Étude ab initio des propriétés électroniques et optiques du niobate de lithium (LiNbO3) stoechiométrique

Étude ab initio des propriétés électroniques et optiques du niobate de lithium (LiNbO3) stoechiométrique

GENERALITES SUR LE NIOBATE DE LITHIUM

Les cristaux de niobate de lithium (LN) ne sont généralement pas conformes à la formule exacte LiNbO3. La composition réelle d’un cristal de LN présente en général un déficit en lithium, impliquant la présence de défauts intrinsèques dans le réseau cristallin. La variation de la composition a une grande influence sur les propriétés physiques du matériau. Ce premier chapitre propose une revue non exhaustive sur la croissance des cristaux de LN, leur composition, leur structure, leurs défauts intrinsèques et extrinsèques. Nous donnons les caractéristiques de la phase ferroélectrique et nous soulignons la différence entre la phase para-électrique et la phase ferroélectrique. Ce chapitre décrit ensuite, brièvement, la formation des polarons électroniques et les modes de phonons impliqués. Il aborde enfin les propriétés optiques anisotropes du LN (biréfringence, dichroïsme).  Le niobate de lithium (LN) est un matériau qui n’existe pas dans la nature. Il a été synthétisé pour la première fois dans les laboratoires Bell en 1949 [Matthias (1949)]. Dés les années 60, ses nombreuses propriétés physiques liées à sa structure polaire (ferroélectricité, piézoélectricité, effets électro-optiques et acousto-optiques, propriétés optique non linéaires) ont fait l’objet de plusieurs études ; une première série d’articles de revue est parue en 1966 [Nasseau 983 (1966) ; Nasseau 989 (1966) ; Abrahams 997 (1966) ; Abrahams 1013 (1966) ; Abrahams 1019 (1966)], et les travaux sur le LN se sont intensifiés dans les années 70, avec la découverte de l’effet photovoltaïque (PV) de volume par Glass en 1975 [Glass (1975)]. Le célèbre ouvrage de Lines et Glass [Lines (1977)] consacré aux matériaux ferroélectriques, paru en 1977, réserve déjà une large place au niobate de lithium et un premier livre entièrement consacré au LN a été publié en 1978 [Räuber (1978)]. Les propriétés photoréfractives (PR) exceptionnelles du LN, dues essentiellement à l’effet PV, ont reçu une attention particulière dès la fin des années 70 en raison de leurs nombreuses applications potentielles (mémoires holographiques, filtres, réseaux et guides d’ondes photo-induits, solitons spatiaux) et aussi de leurs inconvénients dans d’autres applications, notamment en optique non linéaire (défocalisation des faisceaux, endommagement optique). Le niobate de lithium est donc aussi largement présent dans les ouvrages consacrés à la photoréfractivité [Günter (1988); Günter (1989); Günter (2006); Günter (2007); Günter (2007)]. A partir de la fin des années 80, la croissance cristalline du LN s’est considérablement développée et perfectionnée, d’une part pour produire des cristaux de grand diamètre (3 pouces puis 4 pouces) destinés aux applications électroniques (filtres acoustiques de surface1 ) et optiques (modulateurs électro-optiques, convertisseurs de fréquence), d’autre part pour éradiquer les défauts intrinsèques réputés responsable de l’effet PR. 1 Près de 90% du tonnage de cristaux du LN produits est consacré à cette application, essentiellement pour les téléphones cellulaires. Généralités sur le niobate de lithium Chapitre I 8 Pour une revue exhaustive du niobate de lithium et ses applications, le lecteur pourra se référer au papier de Weis et Gaylord [Weis (1985)] ou à l’ouvrage le plus récent publié à ce jour [Volk (2008)]

Croissance des cristaux de LiNbO3

Définition de la composition

Les cristaux de LN ont une tendance forte à la non stœchiométrie caractérisée par un déficit en lithium dans le cristal. Ceci peut être expliqué par le fait que les liaisons Li-O présentent un caractère plus ionique que les liaisons Nb-O, ce qui entraîne que les ions Li+ sont moins liés au cristal que les ions Nb5+[Volk (2008)]. Les ions lithium peuvent donc par conséquent migrer plus facilement lors de la croissance cristalline entraînant un déficit en lithium dans le cristal. La composition intrinsèque est généralement décrite par l’une des deux formules suivantes : – Le ratio Li/Nb : [ ] [ ] Nb Li Rj = (I.1) – La fonction molaire de lithium : [ ] [ ] [ ] ×100      + = Li Nb Li X j (I.2) [Li] et [Nb] représentent les concentrations molaires en lithium et en niobium respectivement et l’indice j vaut « m » ou « c », selon que l’on désigne respectivement le bain (melt) ou le cristal. Le taux Xj s’exprime en mole %. La composition congruente varie selon les auteurs de 48.35 à 48.68 %mol. Li [Prokhorov (1990); Bordui (1992), Baumann (1993); Polgar (1997); Arizmendi (2004)]. Du fait de cette déficience en lithium, l’obtention des cristaux quasi stœchiométriques (Xc> 49.8 mol.Li) implique de partir d’un bain très fortement riche en lithium ou de recourir à des techniques particulières. Chapitre I Généralités sur le niobate de lithium 9 Générateur HF Eau de refroidissement Creuset Bain fondu Crystal Germe Porte germe Self de chauffage inductif Réfractaires d’isolant thermique 

Revue des différentes techniques de croissance

Plusieurs méthodes de croissance ont été développées pour synthétiser les cristaux de niobate de lithium. Elles permettent d’obtenir une large gamme de composition. Cependant l’obtention des cristaux stœchiométriques demeure délicate et des efforts considérables ont été déployés pour perfectionner les techniques de croissance et obtenir des cristaux stœchiométriques à très faibles déficit en lithium (Xj>49.95 mole %) [Malovichko (1992); Malovichko (1993)]. Nous présentons ici brièvement quelques une des techniques de croissance.

Croissance Czochralski

Actuellement la majorité des cristaux commercialement disponibles est obtenue par la technique de tirage Czochralski [Czochralski (1918)]. C’est une méthode assez facile à mettre en œuvre et qui permet d’obtenir des cristaux de bonne qualité et de grande taille. Pour synthétiser le LiNbO3, on mélange dans le bain de départ les poudres Li2CO3 et Nb2O5, qui après fusion réagissent ainsi : 2 3 2 5 3 2 Li CO + Nb O ⇔ 2LiNbO + CO (I.3) Le principe de la technique Czochralski consiste à faire croître un cristal par tirage à partir d’un germe monocristallin au contact d’un bain contenant une charge de poudre en fusion. Le principe du tirage est illustré sur la figure I.1. Figure I.1. Montage de la méthode de tirage Czochralski Généralités sur le niobate de lithium Chapitre I 10 Le bain est chauffé jusqu’à une température légèrement supérieure à la température de fusion. Le germe mono-cristallin, préalablement orienté, est amené au contact du bain en faisant tourner l’un et l’autre autour de leur axe. La cristallisation s’amorce à l’interface solide-liquide. Après une courte pause, le tirage est effectué avec une faible vitesse axiale. La cristallisation se poursuit au fur et à mesure que l’on translate le germe verticalement.

Croissance par la technique HTTSSG

La technique HTTSSG (High Temperature Top Seeded Solid Solution Growth) a été développée par K. Polgar et al. [Polgar (1997); Polagar (2002)]. Elle découle du constat que des propriétés inhabituelles furent observées dans des cristaux de LN obtenus à partir d’un bain contenant 6 wt% de K2O : ils ne contenaient que très peu de potassium et leur composition était plus proche de la stœchiométrie [Malovichko (1993)]. En améliorant cette technique, la composition des cristaux est la plus proche du ratio stœchiométrique Li/Nb = 1 obtenue jusqu’alors. Les composés sont mélangés dans un creuset en platine selon des proportions définies (0,95 < [Li]/[Nb] < 1,0 ; 0,20 < [K]/[Nb] < 0,38) et placés dans un four. Cette technique de croissance particulière, parfois appelée improprement « méthode Czochralski avec dopage potassium » s’apparente en fait à la croissance en solution et a été baptisée HTTSSG. 

Technique VTE

La VTE (Vapor Transport Equilibrium) est une technique particulière de traitement permettant de modifier a posteriori la composition du cristal [Bordui 1992; Jundt 1990]. Initialement, le cristal de LN est généralement de composition congruente. Ce cristal est placé à proximité d’une masse importante de poudre de LN riche en Li. L’ensemble est porté à haute température (environ 1100 °C). Par des mécanismes de transport en phase vapeur et de diffusion à l’état solide, le rapport [Li]/[Nb] du cristal s’équilibre avec celui de la poudre. Cette technique permet d’obtenir des cristaux dans toute la gamme de composition, et particulièrement des cristaux stœchiométriques. Toutefois, le processus est lent et la profondeur de traitement n’excède pas généralement le millimètre. Cette méthode est Chapitre I Généralités sur le niobate de lithium 11 donc appliquée en général à des petits cristaux ou à des substrats de faible épaisseur que l’on veut rendre stœchiométriques, notamment pour des applications en optique intégrée [Kaminow (1973) ; Schmidt (1974)]. I. 2. 2 d) Croissance des fibres cristallines Parmi les méthodes de croissance des cristaux du niobate de lithium, une méthode originale est la croissance des cristaux sous forme de fibres cristallines [Feigelson (1985); Feigelson (1986)]. En particulier, la technique dérivée de la technique de la goutte pendante (micro pulling down, µPD) présente l’intérêt de permettre de tirer des fibres cristallines d’assez grande longueur (jusqu’à 1m) pour des diamètres allant de 300 microns jusqu’au millimètre. Le principal avantage de cette technique est de pouvoir produire rapidement des échantillons d’étude, avec un contrôle direct de la composition et du dopage. 

Table des matières

Introduction Générale
Chapitre I. Généralités sur le niobate de lithium
I. 1. Introduction
I. 2. Croissance des cristaux de LiNbO3
I. 2. 1. Définition de la composition
I. 2. 2. Revue des différentes techniques de croissance
I. 2. 2 a) Croissance Czochralski
I. 2. 2 b) Croissance par la technique HTTSSG
I. 2. 2 c) Technique VTE
I. 2. 2 d) Croissance des fibres cristallines
I. 3. Structure cristalline du LiNbO3
I. 4. Défauts structuraux du LiNbO3
I. 4. 1 Défauts intrinsèques
I. 4. 2 Défauts extrinsèques
I. 4. 2. a) Impuretés
I. 4. 2. b) Dopants
I. 4. 2. c) Ions compensateurs de charge
I. 5. Polarons dans LiNbO3
I. 5. 1 Définition du concept de polaron
I. 5. 2 Formation du polaron libre, du polaron lié et du bipolaron
I. 5. 3 Stabilité des polarons
I. 5. 3. a) Polaron libre
I. 5. 3. b) Polaron lié
I. 6. Modes des phonons dans le LiNbO3
I. 6. 1. Représentations des modes optiques dans le LN
I. 6. 2. Attribution des phonons
I. 7. Propriétés optiques du LiNbO3
I. 7. 1. Front d’absorption optique intrinsèque
I. 7. 2. Indices de réfraction
I. 8. Conclusion
Chapitre II. Méthodes Ab initio
II. 1 Introduction
II. 2 Résolution de l’équation du Schrödinger
II. 2. 1 Approximation adiabatique (Approximation de Born-Oppenheimer 1927)
II. 2. 2 Approximation des électrons indépendants
II. 2.2. a) Approximation de Hartree (1928)
II. 2.2. b) Approximation de Hartree-Fock (1930)
II. 3 Fondements de la Théorie de la Fonctionnelle de Densité (DFT)
II. 3. 1 Théorèmes d’Hohenberg-Kohn (1964)
II. 3. 1. a) Premier théorème
II. 3. 1. b) Deuxième théorème
II. 3. 2 Approche de Kohn-Sham (1965)
II. 3. 3 Résolution des équations de Kohn-Sham (Auto-cohérence de la densité
de charge)
II. 3. 4 Approximation de la Densité Locale (LDA)
II. 3. 5 Approximation du Gradient Généralisé (GGA)
II. 3. 6 Approximation GW
II. 3. 7 Potentiel de Becke et Johnson modifié mBJ
II. 4 Méthode des Ondes Planes Augmentées Linéarisées + Orbitales locales à
Potentiel Total [FP-L/APW+lo
II. 4. 1 Méthode des Ondes Planes Augmentées (APW) (Slater-1964)
II. 4. 2 Méthode des Ondes Planes Augmentées Linéarisées (LAPW)
II. 4. 3 Méthode (APW + lo) (Sjöstedt 2000)
II. 4. 4 Principe de la méthode FP-LAPW
II. 5 Considérations techniques du WIEN2k
II. 6. 1. Paramètre de coupure
II. 6. 2. Echantillonnage de la zone de Brillouin
II. 6 Conclusion
Chapitre III. Propriétés électronique du niobate de lithium
III. 1. Introduction
III. 2. Considérations techniques
III. 3. Analyse de l’effet relativiste sur les orbitales atomiques
III. 4. Energie de gap du SLN
III.4. 1. Structure de bande calculée par GGA
III.4. 2. Structure de bande calculée par mBJ
III. 5. Densité d’états (DOS) et autres bandes interdites
III. 6. Densité de charge
III. 7. Masses effectives et énergie de transfert
III. 8. Conclusion
Chapitre IV. Propriétés optiques du niobate de lithium
IV. 1. Introduction
IV. 2. Détermination expérimentale du gap du SLN à partir du spectre d’absorption
IV. 3. Considérations techniques de calcul
IV. 3. 1 Maillage
IV. 3. 2 Calcul de la fonction diélectrique et de l’indice de réfraction
IV. 4. Détermination théorique du gap du SLN : nouvelle approche proposée
IV. 4. 1. Principe de l’opérateur « scissor »
IV. 4. 2. Application de la Procédure Scissor Inverse ISP
IV. 4. 3. Discussion
IV. 5. Calcul des dispersions et validation de notre approche
IV. 5. 1. Fonction diélectrique
IV. 5. 2. Dispersions d’indices de réfraction
IV. 5. 3. Spectre d’absorption
IV. 5. 4. Discussion
IV. 6. Autres propriétés optiques
IV. 6. 1. Spectres de la fonction des pertes d’énergie d’électrons EELF
IV. 6. 2. Réflectivité optique
IV. 6. 3. Règle de sommation « Sumrule »
IV. 7. Conclusion
Références
Conclusion Générale

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