Magdeburg et Séville deux exemples de « vulnérabilité infrastructurelle »

Magdeburg et Séville deux exemples de « vulnérabilité infrastructurelle »

Cette crise infrastructurelle n’est pas uniforme. Elle a des niveaux d’intensité et des modalités d’expression qui varient selon les contextes locaux. Comme le rappelle Abraham de Swaan (1988), il faut veiller, pour la déchiffrer correctement, à bien insérer la production de biens collectifs dans son contexte historique, géographique et institutionnel. C’est dans cet esprit que nous avons construit ce chapitre, qui fonctionne comme un diptyque, composé de deux panneaux à la fois individuels et complémentaires. L’ensemble permet d’affiner la présentation de la vulnérabilité infrastructurelle telle qu’elle s’exprime tant à Magdeburg qu’à Séville, tout en précisant chacun des contextes locaux. Le premier pan est consacré au cas de la vulnérabilité la plus aiguë, détaillant la situation de Magdeburg et de son opérateur multi-services, le Stadtwerk (SWM) (I). Le second retrace les étapes de la crise infrastructurelle touchant l’opérateur d’eau et d’assainissement de l’agglomération sévillane, la EMASESA (II). adoptées pour diminuer les effets de cette vulnérabilité74. A partir de ces indicateurs, on peut ainsi distinguer des degrés de vulnérabilité infrastructurelle. Nous distinguons trois types génériques, qui peuvent parfaitement faire l’objet de nuances et de variations (graphique 5) : West des réseaux d’énergie à une échelle régionale75. Depuis la réunification allemande, les contextes institutionnel et socio-économique ont été radicalement transformés, faisant de Magdeburg une ville en déclin ordinaire (A), dont le système d’approvisionnement a été réorganisé à l’échelon municipal autour d’un opérateur multi-services, le Stadtwerk (B), qui connaît une situation de vulnérabilité infrastructurelle extrême, touchant l’ensemble des réseaux techniques urbains (C).

Magdeburg, une ville en déclin ordinaire ?

Loin des promesses d’une convergence des économies et des systèmes urbains, la transition post-socialiste a souvent été congruente à une crise multiforme où se sont mélangées difficultés socio-économiques, saignée démographique et crise urbaine (Golubchikov et al., 2014 ; Sykora et Bouzarovski, 2012). La description qu’en font Golubchikov et al. va même plus loin, puisqu’ils considèrent que le développement économique de cette nouvelle ère capitaliste s’est révélé beaucoup plus inégal qu’à l’époque socialiste, en se traduisant par une plus grande atomisation sociale et par des processus plus importants de marginalisation et de déclin de la société (2014).  Cette transformation a souvent été vécue, dans la plupart des pays de l’ancien bloc socialiste, comme une « thérapie de choc » (Bontje, 2004 ; Bafoil, 1999 et 2006 ; Glock et Häussermann, 2004). Elle s’est traduite par une bifurcation des trajectoires urbaines de la plupart des villes de ces régions (Baron et al., 2010), qu’on a regroupé derrière la formule de villes en déclin ou villes décroissantes (Miot, 2012). Ce déclin pérenne a fait l’objet de nombreuses synthèses sur les cas européens (Florentin et al., 2008 ; Fol et Cunningham-Sabot, 2010 ; Oswalt, 2006 ; Gatzweiler et al., 2003), américains ou japonais (Beauregard, 2003 et 2006 ; Ducom 2008a et 2008b ; Pallagst et al., 2009, Uemura, 2014). Il se caractérise par de multiples facteurs agissant conjointement sur le long terme et s’auto-entretenant : déclin démographique, déclin économique, vacance urbaine et finances locales souvent exsangues (graphique 6). Spatialement, il recouvre ce mélange inédit de désindustrialisation et de périurbanisation (Gillette, 2006 et Beauregard, 2003) d’où émergent des formes urbaines jusque-là inédites, comme celle de la « ville perforée » (Florentin, 2008 ; Lütke-Daldrup, 2003), où l’étalement urbain n’est pas entièrement le dérivé de la croissance urbaine (Siedentop et Fina, 2010).

Ce processus a été particulièrement sévère dans les régions de l’ancienne Allemagne de l’Est (Glock et Häussermann, 2004) (carte 3), au point que certains auteurs ont pu forger un terme certes peu élégant mais très parlant pour décrire cette déréliction multiforme, celui d’une « déséconomisation » (Hannemann, 2003, Deökonomisierung en allemand). Dans la plupart des villes de l’Est de l’Allemagne, entre 80 et 90% des emplois industriels ont ainsi été supprimés dans les trois premières années de la décennie 1990 (Bafoil, 1999 et 2006 ; Bontje, 2004), et les mouvements migratoires, vers le périurbain ou vers les villes de l’Ouest, ont contribué au dépeuplement des villes-centres et à la transformation des paysages urbains (BBR, 2011 ; Bernt et Kabisch, 2002 ; Bernt, 2005 et 2009). par la saignée démographique ayant suivi la chute du Mur de Berlin76 (Knabe et Warner, 2010 ; Roth, 2003). Des 290 000 habitants qui peuplaient la ville en 1990, il n’en reste qu’un peu plus de 230 000 en 2012, soit une diminution de plus de 20%. Comme ailleurs à l’Est de l’Allemagne, une partie non négligeable de ces diminutions s’explique par des mouvements de périurbanisation, dont on retrouve la trace dans les évolutions de population à l’échelle des Gemeinde, équivalent de l’arrondissement français (carte 4).

 

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