L’accès à la dialyse publique

L’accès à la dialyse publique

Rappels sur la maladie rénale chronique (MRC) 

 L’insuffisance rénale chronique (IRC) est définie par la diminution progressive et irréversible du débit de filtration glomérulaire (DFG) qui est le meilleur indicateur du fonctionnement rénal [3,4]. Elle résulte en règle de l’évolution d’une MRC. Conformément à un consensus international, les maladies rénales chroniques sont définies par l’existence : – d’une anomalie rénale fonctionnelle ou structurelle évoluant depuis plus de 3 mois (il peut s’agir d’une anomalie morphologique à condition qu’elle soit « cliniquement significative », d’une anomalie histologique ou encore d’une anomalie dans la composition du sang ou de l’urine secondaire à une atteinte rénale) ; – et/ou d’un DFG inférieur à 60 ml/min/1,73 m2 depuis plus de 3 mois.

Epidémiologie

La MRC est un problème majeur et une priorité de santé publique dans le monde. L’incidence et la prévalence réelle de la MRC au stade précoce ou modéré sont difficiles à établir étant donné que la maladie est habituellement asymptomatique jusqu’à des stades avancés. Son incidence augmente régulièrement dans les pays développés [3]. Elle est mal connue dans les pays en voie de développement ou les données d’incidence et de prévalence sont peu disponibles. Dans les pays sousdéveloppés, Les services de néphrologie sont peu nombreux et leur accès très limité.  Dans les pays développés IRTT dépasse 350 nouveaux cas par million d’habitants (pmh) aux Etats-Unis et 200 pmh au Japon [1]. L’incidence de l’IRTT a augmenté de 57 % de 1991 à 2000 aux États-Unis [14]. En Europe, l’incidence est passée de 79,4 pmh en 1990 à 117,1 pmh en 1998, ce qui représente une progression de 4,8 % par an[1,4]. En France, un registre de l’IRTT a été développé depuis 2001[15]. En 2003, dans les sept régions participant au registre, le taux brut moyen d’incidence était de 122 5 pmh [14]. En juin 2018, la prévalence française de la dialyse a été estimée à 729 patients pmh [16] . Elle est à 298 pmh au Royaume-Uni, à 546 pmh en Allemagne, à 1 100 pmh aux États-Unis et à près de 1 400 pmh au Japon[17].  Dans les pays en voie de développement La MRC constitue un problème mondial majeur de santé publique et particulièrement en Afrique. Son ampleur réelle dans cette zone demeure inconnue. Dans une étude réalisée en république démocratique du Congo, la prévalence de la MRC en population d’adulte de 20 ans et plus, tous stades confondus, était de 12,4 % (11 à 15 %, IC à 95 %) selon la formule MDRD Study [9]. Les stades précoces (1 et 2) sont dix fois plus fréquents que le stade terminal [9]. La prévalence de l’IRC (ou MRC 3+) selon la formule de MDRD Study à Kinshasa était de 7,8 % [9]. Dans une étude régionale réalisée à Guéoul du Sénégal et à Saint Louis, La prévalence de la maladie rénale était respectivement de 37% et 4,9% .

Physiopathologie

L’IRC résulte de lésions rénales irréversibles. La plupart des IRC se caractérisent par une détérioration progressive et inexorable de la fonction rénale, longtemps après la disparition de la lésion initiale. L’IRC est caractérisée par des lésions de sclérose glomérulaire, de fibrose interstitielle et d’atrophie tubulaire, et qui explique l’atrophie rénale[1]. L’atrophie tubulaire résulte de multiples agressions métaboliques, immunologiques, ischémiques et toxiques. Avec la progression de l’IRC, il y’a une incapacité relative à excréter le sodium. On observe ainsi une rétention hydro sodée et une expansion du volume extracellulaire. La réduction de la synthèse de rénine et de la sensibilité tubulaire a l’aldostérone ainsi que l’hypoaldostéronisme peuvent expliquer l’hyperkaliémie. L’acidose métabolique survient lorsqu’il existe un défaut de réabsorption des ions bicarbonates avec défaut d’excrétion des ions hydrogènes. L’anémie peut être expliquée par l’accumulation de certaines toxines urémiques affectant la durée de vie des érythrocytes, la diminution de la 6 production d’érythropoïétine (EPO), la réduction du nombre de cellules rénales et les prélèvements répétés. Enfin la diminution de la masse cellulaire fonctionnelle rénale affecte l’hydroxylation de la 25-OH-D3 en 1,25-OH-D3 explique les troubles minéralo-osseux rencontrés au cours de la MRC.

Diagnostic, classification et pronostic de la maladie rénale chronique 

La démarche diagnostique de la MRC comprend 6 étapes : 1. Affirmer la maladie rénale chronique ; 2. Préciser son stade ; 3. Faire le diagnostic étiologique ; 4. Evaluer les facteurs de progression ; 5. Rechercher le retentissement, si le DFG est inférieur à 60 ml/min/1,73 m2 (stade 3, 4 ou 5) ; 6. Rechercher les facteurs de risque cardio-vasculaires. 

Diagnostic : affirmer la maladie rénale chronique

En partant de la définition, affirmer la présence d’une MRC consistera à rechercher des anomalies biologiques, morphologiques ou histologiques. Ainsi, il faudra dans tous les cas connaître le DFG; savoir s’il existe une protéinurie(ou une albuminurie) ; savoir s’il existe une anomalie du sédiment urinaire (hématurie ou leucocyturie) et savoir s’il existe une anomalie morphologique des reins ou des voies excrétrices. Le DFG peut être mesuré (mesure de la clairance de traceurs exogènes qui sont filtrés par le glomérule, mais qui ne sont ni réabsorbés, ni métabolisés, ni sécrétés dans le tubule rénal et ni toxique : inuline, EDTA-Cr51, iothalamate ou iohexol). Ces méthodes étant complexe et nécessitant une infrastructure spécialisée, le DFG est le plus souvent estimé à partir de quelques paramètres simples que sont la créatinine sérique, l’âge et éventuellement le poids et la taille. On utilise différentes formules pour estimer le DFG :  la formule de Cockcroft et Gault Les recommandations d’adaptation des posologies des médicaments sont basées sur cette formule (elle a l’avantage de pouvoir être calculée sans ordinateur, …). La créatinine est le paramètre d’exploration rénale le plus utilisé. Cette substance, dite marqueur endogène, est un produit de dégradation du métabolisme musculaire normal. Sa concentration sérique est donc très dépendante de la masse musculaire des individus. Dans leur étude, Cockcroft et Gault en 1976, ont eu l’idée de développer une formule qui prend en compte les facteurs non rénaux de variations de la créatininémie, c’est-à-dire le poids, l’âge et le sexe pour prédire la clairance de la créatinine (Clcr) : Clairance créatinine = (140 – âge) x Poids x K /créatininémie (μmol/l) K = 1,23 pour les hommes ; K = 1,04 pour les femmes ; âge exprimé en année ; poids exprimé en Kg. La formule de Cockcroft et Gault estime la clairance de la créatinine (en mL/min), très proche du débit de filtration glomérulaire (DFG). Elle consiste à estimer l’excrétion urinaire (concentration urinaire × débit urinaire) de créatinine en fonction de l’âge, du poids et du sexe. Cette équation a été recommandée par l’ANAES en 2002, ayant l’avantage d’être facile d’utilisation. Cependant, elle présente plusieurs limites : elle surestime le DFG chez les sujets obèses, très maigres ou œdémateux, et le sous-estime chez les sujets âgés (patients âgés > 75 ans). Elle tend à sous-estimer la valeur fonctionnelle des patients à fonction rénale normale. La correction effectuée pour les femmes est basée sur le fait qu’à poids égal la femme a en moyenne 15 % de muscle en moins que l’homme. La formule est donc potentiellement prise en défaut chaque fois que la masse musculaire des sujets ne correspond pas à celle qu’ils devraient avoir pour leur sexe en fonction de leur âge et de leur poids. Selon les recommandations HAS de 2012, pour diagnostiquer une IRC chez l’adulte, la fonction rénale doit être évaluée en pratique, à partir de la créatininémie, par l’estimation du débit de filtration glomérulaire et non pas par l’estimation de la clairance de la créatinine. Par contre, 8 l’adaptation des posologies des médicaments pouvait se faire en fonction de la clairance calculée par l’équation de Cockcroft et Gault (comme indiqué dans les résumés des caractéristiques des produits). Dans ce seul but, l’estimation de la clairance de la créatinine par la formule de Cockcroft et Gault était utilisée, dans l’attente d’une évolution permettant l’adaptation des posologies en fonction du DFG estimé par l’équation MDRD ou CKD-EPI. Les inconvénients de cette formule sont : – La nécessité de peser le patient ; – Une sous-estimation croissante du DFG chez les personnes âgées à partir de 75 ans ; – Une surestimation de la fonction rénale du sujet jeune ayant une diminution du DFG ; -Une surestimation du DFG chez les personnes obèses ; -Une sous-estimation du DFG chez les sujets maigres [3].  Equation MDRD (Modification of Diet in Renal Disease Study) [1] Elle est nettement plus précise, elle donne le DFG directement indexé à la surface corporelle. L’équation MDRD a été développée à partir des données de 1628 patients inclus dans l’étude « MDRD » ((Modification of Diet in Renal Disease) qui avait pour objectif principal d’évaluer l’impact de la restriction protéique et de la baisse de la pression artérielle sur l’évolution de l’IRC. Cette étude a permis d’établir en 1999, une nouvelle équation pour estimer le DFG à partir de la créatinine sérique. L’équation MDRD, initialement à six variables, est peu utilisée en pratique. En 2000, Levey, dans lebut d’en faciliter l’utilisation clinique, a simplifié cette équation en supprimant les variables ‘urémie’ et ‘albuminémie’. En 2006, cette dernière équation a été modifiée pour l’adapter aux dosages standardisés de créatinine. DFG = 175 x (créatininémie (μmol/l))-1,154 x âge- 0,203 x 1,212 pour les sujets d’origine africaine x 0,742 pour les femmes. 9 Cette formule a l’avantage de ne pas prendre en compte le poids des sujets (non sensible aux poids extrêmes) et d’être plus fiable que la formule de Cockcroft en cas d’insuffisance rénale sévère. Elle rend un DFG normalisé sur la surface corporelle en mL/min/1,73 m2. Cependant cette formule sous-estime souvent les DFG supérieurs à 60 mL/min/1,73 m². Elle a une performance prédictive supérieure, en particulier chez le sujet âgé et chez le sujet obèse. ;  la formule CKD-EPI ( chronic Kidney Disease-Epidemiology) [1] Elle est une évolution de MDRD plus juste pour les MRC à des stades précoces. En 2009, Levey a proposé une nouvelle équation qui augmenterait la précision de l’estimation pour les valeurs de DFG supérieures à 60 mL/mn/1,73m2. Cette équation peut être exprimée par la formule suivante : DFR = 141 x min (Scr/К, 1) αx max (Scr/К, 1)-1,209 x 0,993 age x 1,159 pour les sujets d’origine africaine x 1,018 pour les femmes Avec Scr : Créatininémie ; К : 0,7 pour les femmes et 0,9 pour les hommes ; α: – 0,329 pour les femmes et – 0,411 pour les hommes. La formule CKD-EPI ne doit pas être utilisée pour les jeunes de moins de 18 ans. Le caractère chronique de la maladie rénale est évoqué sur plusieurs critères. Une MRC est définie comme une maladie évoluant depuis plus de 3 mois. Elle peut être affirmée devant : – des critères anamnestiques permettent de l’affirmer : antécédent de maladie rénale, nature de la maladie rénale, antériorité de créatininémie élevée, présence ancienne d’une protéinurie ou d’anomalies du sédiment urinaire (hématurie, leucocyturie) ; – des critères morphologiques : diminution de la taille des reins (grand axe ≤ 10 cm) à l’échographie ; – des critères biologiques présents en cas d’IRC évoluée.

Table des matières

 INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
1. Rappels sur la maladie rénale chronique
1.1. Définitions
I.2. Epidémiologie
1.3. Physiopathologie
1.4. Diagnostic, classification et pronostic de la maladie rénale chronique
1.4.1. Diagnostic : affirmer la maladie rénale chronique 6
1.4.2. Classification de la MRC
1.4.3. Diagnostic étiologique de la maladie rénale chronique
1.4.4. Rechercher le retentissement
1.4.5. Evaluer les facteurs de progression
1.4.6. Rechercher les facteurs de risque cardio-vasculaires associés
1.5. Etiologies et facteurs de risque de la MRC
1.5.1. Etiologies de la MRC
1.5.1.1. Les néphropathies glomérulaires
1.5.1.2. Les néphropathies tubulo-interstitelles
1.5.1.3. Les néphropathies vasculaires
1.5.1.4. Les néphropathies héréditaires
1.5.2. Facteurs de risque de la MRC
1.5.2.1. Statut socio-économique bas
1.5.2.2 Diabète
1.5.2.3. Obésité
1.5.2.4. Hypertension artérielle
1.6. Traitement
1.6.2. Prévention secondaire : ralentir la progression de la MRC
1.6.2.1. Le contrôle de la pression artérielle (PA) et de la protéinurie
1.6.2.2. La prévention des épisodes d’insuffisance rénale aigue
1.6.2.3. Le contrôle du diabète
1.6.2.4. La prise en charge des complications et des autres facteurs de risque cardio-vasculaire
1.6.3. L’épuration extra-rénale
1.6.4. La transplantation rénale
2. Rappels sur le traitement de suppléance par hémodialys
2.1. Définitions
2.2. Principes, matériels et méthodes
2.2.1. Principes
2.2.2. Matériels, méthodes et techniques
2.2.2.1 Hémodialyseur.
2.2.2.2. Moniteur générateur d’hémodialyse
2.2.2.3. Le dialysat
2.2.2.4. Les techniques d’hémodialyse
2.2.3. Situation actuelle et organisation de l’accès à l’hémodialyse publique au Sénégal
2.2.3.1. Organisation de la dialyse au Sénégal
2.2.3.2. Ressources humaines
2.2.3.3. Infrastructures
2.2.3.4. Générateurs
DEUXIEME PARTIE
1. Cadre et méthode d’étude
1.1 Cadre d’étude
1.2 Méthode d’étude
1.2.1. Méthodologie
1.2.2. Population d’étude
1.2.3. Données recueillies
1.2.4. Définitions des paramètres opérationnels
1.3. Analyses statistiques
2. Résultats
2.1 Résultats descriptifs
2.1.1 Recrutement des patients
2.1.2 Caractéristiques sociodémographiques
2.1.2.1 Répartition des patients selon la zone de résidence
2.1.2.2. Répartition des patients selon la région d’origine
2.1.2.3. Répartition des patients selon l’âge et genre
2.1.2.4. Répartition des patients selon le statut matrimonia
2.1.2.5. Répartition des patients selon niveau d’étude
2.1.2.6. Répartition des patients selon la catégorie professionnelle
2.1.2.7. Répartition des patients selon l’indice de position socioéconomique
2.1.2.8 Répartition des patients selon le système de protection sociale
2.1.2.9 Type de système de protection sociale
2.1.3 Données sur la dialyse
2.1.3.1 Réponse à l’appel
2.1.3.2 Létalité
2.1.3.3 Situation des patients vivants
2.1.3.4 Structures de prise en charge
2.1.3.5 Modalités de dialyse
2.1.3.6 Récapitulatif de la situation au moment de l’appel
2.2 Résultats analytiques
2.2.1 Analyse bivariée
2.2.1.1 Facteurs associés à l’accès à la dialyse publique
2.2.1.2 Facteurs associés à la létalité
2.2.2 Analyse multivariée
2.2.2.1 Facteurs associés à l’accès à la dialyse
2.2.2.2 Facteurs associés à la létalité
3. Discussion
3.1 Données socio-démographiques
3.1.1 Zone de résidence et région d’origine
3.1.2 Âge
3.1.3 Sexe
3.1.4 Situation matrimoniale
3.1.5 Niveau d’étude
3.1.6 Catégories professionnelles et indice de position socio-économique
3.1.7 Système de protection sociale
3.2 Données sur la dialyse
3.2.1 Accès à la dialyse
3.2.2 Létalité
3.2.3 Structures de prise en charge
3.2.4 Modalités de dialyse
3.3 Limites de l’étude
CONCLUSION

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