Dépistage et prise en charge de la dénutrition de l’enfant

Description des outils d’évaluation de l’état nutritionnel

Il n’existe aucun indice de référence consensuel permettant de définir la dénutrition. En effet, il y a une multitude d’outils complémentaires qu’il faut savoir utiliser et interpréter. Certains identifient une dénutrition aiguë, d’autre une dénutrition chronique, d’autres évaluent la profondeur de la dénutrition et enfin, il en existe également pour évaluer le risque de dénutrition.
Nous avons choisi dans notre guide des outils élémentaires pour des mesures simples et reproductibles.
Le poids et la taille : Elémentaires, le poids et la taille sont la base pour débuter l’évaluation nutritionnelle. Ils permettent de situer l’enfant par rapport aux normes attendues pour l’âge. En pratique, la mesure isolée d’un poids et d’une taille n’a aucun intérêt. Ces mesures permettent de calculer les indicateurs décrits ci-dessous : réalisation des courbes de croissance, calcule de l’indice de masse corporelle, de l’indice de Waterlow, de la taille attendue pour l’âge.
Aussi élémentaires qu’elles puissent paraître, ces mesures ne sont pourtant pas toujours réalisées, que ce soit en cabinet ou à l’hôpital. Les raisons sont diverses : manque de temps, de matériel ou simplement absence de préoccupation.
Les courbes de croissance : Le Comité de Nutrition de la Société Française de Pédiatrie (SFP) recommande de peser et de mesurer tout enfant quel que soit le motif de visite ou d’hospitalisation. Le report de ces données sur les courbes (disponibles dans chaque service de pédiatrie) et dans les carnets de santé permet d’identifier le signe cardinal de la dénutrition qui est la perte ou l’absence de prise de poids, avec ou sans retentissement sur la croissance staturale et pubertaire. Elles nous donnent des informations capitales sur la cinétique et donc sur le caractère aigu ou chronique de la dénutrition, et parfois sur l’étiologie de la dénutrition. Elles sont toujours à interpréter en fonction du contexte et de la pathologie de l’enfant.

Le score de risque nutritionnel pédiatrique (SRNP)

Même en l’absence de dénutrition, il faut rester vigilant car, la maladie aiguë ou la décompensation d’une maladie chronique sont des facteurs de risque de dénutrition.
L’hospitalisation elle-même, en plus de la maladie, est un facteur de risque important. Les raisons sont multiples : le changement d’environnement, la cuisine de l’hôpital, l’absence des parents pour donner les repas…
Pour évaluer ce risque, il existe le Score de Risque Nutritionnel Pédiatrique. Il a été crée par le Comité Liaison Alimentation Nutrition (CLAN) du Groupe Hospitalier Necker – Enfants Malades. Il doit être évalué à l’admission puis régulièrement réévalué pour les hospitalisations de plus de 6 jours.
Il prend en compte le type de la pathologie et les facteurs de risque associés tels que la douleur et la quantité des ingesta.
Par exemple, un enfant entrant pour un purpura rhumatoïde ne sera pas dénutri à l’entrée. En revanche, selon le SRNP, il s’agit d’une pathologie à risque moyen. Par ailleurs, dans le cadre de cette pathologie, l’enfant souffrira probablement de douleurs abdominales intenses qui le conduiront à réduire drastiquement ses ingesta. Cet enfant a donc un risque de dénutrition élevé et doit bénéficier d’un soutien nutritionnel adapté.
Le SRNP permet donc d’adapter la prise en charge nutritionnelle à la gravité de la situation, chez tous les enfants, y compris les non dénutris. Il permet de ne pas prendre de retard sur l’état nutritionnel et ainsi, d’améliorer le pronostic.

Une prise en charge adaptée aux besoins

Avant de prescrire un enrichissement, des compléments alimentaires ou une nutrition artificielle, il convient d’estimer les apports de l’enfant. L’enquête alimentaire permettra ainsi de rechercher les régimes aberrants aux conséquences nutritionnelles catastrophiques (remplacement des laits infantiles par des jus végétaux, du lait de vache par du lait de chèvre ou de jument, régimes végétariens ou végétaliens). Le diététicien pourra ensuite calculer les apports caloriques journaliers de l’enfant et les comparer aux apports nutritionnels conseillés (ANC).
Les ANC, issus de l’ANSES (30), concernent l’ensemble des individus en bonne santé et correspondent aux besoins nutritionnels moyens, auxquels sont ajoutés deux écarts types, pour prendre en compte la variabilité individuelle, et permettre la couverture des besoins de la plus grande partie de la population. Ils constituent un point de repère essentiel, puisqu’il n’existe pas de recommandations sur les apports souhaités chez l’enfant malade. Ils sont souvent exprimés en pourcentage des ANC. Nous insistons sur le fait que l’estimation des apports nécessaires à l’enfant dénutri est très difficile, en général entre 120 et 150% des ANC mais ils sont très variables d’un individu à l’autre, et dépendent beaucoup de la pathologie sous jacente .

La nutrition entérale

Lorsque l’enrichissement oral et les compléments sont insuffisants, ou lorsque l’apport oral est impossible (atrésie de l’œsophage par exemple) mais que le tube digestif est utilisable, il faut prescrire une nutrition entérale.
La pose d’une gastrostomie n’est, sauf exception, jamais une urgence. Dans un premier temps, on posera une sonde naso-gastrique. Si la durée envisagée de la nutrition entérale est supérieure à 3 mois, ou si la maladie en cause est évolutive avec une dégradation prévisible de l’état général de l’enfant, on programmera alors la pose d’une gastrostomie.
La sonde naso-gastrique a l’avantage d’être très rapide à mettre en place. C’est un acte infirmier simple, bref, qui ne nécessite aucun examen complémentaire ou anesthésie. Cependant, elle peut être inconfortable, tant par son trajet dans la filière naso-pharyngée que par sa fixation à la narine. Le nourrisson ou l’enfant peut très facilement l’arracher ce qui nécessite des poses multiples. De plus, elle peut favoriser un reflux gastro-oesophagien et des pneumopathies d’inhalation.
La pose d’une gastrostomie est plus invasive. Elle se fait habituellement par voie endoscopique ou coelioscopique sous anesthésie générale. Il existe des complications rares mais potentiellement graves : perforations intestinales, hémorragies, infections profondes, associées à celles de l’anesthésie.
Cependant, la voie coelioscopique a l’avantage de permettre simultanément d’effectuer un traitement anti-reflux si cela est nécessaire.
Une fois posée, la gastrostomie présente de nombreux avantages. Elle permet de conserver l’oralité en dégageant la sphère oro-faciale, elle améliore le confort, elle est invisible et souvent bien acceptée par les enfants, elle est simple d’utilisation et d’entretien.
Il faut ensuite choisir le type de produit que l’on va administrer à l’enfant. Il existe une large gamme en fonction de l’âge et des besoins spécifiques de l’enfant. Il existe aussi beaucoup de produits conçus pour les adultes ayant l’AMM chez l’enfant.
Des précautions sont donc à prendre lorsqu’on prescrit ces produits, notamment concernant les apports sodés. En effet, ils sont tous hyposodés et nécessitent des ajustements en sel, monitorés par des ionogrammes sanguins et urinaires réguliers.

La nutrition parentérale

Enfin, lorsque l’enfant a besoin d’une assistance nutritionnelle mais que le tube digestif est inutilisable, il faut prescrire une nutrition parentérale (NP). C’est une technique à haut risque, qui peut exposer l’enfant à des complications graves, en particulier métaboliques et infectieuses. L’indication doit être bien posée et les modalités de surveillance bien établies.
Cependant, par méconnaissance ou appréhension du sujet, l’indication d’une nutrition parentérale est souvent posée trop tardivement.
Une perfusion sur voie périphérique, avec du soluté glucosé et électrolytes, donne souvent l’illusion, à tort, d’un apport nutritionnel acceptable. En cas d’arrêt alimentaire, cette solution doit être la plus brève possible, et doit faire rapidement envisager un mode de nutrition adéquat. En pratique, la NP doit être envisagée lorsque la voie digestive couvre moins de 50% des besoins nutritionnels pendant au moins 5 jours, d’autant plus que l’enfant est dénutri ou qu’il a un score de risque nutritionnel élevé .
La nutrition parentérale du nouveau né et de l’enfant a récemment fait l’objet de «guidelines» par un groupe d’experts européens .
C’est par expérience le type de nutrition le plus difficile à prescrire. Il existe de nombreux produits industriels, certains nécessitent une voie centrale, d’autres se contentent d’une voie périphérique, certains contiennent des électrolytes, des lipides, d’autres non…
On peut également faire préparer par la pharmacie un mélange nutritif à la carte et dans ce cas et il faut prescrire chacun des éléments : les macro-nutriments (glucides, acides aminés, lipides), les électrolytes et les minéraux, et les micro-nutriments (vitamines, oligoéléments).

Table des matières

1. INTRODUCTION 
2. MATERIEL ET METHODE 
A. Objectifs 
B. Public concerné 
C. Choix des chapitres 
1/ Dépister, confirmer, prévoir
2/ Garder le cap
3/ Mener l’enquête
4/ Enrichir
5/ Nutrition entérale
6/ Nutrition parentérale
7/ Eviter les pièges
8/ Cas particuliers
9/ Trousse d’urgence
D. Sources des données
3. RESULTATS 
4. DISCUSSION 
A. Description des différents outils d’évaluation de l’état nutritionnel 
1/ Le poids et taille
2/ Les courbes de croissance
3/ L’indice de masse corporelle
4/ Le rapport périmètre brachial sur périmètre crânien
5/ L’indice de Waterlow
6/ La taille attendue pour l’âge
B. Le score de risque nutritionnel pédiatrique 
C. Principes généraux de la prise en charge 
1/ Une prise en charge adaptée à la gravité de la situation
a) L’enfant n’est pas dénutri
b) L’enfant est dénutri modérément
c) L’enfant souffre d’une dénutrition sévère
2/ Une prise en charge adaptée aux besoins
D. Les différents types de prise en charge nutritionnelle 
1/ L’enrichissement
2/ Les compléments nutritionnels oraux
3/ La nutrition entérale
4/ La nutrition parentérale
a) La voie d’abord
b) Mélanges industriels standard P
c) Solutés à la carte
E. Syndrome de renutrition inappropriée et autres pièges 
F. Cas particuliers 
1/ Cholestases et hépatopathies
2/ Mucoviscidose
3/ Enfant polyhandicapé
4/ Cardiopathie congénitale
5/ Enfant et cancer P
5. CONCLUSION 
ANNEXES 
REFERENCES

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