Le prince, protecteur des arts au XVIIe siècle, France-Italie

Le prince, protecteur des arts au XVIIe siècle, France-Italie

La tradition des artistes protégés par le prince

Dans cette partie, la problématique concerne l’usage que fait le prince non pas tant de l’art mais des artistes. Il peut être intéressant de s’intéresser ici aux rapports entre princes et artistes, dans une logique d’interdépendance : le premier a besoin des seconds pour mener à bien la mise en art de son règne, les seconds ont besoin du premier pour vivre et travailler. Nous allons avoir pour commencer le contexte général de ce rapport artiste/prince à l’âge baroque, dans une forme traditionnelle de protection relativement souple.

Le temps d’Henri IV

L’exemple d’un roi qui attire les artistes dans un contexte d’institutionnalisation de l’art encore limité.

Contexte intellectuel de la France du premier XVIIe siècle :
• Le renouveau spirituel lié à la reconquête catholique. Des personnalités de premier plan, présentes à la cour et influençant les élites : le cardinal de Bérule, Saint François de Sales, Saint Vincent de Paul. Auteurs et modèles de vie qui donnèrent le ton à la pensée religieuse française dans la première moitié du XVIIe siècle. Pas de mysticisme extatique comme l’on en trouve en Espagne ou en Italie, pas d’excès dans la mortification. Mais une doctrine religieuse qui tente d’entrer en harmonie avec l’existence sociale, pour produire un épanouissement de la pensée religieuse dans l’ensemble de la communauté catholique.
• Développement d’une morale purement laïque. Stoïcisme très en vogue, autour de Guillaume du Vair ou de Pierre Charron [auteur du Traité de la sagesse en 1601] devient un modèle de réflexion pour les sceptiques.
• Deux tendances dans la littérature : Première tendance : le style fleuri et plein de fantaisie qui touche le milieu aristocratique. Incarné par l’Hôtel de Rambouillet, ou Madame reçoit auteurs et nobles dans son CERCLE DES PRECIEUX : public qui aime les longs romans pastoraux (L’Astrée, d’Honoré d’Urfé), poésie maniériste, épigramme, madrigaux, vers et anagramme, toujours alambiqués. Deuxième tendance : Malherbe et la fondation de la poésie classique (réforme de la langue).

Les goûts du roi 

Roi peu familier de la lecture et des arts, s’il aime les romans de chevalerie (Amadis), il n’a que peu de penchant naturel pour les lettres, ce qui le distingue des derniers Valois qui avaient sur mettre en place une des cours des plus brillantes d’Europe en termes de lettres, d’arts et de rapports individuels. Conscience d’une nécessaire utilisation des arts, qui va se fonder sur des appels individuels plus qu’organisés, envers certains artistes. En matière de goût, domine le style romanesque, où la référence est le roman de chevalerie, le poème épique, traduit en littérature aussi bien qu’en peinture ou en sculpture.

Lettres et histoire 

• recours à François de MALHERBE [1555-1628 : auteur de cours attaché d’abord à un fils naturel d’Henri II, le duc d’Angoulême, il se mit au service au d’Henri IV et resta en faveur jusqu’à sa mort ; il ne parvint pas à retrouver son rayonnement sous Louis XII], chantre des prouesses du roi (exemple : Prière pour le roi Henri le Grand allant en Limousin, en 1605 ; intégralement saisi).
• constitution d’une BIBLIOTHEQUE ROYALE qu’il installe à Paris et fait ouvrir aux érudits Localisation : Collège de Clermont en 1595, suite à l’expulsion des Jésuites ; puis à leur retour, au couvent des cordeliers en 1604. Direction : d’abord Jacques-Auguste DE THOU (1553-1617), puis le protestant Isaac CASAUBON (1559-1614).
• Maintien des poètes de cours marqués par la préciosité : Nicolas Vauquelin des Yveteaux [1567-1649 : commence comme officier de justice, puis précepteurs de César de Vendôme, du jeune Louis XIII jusqu’en 1611 ; il quittera alors la cour ; œuvre poétique légère, à la cour puis parisienne] ; Antoine de Nervèze [vers 1570-1622 : auteur dont les premières œuvres sont édités vers 1598 ; protection initiale par le prince de Condé, cousin du roi, puis passe au service d’Henri IV en recevant la charge de « secrétaire de la chambre du roi ». Bien vu en cour, sort d’arbitre du bon langage]

Arts picturaux 

• Apparition de ce que l’on appelle la SECONDE ECOLE DE FONTAINEBLEAU. Parmi les peintres, on trouve Ambroise DUBOIS (1543-1614), Toussaint DUBREUIL (1561-1602 ; principal peintre d’Henri IV), Martin FREMINET (1567-1619 ; remplace Dubrueil comme principal peintre du roi à la mort de ce dernier en 1602 ; jusque là avait été en Italie, notamment à Rome) : les trois plus importants. Tous des peintres marqués par le style maniériste qui dominait le goût à l’échelle internationale, fait d’influences flamandes et italiennes. Tous des peintres qui furent recrutés au service du roi dès le début de son règne, travaillant à embellir les principales résidences royales : Fontainebleau, le Louvre, Saint-Germain-en-Laye. Parmi les réalisations d’importance : la galerie de Diane de Fontainebleau (détruite au XIXe siècle) que l’on doit à Ambroise Dubois : modèle de tableau encore conservé (Louvre): le baptême de Clorinde (reproduction). Toussaint Dubreuil a également travaillé à Fontainebleau, mais aussi à la petite galerie du Louvre (détruite en 1661), mais dont il reste comme œuvre une figuration d’Henri IV : Henri IV en Hercule terrassant l’hydre de Lerne (allégorie de la Ligue), vers 1600 (reproduction : éléments très classique : le visage ressemblant ; le cadre antique ; l’arrière plan, une place de ville avec obélisque renvoyant à une réalisation parisienne ; vêtu en Hercule, peau de bête et massue ; la majesté par la jambe en avant et l’épée au côté ; le triomphe allégorique sur l’hydre qui symbolise la ligue).
• Modèles artistiques : les auteurs de l’Antiquité tardive ou de la péninsule italienne qui ont écrit des grands poèmes épiques ou des romans d’amour : exemple Héliodore d’Emèse (auteur grec du IIIe siècle), Théagène et Chariclée, roman d’amour traduit par Jacques Amyot en 1547 ; également les œuvres du Tasse (Torquato Tasso, 1544-1595), poète italien, auteur de Jérusalem délivrée, soit un roman de la croisade. Parmi les thèmes préférés, Tancrède et Clorinde, qui devait décorer le cabinet de Marie de Médicis à Fontainebleau.

Sculpture

• Domination de Pierre de Franqueville (1553-1615) ; a étudié à Florence auprès de Jean de Bologne (Giambologna, 1529-1608), puis revient en France à la demande d’Henri IV : décoration du jardin de Saint-Germain-en-Laye, participation à la statue équestre du Pont-Neuf de Paris.
• A côté de lui, toujours dans la même veine, Pierre Biard (1559-1609) et Mathieu Jacquet (mort en 1610) : œuvre de Jacquet la plus célèbre, la Belle Cheminée de Fontainebleau, représentant Henri IV à cheval (reproduction).

Médailles 

• Période de travail de Guillaume Dupré (1576-1643), élève de Germain Pilon (1540-1590). Protection d’Henri IV et de Louis XIII notamment en raison des frappes mettant en scène le roi en Hercule, ainsi que sa famille. Vif intérêt d’Henri IV qui rassemble les collections royales, anciennes et nouvelles, à Fontainebleau – Cabinet des armes sous la direction de Pierre-Antoine de Rascas de Bagarris (1562-1620, originaire de Provence). Projet d’une histoire du règne sous forme de médaille, présenté par Rascas de Bagarris en 1608.

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