Les origines de la vie politique moderne en France

Les origines de la vie politique moderne en France de la seconde moitié du XVIIIe siècle

L’Ancien Régime est le nom donné par les révolutionnaires de 1789 au régime politique et social qu’ils voulaient précisément remplacer par un nouveau régime. C’est une expression reprise par les historiens. Cet « Ancien Régime » comporte deux sens, l’un social et l’autre politique.

L’Ancien Régime social

Sa structure sociale sera déterminante dans le déclenchement et les premiers temps de la révolution. Il se caractérise par deux critères principaux :
– On considère que la société est constituée de groupes plutôt que d’individus. Ces groupes sont appelés « corps ». On peut dire que dans l’Ancien Régime social, l’individu est moins caractérisé par ses traits personnels que par son appartenance à un certain nombre de « corps ». Concrètement, cela veut dire que l’individu est d’abord perçu comme appartenant à différents groupes sociaux. À la veille de la révolution, cette conception traditionnelle (Moyen-Âge) est mise en question par la promotion de l’individu. La révolution a voulu en quelque sorte faire la promotion de l’individu. Ainsi, la révolution a voulu mettre en œuvre cet individualisme, du moins de manière institutionnelle. Autrement dit, la société est avant tout considérée comme une société de corps et non d’individus.
– Tous ces corps (et ceux qui en font partie) sont hiérarchisés (c’est-à-dire qu’ils n’ont pas la même valeur) et ont des droits à fois différents et inégaux. Ces droits que l’on attribue c’est ce qu’on appelle à l’époque des privilèges (ou droits particuliers). En conséquence, l’idéal individualiste et des révolutionnaires sera au contraire d’aspirer à l’égalité des lois (à l’époque « égalité des droits » signifiait en même temps « uniformité des lois »), c’est-à-dire à l’uniformité des corps.
Ex : La « société globale » est divisée en trois grands corps fondamentaux, qu’on appelle des « ordres » ou des « États ».
Ces « ordres » ou « États sont hiérarchisés, ils n’ont pas la même valeur au niveau de la hiérarchie sociale : le clergé (membres de l’Église catholique), la noblesse, et le Tiers-État (dont les membres étaient appelés les « roturiers » au contraire des membres de la noblesse, les nobles et qui représentaient 95 % de la population totale de l’époque à savoir 27 millions de personnes à la veille de la révolution. Les deux premiers ordres (le clergé et la noblesse) possèdent des privilèges propres qu’on appelle les « privilèges d’ordre ». (on parle en effet d’ordres privilégiés).

L’Ancien Régime politique

C’est le régime politique en place à l’époque. Il a pris une forme particulière seulement à partir du 17e siècle, à savoir celle de la monarchie absolue qui a connu son apogée sous Louis XIV à la fin du 17e siècle. Ce régime politique se caractérise par ce qu’on appelle en droit constitutionnel, la confusion des pouvoirs entre les mains du roi. Le roi détient tous les pouvoirs que les régimes politiques modernes répartissent entre divers organes, c’est la séparation des pouvoirs. En ce qui concerne le pouvoir législatif (le pouvoir de faire la loi), les juristes français le considèrent depuis la fin du 16 e siècle comme le pouvoir par excellence dans l’État. Quand à propos du pouvoir exécutif, le roi dirige l’activité des ministres et de l’administration. Le pouvoir judiciaire est exercé par le roi, qui est en principe à la tête de l’organisation judiciaire. Selon la doctrine de la monarchie absolue, le roi ne doit pas pour autant gouverner de façon arbitraire comme le ferait un tyran ou un despote.
On distingue le pouvoir absolu du roi de celui du despot. En principe, le pouvoir du monarque absolu connaît trois limites :
– En ce qui concerne les buts de son action politique, le roi est censé rechercher le bien commun de la société et non pas son intérêt personnel.
– Avant de prendre des décisions, le roi doit solliciter l’avis de conseillers. C’est ce qu’on appelle à l’époque le « gouvernement par Grand Conseil ». Ce gouvernement par Conseil comprend un Conseil ordinaire et un Conseil extraordinaire.
Le Conseil ordinaire est surtout exercé par une grande institution de l’État qu’on appelle le « Conseil du roi », qui d’ailleurs a inspiré Napoléon lorsqu’il créa le « Conseil d’État » pratiquement avant d’atteindre le pouvoir, et qui est l’ancêtre de notre Cour des Cassations d’aujourd’hui. Il est permanent. Le Conseil extraordinaire en est le contraire : le roi s’adresse à des organes non permanents qu’il réunit de façon sporadique. Leur organe principal est appelé les « États généraux », sensés êtres une représentation de la société en fonction des trois ordres de société. Les États généraux à la fin du 18e siècle, n’ont plus été réunis depuis 1614.
-La troisième limite au pouvoir absolu concerne quelques grandes règles de droit de nature constitutionnelle : les « lois fondamentales du royaume ». L’une d’elles détermine les modalités de succession au trône.
La monarchie absolue est limitée par plusieurs règles, elle ne peut donc pas être confondue avec la monarchie despotique. La monarchie absolue entre en crise au cours du 18e siècle à partir des successeurs de Louis XIV (Louis XV :1715-1774, Louis XVI :1774-1792).
La révolution n’était pas nécessaire. La monarchie absolue entre en crise car on assiste à la déficience du gouvernement (finances publiques) et à de nombreuses formes de contestations intellectuelles, doctrinales et plus concrètes. Il faut distinguer les formes traditionnelles de contestation des formes modernes de contestation.

La contestation de l’Ancien Régime au 18e siècle

A/ Les formes traditionnelles de contestation

 La contestation doctrinale de l’aristocratie : l’idée de monarchie limitée

La première forme historique (début 18e siècle) de contestation du pouvoir absolu du roi n’est pas du tout une contestation démocratique mais aristocratique, (l’aristocratie s’oppose au même titre que la démocratie à la monarchie) c’est-à-dire au sens du droit constitutionnel et de la philosophie politique, une contestation fondée sur l’idée de participation au pouvoir d’un groupe restreint d’hommes considérés comme les « meilleurs » (« aristos » : les gouvernement des meilleurs).
En ocurrence, pour les partisans de cette contestation aristocratique , les meilleurs sont la noblesse.Au début du 18e siècle en effet, un certain nombre de nobles critiquaient le pouvoir exercé par Louis XIV, pouvoir qu’ils jugeaient tyrannique au nom d’un concept aristocratique du pouvoir.Ils veulent limiter le pouvoir royal pour remplacer la monarchie absolue par une monarchie limitée. Ces contestataires défendent donc une certaine forme de liberté politique ; en ce sens ce sont des libéraux au sens politique du terme. Ces contestations en France sont à l’origine de ce grand courant de pensée politique : le libéralisme politique. Ce libéralisme que défend ces nobles est aristocratique puisqu’ils veulent réserver la participation au pouvoir à la noblesse. On peut donc dire que leur libéralisme est conservateur car il s’appuie sur la structure traditionnelle dominée par la division de la société en 3 ordres hiérarchisés. Pour justifier leur prétention à participer au pouvoir, ces nobles se réfèrent à ce qu’ils appellent l’ « Ancienne Constitution du Royaume ».
En effet, jusqu’à la révolution le mot « Constitution » n’a pas un sens seulement politique (la Constitution a pour but d’organiser le pouvoir de l’État), mais a aussi un sens social : c’est-à-dire que la division de la société en 3 ordres fait partie de la Constitution.
Les nobles veulent limiter le pouvoir royal en faisant revivre des règles constitutionnelles qui auraient existées dans un lointain passé. Ils prétendent qu’il y a longtemps le roi aurait partagé le pouvoir avec la noblesse, mais par la suite il aurait usurpé la totalité du pouvoir, conduisant ainsi à la monarchie absolue. Selon ces nobles, il faut donc revenir à cette Ancienne Constitution en accordant des pouvoirs politiques aux nobles. On voit donc que ce courant idéologique veut encadrer le pouvoir royal par des règles de droit contraignantes, ce qu’ils appellent une « Constitution ».Cette idée de Constitution était apparue en Angleterre au 17e siècle.
On peut dire que ce sont les nobles dont nous parlons qui introduisent cette idée moderne de Constitution en France. Ces nobles sont donc au point de départ d’un grand courant de pensée politique : le « constitutionnalisme »Parmi les auteurs et idéologues, on peut retenir deux noms : Fénelon et Montesquieu. Fénelon, évêque connu et auteur religieux, est un des penseurs à l’origine du constitutionnalisme. Ila insisté sur une idée qui a joué un rôle très important au 18e siècle : le despotisme ministériel. C’est l’idée que le pouvoir politique exercé par le roi a été ou aurait été en théorie confisqué par les ministres et leur entourage. Ce despotisme jouerait au détriment des corps traditionnels de l’État, qui lui est sensé représenter la population auprès du roi, et notamment les États Généraux qui n’ont pas été réunis depuis 1614.Montesquieu connaît au milieu du 18e siècle un énorme succès en France, ainsi que dans le reste de l’Europe occidentale grâce à son livre L’esprit des Lois.Il est l’auteur qui introduit en France la notion de la séparation des pouvoirs à partir de l’étude du régime politique de l’époque. Il demande pour la France une certaine forme de séparation des pouvoirs par la participation de la noblesse au pouvoir, et notamment par la participation au pouvoir de grands corps dominés par la noblesse qui sont les Parlements. En effet, ce sont les Parlements qui vont jouer un rôle moteur dans la contestation de la monarchie absolue à partir du milieu du 18e siècle.

La contestation parlementaire

Les Parlements sont les principales Cours de Justice, l’équivalent à peu près de nos Cours d’appel actuelles (crées par Napoléon).Il y en a environ une douzaine, dont le plus important est le Parlement de Paris qui siège dans l’île de la cité. Ils sont essentiellement des Cours de Justice mais interviennent d’une certaine façon dans l’élaboration de la loi. En effet, au titre de leur activité juridique, ils enregistrent les lois édictées par le roi. (ils inscrivent ces lois sur un registre, d’où vient le mot « enregistrer ») ;Cet enregistrement est nécessaire pour que la loi soit appliquée par tous les tribunaux. Or, à l’occasion de l’enregistrement, des Parlements peuvent exprimer, formuler des « remontrances » à travers lesquelles ils demandent au roi de corriger la loi : soit la forme de la loi, soit le fondement-même de la loi. Il faut tout de suite remarquer que durant la révolution, les Assemblées constitutionnelles ne sont jamais appelées « parlements » car c’est un mot d’usage récent en France repris à l’Angleterre et tabou, car les révolutionnaires les accusaient d’empiéter dans le domaine politique. Le roi qui peut accepter ces remontrances peut toujours les rejeter et donc contraindre les Parlements à enregistrer la loi. Au milieu du 18e siècle, les Parlements vont se servir de leur droit de remontrance pour contester la politique du gouvernement royal, notamment pour s’opposer à des lois créant de nouveaux impôts. Or, l’État dépensait beaucoup plus qu’il ne gagnait, ainsi le gouvernement a créé de nouveaux impôts égalitaires (opposés aux privilèges).Or, les nobles étaient dispensés de payer des impôts directs et ces impôts égalitaires vont à l’encontre de leurs privilèges. Si les Parlements refusent d’enregistrer les lois sur les impôts égalitaires, c’est qu’ils sont majoritairement composés de nobles. Les Parlements vont justifier leur contestation en prétendant qu’ils doivent participer au pouvoir politique aux côtés du roi. On a l’impression qu’ils parlent d’une participation à la législation. Les Parlements en Angleterre participaient déjà à l’élaboration des lois.

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