α. En effet, les cytokines pro-inflammatoires et l’insuline sont elles aussi capables de stabiliser HIF-1α (Jung et al. 2003; He et al. 2011). La formation de l’hétérodimère HIF-1 va alors entrainer sa translocation au niveau nucléaire où il pourra jouer son rôle de facteur de transcription de certains gènes spécifiques appelés HRE (Hypoxia-Response Element) (Figure 10). La famille des HRE contient de nombreux gènes impliqués dans de multiples processus biologiques comme la survie et la prolifération cellulaire, l’apoptose, le métabolisme glucidique ainsi que l’angiogenèse. Les éléments les plus connus de cette famille sont les gènes de l’érythropoïétine (EPO) et du Vascular Endothelial Growth Factor A (VEGF-A).

La fibrose tissulaire

Le tissu adipeux est également un tissu conjonctif, chaque adipocyte est en effet entouré de matrice extracellulaire (MEC). Cette proximité anatomique fait de la MEC un élément important dans la structure et la fonction du tissu adipeux (Divoux & Clément 2011; Alkhouli et al. 2013; Buechler et al. 2015). Celle-ci est constituée majoritairement de fibres de collagène de type I, III et VI, ainsi que de molécules d’adhésion comme les intégrines, les protéoglycanes, la fibronectine, les laminines et les élastines (Pierleoni et al. 1998; Divoux & Clément 2011). Les intégrines permettent de faire la liaison entre les éléments de la MEC et le cytosquelette, ce qui permet d’assurer la communication entre ces composants et l’environnement intracellulaire (Divoux & Clément 2011). Les protéoglycanes forment un réservoir de molécules impliquées dans la biologie des tissus comme les facteurs de croissance et les métalloprotéinases matricielles (MMPs). Les MMPs jouent un rôle prépondérant dans le remodelage de la MEC. De par leur activité enzymatique de protéolyse, elles sont capables de dégrader les éléments structuraux de la MEC. Ce processus permet notamment l’expansion du tissu adipeux ainsi que la libération et l’activation de facteurs de croissance. Un de ces principaux facteurs est le TGFβ (Transforming Growth Factor- β), qui possède une forte capacité à stimuler la synthèse des fibres de collagène et de la fibronectine tout en inhibant l’activité des MMPs (Divoux & Clément 2011). Ce processus de remodelage est tout à fait physiologique et intervient même dans les mécanismes de réparation et cicatrisation tissulaire. Mais lorsque celui-ci persiste dans le temps, il peut devenir pathologique en créant un déséquilibre entre la synthèse et la dégradation des fibres de collagène. Ce déséquilibre génère une accumulation excessive des composants de la MEC. C’est la fibrose tissulaire. La fibrose semble jouer défavorablement sur l’architecture et les fonctions tissulaires des organes, comme cela a été démontré dans la peau, les poumons, les reins ou encore le foie (Wynn 2007). Au sein du tissu adipeux, même si l’impact physiopathologique de la fibrose reste assez méconnu (Chun 2012; Buechler et al. 2015), il  semblerait que celle-ci puisse augmenter la rigidité de la matrice extracellulaire et réduire la capacité du tissu à se développer (Henegar et al. 2008). Cette réduction devient problématique chez l’obèse où l’hypertrophie et l’hyperplasie adipocytaire s’accompagnent d’une expansion du tissu adipeux et de phénomènes intenses de remodelage matriciel. La fibrose adipeuse chez l’obèse a été démontrée chez les souris HFD où elle est accompagnée de réactions inflammatoires (Strissel et al. 2007). Chez l’Homme, l’IMC et la présence des composants de la MEC sont positivement corrélés. La présence d’importants dépôts fibrotiques sous forme d’amas de collagène a également été mise en évidence chez le sujet obèse sévère (Henegar et al. 2008). Chez ces mêmes individus, les gènes codant pour les éléments de la MEC comme les différents collagènes sont surexprimés (Pasarica et al. 2009b; Spencer et al. 2011). De plus, la fibrose chez l’obèse serait encore plus exacerbée dans le tissu adipeux sous-cutané, ce qui limiterait la plasticité de ce dernier et donc sa capacité à stocker plus de graisses mais également à se réduire lors de la perte de masse grasse (Abdennour et al. 2014). Le tissu adipeux souscutané exprime de façon plus importante les gènes des composants de la MEC (McCulloch et al. 2015) et contient des fibres de collagène plus épaisses que le gras viscéral (Divoux et al. 2010). En revanche, le tissu adipeux viscéral contiendrait une plus grande concentration de fibres de collagène ce qui pourrait également accroître sa rigidité et réduire sa capacité d’expansion (Alkhouli et al. 2013). 

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