Mise en œuvre d’une expérience d’étude de la cinétique en molécule unique

Mise en œuvre d’une expérience d’étude de la cinétique en molécule unique

Histoire de l’expérience de nos rêves 

De l’échantillon idéal…

Comment caractériser un échantillon idéal pour la réalisation de nos expériences ? Si nous résumons les enjeux de notre étude, on peut trouver des critères quantitatifs pour décrire « l’échantillon parfait ». D’abord puisque l’on travaille à l’échelle de la molécule unique, il nous faut un grand nombre de systèmes accrochés sur la surface pour augmenter la statistique, mais ce jusqu’à un certain seuil. Si la concentration initiale en systèmes rapporteurs est trop importante, la surface est trop chargée et on ne sera plus dans des conditions de molécule unique. En pratique nous considérons qu’au delà de 2000 systèmes sur une zone d’observation, la zone en question n’est plus exploitable. Nous parlons de couverture pour décrire le nombre de systèmes présents. La couverture idéale correspond à une zone avec 1000-1500 systèmes rapporteurs bien distincts les uns des autres. Nous avons vu dans le chapitre 2 que nous nous intéressions particulièrement aux ARN messagers qui possèdent à la fois un marqueur fluorescent rouge et un marqueur vert. Il difficile d’obtenir 100% de systèmes doublement marqués, mais cette proportion doit être maximisée dans les faits pour réaliser nos expériences. C’est également un marqueur de l’intégrité de l’ARN messager étudié car, si celui-ci est dégradé, le taux de colocalisations (proportion des ARNm qui possèdent les deux marqueurs) est généralement faible. Enfin nous caractérisons le taux de départs instantanés de nos marqueurs dans le temps sur un échantillon. Nos acquisitions cinétiques durent entre quelques minutes et une dizaine de minutes. Il est important de quantifier la quantité de marqueurs qui partent spontanément sur ces échelles de temps. Ce phénomène est dépendant de plusieurs facteurs : température, composition des tampons, choix des oligonucléotides, conditions d’hybridation et paramètres d’injections. Stabiliser l’accroche des marqueurs sur l’ARN messager est un enjeu essentiel pour limiter le bruit de nos mesures, mais c’est l’un des plus complexe. Il nous a fallu optimiser une à une méticuleusement plusieurs variables expérimentales jusqu’à trouver un jeu de paramètres qui aboutissait à combiner statistique (couverture et colocalisations) et stabilité des marqueurs fluorescents dans le temps. L’enjeu de cette partie est de présenter ces variables expérimentales et leurs impacts respectifs. 

…A des conditions expérimentales optimisées

Autour de l’échantillon, la définition des conditions expérimentales joue un grand rôle pour obtenir une expérience dite idéale. Un des principaux critères pour décrire cette expérience est la notion de reproductibilité. Pour accumuler une statistique suffisante, nous reproduisons une même expérience plusieurs fois avec des paramètres identiques. Dans ces conditions, l’idéal serait d’avoir des résultats identiques. Seulement dans les faits il est particulièrement difficile d’obtenir des expériences reproductibles. En effet nos expériences impliquent une grand nombre de paramètres, et nous n’avons pas de possibilité d’action sur tous ces paramètres. Certains paramètres biologiques ne peuvent être modifiés et impliquent une variabilité intrinsèque d’une expérience à l’autre. Comme précisé dans le paragraphe précédent, les paramètres liés à l’échantillon peuvent être optimisés, mais cela demande une démarche pas à pas, méticuleuse qui sera décrite dans 86 3.2. Améliorations optiques la deuxième partie de ce chapitre. En revanche, nos possibilités d’actions sur les paramètres physiques tels que la température, les réglages optiques, la stabilité mécanique sont plus importantes. Une expérience qui se déroule au mieux est une expérience stable du point de vue de ces paramètres extérieurs. L’objectif est de pouvoir faire varier les échantillons et les paramètres biologiques tout en conservant une grande stabilité des paramètres extérieurs comme la température, la mise au point ou la puissance d’excitation laser. D’autres aspects pratiques rentrent en compte dans la définition d’une expérience modèle. Du point de vue optique, l’idéal est d’observer nos échantillons avec un rapport signal/bruit maximal et constant pendant la durée de nos expériences. De plus, comme nous l’avons évoqué au chapitre 2, dans un monde idéal, les marqueurs fluorescents ont une durée de vie illimitée et ne sont pas sujets au photoblanchiment. Bien sûr, en réalité, le photoblanchiment, source inévitable de bruit, est l’enjeu optique principal de nos mesures qui doit être évalué et minimisé.

Améliorations optiques

Le dispositif expérimental présenté au chapitre 2 a permis de constituer une preuve de principe pour nos expériences de mesure de la traduction en molécule unique. La vitesse de traduction d’un ribosome unique a été mesurée entre deux jalons fluorescents espacés de 9 codons. Seulement ce premier système rapporteur présenté a été imaginé pour réaliser cette preuve de principe et n’est pas parfaitement adapté dans la mesure où l’on veut étudier des événements rares tels que les erreurs programmées. En effet il faut pour cela insérer entre les deux jalons fluorescents des structures secondaires qui favorisent le décalage de la phase de lecture en -1 (erreur programmée que nous ciblerons dans ce travail de thèse), et il faut pour cela une distance suffisante entre les deux jalons. Avant d’insérer une structure, on doit s’assurer que l’on peut mesurer un signal de traduction en éloignant le second jalon fluorescent du premier. Cette modification implique que les phénomènes de photoblanchiment et de départ spontanés des marqueurs fluorescents, sources de bruit directement en concurrence avec le signal de traduction auront un poids plus important qu’auparavant. En effet, le second marqueur étant plus loin sur l’ARNm, il faudra plus de temps au ribosome pour l’atteindre et la probabilité que le marqueur cesse d’émettre entre temps pour une autre raison est donc plus élevée. Un autre enjeu lorsque l’on considère l’étude des erreurs programmées est la nécessité d’augmenter la statistique de nos mesures. On va chercher à isoler des événements rares représentant une pourcentage faible de l’ensemble des évènements de traduction. Pour en extraire une cinétique exploitable, il faut accumuler une statistique importante. Nous présenterons, dans les sections qui suivent, les améliorations du dispositif expérimental et du protocole de mesure qui ont été apportées pour limiter photoblanchiment et départs spontanés de nos jalons fluorescents. Bien sûr, au delà de ces problématiques, nous présenterons aussi les améliorations visant simplement à optimiser le dispositif sur ses différents aspects pour améliorer nos performances expérimentales.

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