Les surdités post méningite bactérienne aigue de l’enfant

La méningite est un processus inflammatoire qui atteint les méninges, son origine est généralement infectieuse [1]. Le plus souvent, ces méningites sont d’origine virale (70 à 80%). Elles sont habituellement bénignes, mais dans 20 à 25 % des cas, les méningites sont dues à des bactéries pyogènes[1]. Elles peuvent être graves et leur évolution spontanée est pratiquement toujours mortelle. Dans certaines situations, elles exposent à des séquelles majeures notamment auditives, aboutissant à des handicaps auditifs permanents retentissant sur le développement du langage, la scolarité et la vie sociale future surtout des enfants [2]. Les méningites bactériennes constituent la première cause de surdité neuro-sensorielle chez l’enfant [3] Elles sont responsables de plus de 6% des surdités acquises post-natales, qui représentent entre 7 à 11% de toutes les surdités neurosensorielles de l’enfant [4]. En effet, la prévalence de survenue d’une surdité après une méningite bactérienne pourrait aller jusqu’à 40% [3]. Ces méningites bactériennes sont dues généralement à trois germes: le Méningocoque, le Pneumocoque et le Streptocoque B retrouvé fréquemment chez le nouveau né et le petit nourrisson. D’autres germes peuvent être incriminés, notamment l’Heamophilus Influenzae b, fort pourvoyeur de séquelles auditives, mais dont la prévalence a nettement diminuée depuis l’émergence de la vaccination [2].

La surdité neurosensorielle de l’enfant

La surdité est le déficit neurosensoriel le plus fréquent chez l´enfant, et la méningite en représente la première cause, quand il s’agît de surdités acquises. La prévalence des surdités bilatérales sévères et profondes est estimée entre 0.5 à deux enfants pour 1000 naissances [3,9,10]. Selon la littérature, environ 25 % des surdités neurosensorielles de l´enfant sont d’origine acquise, 50% sont d’origine génétique [10,13], et 25 % restent d´origine inconnue. Les surdités acquises peuvent s’installer en période pré, péri ou post-natales.

La méningite doit être considérée comme une étiologie particulière de surdités postnatales, car 6 à 9% des surdités acquises de l’enfant sont dues à une méningite, le chiffre passant à 25 % si on ne considère que les surdités sévères ou profondes acquises[14]. D’autant plus qu’elle peut associer de nombreux facteurs péjoratifs : surdité évolutive, ossification cochléaire empêchant une implantation cochléaire classique ou responsable de difficultés de réglages, atteinte possible de la population neuronale responsable de résultats variables, possibles séquelles motrices ou cognitives[14] .

Sous un autre angle, les études antérieures rapportent que la prévalence de survenue d’une surdité neurosensorielle après une méningite bactérienne est très variable, allant jusqu’à 44,4% [4,15] comme le montre le tableau XII, où nous avons regroupé les principales études ayant porté sur les méningites bactériennes de l’enfant, prenant en compte tous les germes pouvant être isolés afin de pouvoir comparer les taux globaux de surdité neurosensorielle.

Physiopathologie de la surdité post méningitique

Au décours d’une méningite bactérienne, la surdité neurosensorielle découle de plusieurs phénomènes qui aboutissent à la destruction de l’architecture de l’oreille interne. La pénétration bactérienne s’effectue le plus souvent par pénétration du liquide cérébrospinal dans le canal cochléaire ou via l’aqueduc de la cochlée, et plus rarement par voie hématogène [2,16]. Il en résulte une labyrinthite bactérienne puis une destruction progressive des cellules ciliées internes. Les facteurs aboutissant à cette destruction sont les suivants:

– la destruction neuronale du ganglion spiral par nécrose et stress oxydatif

– l’infiltration cochléaire par les polynucléaires neutrophiles et relargage de radicaux libres, de cytokines pro-inflammatoires et de médiateurs cytotoxiques dans l’endolymphe [2,19]. Cette inflammation est corrélée à la rupture de la barrière hémato-labyrinthique [BHL], ce qui augmente encore l’exposition des cellules ciliées aux molécules cytotoxiques et favorise le changement de composition de l’endolymphe. La rupture de la BHL est retrouvée expérimentalement jusqu’ a 15 jours après le début de l’infection

– La perturbation de la biochimie de l’endolymphe, notamment par augmentation de la viscosité du liquide endolymphatique et donc baisse de la différence de potentiel endolymphatique, ce qui empêche la dépolarisation des cellules ciliées internes et entraîne leur destruction au-delà d’une certaine limite.

– L’augmentation de la pression du LCR donc du liquide endolymphatique

– La sécrétion d’endotoxines par les organismes pathogènes concernés, en particulier par le pneumocoque qui sécrète la pneumolysine [2,20].

Les lésions débutent par l’atteinte du ganglion spiral, ainsi que par l’atteinte du tour cochléaire basal, puis se généralisent à l’ensemble de la cochlée en cas d’atteinte sévère pouvant même entrainer une péri-névrite du nerf auditif  . Les lésions initiales expliquent la prédominance de la perte auditive sur les fréquences aigues. Ces événements se produisent le plus souvent dans les premières heures, mais peuvent survenir de manière retardée.

Une fibrose cochléaire résulte de la réaction inflammatoire, comblant ainsi les rampes tympanique, vestibulaire et le canal cochléaire. Ceci se produirait durant la première semaine ou dans les tous premiers mois suivant l’infection [2,22]. Toutefois, des surdités peuvent apparaitre jusqu’à 2 ans après la méningite. La présence de fibrose cochléaire entraîne nécessairement une surdité sévère et limite les possibilités d’implantation cochléaire suite à l’obstruction de la lumière cochléaire, ne laissant la place qu’à une insertion partielle ou une implantation du tronc cérébral.

Par ailleurs, l’altération de l’état neurologique aggraverait l’atteinte auditive. Certaines atteintes cérébrales à type de thrombophlébite, d’ischémie corticale, ou encore la toxicité nerveuse des toxines bactériennes, peuvent compliquer ces méningites et affecter les voies ou le cortex auditifs. L’augmentation de la pression intra-crânienne aggrave ce phénomène [2,23]. Les méningites peuvent également évoluer en thrombophlébites septiques en envoyant des embols sceptiques vers les micro-vaisseaux, conduisant à des lésions hypoxiques de la cochlée, du nerf cochléaire ou des voies auditives centrales.

Enfin, certains antibiotiques, administrés souvent à forte dose par voie intraveineuse afin d’améliorer le pronostic vital, sont ototoxiques, en particulier les aminosides.

Facteurs de risque de surdité post méningite bactérienne aigue 

Les facteurs de risque de la surdité post-méningitique comprennent de nombreuses variables. Les plus décrites sont : le sexe masculin, le pneumocoque, les crises convulsives, les troubles de conscience, l’atteinte neurologique focale, l’hypoglycorrachie, l’hyperproteinorrachie et/ou la leucorrachie élevée, le délai avant antibiothérapie, le séjour en réanimation et la durée d’hospitalisation prolongée [2]. Ces facteurs sont à prendre en compte devant toute méningite, afin de sensibiliser le suivi auditif.

Table des matières

INTRODUCTION
PATIENTS & MÉTHODES
I. Critères d’inclusion
II. Critères d’exclusion
III. Source des données
IV. Critères d’évaluation
1. Liés au terrain
2. Cliniques
3. Biologiques
4. Thérapeutiques
V. Mode de suivi auditif
VI. Matériel de dépistage et de confirmation
1. Audiométrie
2. OEA
3. PEA
VII. Analyse statistique des facteurs de risque
RÉSULTATS
I. Epidémiologie
1. La cohorte
2. L’âge
3. Le sexe
4. Le niveau socio-économique
II. Clinique et paraclinique
1. Les antécédents
2. Le délai de prise en charge
3. Le tableau clinque à l’admission
4. Les germes incriminés
III. Prise en charge de la méningite
1. L’antibiothérapie
2. Le séjour en réanimation
3. Le traitement adjuvant
IV. Facteurs de risque de surdité post méningite bactérienne aigue
V. Le suivi audiologique
1. Etude analytique des cas de surdité
2. Etude statistique des cas de surdité
VI. Prise en charge de la surdité
DISCUSSION
I. Epidémiologie
1. La méningite bactérienne
2. La surdité neurosensorielle de l’enfant
II. Physiopathologie de la surdité post méningitique
III. Facteurs de risque de surdité post méningite bactérienne aigue
1. Le sexe
2. La fièvre
3. Le purpura fulminans
4. Les signes neurologiques
5. Le délai de prise en charge
6. Le séjour en réanimation et la durée d’hospitalisation
7. Le germe
8. La réaction cellulaire
9. La corticothérapie
IV. Surveillance audiologique
V. Diagnostic positif de la surdité
VI. Surveillance radiologique
VII. Bilan orthophonique
VIII. Prise en charge
1. Moyens
2. Indications
CONCLUSION

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