La mémoire olfactive chez la drosophile

La mémoire olfactive chez la drosophile

Les différentes phases de mémoire 

Il est possible d’étudier la rétention de mémoire après une procédure de conditionnement olfactif. En faisant varier l’intervalle de temps entre la phase de conditionnement et la phase de test, on peut établir une courbe de rétention mnésique. La performance de la souche de référence sauvage C.S. diminue en fonction du temps. Alors que juste après le conditionnement le score d’apprentissage est de 85%, trois heures après l’indice de performance est d’environ 50 %. D’autres expériences comportementales, toujours basées sur cette procédure d’apprentissage associatif, ont permis de s’intéresser aux différentes formes ou composantes de la mémoire. La mémoire à court terme, qui s’étend de quelques secondes à plusieurs minutes, est supposée reposer sur des changements d’efficacité synaptique produits par des altérations physiologiques rapides et transitoires dans les neurones donnés. Par contre, la mémoire à long terme, qui perdure de plusieurs jours à la vie entière, est supposée se former sur des changements d’efficacité synaptique durable, et être accompagnée de restructurations synaptiques morphologiques induites par des modifications de l’expression génique. a- L’apprentissage L’apprentissage, ou LRN (learning), correspond à la phase d’acquisition d’une réponse conditionnée durant l’entraînement. Il consiste à acquérir ou à modifier une représentation de l’environnement. Ce processus cognitif permet à un animal d’utiliser son expérience passée pour assimiler l’organisation de son environnement et les conséquences de ses propres actions, afin de s’y accommoder. b- La mémoire à court terme La mémoire à court terme, ou MCT (mémoire à court terme), est induite durant l’acquisition, atteignant un niveau maximal juste après entraînement (un cycle), puis revient à 0 dans les heures suivantes. Une expérience simple a permis de démontrer l’existence de deux La mémoire olfactive chez la drosophile 46 composantes de la mémoire à court terme. Des mouches soumises à une température de 4°C perdent une partie de l’information stockée. Il y a eu anesthésie par le froid. Cette approche montre qu’après apprentissage, l’information est stockée en parallèle de deux manières différentes : l’une de ces voie est sensible au froid et correspondrait à un stockage de l’information sous forme d’activité électrique du réseau neuronal, et l’autre serait insensible au froid et supportée par les modifications moléculaires plus stables. c- La mémoire à moyen terme La MTM (Middle Term Memory) dépend de la MCT et atteint son maximum dans l’heure qui suit un cycle d’entraînement, puis disparaît dans les quelques heures suivantes. Elle est sensible aux anesthésies par le froid et est abolie chez les mutants amnesiac (amn). Le mutant (Quinn, Sziber et al., 1979), également isolé après une mutagenèse à l’EMS, présente un score d’apprentissage presque sauvage mais une mémoire qui disparaît plus précocement. Pour amn, les phases tardives de mémorisation correspondant à ce type de mémoire semblent spécifiquement affectées (Tully and Quinn 1985). Il interviendrait ainsi dans la transition de la mémoire à court terme vers la mémoire à moyen terme, car les mutants amn semblent apprendre convenablement mais oublier très vite (après moins d’une heure). d- Les mémoires consolidés : MRA et MLT La MRA (mémoire résistante à l’anesthésie) est induite après un cycle d’entraînement, dix cycles massés, ou dix cycles espacés. Elle dépend de la MTM et atteint son maximum dans les deux heures suivantes l’entraînement et diminue dans les quatre jours suivants après un conditionnement de dix cycles massés. Il s’agit d’une forme de mémoire consolidée absente chez les mutants radish (rsh). Le mutant rsh a une mémoire consolidée inexistante après un entraînement massé, alors que la mémoire à long terme (MLT) est normale à deux jours. Il a été montré que l’administration dans la nourriture d’un inhibiteur de synthèse protéique, le cycloheximide ou CXM, inhibe la formation de la MLT (Tully, Preat et al., 1994) comme présenté sur la figure 3. Chez les mutants rsh l’administration de CXM reste sans effet sur la mémoire consolidée qui disparaît en deux jours. Rsh serait donc impliqué dans la mémoire à long terme indépendante de la synthèse protéique.

Le système nerveux central de la drosophile 

Des connaissances sur la structure du cerveau sont indispensables pour une étude approfondie de ses propriétés de stockage de l’information. Il faut, avant de pouvoir disséquer les mécanismes qui sous-tendent la mémoire olfactive, comprendre comment cette information est intégrée par le système nerveux. Le cerveau de drosophile est constitué d’environ 100000 neurones (Shimada, 2005). Ces neurones sont unipolaires et leurs corps cellulaires sont massés à la périphérie du cerveau, alors que les projections axonales et dendritiques se regroupent en masse et forment le neuropile. Le neuromère le plus intéressant du cerveau de drosophile est le protocerebrum. Il est constitué de 4 structures chez l’adulte aux fonctions connues : • Le complexe central, impliqué dans le contrôle locomoteur général de la mouche (environ 20000 neurones). • Les lobes optiques, constitués d’environ 160000 neurones. • La pars intercerabralis dans la partie antérieure composée de neurones neurosécréteurs ascendants et descendants. Certains d’entre eux envoient des projections de la partie dorsale vers la partie centrale du cerveau pour se terminer dans des organes neuroendocriniens impliqués dans des fonctions diverses comme la mue et la synthèse d’hormone juvénile. • Les corps pédonculés, dont la fonction est intimement liée à celle des lobes antennaires, sont impliqués dans de nombreux phénomènes dont l’apprentissage et la mémoire olfactive. Les corps pédonculés sont des structures caractéristiques du cerveau des insectes dont l’organisation est particulièrement bien conservée chez la plupart d’entre eux. 50 L’ablation chimique des corps pédonculés abolit l’apprentissage et la mémoire olfactive Plusieurs études ont permis d’établir que les corps pédonculés des insectes étaient impliqués dans l’apprentissage olfactif. Des lésions chirurgicales des corps pédonculés chez la fourmi ou chez l’abeille et l’utilisation de produit chimique -empêchant le développement de cellule en division- chez la drosophile ont révélé une détérioration voire une perte de la mémoire olfactive chez ces individus. Chez la drosophile, De Belle et Heisenberg (de Belle et Heisenberg 1994) ont mené des expériences avec de l’hydroxy-Urée (drogue qui détruit les cellules en divisions). En donnant du HU à des jeunes larves on détruit les neuroblastes en division, soit un neuroblaste des lobes antennaires et les 4 neuroblastes qui donnent naissance aux MBs. Les mouches qui naîtront des larves ayant subi ce traitement n’auront pas de corps pédonculés. Les auteurs de ces expériences ont pu alors montrer que ces mouches n’avaient aucune capacité d’apprentissage olfactif. La réactivité aux chocs électriques, la sensibilité aux différentes odeurs, et le comportement locomoteur ne sont en aucun cas affectés. Cette perte de capacité d’apprentissage olfactif est très spécifique. En effet les mouches dépourvues de corps pédonculés se comportent normalement lors des tests d’apprentissage visuel et tactile (Wolf, Wittig et al., 1998) 

Une structure particulière : les corps pédonculés 

Description

 Les corps pédonculés constituent une structure bilatérale formée de deux sous structures symétriques. Chacune d’entre elles est composée d’environ 2500 neurones appelés cellules de Kenyon (Crittenden, Skoulakis et al., 1998). Les corps cellulaires des cellules de Kenyon sont situés dans la partie dorsale et postérieure de chaque hémisphère et forment un groupe très dense de corps cellulaires, de taille relativement petite. Ils envoient leurs branches 51 dendritiques dans une région de forme glomérulaire appelée le calice. Ces branches sont des éléments post-synaptiques et reçoivent des signaux afférents de la voie olfactive des lobes antennaires. Les axones des cellules de Kenyon convergent alors sous le calice et forment un large faisceau de fibres parallèles très resserrées appelé le pédoncule, qui traverse le cerveau (figure 6).

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