L’essor de l’aquaculture mondiale

L’essor de l’aquaculture mondiale

Il y a 12 000 ans, l’homme commençait à domestiquer les espèces animales et végétales qu’il consommait. Ce n’est que 8 000 ans plus tard, environ 2 000 ans avant J.-C, qu’il débutait la domestication d’espèces aquacoles. Les premières traces d’élevage d’espèces aquacoles ont été trouvées en Chine où les hommes élevaient des carpes communes (Cyprinus carpio) dans un but principalement alimentaire vers 2 000 avant J.-C (Nash, 2011). A cette époque, l’aquaculture consistait essentiellement en un nourrissage de poissons capturés. Il a fallu attendre le Vème siècle avant notre ère et le traité de la culture des poissons de Fan Li pour voir apparaitre les prémices de l’aquaculture moderne (création des étangs d’élevage, sélection des géniteurs, gestion de la reproduction et maitrise de l’alimentation et des conditions d’élevage). Cependant, contrairement à l’élevage, l’aquaculture ne s’est pas développée aussi rapidement et la pêche est restée, jusque très récemment, la principale source de produits aquatiques, aussi bien animales que végétales. A partir des années 1990 et malgré un effort de pêche qui s’intensifiait, les captures ont commencé à stagner (Bell et al., 2017) (Figure 1.1). La pêche souffre aujourd’hui d’une mauvaise image auprès des consommateurs, en lien avec la chute des stocks de poissons et son impact sur la biodiversité. Entre 2017, seulement 65,8% des stocks étaient considérés comme exploités de façon durable, contre 90% en 1990 (FAO, 2020).Parallèlement à cette stagnation des captures, la demande mondiale de produits aquatiques n’a cessé de croître, conséquence d’une augmentation de la population, des revenus et de l’urbanisation. La consommation mondiale de poissons est passée de 9,9 kg/an/habitant en 1960 à plus de 20 kg/an/habitant actuellement (FAO, 2020). Dans ce contexte, l’aquaculture s’est rapidement développée depuis les années 1970 pour devenir le secteur agricole à la plus forte croissance à ce jour, avec une croissance de 8,2% par an depuis 1950 (Figure 1.1). En tonnage, l’aquaculture a dépassé la production de viande ovine en 1986 et est aujourd’hui à un niveau comparable à celui de la production bovine (FAO, 1997). Cette croissance n’est cependant pas homogène, tant en localisation qu’en L’essor de l’aquaculture mondiale 3 espèces produites. La majorité de la production mondiale vient d’Asie, en particulier de Chine, qui produit environ 70 millions de tonnes, soit 87% de la production mondiale. C’est également en Chine que la croissance de la production est la plus forte. En Europe, où la croissance de la production est bien plus faible (environ 2,5% par an), la moitié de la production aquacole vient de l’élevage de poissons, quise concentre autour de 5 espèces majeures : le saumon Atlantique (Salmo salar), la truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss), la carpe (Cyprinus carpio), le bar (Dicentrarchus labrax) et la daurade royale (Sparus aurata) (FAO, 2020). Parmi ces espèces, le saumon a connu une très forte croissance, surpassant de très loin les autres. Seuls le bar et la daurade connaissent aussi une croissance alors que les productions de carpe et de truite arc-en-ciel stagnent, voire diminuent. Comme toutes les productions agricoles industrialisées, la pisciculture doit faire face à de nombreux enjeux (Ahmed et al., 2019). Le premier est l’utilisation de petits poissons pélagiques issus de captures de pêche pour la production d’huiles et de farines de poissons qui rentrent dans la composition de l’alimentation des animaux omnivores et carnivores. Leur usage pour l’alimentation animale rentre en compétition avec leur consommation par les humains et questionne sur la durabilité des stocks sauvages (Tacon and Metian, 2009). Cette production a augmenté entre 1976 et 1994 pour diminuer depuis (Tacon and Metian, 2009). Cette diminution est principalement due aux innovations dans la composition des aliments destinés aux poissons d’élevage, en particulier la substitution des farines et huiles de poissons par des farines et huiles d’origine végétale. Ainsi, l’alimentation des animaux d’aquaculture n’est plus une menace pour la durabilité de l’aquaculture (Tacon and Metian, 2008). Ensuite, à l’instar des autres productions animales, les questions de santé et de bien-être animal, de sécurité sanitaire et de qualité des produits sont centrales pour la durabilité et le développement de l’aquaculture. Dans le contexte de changement climatique actuel, la hausse des températures, l’acidification des océans ainsi que la diminution du taux d’oxygène dans l’eau sont autant d’enjeux pour l’avenir de l’aquaculture. Ces éléments joueront en particulier sur la survenue et la gravité des épidémies dans les élevages, qu’elles soient favorisées par l’augmentation de la température ou par l’émergence de nouveaux agents pathogènes (Reverter et al., 2020). 

L’amélioration génétique comme réponse aux enjeux

La rapide croissance de la pisciculture a été permise par le perfectionnement des méthodes d’élevage et de la nutrition, ainsi que par la maitrise de la reproduction et par la sélection génétique. Chez les autres espèces d’élevage, la sélection a permis une augmentation importante de la productivité. Avant même la théorisation de la sélection, les caractères de production comme la croissance, la quantité de lait ou d’œufs ont été les premiers à être sélectionnés. Chez le poulet de chair (Gallus gallus domesticus), le taux de croissance a été multiplié par 4,9 entre 1957 et 2001 (Havenstein et al., 2003) tandis que chez le porc (Sus scrofa domesticus), entre 1960 et 1996, la croissance a augmenté de 52% (Rauw et al., 1998). En plus des caractères de productivité, la sélection a permis une amélioration de l’utilisation des ressources, en particulier en ce qui concerne l’alimentation des animaux mais aussi une diminution de l’impact environnemental. Ces deux aspects peuvent être combinés dans l’amélioration de l’efficacité alimentaire (Arthur and Herd, 2005; Besson et al., 2016). Chez le poulet de chair, l’efficacité alimentaire, mesuré par l’indice de conversion, est passée de 2,5 à 1,83 et chez le porc, de 3,24 à 2,26 entre 1960 et 1996 (Rauw et al., 1998). 4 L’amélioration de la résistance aux agents pathogènes, quant à elle permet à la fois une augmentation de la productivité par une baisse de la mortalité et aussi une diminution de l’utilisation de traitements, que ce soit des antibiotiques ou des vaccins. En aquaculture, la première mise en place documentée d’une sélection génétique a eu lieu en 1919 (Embody and Hayford, 1925). Elle a été réalisée par sélection massale pour la résistance à la furonculose chez l’omble de fontaine (Salvelinus fontinalis). Après quatre générations de sélection, la mortalité avait chuté de 67%. Cependant, la rationalisation de la sélection ne s’est vraiment mise en place que dans les années 1970 et s’est développée d’abord sur le saumon avec la mise en place de la sélection familiale et sur apparentés, bien plus efficace que la sélection massale (Gjedrem, 1985). Elle coïncide avec l’essor de l’aquaculture dans le monde. En 2010, il est estimé qu’environ 8,2% de la production aquacole mondiale provient de cheptels sélectionnés (Gjedrem et al., 2012), contre plus de 80% en Europe en 2016 (Janssen et al., 2017). Ceci montre à la fois une place particulière de l’Europe dans le monde de la sélection aquacole, et une forte dynamique sur son développement. La sélection génétique peut permettre d’augmenter le chiffre d’affaire des fermes aquacoles par la réduction du temps d’élevage ou bien par la création de nouveaux marchés, comme cela été le cas avec la vente de truite fumée concurrençant le saumon fumé grâce à l’augmentation de la taille des truites arc-en-ciel obtenue par sélection. Elle peut également améliorer la rentabilité des fermes par la réduction des intrants, en particulier l’alimentation ou les produits de traitements, grâce à l’amélioration de l’efficacité alimentaire et de la résistance aux maladies. La sélection peut également jouer un rôle dans l’acceptation sociétale de l’aquaculture, car elle diminue l’impact écologique par la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la réduction des rejets comme le phosphate et le nitrate provenant des déjections ou de l’aliment non ingéré (Besson et al., 2016), mais aussi par la réduction de l’usage des antibiotiques.

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