L’usage du français à l’école

L’usage du français à l’école

La situation actuelle de l’enseignement

Avant d’analyser la place de la langue française dans le cursus scolaire d’un Malgache il est nécessaire de présenter quelques éléments contextuels concernant l’état du système éducatif aujourd’hui à Madagascar.

Madagascar vit actuellement une situation de crise après la destitution du président Ravalomanana en 2009 et la mise en place d’un gouvernement de transition non reconnu internationalement . Certaines grandes organisations internationales (UNESCO / UNICEF/ Union européenne) ont suspendu leur aide au pays. Selon la Banque Mondiale, l’instabilité politique et la crise économique ont fait augmenter le taux de pauvreté. Ainsi en 2013, la Banque Mondiale affirme que 92 % de la population vit avec moins de 2 dollars par jour. La déliquescence de l’appareil étatique, la diminution de l’aide internationale et l’appauvrissement de la population ont des conséquences dramatiques sur l’éducation.

Il y a actuellement environ 4.3 millions d’enfants scolarisés au primaire. Le taux de déscolarisation des élèves de ce niveau est impressionnant. « Sur 100 enfants qui commencent le primaire, moins de la moitié atteint actuellement le CM2 » . Certains de ces enfants quittent l’école pour travailler et les parents ont une telle défiance face à l’Etat qu’ils ne voient plus l’école comme étant un ascenseur social. Ils doutent donc de l’utilité d’y envoyer leurs enfants. A ceci s’ajoute encore des raisons sociales. On n’envoie par exemple pas les filles aînées à l’école car elles doivent garder leurs frères et sœurs pendant que leurs parents travaillent. Enfin, les frais liés à la scolarité deviennent, en temps de crise, un fardeau insurmontable pour certaines familles.

Un autre problème tient au fait que les infrastructures ne suivent pas l’évolution démographique de la population. Le nombre d’enfants scolarisés a stagné depuis 2009 alors que la population a fortement augmenté. Cette inadéquation entre population et infrastructures scolaires a engendré un déficit d’enfants scolarisés de 600’000 personnes en quatre ans . Les effets de la crise touchent également le corps enseignant. Le gel du recrutement des enseignant fonctionnaires a pour résultat l’augmentation du nombre de maîtres FRAM. Ces enseignants ne sont pas payés par l’Etat (ou seulement subventionnés) mais par la communauté, le plus souvent à travers l’association des parents d’élèves. De plus, ils ne profitent pas forcément d’une formation pédagogique, ce qui a un impact sur la qualité de l’enseignement dispensé. En 2011, les maîtres FRAM représentent plus des deux tiers du corps enseignant primaire à Madagascar. Si une majorité des élèves non déscolarisés passent leur BEPC (examen de fin d’école primaire), seul un quart de ces enfants poursuit sa scolarité au collège et moins de 10% des jeunes possèdent un baccalauréat.

Dans le cadre de l’enseignement, voici une liste de difficultés que j’ai perçues lors de mes observations ou entendues lors de mes entretiens, notamment avec le chef ZAP.
• manque de matériel scolaire (matériel didactique et matériel personnel des élèves) et infrastructures insuffisantes (bancs, tables, salles)
• fatigue due à la malnutrition (plusieurs élèves s’endorment en classe)
• absentéisme dû aux maladies, au travail à domicile, au besoin de suivre les parents (visites à la famille par exemple)
• effectif important (plus de 30 élèves) dans les classes
• niveau insuffisant de formation des maîtres FRAM
• capacité d’accueil insuffisante des établissements. Une partie des élèves ne peut pas être scolarisée dans l’enseignement public par manque de place
• motivation des enseignants selon leur rémunération

Selon le chef ZAP, un cas d’absentéisme récurrent est lié à l’incapacité de certains parents à payer les frais de scolarité. Dès lors, les enfants ne se rendent plus à l’école car ils ont honte et ont peur de la réaction de l’enseignant.

Ces difficultés sont présentes de manière beaucoup plus critique dans les campagnes où l’Etat et moins présent et les ressources quasiment inexistantes.

Lors de nos visites, nous avons pu constater certaines de ces difficultés. Cette photographie représente des enfants et leurs parents amassés derrière le portail d’entrée de l’école primaire publique Ambavadimangatsiaka d’Antsirabe. Selon Célestin, ils ont été refusés car l’école a déjà atteint son quota d’élèves. Ils ne seront vraisemblablement pas scolarisés cette année. Nous avons donc affaire à un exemple de violence institutionnelle, car le futur de ces enfants est mis en péril à cause des carences du système éducatif et donc de l’Etat. La directrice de ce même établissement nous a même avoué qu’il existe un marché noir de l’équipement scolaire reçu à l’école. Certains parents d’élèves revendent ce matériel gratuit et les enfants se retrouvent dépourvus d’outils de travail. Dorénavant, les parents doivent signer un papier lors de la réception du matériel.

Le désengagement de l’Etat et la déliquescence des services publics sont des éléments qui ne sont peut-être pas visibles de prime abord. Mais ce constat m’a fortement marqué suite aux discussions avec de nombreux acteurs. Pour la grande majorité des Malgaches le futur sera plus sombre que le passé. Le délabrement de l’institution scolaire lié à une croissance démographique galopante et à l’appauvrissement des ménages forme un cocktail explosif pour le futur du pays. Il est nécessaire de garder ces éléments contextuels à l’esprit lors de la lecture de ce travail.

Table des matières

1 Introduction
1.1 Présentation de l’île
2 Contexte de l’étude
2.1 Le projet PEERS
2.2 L’expérience de l’altérité
3 Problématique et question de recherche
4 Structure du mémoire
5 Acteurs et méthodologie
6 La langue malgache
7 Le français et l’Etat
7.1 Approche historique des politiques linguistiques et de l’enseignement
8 L’usage du français
9 L’usage du français à l’école
9.1 La situation actuelle de l’enseignement
9.2 Le système scolaire malgache
9.3 L’enseignement du français en école publique
9.4 Le niveau de français des enseignants
9.5 Le niveau de français des élèves
9.6 Les écoles privées
10 L’usage du français dans la société
10.1 Le français dans le cadre quotidien
10.2 Le français dans le monde professionnel
10.3 Le français dans l’administration
10.4 Le français dans les médias
10.5 Le français dans le monde rural
11 Conclusion

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