Utilisation des antalgiques de palier 2 chez la personne âgée de plus de 80 ans

Effets Indésirables des antalgiques de palier 2

Parmi les effets indésirables occasionnés par les antalgiques de palier 2, les plus fréquemment observés par les MG étaient la constipation (80,77%), les nausées/vomissements (73,08%) et les vertiges/troubles de l’équilibre (61,54%). Aucun des MG n’avait constaté d’allergie, de syndrome sérotoninergique ou de troubles cardio-vasculaires.
D’autre part, 11,54%, soit 3 MG sur les 26 qui avaient répondu complètement au questionnaire déclaraient que certains de leurs patients avaient dû être hospitalisés pour iatrogénie suite à la prescription d’un antalgique de palier 2.  Face à la survenue d’un effet indésirable lié à un antalgique de palier 2, les MG effectuaient souvent une rotation d’antalgique de palier 2 (57,69%). Un MG déclarait prescrire un « contre poison des effets indésirables » et un autre recherchait la dose minimale efficace.

Comparaison des trois antalgiques de palier 2 : Poudre d’opium/Codéïne/Tramadol

Effets indésirables en fonction la molécule Poudre d’opium/Codéïne/Tramadol : Les nausées et vomissements étaient observés par 83,33% des MG prescripteurs de poudre d’opium alors que ceux qui prescrivaient la codéine n’étaient que 55,56% et 80% pour le tramadol. 100% des prescripteurs de codéine constataient une constipation. Pour les MG administrant le tramadol, ce sont les troubles de l’équilibre qui dominaient (100%) avec les des nausées/vomissements (80%), la constipation (60%) et le syndrome confusionnel (60%). Avec le tramadol, aucun MG n’avait constaté de troubles cardiovasculaires, de syndrome sérotoninergique, d’allergie, de rétention aigue d’urine ou d’addiction. Seule la poudre d’opium avait pu occasionner une rétention aigue d’urine pour seulement 16,67% des MG.
Hospitalisation en fonction la molécule Poudre d’opium/Codéïne/Tramadol : Sur les 26 MG ayant répondu à la totalité du questionnaire, 3 révélaient avoir eu certains de leurs patients hospitalisés pour iatrogénie suite à la prise d’antalgiques de palier 2. Finalement il y avait 1 cas pour la poudre d’opium, 1 cas pour la codéine et 1 cas pour le tramadol.

Rappel pharmacologique des antalgiques de palier 2

La poudre d’opium est un analgésique opiacé avec un mécanisme d’action central et périphérique. Elle est métabolisée par la voie de la glucuronoconjugaison. Il en résulte un métabolite de la morphine, cinquante fois plus actif que la molécule mère. La poudre d’opium est titrée à 10% de la morphine, ce qui correspond à 1mg de morphine.
La codéine est un opioïde faible à action centrale. Elle se fixe sur les mêmes récepteurs que la morphine (récepteurs µ) mais avec une affinité moindre que celle-ci . La codéine est métabolisée par glucuronidation, incluant la O-déméthylation et la N-déméthylation. Ces deux voies aboutissent à la formation de morphine. La O-déméthylation de la codéine en morphine est catalysée par le cytochrome P450, isoenzyme 2D6 (CYP2D6). Ce dernier montre un polymorphisme génétique, pouvant affecter l’efficacité et la toxicité de la codéine. Ce polymorphisme donne quatre groupes de patient : métaboliseurs ultra rapides (1 à 10% des patients) qui ont une activité enzymatique accélérée, métaboliseurs rapides (60 à 70% des patients), métaboliseurs intermédiaires (10 à 15% des patients), métaboliseurs lents (5 à 10% des patients) qui ont une déficience enzymatique complète.
De ce fait, les métaboliseurs ultrarapides présenteront une toxicité plus importante et les métaboliseurs lents ne bénéficieront pas de l’effet antalgique du produit. Le tramadol a un effet opioïde par sa fixation aux récepteurs µ (même principe que pour la codéine) et un effet monoaminergique central, avec inhibition de la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine. Cela explique son action sur les douleurs neuropathiques. Mais ce médicament peut aussi donner des effets indésirables liés à ces effets opiacés associés à ces effets sérotoninergiques.
Les raisons de mauvaise tolérance des antalgiques de palier 2 chez la personne âgée sont donc multiples. D’une part, le vieillissement physiologique modifie la pharmacodynamie et la pharmacocinétique des médicaments. De plus, les opioïdes faibles, ayant un métabolisme rénal et hépatique, risquent d’accumuler des métabolites de façon importante chez le sujet âgé. Les effets indésirables peuvent donc être 3 à 4 fois supérieurs à ceux survenant chez le sujet jeune. D’autre part, l’expression du cytochrome P450 2D6 étant modifiée par un facteur génétique, le rapport efficacité/tolérance est variable d’un sujet à un autre. Enfin, les effets indésirables peuvent également être favorisés par les interactions médicamenteuses avec des médicaments inhibiteurs ou inducteurs concomitants du CYP2D6 fréquemment utilisés chez les patients âgés (antidépresseurs, antiarythmiques, psychotropes, anti émétiques…) .

Les opioïdes faibles dans la littérature et en pratique

Mon étude confirme que les opioïdes faibles sont largement prescrits chez la personne âgée . En effet, tous les MG du Sud-Manche interrogés les prescrivaient. Ils étaient 80,77% à les mettre en place face à une douleur résistante à antalgique non opioïde bien mené. Cependant, un tiers des MG reconnaissait être plutôt en difficulté face à la prescription des opioïdes faibles. Les dernières recommandations Françaises datant de l’année 2000(révisions des recommandations de Limoges), un consensus d’experts en douleur et en gériatrie, issus de plusieurs sociétés savantes, s’est rassemblé en 2017, afin d’en proposer de nouvelles, sur l’utilisation des antalgiques chez la personne âgée, en s’appuyant sur les publications internationales et les résumés des caractéristiques du produit.
Selon ce consensus, les trois opioïdes faibles (poudre d’opium, codéine et tramadol) sont tous aussi efficaces les uns que les autres sur la douleur nociceptive. Dans mon étude, les MG ne choisissaient pas l’une ou l’autre molécule en fonction de son efficacité, ce qui corrobore ces résultats.
Toujours selon le consensus d’experts, lors de l’initiation de la prescription des opioïdes faibles, il est recommandé de réduire leurs posologies. Ceci est bien respecté par 88,46% des MG de mon étude. Par contre, seulement 38,46 % des MG espaçaient l’intervalle entre deux prises d’opioïde faible, comme il l’est conseillé chez les personnes de plus de 75 ans. Concernant le choix de la molécule, la poudre d’opium serait une bonne alternative en gériatrie grâce à l’indépendance du profil génétique de son efficacité et de sa tolérance. Il s’avère que dans le Sud Manche, 46,15% des MG prescrivaient préférentiellement la poudre d’opium. Pour la codéine, il est rappelé par les experts que son effet antitussif n’est pas négligeable en cas de bronchopneumopathie et que la forme libération prolongée est intéressante. Quant au tramadol, il serait la meilleure option dans le traitement de la douleur mixte. Cependant, dans mon étude, le tramadol n’est prescrit que par 19,23% des MG.
Les effets indésirables des opioïdes faibles sont identiques à ceux des opioïdes forts et sont dose-dépendants. Le syndrome confusionnel et le risque de chute chez la personne âgée sont bien documentés. Les résultats sur cette étude montrent bien que selon les MG, le tramadol est plus pourvoyeur de trouble de l’équilibre/vertiges et syndrome confusionnel que les deux autres antalgiques. De plus les MG prescrivant le tramadol étaient plus nombreux à déclarer des hospitalisations suite à des effets iatrogènes des antalgiques. Pour pallier à ce problème d’effet dose dépendant, il existe pour le tramadol une solution buvable qui permet une titration fine et ainsi de soulager les patients âgés, même fragiles avec une meilleure tolérance.

Table des matières

1 INTRODUCTION
2 MATERIEL ET METHODE
2.1 Descriptif de l’étude
2.2 Recueil de données
2.3 Analyse des données
3 RESULTATS 
3.1 Caractéristiques de la population
3.2 Formation des Médecins Généralistes sur les Antalgiques
3.3 Antalgiques de palier 2 : pratiques de prescription des médecins généralistes
3.3.1 Habitudes de prescriptions
3.3.2 Initiation de la prescription des antalgiques de palier 2
3.3.3 Effets Indésirables des antalgiques de palier 2
3.3.4 Surveillance des antalgiques de palier 2
3.4 Comparaison des trois antalgiques de palier 2 : Poudre d’opium/Codéïne/Tramadol
3.4.1 Effets indésirables en fonction la molécule Poudre d’opium/Codéïne/Tramadol
3.4.2 Hospitalisation en fonction la molécule Poudre d’opium/Codéïne/Tramadol
3.5 La difficulté de prescrire des antalgiques de palier 2 selon les MG
4 DISCUSSION
4.1 Réponse à la question de recherche
4.2 Forces et faiblesses de cette étude
4.3 Comparaison aux données de la littérature
4.3.1 Classification de Lussier et Beaulieu et classification de l’OMS
4.3.2 Rappel pharmacologique des antalgiques de palier 2
4.3.3 Les opioïdes faibles dans la littérature et en pratique
4.4 Hypothèses expliquant les résultats observés
4.5 Changements apportés par ce travail
6 CONCLUSION
7 BIBLIOGRAPHIE
8 ANNEXES 
8.1 Annexe 1 : Communes et Intercommunalités du département de la Manche
8.2 Annexe 2 : Présentation de l’enquête par courrier électronique
8.3 Annexe 3 : Questionnaire de l’étude
8.4 Réponses aux 30 questionnaires
8.5 Réponses aux questions ouvertes

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