L’EXPRESSIVITÉ DES UNITÉS DE TRADUCTION DANS L’ŒUVRE DE BIRAGO DIOP

L’EXPRESSIVITÉ DES UNITÉS DE TRADUCTION
DANS L’ŒUVRE DE BIRAGO DIOP

SUJET : Problématique, motivations et objectifs visés

Tout texte littéraire est une imbrication d’images complexes, un mélange de dits et de non-dits, un réseau d’idées explicites et implicites. A ce titre, le mot qui semble banal pour un lecteur non averti peut être une grande découverte pour le linguiste avéré. Sous ce versant, tout est question de la nature du regard que nous portons sur les objets. Si le regard naïf est prisonnier des apparences, le regard neuf opère une vision en profondeur des choses. Il est d’ailleurs admis que les plus grandes découvertes scientifiques et techniques ne sont, en réalité, que des manifestations spontanées du regard neuf. Il suffit pour s’en convaincre de retenir que le célèbre mathématicien, sir Isaac Newton, a établi la loi de la gravitation universelle à partir d’un phénomène naturel, voire banal : la chute d’une pomme. Du moment qu’il a une parfaite maîtrise des virtualités langagières, le linguiste avéré porte toujours un regard neuf sur le texte littéraire. On en vient même à considérer le texte comme une confession, un aveu, une révélation. Il s’ensuit que toute production littéraire demeure le reflet de la conscience et de l’inconscient de son auteur. Bien entendu, la conscience de l’auteur peut être perceptible à travers la vivacité du message véhiculé et la combinaison harmonieuse des images. Par contre, il s’avère difficile d’appréhender au niveau du texte les éléments qui relèvent de l’inconscient. Ainsi, tout porte à accréditer l’idée selon laquelle le texte littéraire est pour le linguiste un mystère. Percer les mystères d’une œuvre, appréhender les subtiles pensées de son auteur, jeter un regard neuf sur les choses les plus familières, ce sont là les voies royales que la présente thèse veut emprunter. Le constat qui s’est avéré est que l’écrivain sénégalais, Birago Diop, n’a de cesse de juxtaposer au niveau de la 3 trame narrative l’unité linguistique wolof et sa traduction française (exemples : Damel-le-roi ; Lamanes-vices-rois ; Diambours-hommes libres ; Serigne-leMarabout ; passines, devinettes à double sens ; les kassaks, les chants exercemémoire ; les Toubab, les Blancs ; le frère de case, le ‘bok-m’bar ; Seytané-ledémon ; la sève maternelle, le mêne ; le nom du père, le sante ; le plus jeune des circoncis, le Toko). Nous sommes convaincu que ces unités opérées par cet écrivain sénégalais portent témoignage d’un dessein caché, d’une intentionnalité1 , d’une vision implicite. D’ailleurs, les contextes dans lesquels ses œuvres sont publiées confortent largement nos hypothèses. Au reste, il convient de signaler que le choix porté sur Birago Diop n’est pas fortuit. Plusieurs raisons justifient ce choix :  Birago Diop est le premier intellectuel noir à faire publier une œuvre par Présence Africaine2 d’Alioune Diop. Il a fait paraître les Contes d’Amadou Koumba en 47. Cette publication a par conséquent une valeur historique.  Birago Diop est l’un des chantres de la négritude. Cet aspect a aussi une valeur historique : d’une part, les premiers intellectuels africains s’approprient leur littérature qui était sous l’égide des Européens (missionnaires, colonisateurs, écrivains), et d’autre part, ils entendent s’affirmer dans la littérature pour non seulement manifester leur intelligence et leur imagination créatrice, mais aussi porter à la connaissance du grand public francophone l’histoire, la vision et la culture africaines. 1 L’intentionnalité, c’est la propriété qu’a la conscience d’être conscience de quelque chose. 2 Conf. Anthologie Littérature francophone, Paris, Nathan, 92, p.3 NB : Il est précisé dans cet ouvrage que Présence Africaine (d’abord revue, puis maison d’édition) est fondée par Alioune Diop en 47 4  Birago Diop est un artiste multidimensionnel en ceci qu’il est à la fois conteur, poète, dramaturge et même nouvelliste3 . Aussi est-il d’autant plus un virtuose qu’un alchimiste du verbe. Il se singularise par son langage imagé. On admet volontiers que son style est simple. Mais en deçà de cette simplicité, se trame un message d’une grande portée philosophique et idéologique. D’ailleurs, à l’époque de la publication des contes de Birago Diop, les sociétés africaines subissaient de profondes mutations : la langue du Blanc bénéficiait d’un grand prestige ; la politique assimilationniste était au beau fixe ; les langues africaines étaient reléguées au second plan ; la propriété collective cédait la place à l’individualisme ; la supériorité technologique de l’Occident suscitait chez le Noir le sentiment d’infériorité. Bref, la conjoncture politique était telle que l’Africain faisait face à un dilemme : le repli total sur lui-même ou l’assimilation culturelle. Transcendant ce dilemme, Birago Diop propose une meilleure approche : l’enracinement dans les valeurs traditionnelles et l’ouverture vers l’extérieur. De ce fait, il concrétise cette vision à travers les unités de traduction. D’ailleurs, s’il est vrai que l’ouvrage intitulé les Contes d’Amadou Koumba est le premier numéro de Présence Africaine, il n’en demeure pas moins que le prélude de cette œuvre est : « A mes filles : NENOU et DÉDÉE pour qu’elles apprennent et n’oublient pas que l’arbre ne s’élève qu’en enfonçant ses racines dans la Terre nourricière. » 4 Cette dédicace de Birago Diop est symbolique tant du point de vue formel que thématique.  Birago est enfin un révolutionnaire et un visionnaire. On le considère, d’une part, comme un révolutionnaire car il a donné de nouvelles  impulsions aux contes traditionnels par ses commentaires digressifs, par le pittoresque imbriqué dans la trame discursive, par le tempo savamment orchestré entre le wolof et le français, et d’autre part, il est un visionnaire parce qu’il a réussi à transcender les asymétries sociales, les préjugés raciaux et les tourmentes assimilationnistes de son époque pour opérer une vision optimiste entre l’Afrique et l’Europe. La manière dont il juxtapose au niveau de l’axe syntagmatique les unités lexicales wolof et françaises (ex : goro-legendre, deug-la-vérité, bour-le-roi) suffit à prouver qu’il prône la fraternisation des peuples, l’oubli du racisme et le respect des identités culturelles de chaque groupe social

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : ETAT DES LIEUX SUR LA TRADUCTION
I. LES TYPES DE TRADUCTION
1. Les jugements d’Inès Oseki-Dépré
1.1. La traduction ad sensum
1.2. La traduction ad verbum
1.3. L’interprétariat
1.4. La traduction technique
1.5. La traduction littéraire
2. La position de Georges Mounin
2.1. Le verre transparent
2.2. Le verre coloré
2.3. Hypertraduction
3. La position de Jacques Olivier Grandjouan
3.1. La traduction à double étage
3.2. La traduction passe-partout
3.3. La traduction utilitaire
4. La position de Roman Jakobson
4.1. La traduction interlinguale
4.2. La traduction intersémiotique
4.3. La traduction intralinguale
II. LES MODALITES DU SENS
1. La notion de sens
1. 1. Dimension lexicale
1. 1. 1. Signifié
1. 1. 2. Sème
1. 2. Dimension phrastique.
1. 2. 1. Acceptabilité, grammaticalité et intelligibilité
1. 2. 2. Ambivalence et ambiguïté
1. 2. 2. 1. Ambiguïté morphologique
1. 2. 2. 2. Ambiguïté lexicale
1. 2. 2. 3. Ambiguïté syntaxique
1. 2. 2. 4. Ambiguïté sémantique
2. Les types de sens
2. 1. Sens étymologique et sens référentiel
2. 2. Sens différentiel et sens linguistique
2. 3. Sens de base et sens contextuel
2. 4. Sens propre et sens figuré
2. 5. Sens lexical et sens grammatical
III. LES MODALITES DE TRANSFERT DU SENS1
1. Les relations de sens
1. 1. Relation entre la synonymie et la traduction
1. 1. 1. Approches définitionnelles de la synonyme
1. 1. 1. 1. La synonymie de mots
1. 1. 1. 2. La synonymie de phrase
1. 1. 2. La traduction intralinguale et la synonymie interne
1. 1. 2. 1. La synonymie absolue
1. 1. 2. 1. 1. Forme développée et forme tronquée
1. 1. 2. 1. 2. Théorie de la dénotation
1. 1. 2. 2. La synonymie relative
1. 1. 2. 2. 1. La périphrase
1. 1. 2. 2. 2. Les connotations
1. 1. 3. La traduction interlinguale et la synonymie externe
1. 1. 3. 1. Dimension onomasiologique
1. 1. 3. 2. Dimension sémasiologique
1. 1. 4. Limites entre la traduction et la synonymie
1. 1. 4. 1. Discordance dans les lexiques
1. 1. 4. 2. Discordance dans les phrases
1. 2. Hyponymie et Hypéronymie
1. 2. 1. Approches définitionnelles
1. 2. 2. Charpente hiérarchique
2. Les mots étrangers
2. 1. Néologisme de forme
2. 2. Néologisme de sens
2. 3. Néologisme syntaxique
2. 4. Néologisme d’emprunt
DEUXIEME PARTIE : APPROCHE GENERALE DU CORPUS
I. L’ŒUVRE DU TRADUCTEUR
1. Parallélisme entre langues européennes et langues africaines
1.1. Les langues durant la période coloniale
1.1.1. Le mouvement de la négritude
1.1.2 La politique assimilationniste
1.2. Les langues durant la période postcoloniale
1.2.1. Situation des langues étrangères
1.2.2 Situation des langues locales
2. Problématique de la littérature orale africaine
2.1. L’oralité et l’écriture
2.2. La notion d’auteur en littérature orale africaine
2.3. L’identité africaine à travers une langue étrangère
II. LES CARACTERISTIQUES DU CORPUS
1. Charpente littéraire du corpus : genre et discours
1.1. Genre littéraire
1.1.1. Le conte
1.1.2. Le théâtre
1.2. Discours
1.2.1. Le chant
1.2.2. Le texte dialogique
2. Cadres formels des unités de traduction : graphie et ponctuation
2.1. La ponctuation
2.1.1. Les signes de pause
2.1.2. Les signes mélodiques
2.1.3. Les signes d’insertion
2.1.4. Les signes d’appel
2.2. La graphie
2.2.1. Signe graphique
2.2.2. Signe typographique
TROISIEME PARTIE : ANALYSE DES UNITES LEXICALES DU CORPUS
I. EDUCATION
1. Référence à la tradition
1.1. Les épreuves initiatiques
1.1.1. Les formateurs
1.1.2. Les initiés
1.1.3. La formation
1.2. Le tissu social
1.2.1. Les liens sociaux
1.2.2. Les relations parentales
2. Référence à la religion
2.1. La bannière de l’islam
2.2. Le sens de discernement
II. HISTOIRE
1. Les indigènes
2. Les allogène
III. TRAVAI
1. Les professionnels
2. Les animateurs
IV. UNIVERS NATUREL
1. Les animaux
2. Les génies
3. Les végétaux
V. PERCEPTION ONTOLOGIQUE
1. La vision cosmologique
2. La vision liturgique
3. La vision anthropologique
QUATRIEME PARTIE : ANALYSE DES UNITES DISCURSIVES DU CORPUS
I. ENONCIATIONS DES PHRASES
1. Modalités d’énonciation
1.1. Enoncés exclamatifs
1.2. Enoncés assertifs
1.3. Enoncés interrogatifs
1.3.1. Termes interrogatifs
1.3.2. Nature
1.3.2.1. Interrogation totale
1.3.2.2. Interrogation partielle
1.3.2.1. Interrogation emphatique
1.4. Enoncés impératifs
1.4.1. Injonction tempérée
1.4.2. Injonction instante
2. Modalités d’énoncé
2.1. Modalités épistémiques
2.2. Modalités axiologiques
II. ENONCIATIONS DANS LES PHRASES
1. Les apostrophes
2. Les injonctions
3. Les discours rapportés directs
CONCLUSION GENERALE
INDEX DES NOTIONS
INDEX DES AUTEURS
ANNEXE I- PRESENTATION DU CORPUS
ANNEXE II- DEPOUILLEMENT DU CORPUS
BIBLIOGRAPHIE GENERALE

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