POUR UNE AMELIORATION DES CAPACITES DE REDACTION DES ELEVES

POUR UNE AMELIORATION DES CAPACITES
DE REDACTION DES ELEVES

PROBLEMATIQUE DE LA CONSTRUCTION DU TEXTE EN MILIEU MULTILINGUE

Cadre linguistique et sociolinguistique de l’enseignement du français au Sénégal

Le français est enseigné au Sénégal depuis le 19ème siècle. Il est pratiquement la seule langue du système éducatif même si, depuis quelques années, l’université Cheikh Anta DIOP de Dakar enseigne quelques langues africaines (wolof, poular, diola, sérère) dans les départements de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines. Cette langue est arrivée au Sénégal du fait de la colonisation. Elle a donc été historiquement imposée, pour les besoins d’assimilation et de formation d’une élite francophone subalterne de l’administration coloniale. Mais cette période semble bien loin et le français, de nos jours, est devenu une réalité linguistique et sociolinguistique différente. Même si son enseignement a toujours posé beaucoup de problèmes tant son défaut de maîtrise est généralement admis et décrié à l’école de nos jours, il continue encore de bénéficier d’un status bien au-delà de son corpus19. Par ailleurs, il est important de s’interroger sur les rapports qu’il entretient, officiellement et officieusement avec les langues africaines parlées au Sénégal. Le statut et le développement de certaines de ces langues suscitent une réflexion dont le système ne peut faire l’économie. Les études en didactique des langues et les réflexions sur la prospective linguistique commandent de repenser la cohabitation des langues dans l’espace sénégalais. Cela est d’autant plus intéressant que l’on ne peut ignorer le poids de la langue maternelle dans tout processus d’apprentissage d’une langue étrangère. 19 DAFF M., L’aménagement (1988). Status « regroupe tout ce qui est de l’ordre du statut, des institutions, des fonctions et des représentations » et, corpus « concerne les pratiques linguistiques elles-mêmes, depuis les modes d’appropriation ou les compétences jusqu’aux productions et consommation langagière. » 132 Repenser les rapports entre le français et les langues africaines au Sénégal nous amènera à suggérer un espace pédagogique pour ces langues et à redéfinir leur place. Cela ne peut se faire sans tenir compte de la diversité des langues parlées au Sénégal et des aspects politiques, culturels liés à toute action d’aménagement linguistique.

Le Sénégal : un pays francophone

Plusieurs sources, entre autres M. DAFF, indiquent que la première école en langue française au Sénégal date de l’année 1830. Mais J. GAUCHER, cité par P. DUMONT (1983 :261) « raconte que c’est le 7 mars 1817 que fut ouverte la première école du Sénégal » par Jean DARD. Ce dernier, instituteur français, fut chargé de la direction de l’Ecole Mutuelle des garçons de Saint-Louis. Dès le début, l’un de ses objectifs majeurs est de former des cadres traducteurs chargés de faciliter les rapports entre l’administration coloniale et les indigènes par le moyen de la traduction. Aussi, à ses débuts, « l’école sénégalaise » n’ignore pas les langues nationales. Et le directeur de l’Ecole Mutuelle de Saint-Louis exprime bien ce souci. Dans une lettre adressée au gouverneur du Sénégal, il écrit : « Je pense qu’on pourrait mieux cultiver l’intelligence des élèves et atteindre plus sûrement le but de leur instruction si on la commençait par l’étude de leur langue maternelle. » L’enseignement du français se fit un moment dans un cadre qui tenait compte d’un certain bilinguisme. Ce souci ne survivra pas longtemps et très tôt le système va développer des pratiques pédagogiques et représentations d’un français langue maternelle. Jusqu’aux lendemains des indépendances, le français est enseigné comme une langue maternelle et cela aura des répercussions énormes sur le développement cognitif des enfants et sur le développement global du pays. L’une des principales conséquences de cette attitude est qu’au moins 80% de la population sénégalaise de cette époque ne comprend ni les lois ni les actes administratifs. L’enseignement bilingue disparaîtra donc très tôt pour laisser la place à un monolinguisme dont le français est le seul bénéficiaire malgré quelques tentatives timides du 133 président SENGHOR d’expérimenter des classes bilingues avec le wolof, le poular et le sérère. Pendant longtemps, et de nos jours encore, le français est l’unique véhicule de l’enseignement dans le cycle primaire et le cycle secondaire de l’enseignement formel au Sénégal. Cette position est codifiée par les différentes constitutions de la République du Sénégal qui ont confirmé le français « langue officielle ». Cette disposition constitutionnelle fait du français la langue de l’école, de l’administration et des institutions de la République. Le français est une réalité sociolinguistique au Sénégal avec ses spécificités. Le Sénégal est un des pays fondateurs de la Francophonie et le français y est pratiqué tant à l’école que dans d’autres secteurs de la vie nationale. Le secteur le plus florissant de la francophonie sénégalaise est la presse écrite. En effet, il existe plus d’une vingtaine de quotidiens d’information qui paraissent chaque jour dans le pays. La presse parlée et télévisée est bilingue même si elle fait la part belle à la langue française. Les panneaux et spots publicitaires, les affiches, les films, les contrats, etc sont généralement en français. Par ailleurs, l’introduction précoce du français dans le système éducatif et surtout la hausse du taux de scolarisation à partir des années 2000 renforcent ce statut francophone. Toutes les collectivités locales disposent au moins d’un collège d’enseignement moyen (CEM). Moussa DAFF (1998 :1) écrit à ce propos : « Le Sénégal pourrait être vu comme le prototype d’un pays francophone d’éducation. En effet, dans une approche géopolitique, un Etat se définit comme un Etat francophone s’il reconnaît le français comme langue officielle (unique ou non), si son chef d’Etat participe au « Sommet des chefs d’état francophones » et est impliqué dans les opérateurs de ces Sommets, comme l’Agence de la Francophonie – anciennement dénommée Agence de Coopération Culturelle et Technique – ou comme l’AUPELF-UREF, et s’il est utilisateur exclusif du français dans toutes les communications 134 officielles internationales et de manière privilégiée dans les communications nationales ». Le français est parlé de nos jours dans les coins les plus reculés du pays. Jadis considéré comme outil de promotion et de reconnaissance sociale, le français est de plus en plus utilisé dans les actes formels de l’administration et les discours officiels. En outre il y a de nos jours des foyers où le français est parlé et acquis en même temps que la langue maternelle. Il s’agit de cas de bilinguismes intéressants qui peuvent stimuler la didactique du français. Cependant, ces phénomènes cachent mal la réalité. Selon l’enquête sur la démographie et le recensement de la population de 2008, la population est estimée à 11 700 000 personnes. 

Une situation problème : la place du wolof 

Une véhiculaire dynamique

Le wolof est une langue parlée de nos jours dans tous les coins du Sénégal. Sa réalité au Sénégal n’est certes pas semblable à celle du français en France. Dans ce pays, la langue de la vie quotidienne est aussi la langue de l’école. Elle a connu un processus complexe, parfois violent, accompagné de recherches qui en ont fait une langue nationale (celle de la nation française) puis une langue internationale. Le statut social et la pratique du wolof au Sénégal en ont fait une langue véhiculaire, c’est-à-dire la langue dans laquelle les sénégalais, même ayant des langues maternelles différentes, échangent. Généralement, au cours des rencontres entre wolofones natifs ou d’adoption et locuteurs natifs d’autres langues, les  communications se déroulent en wolof. Mieux, lorsque des natifs de langues autres que le wolof se rencontrent, ils échangent généralement en wolof. Cependant, sa cohabitation avec le français, surtout dans le parler urbain, en fait une langue hybride. En effet, comme le note M. DAFF, le wolof urbain est articulé voire structuré par des mots français que les locuteurs se sont appropriés, même s’ils n’ont pas toujours appris le français à l’école. Parler wolof c’est commencer un discours en wolof pour le terminer en français, et parler français, au Sénégal serait généralement l’inverse. SENGHOR a exprimé très tôt son souci de garder la langue française avec ses particularités, mais de ne pas en faire un créole. Il y a certes un français d’Afrique, et plus spécifiquement un français sénégalais, sans que l’expression n’ait rien de péjoratif. Sa créolisation entraînerait une situation assez ambigüe qui pourrait installer les élèves dans une certaine instabilité linguistique. Sa pratique devrait aussi pousser les usagers et l’école à en accepter la spécificité et surtout à imaginer un autre rapport avec la faute. Celle-ci est généralement une atteinte individuelle et passagère contre une norme ou un usage alors que l’africanisme – sénégalisme – est un fait de langue collectif et constant même s’il s’écarte de la norme. Dans le cas des connecteurs par exemple, nous savons que des mots comme mais et car expriment plusieurs nuances dans l’opposition et l’explication. En wolof urbain, ils n’ont généralement qu’une valeur oppositive et une valeur explicative, encore que car soit très rare dans le discours oral. Le wolof est de nos jours la langue dans laquelle les Sénégalais de langue maternelles différentes échangent et communiquent. Il est parlé par plus de 80% de la population au Sénégal. Il est parlé en Mauritanie, au Mali et est la troisième langue en Gambie où il est parlé par 15% de la population23. Au Sénégal, son expansion est portée par les activités économiques et religieuses. En effet, les confréries religieuses tidiane comme mouride, même si leurs fondateurs ne sont pas d’origine wolofe, ont adopté cette langue et y articulent toutes leurs communications. Cette situation ne se justifie pas seulement par des raisons démographiques. Elle est fondée sur un ressort idéologique important. Le refus du français par les fondateurs de  ces confréries et leur adoption du wolof a été un des facteurs primordiaux de son développement. Le wolof est aussi utilisé par l’église dans ses activités. De plus la véhicularité du wolof est surtout le fait de sa désethnicisation. En effet, le wolof n’est plus la langue des sénégalais d’ethnie wolofe mais plutôt une espèce d’interlangue qui réunit les sénégalais de toutes origines. Le dynamisme idéologique et économique d’une confrérie comme le mouridisme a permis aussi d’exporter cette langue partout dans le monde. Le dynamisme du wolof lui donne un avenir certain. « Colette Grinevald (linguiste chercheur au laboratoire Dynamique du Langage de l’Institut des sciences de l’homme Lyon-II) estime, dans le travail qu’elle a effectué avec UNESCO en vue de définir la vitalité des langues et leur capacité à rester encore vivantes dans le futur, qu’en 2100, les langues majoritaires seraient, « l’anglais bien sûr, l’espagnol, à cause de l’Amérique du Sud, l’arabe, puis des langues d’Asie, comme le chinois et l’hindi. Sur le continent africain, le swahili et le wolof sont en plein essor et avalent les langues de la région »24 . Les études en prospective et dynamique des langues prévoient que le wolof sera la deuxième langue parlée en Afrique vers 2100. Si ceci n’est pas une raison suffisante de l’enseigner à l’école encore une fois il ne s’agit pas de remplacer le français mais il s’agit de voir sa cohabitation et sa complémentarité avec les langues africaines et surtout avec le wolof au Sénégal d’autant que le français est parlé par une minorité dans le pays. Au courant de notre enquête, nous avons découvert que le wolof est très présent dans la région de Thiès. Cette région est traditionnellement peuplée de wolofs, de sérères en majorité. Il faut préciser qu’il y a plusieurs parlers sérères (siin, jobaas, ndutt, palor, noon, safèn) qui ne se comprennent même pas des fois. On y trouve aussi des peuls, des bambaras, quelques diolas, mandjaks, mandingues et lébous. Dans tous les départements, nous avons demandé aux élèves leur langue courante, c’est-à-dire la langue qu’ils parlent le plus couramment à la maison, celle des échanges quotidiens. 61% 24 Voir El Hadj Mamadou NGUER (2011). 143 des élèves du département de Thiès, 65% des élèves Mbour et 77% de ceux de Tivaouane répondent le wolof. Le département de Tivaouane vient en tête de ces élèves, pour des raisons historiques compréhensibles. Il appartient traditionnellement au cœur du Cayor. Le département de Mbour, considéré souvent comme l’un des terroirs des sérères, vient en seconde position avec un taux élevé d’élèves dont la langue de la maison est le wolof. Ce taux se justifie par le fait que Mbour qui abrite la première station balnéaire du pays pourvoyeuse d’emplois, connaît une émigration forte et continue. Le département de Thies vient en dernière position du fait de son hétérogénéité et de la position des sérères noon, ndutt et jobaas. Dans ce département, le sérère vient en seconde position. Il est le plus fréquent à la maison chez les élèves (après le wolof bien sûr) avec un taux de 24%. Le sérère occupe aussi la deuxième place chez les élèves du département de Mbour avec 22%. Le département de Tivaouane suit de loin et le sérère n’y occupe même pas la seconde place. Il n’y est parlé que par 8% des élèves et vient après le poular qui occupe la deuxième place avec un taux de 12%. Le département de Tivaouane compte des élèves qui parlent lébous avec 2% et 1% de bambaras. Les poulars sont nombreux dans le département de Mbour avec 10% des élèves. Ils sont 6% dans le département de Thiès. On trouve 4% qui parlent le diola et 2% le mandjak et à noter 2% parlent français à la maison dans la capitale régionale. Il y a enfin 2% qui parlent lébou dans le département de Tivaouane et 2% le mandingue à Mbour. 

Table des matières

 INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : REPRESENTATIONS DE LA COHERENCE, DE LA COHESION ET USAGE DES
CONNECTEURS DANS LES ECRITS DES ELEVES
CHAPITRE I : COHERENCE, COHESION ET CONNEXION CHEZ LES ELEVES
I.1. Cadre théorique de l’étude de la cohérence chez lez élèves
I.2. La cohérence et ses représentations dans les écrits des élèves
CHAPITRE II : USAGE DES CONNECTEURS ET CONSTRUCTION TEXTUELLE
II.1.La construction des textes et ses représentations
II.2. Des objectifs peu clairs, des méthodes inexistantes
II.3.Tableaux des connecteurs et analyse de leur usage chez les apprenants
CHAPITRE III : PROBLEMATIQUE DE LA CONSTRUCTION DU TEXTE EN MILIEU MULTILINGUE
III.1.Cadre linguistique et sociolinguistique de l’enseignement du français au Sénégal
III.2.Une situation problème : la place du wolof
DEUXIEME PARTIE : DIDACTIQUE DE L’ECRIT ET DIDACTIQUE DES CONNECTEURS
CHAPITRE IV : DIDACTIQUE DE L’ECRIT DANS L’ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS AU NIVEAU
SECONDAIRE
IV.1.Problématique de la didactique de l’écrit dans le système scolaire
IV.2.L’écrit est-il enseigné par l’école
IV.3.De l’écriture de fiction aux textes fonctionnels et aux écrits de classe
CHAPITRE V : PRATIQUES DE L’ECRIT ET DIDACTIQUE DES CONNECTEURS.
V.1.Pratiques linguistiques et articulation de la pensée en langue seconde
V.2.Enseigner les connecteurs dans les écrits
V.3.Des pratiques spécifiques et mélioratives (amélioration vs élaboration): un problème d’objectifs
V.4. Application pratique du travail de cohérence textuelle sur une copie d’élève
CHAPITRE VI : DEVELOPPER LE VOULOIR ECRIRE.
VI.1.Savoir, savoir que et savoir comment.
VI.2. Ecrire : « le plaisir du texte »
VI.3.Ecrire fait écrire

projet fin d'etudeTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *