Matériaux hybrides polyvinyliques thermoréparants

Matériaux hybrides polyvinyliques thermoréparants

Introduction générale

 Dans notre monde fortement industrialisé, les matériaux polymères qui doivent leur essor à leur large gamme de propriétés, sont utilisés dans de nombreuses applications qui vont du produit de grande consommation, comme le sac plastique jetable, à des produits techniques de haute performance pour l’aéronautique en passant par des constituants d’appareils électroniques qui font maintenant partie intégrante de notre quotidien. Cependant, au XXIe siècle, il est clairement établi que les ressources fossiles, dont la majorité des monomères sont issus, tendent à s’épuiser et que les polymères de synthèse contribuent largement à la pollution de notre planète. C’est pourquoi, dans une démarche de développement durable, il est nécessaire de penser non seulement à augmenter la durée de vie des matériaux polymères mais aussi à les recycler. Néanmoins, si le recyclage d’un grand nombre de matériaux thermoplastiques tels que le poly(téréphtalate d’éthylène), principal constituant de nos bouteilles en plastique, est aujourd’hui en France entré dans les mœurs, les élastomères et les thermodurcissables, utilisés pour leurs performances techniques pour des applications principalement dans le domaine des transports, posent quant à eux deux problèmes majeurs : la difficulté à pouvoir les recycler et leur incapacité à pouvoir être thermoformés, et ce à cause de leur structure (ou réseau) tridimensionnelle permanente. Parmi les nombreuses stratégies qui sont développées pour augmenter la durée de vie des polymères, l’une d’elles consiste en la création de matériaux auto-réparants. Aussi, après un endommagement, les propriétés d’auto-réparation permettent au matériau de recouvrer ses propriétés mécaniques de façon autonome ou via l’application d’un stimulus comme la température ou une irradiation UV. Ainsi, un matériau auto-réparant évite la fracture macroscopique rédhibitoire à son utilisation ce qui a pour conséquence d’augmenter significativement sa durée de vie. Deux classes de matériaux auto-réparants se distinguent. La première, dite extrinsèque, repose sur la polymérisation d’une nouvelle matrice au niveau de l’endommagement. Si le matériau subit un nouvel endommagement dans une région précédemment endommagée et réparée, ce processus de réparation irréversible ne permet pas de le réparer de nouveau puisque la capsule d’agent actif a déjà été consommée. La seconde classe de matériaux auto-réparants, dite intrinsèque, s’appuie majoritairement sur la réversibilité ou l’échange de liaisons chimiques au sein du polymère. Cette stratégie, conduisant a priori à une réparation infinie, permet en outre d’obtenir, dans certains cas, des matériaux thermoformables, propriété qui sera définie dans le cadre de cette étude comme la capacité qu’a le matériau à être remodelé sans l’utilisation d’un moule. Introduction générale 2 Ce travail de thèse s’inscrit dans une collaboration, issue d’un projet Rapid DGA, entre Sorbonne Université via le Laboratoire de Chimie de la Matière Condensée de Paris et les entreprises Seqens (anciennement PCAS) et Expiris. L’objectif est de synthétiser des polymères nanocomposites auto-réparants. Les matériaux nanocomposites ou matériaux hybrides peuvent être définis comme le mélange « intime » d’une composante organique et d’une composante inorganique, dans lequel au moins une des composantes est de taille nanométrique. 1 A l’instar des matériaux composites, exacerbée par l’échelle sub-micronique des constituants, la nanostructuration de ces systèmes permet dans la majorité des cas d’obtenir des propriétés accrues, voire supplémentaires, par rapport aux composants isolés. En effet, des charges de taille nanométrique peuvent conduire à une nette amélioration des propriétés mécaniques et ce, même à de faibles taux de charge, de par la quantité d’interfaces générée entre les renforts et la matrice organique. De plus, combiner des composantes organiques et inorganiques sous forme de réseaux interpénétrés polymères/oxydes ou isolées et dispersées dans une matrice continue peut offrir aux matériaux hybrides des propriétés supplémentaires inhérentes à chacune des composantes ou à la nature de l’interface hybride. Les matériaux sont alors multifonctionnels ou adaptatifs. Ces derniers se retrouvent dans l’élaboration de matériaux sur mesure, sous forme de matériaux massifs ou de revêtements, pour de nombreuses applications telles que l’optique, l’énergie, les revêtements anti-rayures, autonettoyants et anticorrosifs, ou encore pour la détection d’impacts.2,3 Parmi les différentes classes de polymères, les métallopolymères peuvent présenter des propriétés de réparation basées sur des échanges de liaisons. Un métallopolymère ou polymère de coordination, considéré comme un matériau hybride, est un polymère qui contient des ions métalliques soit au sein des unités monomères du squelette macromoléculaire, soit au niveau des groupements latéraux des chaînes macromoléculaires. La liaison métal-ligand est une liaison chimique de moins forte énergie que la liaison covalente mais plus forte que la liaison hydrogène. Les interactions ions métalliques-ligands organiques peuvent donc former des points de réticulation interchaînes afin de conduire à la formation de réseaux macromoléculaires avec la capacité de se rompre sous contrainte plus facilement que des liaisons covalentes. De plus, ce sont des liaisons qui peuvent être cinétiquement labiles et qui peuvent donc se reformer sur des échelles de temps courtes : les constantes de dissociation sont faibles alors que les constantes d’association sont élevées. 4,5 Les liaisons métal-ligands sont en outre fortement directionnelles ce qui permet d’obtenir des organisations hiérarchiques.6,7 Enfin, ces matériaux répondent à des stimuli, comme le pH ou la température, impulsant des réorganisations de liaisons métal-ligands lors de processus de réparation. Comme développé dans le premier chapitre de ce manuscrit, l’état de l’art montre que les Introduction générale 3 métallopolymères de synthèse sont de bons candidats pour obtenir des matériaux auto-réparants. Pour définitivement s’en convaincre, le meilleur exemple de métallopolymère auto-réparant nous est fourni par le monde du vivant à travers le byssus de mollusques bivalves comme le byssus de moule. En effet, lors d’un endommagement, la réparation des filaments qui le constituent n’est nullement liée à un processus biologique mais s’appuie sur un processus purement chimique qui suit des réactions d’échange de liaisons métal-ligands au sein du matériau. 

Les différents phénomènes de réparation

 Il existe deux grandes stratégies de réparation stimulée des réseaux de polymères. La première consiste à combler les défauts issus de l’endommagement subi par le matériau via la polymérisation d’agents réparants introduits dans le matériau au moment de sa mise en œuvre. Cette stratégie est appelée réparation extrinsèque (Figure 1 – 2 a) et b). La seconde méthode consiste à introduire des points de réticulation dynamiques dans la matrice polymère (Figure 1 – 2 c). Cette stratégie est dite intrinsèque car elle ne suppose pas l’ajout de matière dans la matrice. Nous détaillerons ici les avantages et les inconvénients de ces méthodes

La réparation extrinsèque 

Dans le cadre d’une réparation extrinsèque, le phénomène de réparation a lieu via la libération d’agents réparants lors de l’endommagement (Figure 1 – 3). Ces agents sont répartis dans la matrice de polymère ainsi qu’un catalyseur et/ou qu’un agent réticulant. Lorsqu’une fissure se propage, les capsules (ou les fibres) se brisent et libèrent les agents réparants qui polymérisent comblant ainsi la fissure. Les propriétés mécaniques du matériau sont donc recouvrées.Les capsules peuvent être composées d’une coquille de poly(urea-formaldéhyde) et sont réalisées par des procédés d’émulsion. 5,6 Elles se doivent d’être suffisamment fragiles pour être rompues lors de la propagation de la fissure. Elles doivent également avoir une stabilité de l’ordre du temps de vie du matériau7 et ne pas être poreuses à l’agent réparant. En ce qui concerne les fibres creuses, il peut s’agir de « pipettes de verre » 8 dans lesquelles est introduit l’agent réparant. Ces réservoirs d’agents réparants doivent être stables thermiquement et dans le temps. Lors de la réparation, la réaction de polymérisation doit avoir lieu rapidement à la température d’utilisation du matériau. Les premiers composites auto-réparants baséssur des microcapsules ont été introduits dans les années 2000 par White et al.. 4 Dans une matrice époxy, ils ont introduit des microcapsules de monomères (dicyclopentadiène, DCPD) et des microcapsules de catalyseur de Grubbs (Figure 1 – 4 a). Le DCPD présente l’avantage de ne pas s’auto-polymériser, d’être stable dans le temps et de pouvoir se déverser dans la fissure. L’analyse du matériau ainsi réparé montre une recouvrance de ses propriétés mécaniques en traction de l’ordre de 75 % en termes de contrainte à rupture (Figure 1 – 4 b). D’autres systèmes ont également été étudiés, se basant sur la polymérisation de polysiloxane9 ou sur la polymérisation radicalaire d’époxys vinyles esters. Les procédés de réparation extrinsèque présentent de bonnes performances concernant l’efficacité de réparation. Cependant, la réparation est unique dans la mesure où elle est liée à la quantité d’agents réparants introduite. En effet, si un endommagement se produit une seconde fois au même endroit, il ne sera pas possible d’envisager une nouvelle réparation puisque l’agent réparant aura été préalablement consommé.

La réparation intrinsèque 

Les propriétés de réparation intrinsèque, dans le cas de réseaux tridimensionnels, reposent sur la réversibilité des liaisons au niveau des points de réticulation dans une matrice polymère. Il peut s’agir de liaisons supramoléculaires telles que des liaisons hydrogènes11 ou des interactions π-π, 12 de liaisons covalentes13–15 ou encore de liaisons de coordination métal-ligands. Lors d’un endommagement, le caractère réversible ou dynamique de ces liaisons permet de réarranger le réseau tridimensionnel de manière à réparer le matériau. Cette réparation est donc a priori illimitée contrairement aux procédés de réparation extrinsèque, car elle ne repose que sur la composition chimique du matériau. L’un des premiers exemples de réparation intrinsèque de réseaux de polymère s’appuie sur la réversibilité en fonction de la température de la réaction de Diels-Alder (Figure 1 – 5). Les points de réticulation de la matrice polymère sont, en effet, issus de la cycloaddition d’un alcène et d’un diène présents sur les groupements latéraux des chaînes macromoléculaires. Par la réaction inverse, l’ouverture des cycles conduit à la dé-réticulation des chaînes, la matrice polymère peut donc ainsi être remoulée et réparée par reconstitution du réseau Dans ce type de polymère thermo-réparant, les points de réticulation peuvent donc se redistribuer au sein du matériau en faisant appel à des mécanismes dissociatifs ; il y a donc une chute brutale de la viscosité lors du processus de réparation.19 Ce type de matériau est alors nommé réseau covalent adaptable à mécanisme dissociatif. Ils peuvent être mis en regard avec les réseaux covalents à mécanisme associatif (Figure 1 – 6). Pour ces derniers, le mécanisme permet de garder une densité de réticulation constante tout au long du processus de réparation. Une mise en œuvre par thermoformage sans l’utilisation d’un moule peut donc être envisagée.

Table des matières

Introduction générale
Abréviations
Chapitre 1 : Métallopolymères auto-réparants
I. Les différents phénomènes de réparation
II. La réparation intrinsèque de métallopolymères
Chapitre 2 : Matériaux hybrides polyvinyliques
I. La composante organique : synthèse et caractérisations
II. Description de la composante inorganique et interaction avec les fonctions complexantes
III. Synthèse et caractérisations de matériaux hybrides
Chapitre 3 : Propriétés de thermoréparation de matériaux hybrides
I. Approche qualitative de la dynamique au sein de matériaux hybrides
II. Quantification des propriétés de thermoréparation
III. Mise en évidence de la dynamique des points de réticulation
Conclusion générale
Annexes

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