Antidote spécifique du dabigatran

Antidote spécifique du dabigatran

Histoire des anticoagulants oraux

Durant des décennies, les anticoagulants oraux n’ont comporté qu’une seule classe pharmacologique : les antagonistes de la vitamine K (AVK). L’usage de ces molécules, dont l’efficacité thérapeutique n’est pas discutée, est cependant considéré en France comme la première cause d’hospitalisation pour accident iatrogène, 18 000 cas chaque année, et responsable de 5000 décès/an par accident hémorragique1 . Leur utilisation nécessite également une surveillance biologique rapprochée (surveillance mensuelle le plus souvent, par l’International Normalized Ratio, INR) et de nombreuses interactions à la fois médicamenteuses et alimentaires sont décrites. Leur fenêtre thérapeutique étroite, leur délai d’action, la nécessité d’une surveillance fréquente et les interactions alimentaires et médicamenteuses ont conduit à développer d’autres molécules, à la recherche « de l’anticoagulant idéal ». C’est ainsi qu’en 2004, le Ximélagatran (Exanta®) est commercialisé, d’abord au niveau Européen, puis en France en 2005 dans l’indication « prévention des thromboses veineuses en chirurgie orthopédique programmée (prothèse de hanche ou de genou) ». C’est un inhibiteur direct de la thrombine2 sous forme de prodrogue, converti dans le foie en « mélagatran » la molécule active. Son fabricant AstraZeneca® voit en ce médicament un substitut aux AVK et à ses inconvénients. Mais le 14 février 2006 le médicament est retiré du marché devant un cas d’hépatite grave rapporté lors de l’utilisation prolongée de la molécule3 . Entre 2008 et 2013, arrive une nouvelle classe de médicaments, les anticoagulants oraux directs (AOD) qui vont devenir une alternative à l’utilisation des AVK. Lors de leur mise sur le marché, ils ont été présentés comme ayant une efficacité similaire ou supérieure aux AVK, tout en étant responsables de moins de complications hémorragiques. Les molécules concernées sont au nombre de trois, il s’agit d’un inhibiteur direct de la thrombine, le dabigatran (Pradaxa® commercialisé fin 2008), et de deux anti-Xa : le rivaroxaban (Xarelto®, commercialisé en 2009) et l’apixaban (Eliquis® commercialisé en 2012). Une quatrième molécule, à activité anti Xa, l’edoxaban (Lixiana®) a plus récemment obtenu l’Autorisation de Mise sur le marché 12 (AMM) (2016) dans la prévention et le traitement de la maladie thromboembolique veineuse puis dans le traitement de la fibrillation atriale non valvulaire4 . Ces AOD vont occuper rapidement une place de plus en plus importante dans les prescriptions d’anticoagulants. Leur action directe sur les facteurs de coagulation, l’absence de surveillance biologique, leur demi-vie courte et leurs moindres interactions avec les aliments sont les grands avantages présentés

Données épidémiologiques

Selon un rapport de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) de 20148 , l’utilisation des anticoagulants n’a cessé d’augmenter, avec un doublement des ventes des anticoagulants oraux entre 2000 et 2012. En 2013, il est estimé que 3,12 millions de patients ont reçu au moins un anticoagulant : parmi eux 1,62 millions ont reçu un anticoagulant par voir injectable et 1,49 millions par voie orale. 13 Les ventes d’AOD ont progressé très rapidement depuis leur mise sur le marché, avec une croissance très marquée en 2011 : 1 million de Doses Définies Journalières (DDJ) en 2009 contre 117 millions en 2013. A contrario la vente des AVK a commencé à décroître en 2012. Un rapport d’évaluation plus récent de la Haute Autorité de Santé (HAS) fait état de données entre 2012 et 20169 , et met en évidence une constante augmentation de la prévalence des patients sous anticoagulants oraux mais avec une diminution de 10% de l’utilisation des AVK depuis 2014 et une augmentation de 360% des AOD depuis 2012. Les ventes des AOD continuent d’augmenter depuis, jusqu’à atteindre +160 % depuis fin 2014. Cette augmentation globale de la prévalence concerne principalement la tranche d’âge ≥ à 80 ans. 

Le dabigatran 

Le Dabigatran6 (PRADAXA ®, Boehringer Ingelheim®) est le premier anticoagulant oral à avoir obtenu l’autorisation de mise sur le marché. C’est actuellement en France le seul inhibiteur direct de la thrombine par voie orale (VO). A. Mécanisme d’action Le dabigatran agit en inhibant de manière directe, compétitive et réversible la thrombine (facteur IIa) en se liant à son domaine catalytique, empêchant ainsi la formation du caillot 16 sanguin (la thrombine permettant la transformation du fibrinogène en fibrine, dernière étape nécessaire à la formation du thrombus) (figure 4). Le dabigatran inhibe la thrombine en circulation libre, la thrombine liée à la fibrine, et l’agrégation plaquettaire induite par la thrombine

Propriétés pharmacocinétiques

Absorption

 En raison de sa biodisponibilité limitée (6,5%)12, le dabigatran est formulé en tant que promédicament, le dabigatran étexilate, qui est une petite molécule qui n’exerce aucune activité pharmacologique. La molécule est administrée via une gélule protectrice, évitant les variations de pH au niveau gastrique10. Si l’on ouvre cette gélule avant administration, la biodisponibilité peut être augmentée de 75%, ainsi les gélules doivent être intactes afin d’éviter une surexposition au dabigatran. Il est à noter que la présence d’aliments n’affecte pas la Facteur Tissulaire Thrombine Fibrinogène Fibrine FXII FXIIa FXI FXIa Voie intrinsèque FIX FIXa FVII FVIIa FVIII FVIIIa FII FIIa FV FVa FX FXa Voie extrinsèque Facteur inactivé Facteur activé Anti Iia (dabigatran) Phase contact Lésion tissulaire Dabigatran 17 biodisponibilité du dabigatran étexilate mais retarde de 2 heures le temps nécessaire pour atteindre les concentrations plasmatiques au pic. Après administration orale, le dabigatran étexilate est rapidement absorbé et converti en dabigatran par hydrolyse médiée par une estérase plasmatique et hépatique12 (figure 5).

Table des matières

INTRODUCTION
I. Généralités
A. Histoire des anticoagulants oraux
B. Données épidémiologiques
II. Le dabigatran
A. Mécanisme d’action
B. Propriétés pharmacocinétiques
C. Études comparatives d’efficacité et de tolérance du Dabigatran
D. Indications
E. Effets indésirables
F. Contre-indications
III. Prise en charge du risque hémorragique sous dabigatran
A. Diminution de la concentration de dabigatran circulant
B. Réversion de l’effet anticoagulant
C. Mesure spécifique : neutralisation de la molécule
IV. Antidote spécifique du dabigatran : Le Praxbind® (idarucizumab)
A. Généralités
B. Structure moléculaire et développement
C. Mécanisme d’action
D. Propriétés pharmacocinétiques
E. Indications
F. Efficacité et sécurité clinique
G. Effets indésirables .
H. Interactions médicamenteuses
I. Contre-indications
J. Aspect médico-économique
K. Effet rebond
V. Recommandations de prise en charge du risque hémorragique sous dabigatran
A. Prise en charge des hémorragies chez les patients traités par dabigatran.
B. Prise en charge des patients traités par dabigatran pour un geste invasif urgent
C. Prise en charge avant thrombolyse ou thrombectomie50
VI. Place de la biologie médicale
A. Tests d’hémostase classiques
B. Dosage du dabigatran
C. Une technique plus originale, le test de génération de thrombine (TGT) : outil de compréhension de l’effet du dabigatran sur la coagulation
OBJECTIFS
I. Objectif primaire
II. Objectif secondaire..
MATERIEL ET METHODES
I. Population étudiée
A. Critères d’inclusion
B. Critères d’exclusion.
II. Recueil des données
III. Analyse des données
RESULTATS
I. Caractéristiques générales des patients
A. Services prescripteurs
B. Caractéristiques démographiques
C. Comorbidités
D. Indications du dabigatran
E. Fonction rénale à l’admission
II. Indications de l’idarucizumab (Praxbind®)
A. Groupe A : hémorragie mettant en jeu le pronostic vital
B. Groupe B : patients nécessitant un geste chirurgical urgent
III. Utilisation d’autres thérapies
IV. Réversion de l’anticoagulation
A. Groupe A : hémorragie mettant en jeu le pronostic vital
B. Groupe B : patient nécessitant un geste chirurgical urgent
V. Évolution
A. Survenue de thrombose et reprise d’un traitement anticoagulant
B. Mortalité
C. Effet rebond
D. Reprise d’un traitement anticoagulant oral au long cours
VI. Comparaison avec l’étude RE-VERSE AD
A. Caractéristiques générales
B. Indications de l’idarucizumab
C. Utilisation d’autres thérapies
D. Réversion de l’anticoagulation
E. Évolution
DISCUSSION
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE

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