POUR UNE THEORIE TRANSACTIONNELLE DES ALLIANCES 

POUR UNE THEORIE TRANSACTIONNELLE DES ALLIANCES 

Les alliances entre marché et hiérarchie Certaines analyses, directement issues de la théorie des coûts de transaction, définissent des formes de coopérations, apparentées aux alliances, en restant proches d’une réflexion sur l’intégration verticale. Des notions comme la « quasi-entreprise » (Eccles, 1982) et « l’organisation mutuelle » (Thiétart et Koenig, 1987) en sont des spécimens intéressants. La « quasi-entreprise » est une notion inspirée par l’étude du secteur de la construction de maisons. Dans cette activité, chaque chantier est un projet différent qui nécessite la conclusion d’un ensemble de contrats de fourniture avec différents corps de métier. Il s’avère qu’en fait, un maître d’oeuvre fait en général travailler un réseau d’entreprise dont la composition reste stable. « II y a une recherche d’économie sur le coût de l’apprentissage à travailler ensemble » (Thiétart et Koenig, 1987), ce qui est bien une expression de la « mutation fondamentale » analysée par Williamson, l’apprentissage correspondant à un investissement spécifique aux partenaires impliqués. L' »organisation mutuelle », quant à elle, est une notion construite à partir de l’étude des grands programmes aérospatiaux (Airbus, Concorde, etc) (Thiétart et Koenig, 1987). A la différence de la quasi-entreprise où les transactions s’opèrent entre les firmes elles-mêmes, l’organisation mutuelle est une entité créée par les partenaires et avec laquelle chacun d’entre eux contracte. Au lieu d’une relation maître d’oeuvre / sous-traitants, il s’agit d’un « réseau de co-traitants », dont chaque membre est à la fois commanditaire ou principal (pour sa part dans l’organisation mutuelle) et agent (pour la tâche qu’il fournit). Plus proche de la firme intégrée car elle peut 171 décomposer les tâches entre unités de façon hiérarchique, l’organisation mutuelle se distingue de la hiérarchie par trois caractères elle laisse subsister la possibilité de conflits entre « principaux », elle n’est pas exclusive d’activités de chacun en dehors du réseau, et enfin elle n’est pas nécessairement productive. Comme dans le cas d’Airbus, elle peut se contenter d’organiser le système industriel et de gérer la commercialisation du produit final. Thiétart et Koenig placent le marché, la quasi-entreprise, l’organisation mutuelle et la hiérarchie sur un axe représentant à la fois le degré de spécificité et celui d’externalité (figure 111-6). La spécificité correspond directement au concept de Williamson (spécificité des actifs) et l’externalité renvoie essentiellement à l’incertitude analysée par Williamson. En effet, l’incertitude laisse libre cours à des comportements opportunistes dont le coût n’est pas supporté par celui qui les commet. Pour illustrer l’idée d’externalité, on peut reprendre l’exemple classique d’un distributeur qui saboterait le service après-vente d’un produit, faisant ainsi des gains à court terme difficiles à détecter et nuisant finalement à la réputation du réseau commercial dans son ensemble, donc, par ce biais, au producteur lui-même. Les externalités sont un moteur puissant d’intégration (aval dans l’exemple choisi) et relèvent de l’incertitude. 

Typologies et théories transactionnelles des alliances

Plus généralement, la nécessité d’un tri dans l’ensemble des modes d’organisation intermédiaires entre le marché et la hiérarchie s’avère indispensable. En effet, comme nous le remarquions au chapitre l, les études sur les accords couvrent un champ qui n’est pas délimité avec précision : « cet oecuménisme a pour inconvénient de faire perdre à l’objet supposé de l’analyse toute spécificité » (Michalet, 1988). Michalet (1988), pour lever les confusions possibles, commence par rappeler classiquement ce qui distingue les « accords inter-firmes internationaux » (AI FI) du modèle hiérarchique d’une part et de l’économie de marché d’autre part : à la différence de la hiérarchie, les AIFI lient des partenaires juridiquement indépendants et ont une durée et un champ d’application contractuellement fixés ; à la différence de l’échange marchand (la vente de marchandises), ils ne sont pas instantanés et impliquent la mise en commun de ressources pour la production de biens et de services. A partir de là, l’auteur propose des critères qui permettent d’identifier les grands types d’AIFI parmi le vaste ensemble de formes hybrides. Au niveau international, ces formes recoupent ce que les études de l’OCDE définissent comme les « Nouvelles Formes d’Investissement » (NFI) caractérisées par l’absence d’un contrôle capitalistique d’une firme sur une autre : accords de licence, joint ventures, leasing, franchise, sous-traitance, etc …  Les NFI doivent être triées selon le mode de rémunération de la firme investisseuse. Soit la rémunération dépend des résultats engendrés par l’exploitation (par exemple, une cession de licence qui entraine une rétribution liée aux profits du licencié), auquel cas l’opération peut être assimilée à un investissement direct classique ; soit elle est déconnectée des bénéfices (redevance), auquel cas l’opération revient à une transaction commerciale. Michalet applique un critère du même genre aux accords proprement dits : les AIFI les plus proches de la transaction marchande sont ceux qui concernent les projets communs de R&D, la co-production de composants, etc … c’est-à-dire des opérations jointes situées en amont du marché. On s’approche en revanche de la hiérarchie lorsque les firmes mettent en place des spécialisations technologiques, une répartition des fabrications, etc…. c’est-à-dire quand des tâches et des fonctions, normalement internalisées car se rapportant à une même activité, sont éclatées entre partenaires. La définition des AIFI apparait comme très proche de celle des alliances. Le fait qu’elle s’écarte de la question de l’intégration verticale n’est surement pas étranger à cette proximité. En effet, l’utilisation d’un critère comme le degré de spécificité des actifs ramène très rapidement l’analyse au degré d’intégration, alors que la prise en compte de la nature des apports et des rétributions des partenaires semble permettre de mieux cerner la notion d’alliance, même si c’est au détriment de la pureté de la référence à Williamson. Dans une optique similaire à celle que nous venons de commenter, Joffre et Koenig (1985) proposent de distinguer les 176 coopérations de similitude et de différence. La coopération de similitude, consiste pour des entreprises connaissant des problèmes identiques, à grouper des moyens de même nature pour en économiser l’usage ou pour atteindre une masse critique autrement inaccessible (…). La coopération de différence repose, quant à elle, sur la combinaison de complémentarités. Elle autorise une utilisation plus complète ou plus intense d’actifs détenus de manière dissymétrique » (Joffre et Koenig, 1985). Il s’agit bien d’une analyse portant sur la nature des apports en actif, mais les deux catégories obtenues ne sont pas forcément les mêmes que celles de Michalet. En effet, le critère de complémentarité rend compte, chez Joffre et Koenig, d’une complémentarité existant au départ entre les futurs alliés et que l’alliance va permettre d’exploiter, en instaurant une symbiose (Adler, 1979) entre partenaires. Par exemple, une firme apporte un réseau de distribution adéquat à un produit conçu par une autre. Au contraire, chez Michalet, la spécialisation qui apparait dans la seconde catégorie d’AIFI est le résultat plutôt que la cause de l’alliance. En effet, Michalet fait plutôt référence à des cas où sont éclatées, entre partenaires, des tâches qui seraient classiquement mises en oeuvre par une seule et même hiérarchie; chaque firme se spécialise. Nous construisons, pour notre part, un système de catégories plus universel pour notre recherche empirique, en distinguant ce qui relève des apports en actifs faits par les alliés et ce qui relève de l’allocation des tâches entre eux.

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