Le tutorat, une méthode complexe, nécessitant de nombreuses conditions de réussite

Télécharger le fichier original (Mémoire de fin d’études)

Les stades de développement d’un enfant et le tutorat

Trois théories de référence permettent, à ce jour, de décrire le développement psychologique de l’enfant. Sigmund Freud, Henri Wallon et Jean Piaget en sont les auteurs. Ces théories apportent un éclairage sur le niveau de développement des enfants, notamment de maternelle, qui conditionne la réussite de la pratique tutorale en classe.
Tout d’abord, Freud (1856-1936), le fondateur de la psychanalyse, a établi cinq stades du développement affectif de l’enfant. Pour lui, l’enfance est une période de construction psychique intense, qui détermine le devenir adulte de chacun. Au sortir du stade anal (entre 1 et 3 ans) durant lequel s’effectuent la découverte notamment du plaisir de satisfaire leurs parents et une première période d’opposition, les enfants de maternelle s’inscrivent dans le stade appelé phallique par Freud. Ils découvrent alors leur corps. Ils prennent conscience des différences anatomiques des sexes. Les premières affirmations de Soi apparaissent à ce stade, ainsi que la mise en place de l’identité sexuée.
Ensuite, Piaget (1896-1980), suivant une orientation cognitivo-constructiviste et non plus psychanalytique, décrit quatre stades du développement de l’intelligence chez l’enfant. Selon lui, de 2 à 7 ans, c’est-à-dire durant toute la durée de l’école maternelle, les enfants s’inscrivent dans le stade pré-opératoire. A cette période, la pensée de l’enfant est d’abord égocentrique. Puis progressivement, l’enfant va se décentrer pour aller à la découverte du monde qui l’entoure. Il va acquérir la maîtrise de la représentation symbolique, mais est encore victime de son champ perceptif et ne réussit pas à s’en détacher. Sa pensée est dite intuitive.
29 Laval, V. (2003). La psychologie du développement. Modèles et méthodes. Armand Colon, Campus. Tran-Thong. (1992). Stades et concept de stade de développement de l’enfant dans la psychologie contemporaine. Paris : Librairie philosophique J.Vrin.
Tran-Thond décrit dans son ouvrage plusieurs sous-stades de ce stade pré-opératoire : (p 44 à 77)
* Le sous-stade de l’apparition de la fonction symbolique (de 2 à 4 ans).
Au cours de ce stade, les premières images mentales apparaissent. L’imitation représentative va permettre, notamment par le jeu symbolique qui est la manifestation de l’égocentrisme pur, la mise en place du langage.
* Le sous-stade des organisations représentatives fondées sur des configurations statiques ou sur une assimilation à l’action propre (4 à 5 ans et demi).
L’enfant devient capable de s’expliquer. Il révèle à cet âge une caractéristique d’ensemble, appelé égocentrisme par Piaget. Son langage est alors égocentrique et non socialisé. Il note que « l’égocentrisme est essentiellement d’ordre intellectuel » et que de celui-ci découlent l’égocentrisme verbal, social et logique. Piaget pense que « pour socialiser l’esprit, la coopération est nécessaire » et que «la coopération refoule l’égocentrisme ». (p 52)
* Le sous-stade des représentations articulées par régulations (5 ans et demi à 7-8 ans). Il s’agit du sous-stade de la décentration.
Enfin, Wallon (1879-1962) considère que la personnalité de l’enfant se développe au travers de deux fonctions principales : l’intelligence et l’affectivité. Il décrit alors six stades du développement de l’enfant. Selon ce célèbre psychologue et médecin français, de la petite section au cours préparatoire, l’enfant est au stade du personnalisme. Il s’affirme alors en tant que personne distincte d’autrui. Ce stade comprend trois périodes d’aspects inverses, mais ayant toutes pour objectif l’indépendance et l’enrichissement du Moi. Une première crise d’opposition, dite du « non » apparaît généralement à l’âge de trois ans. A 4 ans, le comportement devient plus accommodant. C’est la période, nommée de « grâce » par Homburger, durant laquelle il cherche à plaire et séduire son entourage. Enfin, vers cinq ans, s’instaure une période d’imitation de l’adulte. L’ensemble de ce stade est à dominante centripète, à savoir tourné vers l’élaboration intime de l’individu.
A partir de ces trois grandes théories du développement, nous savons que les enfants de moyenne section appartiennent à trois stades de développement : le stade phallique de Freud, le stade pré-opératoire de Piaget et le stade du personnalisme de Wallon. Ces stades correspondent à une période de leur enfance au cours de laquelle les enfants découvrent leur corps et s’affirment en tant que personne distincte d’autrui. A quatre ans, les élèves d’abord très égocentriques deviennent plus ouverts et cherche à séduire leur entourage. Dans le cadre de cette recherche sur le tutorat, on peut se demander si l’égocentrisme n’est pas un facteur limitant de la mise en place de la pratique tutorale en classe.

Problématisation

Au terme de ce travail de recherche théorique, le tutorat se révèle être une pratique pédagogique complexe nécessitant de nombreuses conditions de mise en place pour être efficiente. Ancienne, mais en pleine expansion depuis seulement une trentaine d’années, elle semble, d’après les recherches évoquées ci-dessus, avoir de nombreux intérêts pédagogiques. En effet, on souligne deux enjeux majeurs du tutorat : l’acquisition de compétences et la socialisation. Ces effets sont variés et touchent à la fois les tuteurs, les tutorés et les enseignants.
Encouragée dans les programmes officiels, notamment explicitement dans ceux de 2002, la mise en place de la pratique tutorale en maternelle n’est pas sans poser de questions au regard des recherches précédemment évoquées. Certes, le tutorat peut engendrer des effets positifs sur la socialisation et l’autonomie des élèves, qui sont deux des grands objectifs de l’école maternelle. Mais est-il possible de le mettre en place en maternelle et qu’en est-il de l’acquisition de compétences ?
Les théories du développement de l’enfant démontrent que les élèves de maternelle, de trois à six ans, sont en pleine construction de Soi. Ils cherchent à s’affirmer, durant cette période de leur enfance, comme des personnes distinctes d’autrui et sont généralement enclin à l’égocentrisme. Or, le tutorat est basé sur un travail coopératif visant l’accomplissement d’une tâche commune entre pairs. On peut donc se demander si des interactions de tutelle peuvent avoir lieu avec des élèves dont le développement n’a pas encore atteint le stade catégoriel. De surcroît, les études prouvent que le tutorat est d’autant plus efficace lorsque l’asymétrie entre le tuteur et le tutoré est conséquente. Or, malgré l’hétérogénéité incontestable notamment liée au milieu familial des élèves, cette asymétrie n’est que très peu marquée en maternelle. De plus, il a été prouvé que les enfants se focalisaient davantage que les adultes sur le but immédiat et laisseraient une liberté moindre au tutoré dans la réalisation de la tâche. Ils auraient du mal à ajuster leur aide aux besoins de leur pair, notamment à cause d’une surcharge cognitive. On peut donc présager que ce trait est d’autant plus marqué en maternelle qu’en élémentaire. De même, l’un des principaux facteurs de réussite du tutorat réside en la capacité du tuteur à effectuer un processus de métacognition, c’est-à-dire un effort de distanciation par rapport à l’action pour comprendre puis expliquer les compétences et fonctionnements cognitifs mis en jeu pour résoudre une tâche précise. Peut-on envisager que des élèves de quatre ans soient en capacité de réaliser efficacement cette métacognition ? Enfin, même si des procédés non verbaux peuvent permettre des échanges entre les tuteurs et les tutorés, le manque de langage n’est-il pas un frein à la réussite du tutorat en maternelle ? N’est-il pas trop ambitieux de vouloir utiliser ce langage comme support au tutorat alors que le développement des compétences langagières est encore un objectif essentiel de l’école maternelle

Table des matières

Introduction
Partie A : partie théorique
I. Le travail coopératif.
1) Les différentes formes de travail coopératif.
2) Les fondements théoriques du travail coopératif
3) Tutorat et monitorat, quelles différences ?.
4) La diversité du tutorat à l’école
II. L’évolution de la pratique tutorale et sa place dans les programmes
1) Les origines du tutorat et son développement
2) Les instructions officielles et le tutorat
III. L’intérêt de la pratique tutorale en classe et ses effets.
1) Enjeu et fonctions tutorales
3) Intérêt du tutorat
2) L’effet-tutoré.
3) L’effet-tuteur.
4) Les effets seconds
IV. Le tutorat, une méthode complexe, nécessitant de nombreuses conditions de réussite
V. Les limites de la pratique tutorale
VI. L’école maternelle et le tutorat : spécificités et évolution dans les programmes
1) Les spécificités de l’école maternelle
2) Les interactions et le tutorat : quelle place dans les programmes de l’école maternelle dans les quarante dernières années ?
VII. Quelles sont les compétences en jeu dans la pratique tutorale ?.
VIII. Les stades de développement d’un enfant et le tutorat.
Problématisation
Hypothèses de départ
Partie B : expérimentations
I. Expérimentation 1
1) Le protocole expérimental
2) Quelques éléments de didactique des mathématiques en maternelle
3) Le mode de recueil de données
4) Les résultats
a. Les résultats au pré-test
b. Les observations de la pratique tutorale.
c. Les résultats au questionnaire
d. Les résultats au post-test.
e. Les résultats du test différé
5) Analyse des résultats et conclusion à l’issue de la première expérimentation.
II. Expérimentation 2
1) Le test
2) Les résultats
a. Les résultats au pré-test
b. Les observations de la pratique tutorale.
c. Les résultats au questionnaire
d. Les résultats au post-test.
3) Analyse des résultats et conclusion à l’issue de la deuxième expérimentation
Conclusion
Bibliographie
Annexes

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *