Accident d’exposition au sang, AES

Accident d’exposition au sang, AES

Le risque de contamination par exposition au sang est faible mais non nul. La principale cause de contamination est la blessure cutanée par des objets souillés de sang. Le respect des précautions universelles est impératif et devrait réduire de façon majeure la fréquence des accidents. Le risque de transmission d’agents pathogènes est 17 fois plus important pour l’hépatite C que pour le VIH.Les trois virus considérés comme les plus fréquemment impliqués dans les problèmes de contamination du personnel de salle d’opération, sont les virus de l’hépatite B (VHB) et C (VHC) et le VIH.Les AES font l’objet d’une réglementation récente et très évolutive. La conduite à tenir médicale et médico-légale, la stratégie de prévention des AES et les obligations légales de l’employeur sont définies par un ensemble de circulaires qui s’inscrivent dans le cadre général de l’analyse et de la prévention des risques professionnels en milieu de soins.Les  AES regroupent tous les accidents ou incidents survenant en contact avec le sang ou un liquide biologique contaminé par du sang, et comportant une effraction cutanée (piqûre, coupure) ou une projection sur muqueuse ou peau lésée. L’AES est source potentielle de contamination du patient vers le soignant, mais aussi du soignant vers les patients, et entre les patients, le plus souvent par l’intermédiaire d’un matériel médico-chirurgical souillé.

AES Données épidémiologiques

Il y a aujourd’hui en France environ 110 000 personnes infectées par le VIH, 600 000 par le VHC, 150000 par le VHB.

Les risques sont essentiellement les contaminations virales par le VIH et les virus des hépatites B et C (VHB et VHC). Si le risque lié à l’hépatite B est actuellement contrôlé par l’immunisation vaccinale obligatoire pour les professionnels de santé, il n’y a pas à ce jour, de vaccin contre l’infection à VIH ni contre l’hépatite C.

Depuis 1990 et les premières enquêtes du GERES (Groupe d’études sur les risques d’exposition des soignants aux agents infectieux), les données épidémiologiques issues des recueils hospitaliers permettent de mieux cerner les circonstances de survenue des AES et leur évolution durant cette dernière décennie. On peut schématiquement en retenir les données suivantes:

L’incidence annuelle globale des AES chez les infirmières est tombée de 0,27/an en 1990 à 0,12/an en 2000. Le nombre de ontaminations professionnelles dénombrées en France (au 30 juin 2001) est – pour le VIH de 42 contaminations professionnelles présumées ou documentées. Plus de la moitié des cas concernent des infirmières. Les circonstances accidentelles ont été des piqûres par aiguilles (28 cas), utilisées pour des prélèvements veineux (10 cas), un prélèvement artériel (1 cas), une ponction pleurale (1 cas), ou traînant dans un sac poubelle (1 cas)… ; des coupures (7 cas), des projections de sang sur peau lésée (2 cas). Dans 5 cas, le mode de contamination n’a pas pu être retrouvé. Dans 5 cas au moins, le respect des précautions standard (2 “recapuchonnages”) et une organisation du travail sécuritaire (rangement et élimination des déchets coupants/piquants) auraient évité ces drames.

– pour le VHC : 43 contaminations professionnelles documentées, dont 32 au contact d’un patient source connu comme infecté, ce nombre est probablement une sous-estimation de la réalité des contaminations, particulièrement fréquentes en milieu chirurgical. 31 infirmières étaient concernées. Les piqûres étaient largement majoritaires (40 cas), avec aiguilles creuses aussi bien IV qu’IM et SC, et on recensait 2 coupures et une compression de plaie sans gants.

AES  Circonstances de l’accident

Si la grande majorité des accidents surviennent auprès du patient, près de 20 % des AES surviennent lors de l’élimination impropre ou différée du matériel souillé.

Certaines circonstances favorisantes sont retrouvées: patient difficile à piquer (21 %), effectif incomplet, agitation du malade.Une hiérarchie du risque selon la tâche infirmière peut être décrite. Par ordre décroissant de risque: prélèvement sur chambre implantée, prélèvement artériel, pose de perfusion, dépose de perfusion, hémoculture, prélèvement intraveineux (IV), injection sous-cutanée (SC), prélèvement capillaire.

Près de la moitié des piqûres auraient été évitées si les précautions standard avaient été respectées: le “recapuchonnage” des aiguilles (7,5 % des AES), la désadaptation manuelle d’une aiguille d’un corps de prélèvement ou d’une seringue (2,5 %) et surtout l’élimination différée des aiguilles, responsable de 20 % des accidents. On notera la grande fréquence des accidents liés à l’usage (souvent impropre) des conteneurs: près du quart des AES (conteneur trop plein, effet ressort des tubulures, encoches de désadaptation inadéquates, perforation du conteneur).Si les deux tiers des piqûres surviennent avec des matériels non protégés, un tiers survient avec des matériels réputés “de sécurité” impliquant souvent une activation bimanuelle.Toutefois, l’impact des aiguilles sécurisées sur la décroissance du nombre des AES est sensible, divisant le risque par 4 lors des procédures intraveineuses.Les critères de gravité d’un AES, lors d’une exposition percutanée avec un patient source VIH +, peuvent être déduits des constatations suivantes:

– la profondeur de la blessure (risque multiplié par 16),

– l’existence de sang visible sur le matériel (risque multiplié par 5),

– une procédure intraveineuse ou intra-artérielle (risque multiplié par 5),

– un patient source avec une charge virale élevée (risque multiplié par 6),

– l’absence de traitement postexposition (risque multiplié par 5).

AES Réglementation

Le nombre et la gravité potentielle des AES imposent aux professionnels de santé la mise en oeuvre de mesures qui sont encadrées par des textes réglementaires depuis 1989.

En effet, l’identification du VIH date de 1983. Le premier cas publié de contamination professionnelle en France lié à un AES est survenu, en janvier 1984, chez une infirmière de l’AP-HP. Il est à l’origine d’une réglementation spécifiquement dédiée aux risques de contamination par le VIH

La circulaire du 3 août 1989, relative à la prévention de la transmission du VIH chez les personnels de santé, recommande de pratiquer la sérologie du malade source et celle de l’accidenté, puis répéter tous les 3 mois pendant 1 an le suivi sérologique.

La lettre ministérielle du 9 octobre 1989 précise les conditions nécessaires à la reconnaissance en accident du travail (AT) d’une contamination par le VIH lors d’un AES: un fait localisable avec précision dans le temps, déclaré en AT, la notion d’une séronégativité initiale de la victime et d’une séroconversion ultérieure dans un délai compatible avec la date de l’AT.

L’arrêté du 18 janvier 1993 ramène à 6 mois la durée du suivi sérologique.

La circulaire du 3 mars 1995 reprécise les modalités de suivi sérologique pour les personnels relevant de la Fonction Publique et met en place un mécanisme d’indemnisation spécifique de l’infection professionnelle par le VIH.

La note d’information du 25 septembre 1995 pose les principes de traitement prophylactique par l’AZT, et en impose la prescription et le suivi par un référent spécialiste.

La note d’information du 28 octobre 1996, précise les rôles respectifs du médecin référent, du médecin urgentiste et du médecin du travail, impose le consentement éclairé du patient source à la pratique de sa sérologie VIH, recommande une mise en route du traitement post-exposition dans les 4 heures, et institue l’obligation pour les services d’urgence de détenir des trousses de prophylaxie (trithérapie). Le texte étend les mesures de suivi sérologique à l’hépatite C.

La circulaire du 20 avril 1998 s’intègre dans un texte de portée plus générale, relative à la prévention de la transmission d’agents infectieux véhiculés par le sang ou les liquides biologiques lors des soins dans les établissements de santé. Ce texte est très important, car il définit les obligations de moyens et de résultats des employeurs vis- à-vis des risques liés aux AES. Il est directement inspiré du décret du 4 mai 1994 relatif à la protection des agents biologiques, qui énonçait que « le chef d’établissement doit…, pour les activités impliquant le prélèvement la manipulation et le traitement d’échantillons d ‘origine humaine ou animale, mettre au point des procédures et mettre à disposition des travailleurs des matériels adaptés visant à minimiser les risques de contamination ». Il est expressément demandé aux établissements de soins de se doter d’un programme de prévention, s’intégrant dans une stratégie globale de prévention des risques infectieux nosocomiaux.

Le chef d’établissement, en concertation avec le CLIN, le médecin du travail et le CHSCT, doit définir une stratégie de prévention qui repose sur:

  1. La vaccination du personnel soignant                                           2. Le respect des précautions générales d’hygiène
  2. L’utilisation rationnelle d’un matériel adapté                                 4. La prévention de l’exposition dans les blocs opératoires
  3. La mise en place d’un dispositif de prise en charge des AES       6. L’interprétation des données de surveillance
  4. L’information et la formation du personnel                                   8. L’évaluation des actions entreprises.

Le décret du 5 novembre 2001 trace  la stratégie de prévention de l’évaluation des risques professionnels dans le cadre de la procédure d’Accréditation de la gestion de la qualité et prévention des risques et surveillance, prévention et contrôle du risque infectieux

La circulaire DGS/DHOS/DRT/DSS n°2003/165 du 2 avril 2003 abroge la circulaire du 9 avril 1998. Elle rappelle que les effets indésirables d’une trithérapie post-exposition peuvent être graves, et insiste sur une meilleure prise en compte du ratio bénéfices/risques dans l’indication de la trithérapie: en particulier, le traitement post-exposition doit être réservé aux situations à risque identifiable de transmission du VIH; certaines antiprotéases sont déconseillées en raison de la fréquence de leurs effets secondaires. La circulaire demande que soit instaurée une permanence téléphonique de conseil post-AES, 24 heures sur 24, tenue par des référents spécialistes de l’infection par le VIH. Enfin, le texte prévoit qu’à titre “exceptionnel”, le consentement éclairé du malade source pour la réalisation de sa sérologie VIH n’est plus exigible lorsque les patients présentent un coma ou une “perte de conscience prolongée”: cette disposition doit pouvoir permettre la pratique des sérologies chez un patient anesthésié, sans attendre son consentement éclairé, à charge pour le médecin de lui donner ultérieurement le résultat.

La législation des accidents du travail 

Ce cadre réglementaire est complété par le dispositif légal de prise en charge au titre de la législation des accidents du travail et des maladies professionnelles.Le tableau des maladies professionnelles fut créé en 1967 et réactualisé en 1999.On rappelle qu’une contamination par le VIH reconnue d’origine professionnelle est prise en charge au titre d’un accident du travail (sous réserve de la déclaration initiale de l’AES dans les 24 heures pour le privé ou les 48 heures pour le régime de la Fonction publique, de la preuve d’une séronégativité de la victime au moment de l’accident, et de l’existence d’une séroconversion dans des délais compatibles avec la date de l’accident). Les hépatites B et C reconnues d’origine professionnelle peuvent être prises en charge, soit au titre du  tableau des maladies professionnelles, soit au titre d’un accident du travail.

La présomption d’imputabilité existe en droit privé alors que c’est au fonctionnaire d’apporter la preuve, par tout moyen, d’un lien entre son activité de soignant et l’affection contractée.

Démarche à entreprendre lors d’un AES

Étroitement codifiées par la réglementation, adaptées aux spécificités locales des établissements par les Clin, les démarches doivent être immédiatement accessibles aux soignants: l’affichage généralisé de la conduite à tenir est recommandé, avec réactualisation des procédures, et des numéros d’appel téléphonique.

Les AES sont des urgences médicales car la perte de temps avant le lavage de la plaie et sa désinfection et le délai entre la survenue de l’AES et l’obtention du résultat des sérologies du patient source sont des facteurs de risque d’une éventuelle contamination.

Les démarches s’inscrivent dans une triple optique: la protection médicale, la prise en charge médico-légale, et le recueil épidémiologique.

La protection médicale :

Elle vise à éliminer ou neutraliser tout ou partie d’un inoculum viral. Les actions à entreprendre sont les suivantes:arrêt de l’activité professionnelle en cours faire saigner la plaie et lavage immédiat à l’eau tiède pendant 30 sec, rincer , puis nettoyer au savon, et rincer à l’eau courante puis immerger le point de piqûre pendant 15 minutes dans une solution d’eau de Javel à 12 chlorométriques diluée au 1/10e, ou polyvidone iodée ( Bétadine ), ces produits étant préférables à l’alcool à 70° ou à la chlorhexidine aux activités virucides non formellement démontrées sur les virus des hépatites.

Si la plaie n’est pas immergeable, utiliser un tampon applicateur et l’imbiber largement avec l’antiseptique. Ne pas hésiter à renouveler dès que l’antiseptique  commence à sécher ou s’évaporer.

Dans tous les cas respecter un temps de contact ou de trempage de 15 mn au moins En cas de projection sur les muqueuses, en particulier au niveau de la conjonctive, rincer abondamment au soluté physiologique ou à l’eau pendant 5 minutes.La traçabilité impose pour chaque sujet exposé de localiser l’origine du matériel source en cause

L’enquête sur le patient source doit commencer aussitôt: données cliniques et biologiques figurant au dossier, notion de résultats de sérologies antérieures, appréciation des facteurs de risques inhérents au patient

S’il n’existe pas de sérologie récente, le patient source doit être prélevé avec son consentement éclairé (avec l’exception soulignée par la circulaire du 2 avril 2003, malade inconscient y compris anesthésie)

 On recherchera les anticorps anti-VIH, anticorps anti VHC, et Ag Hbs voire Ag Hbe, s’il y a doute sur l’état de protection vaccinale de la victime contre le virus de l’hépatite B. Les tubes du patient source doivent être acheminés le plus tôt possible au laboratoire, en pratique avant les démarches de déclaration de l’accident de travail. Le résultat est obtenu entre 1 et 3 heures.

La prise en charge médico-légale 

Elle consiste à déclarer l’AES en accident du travail auprès d’un médecin qui évalue les critères de gravité liés au matériel vulnérant, à la typologie de la blessure, et au résultat des sérologies du patient source.Il faut donc établir un certificat médical initial de travailSelon les organisations locales, ce médecin peut être, pendant les heures ouvrables, un médecin référent d’une consultation ou d’un service hospitalier assurant habituellement la prise en charge des personnes infectées par le VIH, le médecin du travail ou un médecin urgentiste. Aux heures non ouvrables, les services des urgences restent la seule filière de prise en charge.

La possibilité du recours téléphonique à un médecin référent doit pouvoir exister, 24 h/24, pour aider à une décision thérapeutique dans les situations d’interprétation difficile. Toute décision de traitement post-exposition doit faire l’objet dans les 3 à 4 jours suivants d’un réexamen par un médecin référent, si celui-ci n’en a pas été le prescripteur initial.

Une simplification du “parcours du combattant” administratif est nécessaire. Aux Hospices Civils de Lyon, il existe un formulaire unique de déclaration de l’AES rempli auprès du médecin du travail aux heures ouvrables, qui est de fait le seul interlocuteur (médical et administratif) de la victime.L’agent doit faire pratiquer ses sérologies immédiatement, dès sa déclaration auprès d’un médecin:

– anticorps anti-VIH, anticorps anti-VHC, anticorps anti-Hbs s’ils n’ont pas été quantifiés récemment pour vérifier l’immunisation contre le VHB,

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