L’EGO, FONDEMENT PAR DEFAUT

L’EGO, FONDEMENT PAR DEFAUT

LE COUP DE FORCE CARTÉSIEN

Bien qu’il ait parfaitement conscience des limites de notre rationalité finie, ou, devrions-nous plutôt dire, parce qu’il en a parfaitement conscience, Descartes intronise la raison dans l’ordre de la connaissance par ce qui s’apparente à un coup de force. Ce coup de force consiste à faire de l’expérience de l’évidence et de la certitude qui en découle les critères de la vérité, clairement formulés par le premier précepte de la méthode : « Le premier [précepte] était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle […] ». Ce coup de force constitue, d’un point de vue logique, un passage à la limite, une sorte d’extrapolation opérée à partir de l’expérience de l’évidence, en vertu de laquelle Descartes pose, sous forme de règle générale, que ce qui est certain, parce que parfaitement clair et distinct pour notre entendement, peut être tenu pour vrai et réciproquement753. Il s’agit d’un coup de force parce que l’équivalence entre certitude et vérité, posée par Descartes ne va pas de soi. Du moins, ne va-t-elle pas sans se heurter à une difficulté d’ordre logique. En quel sens ? Si l’on admet une totale équivalence entre les notions de certitude et de vérité devient, chez Descartes, le concept épistémologique fondamental à partir duquel se définit la vérité. Il suggère l’intérêt qu’il y a à réfléchir aux relations entre les concepts de certitude et de vérité, au regard de l’exigence méthodique en vertu de laquelle Descartes, pour rechercher la vérité, s’astreint à rejeter comme faux tout ce en quoi il pourrait imaginer le moindre doute : « Cette conversion de l’incertain en faux peut, aussi bien, donner à réfléchir sur l’usage cartésien de ces adjectifs et de leurs opposés (“vrai’’ et “certain’’) », D. KAMBOUCHNER, Les Méditations métaphysiques de Descartes, Introduction générale, Première Méditation, Paris, Presse Universitaires de France [« Quadrige-Grands textes »],

devient, chez Descartes, le concept épistémologique fondamental à partir duquel se définit la vérité. Il suggère l’intérêt qu’il y a à réfléchir aux relations entre les concepts de certitude et de vérité, au regard de l’exigence méthodique en vertu de laquelle Descartes, pour rechercher la vérité, s’astreint à rejeter comme faux tout ce en quoi il pourrait imaginer le moindre doute : « Cette conversion de l’incertain en faux peut, aussi bien, donner à réfléchir sur l’usage cartésien de ces adjectifs et de leurs opposés (“vrai’’ et “certain’’) », D. KAMBOUCHNER, Les Méditations métaphysiques de Descartes, Introduction générale, Première Méditation, Paris, Presse Universitaires de France [« Quadrige-Grands textes »], 2005, p. 223. claires et distinctes soient toutes vraies, ne nous dispense pas de la difficulté de savoir quelles sont les choses que nous concevons distinctement, car nous pouvons prendre pour certain et distinct ce qui, en réalité, ne l’est pas et ce qui, par conséquent, est donc faux. Ces objections écartées, nous pouvons soutenir avec Descartes toute impossibilité pour ce qui n’est pas vrai de produire la moindre certitude. C’est ce que s’emploie à établir la phrase qui précède immédiatement l’énoncé de la règle générale de l’évidence dans la Méditation troisième. Cette phrase, qui se réfère au cogito, peut paraître, de prime abord, absconde et difficile à interpréter. Citons-là, à nouveau, par souci de précision. Descartes écrit .

UNE DOUBLE ASSIMILATION DE L’INCERTAIN AU FAUX ET DU CERTAIN AU VRAI.

Nous suggérons que ce coup de force, ce passage à la limite trouve ses prémisses dans la mise en œuvre du doute méthodique, dès les premiers pas que Descartes nous invite à faire dans le champ de sa philosophie première. Car il est remarquable que l’assimilation de l’incertain au faux, à laquelle vient de conduire l’analyse logique de la règle générale de l’évidence, soit présente chez Descartes sous la forme du procédé méthodologique sur lequel repose l’exercice du doute. En effet, le doute cartésien se donne pour règle d’évacuer de l’entreprise de la recherche de la vérité le domaine de l’incertain, du simplement probable, en identifiant, de façon volontaire, l’incertain au faux, alors que l’incertain peut parfaitement être vrai. Il s’agit alors de faire comme si tout ce qui est en mesure de susciter le moindre soupçon d’incertitude était nécessairement faux. Nous assistons à la mise en œuvre d’une équivalence méthodique du faux et de l’incertain, artificiellement posée et initialement décidée aux fins de mettre en œuvre l’exercice du doute. Nous trouvons ainsi, dès les premières lignes de la Méditation première, notamment, ce qu’impliquera, d’un point de vue logique, la règle générale de l’évidence dans la Méditation troisième :

Seulement, l’équivalence du faux et du non certain se présente dans la Méditation première, comme dans le Discours et les Principes, sous la forme d’une résolution et d’une fiction logique sur lesquelles repose l’exercice du doute méthodique, ce qui n’est plus le cas, du moins de manière avouée et explicite, avec l’énoncé de la règle générale de l’évidence dans la Méditation troisième. Autant l’équivalence de l’incertain et du faux ne cache jamais son caractère méthodique, résolu et fictif au début de la démarche critique cartésienne, autant ce caractère décisoire n’apparaît plus de façon patente dans la présentation de l’équivalence entre certitude et vérité posée par la règle générale de l’évidence, une fois le doute révolu. Le caractère décisoire de l’équivalence de l’incertain et du faux, comme du certain et du vrai, a-t-il pour autant disparu ? Que s’est-il produit entre temps ? Il s’est, certes, produit l’expérience du cogito comme premier cas d’assurance d’une vérité, mais cela n’implique pas que tout ce qui n’a pas le même degré d’évidence soit nécessairement faux.

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