Le Développement Industriel de l’ouest africain de 1930 à 1990

Le Développement Industriel de l’ouest africain de 1930 à 1990

INDUSTRIALISATION COLONIALE 

 Industrialisation et Fiscalité 

Dans l’introduction de cette conférence, beaucoup de questions ont été posées dont les plus pertinentes sont certainement celles-ci : « fiscalité et industrialisation ne sont- elles pas ennemies par essence ? La fiscalité ne menace-t-elle pas de dévorer l’industrie ? » A ces premières questions, l’auteur lui-même répond en disant : « je crois plutôt que la société moderne est caractérisée par un énorme développement des besoins. L’industrialisation, en mettant des biens de consommation de plus en plus nombreux à la portée du plus grand nombre, permet de satisfaire un nombre toujours plus grand de besoins individuels. Mais en même temps que le développement des besoins individuels, il y a eu accroissement des besoins sociaux, nés parfois de la création des besoins individuels. Pour prendre un exemple concret, il est évident que l’automobile et le besoin individuel de l’automobile ont fait naître la nécessité de la route bitumée, besoin social. Ces besoins sociaux pour être satisfaits nécessitent un accroissement des moyens des collectivités-seule la fiscalité, nourricière des budgets des Nations et des Territoires, peut permettre de satisfaire ces besoins sociaux. Il n’y a donc entre industrialisation et fiscalité ni opposition ni même un lien de causalité, mais bien un lien de nécessité. Industrialisation et fiscalité ne sont pas antinomiques mais au contraire, solidaires. Il n’est donc pas absurde de les étudier dans leurs rapports l’une avec l’autre. Cela peut présenter d’autant plus d’intérêt que le sujet ne porte pas sur industrie mais bien sur industrialisation c’est –à dire sur l’industrie prise dans son extension, dans son dynamisme. » Voilà ainsi campé le débat sur ce sujet, aujourd’hui très actuel, mais déjà objet de vive préoccupation du colon qui tenait à booster le développement industriel des colonies d’Afrique pour améliorer surtout leurs rendements fiscaux. Il va sans dire que ce débat posé en 1958, c’est-à-dire à la veille des indépendances, visait plutôt à faire prendre en charge aux colonies leur propre développement sitôt que la métropole se désengagerait. Ainsi donc, le conférencier indique deux voies susceptibles de favoriser l’industrialisation en matière fiscale : les encouragements indirects et les encouragements directs. 

 Les encouragements indirects à l’industrialisation

 Pour les encouragements indirects, le premier consiste à « ne pas frapper plusieurs fois les opérations de production ». C’est le cas notamment de la taxe locale sur le chiffre d’affaires. Cette taxe frappe les ventes de produits fabriqués localement. Mais en sont exemptés les transactions intérieures sur les produits destinés à être transformés par les industriels. Le deuxième consiste à favoriser l’épargne. Il peut s’agir de l’épargne individuelle ou de l’autofinancement des entreprises. L’auteur écarte d’emblée l’épargne sénégalaise qu’il dit pratiquement nulle et s’intéresse uniquement à l’autofinancement des entreprises. Dans ce cadre, « une disposition importante en matière d’impôt sur le revenu au Sénégal consiste dans l’exonération partielle ou totale des revenus réinvestis. Sous certaines conditions, les revenus réinvestis au Sénégal dans des opérations immobilières ou dans des opérations industrielles sont exonérées de l’impôt cédulaire à concurrence de 50% généralement, 100% dans certains cas. Cette disposition est extrêmement intéressante pour l’industrie et de nature à favoriser l’autofinancement de l’entreprise ». Il cite d’autres dispositions de ce texte qui sont assouplies. Il s’agit principalement de la comptabilité commerciale et des plus-values de cession. 

Les encouragements directs à l’industrialisation

Ces encouragements directs se manifestent essentiellement par des exemptions et par des taux modérés. Il est prévu dans les dispositions de cette loi d’accompagner les entreprises naissantes en allégeant au maximum les impôts les frappant pour leur permettre de se développer. La première mesure pour une société lors de sa constitution, est de ne payer que le droit d’apport. En ce qui concerne la contribution foncière des propriétés bâties, une exonération est accordée pendant cinq ans pour toute construction ou addition de construction à usage industriel ou commercial. En outre, les logements construits pour le personnel peuvent bénéficier de l’exemption décennale de contribution foncière prévue pour les constructions nouvelles à usage d’habitation. Les industriels, particuliers ou sociétés, bénéficient de l’exonération de la patente pendant cinq ans. Sont affranchis de l’impôt sur les Bénéfices Industriels et Commerciaux (B.I.C.), les bénéfices provenant de l’exploitation de toute usine nouvelle installée au Sénégal, jusqu’à la fin de l’exercice clos au cours de la cinquième année suivant celle de la mise en œuvre effective. Quant à l’impôt sur le revenu des valeurs mobilières, le tarif normal de 16% est réduit de moitié pour des dividendes distribués au titre des trois premiers exercices suivant la constitution de la société. Toutes ces dispositions sont intéressantes. Elles ont pour effet d’exonérer en fait d’impôt les entreprises industrielles installées au Sénégal pendant les premières années de leur existence ; ce qui constitue un encouragement à l’industrialisation. Ces encouragements multiformes touchent la vie de l’entreprise. Par exemple l’impôt sur les sociétés est assujetti au taux de 25%, tandis qu’il atteint 45, 60% en métropole. L’auteur fait noter qu’il n’existe pas au Sénégal, à la charge des entreprises, d’impôt ayant pour assiette la masse salariale, tel qu’en France où le versement forfaitaire de 5% peut atteindre, depuis le décret du 3 avril 1957, 16% ou la contribution de 1% pour la construction. Ainsi, exemptions nombreuses et fondamentales pendant la jeunesse de l’entreprise, taux particulièrement modérés pendant toute son existence, telles sont les formes que revêt au Sénégal l’encouragement directe à l’industrialisation. Ces mesures ont été prises pour permettre l’implantation d’entreprises nouvelles. De tels efforts fiscaux sont consentis au détriment des recouvrements budgétaires immédiats. Il est particulièrement tentant, lorsque le budget est menacé de déséquilibre, d’augmenter d’un ou de plusieurs points l’impôt sur les sociétés ou l’impôt sur le revenu des valeurs mobilières. 

 BILAN DE L’ACTIVITE INDUSTRIELLE DE LA PERIODE COLONIALE (1930 – 1959)

 En février 1961, à la demande du Gouvernement du Sénégal, une étude a été réalisée qui constitue le prolongement du Rapport Général remis par la CINAM au Gouvernement en 1960. La confrontation des recommandations émises dans ce rapport avec l’expérience de nombreuses personnalités tant de l’Administration, que de l’Industrie et du Commerce a permis de préciser sous quelles conditions pouvaient être menées à bien dans le cadre du Plan Quadriennal du Sénégal, un certain nombre de projets visant à l’extension d’industries existantes ou à la création d’industries nouvelles. Les directives générales pour l’élaboration du Plan du 1er Août 1960, précisaient le travail à entreprendre. L’industrialisation devait être judicieusement orientée et intégrée aux autres secteurs d’activité pour : • Contribuer à l’équilibre des échanges extérieurs, sans viser à une autarcie artificielle et onéreuse ; • Engendrer, par sa productivité et ses effets multiplicateurs, un processus d’expansion dynamique ; • Faire face au sous-emploi provoqué par la rapide croissance urbaine. Le premier Plan devait viser des réalisations concrètes dans le domaine des industries de transformation, par l’extension des industries existantes et par la mise au point de projets industriels nouveaux. Le Plan devait, en vue de la création d’industries lourdes, définir les études à entreprendre pour l’utilisation des ressources potentielles en matières premières. Les études devaient : • tenir compte de la volonté du Gouvernement de coordonner l’industrialisation du Sénégal avec celle des autres pays africains : • préciser les moyens de nature à susciter des initiatives privées et susceptibles d’encourager la modernisation et le développement de l’artisanat. 

  1. Place de l’Industrie dans l’économie sénégalaise

 L’industrie occupait, en 1959, 25 000 salariés, soit 2% de la population active. Elle est encore peu intégrée aux autres secteurs de l’économie car, à de rares exceptions près, elle est entièrement tributaire soit de l’importation de matières premières, soit des possibilités d’écoulement sur un marché extérieur et le volume des échanges interindustriels est faible. Le nombre de facteurs de production importés : personnel de gestion, techniciens, équipement, conduit à une trop faible participation des facteurs locaux à la valeur ajoutée par l’industrie. Par sa localisation également, l’industrie sénégalaise concentrée autour de Dakar se trouve peu intégrée, plus orientée vers les échanges avec l’extérieur que vers l’économie du pays. Pour quelques industries : habillement, industries alimentaires, industrie du travail des métaux, la production locale ne satisfait qu’une faible partie de la demande (20 à 50 %) et laisse la possibilité à une extension de la production dans l’avenir. Néanmoins, l’industrie participait déjà en 1959 pour 14% à la formation du produit intérieur et contribuait notamment à l’équilibre de la balance des comptes. 

 Les Perspectives de développement industriel 

L’étude de perspectives du développement industriel nous a contraint à une étude détaillée des divers secteurs comme particulièrement intéressants : industrie textile, industrie pétrolière, industrie chimique, industrie du travail des métaux, de l’arachide, conserveries, ont donc fait l’objet de note détaillée. Très souvent, en effet, dans le domaine industriel, la taille de l’unité minimum de production ne nous permet pas d’envisager un développement continu. IL existe des seuils qui, s’ils sont atteints, permettent une réalisation, s’ils ne les sont pas, ne laissent aucune possibilité industrielle. Pour les industries qui n’ont pas fait l’objet d’études approfondies et qui n’entrent pas d’ailleurs dans la catégorie des industries à seuils dont nous venons de parler62, nous avons extrapolé les chiffres de production de 1959 en fonction des perspectives de développement mises en évidence dans les autres secteurs industriels. 

Les Investissements

 Les investissements industriels pourraient atteindre 20 milliards CFA d’investissements nets + 10 milliards CFA de renouvellement, soit au total 30 milliards CFA d’investissements bruts dans le seul domaine industriel. Ces investissements étaient de 25 milliards CFA en 1959 et passeraient donc à 45 milliards en 1964. Les investissements réalisés dans la recherche minière et pétrolière qui sont à classer à part seraient de 6 milliards en quatre ans. Ce chiffre d’investissements industriels à été obtenu par l’analyse exhaustive des industries dont possible (sous certaines conditions qui seront indiquées) et sans limitation a priori du volume global d’investissement à réaliser au cours du Plan, car les investissements envisagés peuvent en presque totalité être réalisés sur des fonds privés extérieurs. Si une industrie apparaît comme particulièrement intéressante, ce n’est pas en réduisant les possibilités d’investissements dans un autre domaine industriel que l’on facilitera la réalisation de l’industrie prioritaire. Cependant, dans certains cas, la participation du Gouvernement peut avoir une nette influence sur la décision en apportant à l’investisseur les garanties qu’il recherche. Bien que la presque totalité des investissements nouveaux puisse être obtenue sans aucune intervention financière de la puissance publique, il serait souhaitable que de façon sélective une participation puisse être apportée par l’Etat. Celle-ci permettrait une plus adéquate orientation de possibilités de développement économique et aussi une meilleure connaissance des possibilités futures ; elle diminuerait l’influence des intérêts extérieurs au pays comme facteurs de décision. La politique industrielle du Gouvernement devra être guidée par l’intérêt plus ou moins grand de la réalisation pour le pays : production de biens d’équipement, intégration à l’économie et effets induits, main-d’œuvre seraient particulièrement à favoriser : recherche minière, recherche et production d’énergie, fabrication d’engrais et d’outillage agricole, industries du bâtiment et toute industrie utilisant des matières premières minérales, végétales ou animales susceptibles d’être produites localement. Des participations de l’ordre de 2 à 3 milliards en 4 ans (soit 10 à 15% du total des investissements nets) sont à prévoir sur les ressources propres du Sénégal, pour la création de sociétés d’économie mixte. Ces participations seraient assurées par la Banque Sénégalaise de Développement qui devrait canaliser les possibilités d’épargne. Dans le domaine de la recherche minière, les investissements publics seraient de 1 milliard en 4 ans. 

Les Emplois créés

 L’augmentation du nombre d’emplois industriels, qui sera voisine de 10. 000 au cours du premier Plan, ne portera pas uniquement sur la région de Dakar. Plus de la moitié de ces emplois pourraient être créés en dehors de la presqu’île et permettent ainsi un réel début de décentralisation (2.000 dans la région de Thiès par exemple). Le volume d’emplois ainsi créés ne pourra en aucune façon résorber le sous-emploi urbain actuel, même si le développement urbain, et particulièrement celui de Dakar, était arrêté. Malgré les investissements importants prévus, l’industrialisation ne pourra donner du travail à tous les sansemplois et il semble indispensable que soit étudiée la possibilité d’utiliser les inactifs urbains, après une formation rapide, comme éléments moteurs du développement rural. Rappelons toutefois que l’augmentation du nombre d’emplois industriels ne correspond pas au chiffre total des emplois que pourra susciter dans le pays. Le développement industriel prévu, grâce à ses effets induits, on peut penser que le nombre d’emplois réellement créés se situerait au total au voisinage de 20.000. Ce chiffre ne comprend pas l’augmentation possible de l’artisanat car nous ne pouvons, en ce domaine, prévoir la rapidité avec laquelle les actions proposées porteront leurs fruits vers la fin du 1er Plan.

Les conditions du développement 

Le développement économique, pour être viable, requiert un certain nombre de conditions, de préalables et d’accompagnement.

 L’économie rurale 

Un très gros effort est indispensable dans le domaine de l’économie rurale pour permettre la réalisation du développement prévu dans le domaine industriel, car le monde rural peut fournir à l’industrie les matières premières dont elle a besoin et surtout lui apporter les débouchés indispensables. Cette considération vise particulièrement le développement de l’utilisation des engrais et des unités de culture attelées qui conditionnent les possibilités de développement des industries chimiques et des industries du travail des métaux ; en effet, si la consommation des engrais ne peut atteindre en 1967 50.000 T de super triple ou 60.000 T de super phosphate simple en 1964, il sera très difficile de réaliser, au cours du 1er Plan, une unité de production d’engrais économiquement viable, laquelle conditionne la réalisation d’un atelier d’acide sulfurique, matière de base de toute industrie chimique. Il s’agit là d’une des industries dont l’implantation a été retenue en priorité dans la fixation des objectifs de base à long terme.

Table des matières

DEDICACE
REMERCIEMENTS
SIGLES ET ABREVIATIONS
INTRODUCTION
I.Problématique du sujet
II.Plan
CHAPITRE PREMIER : REVUE CRITIQUE DES SOURCES
I.MEMOIRES ET THESES
II.LES SOURCES D’ARCHIVES
1.Les Archives Nationales du Sénégal
2.Les Archives du Ministère des Mines et de l’Industrie
III.LES SOURCES ORALES
IV.LES AUTRES SOURCES
CHAPITRE SECOND : LES ATOUTS DU SENEGAL
I.La naissance du tissu industriel sénégalais
II. EVOLUTION DE L’INDUSTRIE
1. L’Industrie sénégalaise d’après-guerre
2.Evolution des investissements
2.1.Les investissements publics
2.2.Les investissements privés
3. Industrialisation et Fiscalité
4. Les encouragements directs à l’industrialisation
II. BILAN DE L’ACTIVITE INDUSTRIELLE DE LA PERIODE COLONIALE (1930 – 1959)
1.Place de l’Industrie dans l’économie sénégalaise
2.Les Perspectives de développement industriel
2.1. Les Investissements
2.2. Les Emplois créés
2.3.Les conditions du développement
2.3.1.L’économie rurale
2.3.2.La formation professionnelle
2.4.Favoriser les investissements
2.5.Elargissement du marché
3.Normalisation
4.Qualité
5.Diminution des prix de transport
6.Diminution du prix du KWH industriel
7.Recherche de produits énergétiques et miniers
8.Décentralisation
9.Fiscalité
10.Réformes administratives
CHAPITRE IV : PERIODE DE TRANSITION DE L’INDUSTRIE (1958 – 1963) VERS L’INDUSTRIE POST COLONIALE (1960-1980) PERIODE DE FLOTTEMENT DE L’INDUSTRIE SENEGALAISE
II. L’INDUSTRIE SENEGALAISE POST COLONIALE
1.Bilan de l’industrialisation depuis 1961
2.L’environnement industriel au Sénégal
3.La centralisation des entreprises industrielles dans le Cap-Vert
3.1.Les bases d’une décentralisation industrielle
3.2.Les actions de l’Etat en faveur de la décentralisation
3.4. Les filières d’intégration industrielle
4.La technologie .
4.1.La technologie importée
4.2.Les canaux de transfert
4.2.1. Le transfert par le canal des firmes multinationales .
4.2.2.Le transfert de technologie par l’intermédiaire de la propriété industrielle
4.2.3. La technologie appropriée
5.La Recherche – Développement
CHAPITRE V : LA POLITIQUEDE DECENTRALISATION INDUSTRIELLE
I.L’IMPLANTATION INDUSTRIELLE
II.DECENTRALISATION ET INDUSTRIALISATION REGIONALE
III. LA POLITIQUE D’INDUSTRIALISATION REGIONALE
1.Aspect spatial de la politique industrielle du 3éme plan
2.Le rôle de la SONEPI
3.Le rôle des autres instruments de promotion industrielle
IV. L’INDUSTRIE DANS LA REGION DE THIES
1. Thiès, Capitale Administrative Régionale et ville carrefour historique
2.Thiès capitale administrative régionale et ville carrefour .
3. L’industrie dans la région de Thiès
3.1.L’activité industrielle
3.3. Bilan économique de la zone phosphatière
3.4.L’axe Sébikotane –Thiès
4. LES PROBLEMES DE LA REGION DE THIES
4.I.Les coûts de transport
4.2. Les relations de travail
5. BILAN INDUSTRIEL DE LA REGION DE THIES
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
TABLE DES MATIERES

 

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