Les étapes de l’angiogenèse par bourgeonnement 

Les étapes de l’angiogenèse par bourgeonnement 

Au cours de la première étape, le vaisseau se dilate et devient perméable en réponse à un signal déclencheur tel que le VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor). L’inhibition des interactions inter-cellulaires, associée à la dégradation locale de la matrice extra-cellulaire et de la membrane basale, va ensuite permettre la déstabilisation du vaisseau. Dans un second temps, les cellules endothéliales migrent vers l’espace péri-vasculaire où elles prolifèrent et s’associent pour former un néo-vaisseau. Au cours de cette étape, les intégrines αVβ₃ et αVβ₅, récepteurs de la matrice cellulaire, participent à la diffusion et la migration des cellules. Ensuite intervient une étape de maturation des vaisseaux, assurée par le recrutement de cellules péri-vasculaires (péricytes ou cellules musculaires lisses) et la synthèse de protéines matricielles. Enfin, les néovaisseaux sont stabilisés et reviennent à un stade quiescent [59, 60]. 26 Chez l’adulte, l’angiogenèse n’intervient que dans de rares situations physiologiques normales (cycle menstruel, développement embryonnaire, cicatrisation) [61]. Il s’agit d’un mécanisme indispensable et hautement régulé dans les conditions physiologiques [62]. Lorsqu’un dysfonctionnement des mécanismes de contrôle de l’angiogenèse survient, il peut être impliqué dans le développement et la progression de maladies variées comme les maladies inflammatoires ou les cancers [61, 63]. L’angiogenèse joue un rôle prépondérant dans la vascularisation des tumeurs.  La lymphangiogenèse Le réseau vasculaire lymphatique est constitué des vaisseaux parallèles au réseau sanguin. Les capillaires lymphatiques, composés d’une monocouche de cellules endothéliales, sont des vaisseaux à paroi fine. Ils ne présentent ni péricytes ni cellules musculaires lisses, et n’ont pas ou peu de membrane basale. A l’inverse, les vaisseaux lymphatiques collecteurs comportent une couche de cellules musculaires, une membrane basale et des valves (figure 12). Figure 12: Structure des vaisseaux lymphatiques [51]. La pression sanguine induit une diffusion de plasma continue dans l’espace interstitiel à partir des capillaires (figure 13).   La fonction principale du réseau lymphatique est de drainer ces fluides, très riches en macromolécules et en cellules extravasées, telles des leucocytes ou des cellules présentatrices d’antigènes, et de les réintégrer dans la circulation sanguine, permettant ainsi le maintien de l’homéostasie plasmatique et la régulation de la pression tissulaire. Au cours de ce trajet, les fluides sont filtrés au niveau des ganglions lymphatiques, les cellules présentatrices d’antigènes peuvent alors activer une réponse immunitaire spécifique. Ce système joue donc un rôle essentiel dans la défense immunitaire de l’organisme. Il est également impliqué dans la pathogenèse de nombreuses maladies et notamment du cancer. De plus, les cellules tumorales qui se détachent de la tumeur et constituent des métastases potentielles, transitent également par ce réseau. De manière intéressante, il a été établi que la présence de métastases dans le ganglion sentinelle d’une tumeur est un facteur de mauvais pronostic des carcinomes chez l’homme [64]. De plus, des travaux semblent indiquer que l’évaluation du nombre et peut être de la taille des vaisseaux lymphatiques dans la tumeur et autour d’elle, est importante pour déterminer sa capacité à métastaser [64]. Figure 13 : Echanges entre les réseaux sanguin et lymphatique [65]. 28 Enfin, lorsqu’ils ne sont pas fonctionnels au sein des tumeurs, ils pourraient contribuer à une hypertension interstitielle et interférer avec la diffusion des agents thérapeutiques .

L’angiogenèse tumorale et structure des vaisseaux tumoraux

Lorsque son volume est inférieur à 1-2 mm³ (10⁵ à 10⁶) , la tumeur est indépendante de l’angiogenèse, et l’apport des cellules tumorales en oxygène et en nutriments est assuré par diffusion simple [67]. C’est la phase dormante ou avasculaire. La limite de diffusion simple de l’oxygène au sein d’un tissu est estimée à 100-150 μm entre le capillaire et les cellules, ce qui correspond à environ 3 à 5 couches de cellules autour du vaisseau. L’initiation de l’angiogenèse tumorale est sous le contrôle de la balance entre les facteurs inducteurs et inhibiteurs de l’angiogenèse (tableau I) [68]. Tableau I : Exemples de facteurs pro- et anti-angiogénique [68]. Dans les conditions physiologiques ainsi que dans les tumeurs dormantes, les facteurs inhibiteurs dominent les activateurs. En réponse aux stimuli angiogéniques, la dérégulation de cette balance, appelée « switch angiogénique », conduit à la situation inverse dans laquelle les facteurs 29 activateurs prédominent et les inhibiteurs sont réprimés. Les principaux facteurs à l’origine de ce processus sont: Les stress métaboliques : hypoxie, hypoglycémie, diminution du pH, Le stress mécanique : pression exercée par la prolifération des cellules tumorales ; La réponse inflammatoire ; Et la dérégulation des gènes contrôlant les facteurs régulateurs de l’angiogenèse [59]. Les facteurs pro-angiogéniques sont secrétés par les cellules tumorales, mais ils proviennent également des différents composants du stroma tumoral (fibroblastes, cellules musculaires lisses), des cellules inflammatoires ou de la matrice extracellulaire [59]. L’hypoxie intra-tumorale induite par la forte prolifération des cellules tumorales semble être le principal initiateur de l’angiogenèse, en induisant une surexpression de gènes angiogéniques [69, 70]. Elle constitue également un stimulus attracteur pour les macrophages, qui vont alors produire des protéases facilitant la migration des cellules endothéliales. En secrétant des facteurs pro-angiogéniques, la tumeur peut induire sa propre vascularisation, permettant son développement et sa dissémination [71-73]. En effet, une corrélation entre la densité des micro-vaisseaux tumoraux, les métastases ganglionnaires et la survie des patients a été établie pour différents types tumoraux, telles que les tumeurs du sein [74, 75], du poumon [76], de la prostate [77] et du colon [78]. Le nombre de vaisseaux sur une coupe tumorale a ainsi été proposé comme pouvant être un facteur pronostique pour les patients atteints d’un cancer. Néanmoins, l’angiogenèse tumorale est moins finement contrôlée que le processus physiologique, aboutissant à un réseau disproportionné, mimétique et peu fonctionnel [59, 79, 80]. 30 Dans la majorité des cas, les vaisseaux tumoraux proviennent du réseau vasculaire préexistant et sont induits par bourgeonnement ou intussusception [59]. L’incorporation de précurseurs endothéliaux dérivés de la moelle osseuse (mécanisme de vasculogenèse post-natale) a également été décrite [54]. D’autre part, un processus de mimétisme vasculaire est évoqué: les cellules tumorales peuvent acquérir la capacité à exprimer un phénotype de cellules endothéliales et à former un réseau de pseudo-vaisseaux dépourvus de cellules endothéliales où les cellules tumorales sont directement en contact avec le sang [81]. Ce mécanisme de mimétisme vasculaire a été mis en évidence dans divers carcinomes comme ceux du sein, de la prostate, des ovaires, du chorion ou des poumons, dans les mélanomes agressifs, ainsi que dans les phéchromocytomes et plusieurs sarcomes (figure 14) [82]. Figure 14: Les différents mécanismes de vascularisation tumorale [79]. [A] Angiogenèse par bourgeonnement. [B] Angiogenèse par intussusception. [C] Recrutement de progéniteurs endothéliaux circulants. [D] Cooption. [E] Vaisseaux mosaïques. [F] Mimétisme vasculaire. 31 Contrairement aux vaisseaux normaux, les réseaux vasculaires associés aux tumeurs sont structurellement et fonctionnellement anormaux [59]. Ils présentent des différences : Architecturales : les vaisseaux sont fragilisés, tortueux, dilatés, chaotiques et souvent hémorragiques. Ils présentent un diamètre irrégulier, dû à la compression de la paroi vasculaire par les cellules tumorales en prolifération. Le réseau vasculaire a une structure généralement anarchique avec des branchements et des dérivations excessifs. Ce phénomène ne se limite pas aux tumeurs solides. En effet, les microvaisseaux d’une moelle osseuse leucémique présentent un réseau complexe de branchements, alors qu’ils sont simples et droit dans une moelle osseuse normale [83]. Histologiques : la paroi des vaisseaux est anormale, comportant un grand nombre d’ouvertures et de fenestrations, et des jonctions inter-endothéliales élargies. La membrane basale est souvent incomplète voire absente. Les vaisseaux tumoraux possèdent peu ou pas de mécanismes protecteurs. En effet, les péricytes ne forment pas un manchon complet autour des cellules endothéliales, ce qui fragilise les vaisseaux et ne les protège pas contre les variations de l’équilibre en oxygène ou en hormones, équilibre qui leur permettrait un contrôle vaso-actif des besoins métaboliques ou induirait une quiescence du vaisseau [84]. Enfin, la paroi vasculaire n’est pas toujours constituée d’une monocouche de cellules endothéliales. Les vaisseaux peuvent être bordés d’une couche homogène de cellules tumorales ou d’une mosaïque de cellules endothéliales et de cellules tumorales. Ainsi 15% des vaisseaux d’une xénogreffe de carcinome colique ou d’un carcinome spontané chez l’homme sont composés d’une mosaïque de cellules tumorales et endothéliales (figure 15) [85]. 32 Hémodynamiques : le flux sanguin est discontinu : il peut s’arrêter voire s’inverser. Les réseaux capillaires associés aux tumeurs sont dépourvus de sphincters pré-capillaires [86]. Malgré la formation de néo-vaisseaux, une hypoxie, une acidification et une nécrose intra-tumorale peuvent être observées. Figure 15 : Les vaisseaux tumoraux sont anormaux. (A) Capillaires normaux de souris. (B) Capillaires tumoraux au sein d’une xénogreffe de cellules humaines. Images obtenues par microscopie bi-photonique [86]. III. Une pression interstitielle tumorale élevée : un obstacle pour la thérapie des tumeurs La structure anormale des vaisseaux tumoraux associée à l’organisation complexe de la tumeur peut affecter les paramètres physiologiques qui régissent la distribution des molécules thérapeutiques au sein des tissus. En effet, lorsqu’une molécule est injectée par voie intraveineuse, elle doit franchir différentes barrières avant d’atteindre l’espace intracellulaire des cellules cibles : Distribution dans l’espace vasculaire, Franchissement de la paroi vasculaire, Transport au sein de l’interstitium, Transport à travers la membrane cellulaire.  Chaque transport est influencé par les phénomènes de diffusion et de convection. La diffusion correspond à un transfert passif de solutés et de molécules de faible poids moléculaire selon un gradient de concentration du milieu le plus concentré vers le moins concentré. La convection est, quant à elle, un transfert actif de soluté et de solvant (eau) selon un gradient de pression hydrostatique (figure 16). Figure 16 : Illustration des deux modes de transport transvasculaire de molécules [87]. Le transport de solutés et de molécules dans l’interstitium est ainsi gouverné par des paramètres physiologiques du tissu (pression, flux sanguin) et des paramètres physico-chimiques des éléments à transporter (taille, charge, structure, composition). L’espace interstitiel correspond à environ 60% du volume du corps. Il permet les échanges en oxygène, en nutriments et l’élimination des déchets entre le système vasculaire et les cellules, par mise en jeu du flux transcapillaire. Ce flux, qui joue un rôle crucial pour l’homéostasie des tissus, est déterminé par la pression hydrostatique et la pression osmotique des capillaires et de l’interstitium, ainsi que par la conductivité hydraulique et le coefficient de 34 réflexion des protéines dans le plasma. Les pressions transcapillaires résultantes sont légèrement négatives dans les tissus sains, conduisant à un flux transcapillaire sortant (figure 17). Figure 17 : Schéma des forces régulant le transport transcapillaire dans les tissus [88]. A l’inverse dans les tumeurs, les pressions interstitielles osmotique et hydrostatique sont souvent augmentées, comme cela a été montré dans les carcinomes mammaires [89], les mélanomes métastatiques [90, 91], les carcinomes de la tête et du cou [92] et les carcinomes colorectaux [89]. Ainsi, la majorité des tumeurs présentent une augmentation de la pression interstitielle (ou IFP pour Interstitial Fluid Pressure), qui constitue une barrière au transport transcapillaire, donc un obstacle pour le traitement des tumeurs dû à une absorption inefficace des molécules thérapeutiques. L’IFP varie au sein de la tumeur : il est uniforme et élevé au centre de la tumeur et diminue très rapidement en périphérie. Les mécanismes qui favorisent l’augmentation de l’IFP dans les tumeurs ne sont pas totalement compris, ils font intervenir la perméabilité accrue des vaisseaux tumoraux, l’anormalité des vaisseaux lymphatiques, la fibrose interstitielle et la contraction de l’espace interstitiel médiée par les fibroblastes du stroma (figure 18). 

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